ACTUALITÉ
SOCIAL

Contrôle Urssaf : nullité du redressement calculé de façon illicite, même en accord avec le cotisant
Lorsque les opérations de contrôle conduisent l’inspecteur du recouvrement de l’Urssaf à constater des anomalies dans la détermination des bases de cotisations et contributions sociales, il est habilité à procéder au redressement de celles-ci. L’agent de contrôle doit normalement se fonder à cette fin sur l’ensemble des éléments comptables produits par le redevable. L’article R 243-59, II du CSS fait ainsi obligation au cotisant de mettre à disposition de l’agent tout document et de permettre l’accès à tout support d’information nécessaires aux opérations de contrôle.
La règle est impérative et conduit, à défaut, à la nullité du redressement et des actes qui s’en suivent, notamment de la mise en demeure et, le cas échéant, de la contrainte (Cass. 2e civ. 29-7-2009 n° 08-17.788 ; Cass. 2e civ. 13-10-2022 n° 21-11.754).
Le principe souffre toutefois certaines exceptions. L’agent peut ainsi recourir au contrôle et au redressement par échantillonnage et extrapolation dans les conditions strictement définies par les dispositions de l’article R 243-59-2 du CSS. Il peut également user de la taxation forfaitaire lorsque la comptabilité du cotisant ne permet pas, en raison de ses lacunes ou de son insincérité, a fortiori de son inexistence, d’établir le chiffre exact des éléments de rémunération servant de base aux cotisations et contributions, ou lorsque le cotisant ne met pas à la disposition de l’agent les documents et justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou que leur présentation ne permet pas leur exploitation (CSS art. R 243-59-4, I).
Le recours à la taxation forfaitaire est exceptionnel : le redressement est frappé de nullité dès lors que les éléments dont dispose l’agent de l’Urssaf permettent de procéder à la reconstitution des bases de cotisations et contributions (sur la question, voir Cass. soc. 9-11-1978 n° 77-13.723 ; Cass. soc. 23-2-1995 n° 92-18.385 ; Cass. 2e civ. 9-11-2017 n° 16-22.572).
En l’espèce, l’Urssaf et l’employeur s’étaient accordés sur une méthode d’évaluation pour le calcul des sommes dues au titre de certains des chefs de redressement rendu délicat par la coexistence au sein de l’entreprise de salariés permanents et de travailleurs intérimaires. L’employeur n’en avait pas moins contesté à l’appui de son recours contentieux la détermination des bases du redressement sur le fondement de la convention ainsi conclue.
Pour les juges du fond, une telle méthode ne pouvait être retenue, l’Urssaf étant tenue de procéder au chiffrage exact des sommes réclamées sans pouvoir recourir à une méthode contrevenant aux règles d’ordre public énoncées par le CSS.
La solution est confirmée par la Cour de cassation (pourvoi n° 22-13.480), qui, après avoir rappelé les règles qui président au redressement des bases de cotisations et contributions sociales, dont elle précise qu’elles doivent faire l’objet d’une « application stricte », énonce, on ne peut plus clairement, que l’Urssaf ne peut, sauf à encourir la nullité des opérations de contrôle et de redressement, recourir, « même d’un commun accord avec le cotisant », à une méthode d’évaluation autre que le chiffrage direct des sommes dues dès lors qu’elle a à sa disposition les éléments de la comptabilité qui lui permettent d’établir le redressement sur des bases réelles.


Modification de contrat pour externaliser : si refus, le licenciement doit avoir une cause économique
Dans cette affaire, dans le cadre d’une réorganisation liée à un projet d’externalisation de certaines activités impliquant la suppression du poste du salarié concerné, engagé en qualité d’ingénieur support technique, ce dernier a été licencié après avoir refusé une proposition de poste d’ingénieur avant-vente, s’analysant en une proposition de modification de son contrat de travail, l’employeur soutenant avoir activement recherché son reclassement.
La cour d’appel de Versailles ayant débouté le salarié de ses demandes tendant à voir juger notamment ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (CA Versailles 29-9-2009 n° 20/00656), ce dernier a formé un pourvoi (n° 22-23.468) contre cette décision devant la Cour de cassation, laquelle censure l’arrêt des juges du fond dans un arrêt du 22 janvier 2025 destiné à une large publication.
La chambre sociale rappelle, d’une part, que le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (jurisprudence constante, notamment Cass. soc. 7-7-1998 n° 96-40.256) et, d’autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.
Elle poursuit en indiquant qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur d’externaliser ses activités commerciales dont l’intéressé avait la charge. L’employeur se bornait à soutenir que le refus des postes qui avaient été proposés caractérisait « une situation intolérable et inacceptable ».
L’employeur n’ayant allégué, ni dans la lettre de licenciement, ni dans ses conclusions, que cette réorganisation, à l’origine de la proposition de modification de contrat, résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise (conformément à l’article L 1233-3 du Code du travail), il en résulte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Cette solution va dans le sens de solutions précédentes rendues à propos du licenciement de salariés ayant refusé une modification de contrat de travail, quand la proposition de modification ne repose pas sur un motif personnel sans pour autant que l’employeur justifie d’un motif économique valable. Il en est ainsi lorsque la modification est motivée par la volonté de l’employeur de réorganiser un service de l’entreprise (Cass. soc. 11-7-2018 n° 17-12.747), de modifier le taux de rémunération variable de certains salariés pour garantir une égalité de rémunération avec d’autres salariés (Cass. soc. 28-5-2019 n° 17-17.929) ou de modifier l’organisation du travail après un contrôle de l’inspection du travail (Cass. soc. 19-6-2019 n° 18-11.824).
A noter : Bien que rendue dans le cadre juridique antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016, cette décision nous paraît transposable au cadre juridique actuel. En effet, la loi Travail a simplement complété la liste des causes possibles de licenciement économique figurant à l’article L 1233-3 du Code du travail, en ajoutant aux difficultés économiques et aux mutations technologiques deux autres causes consacrées par la jurisprudence, à savoir la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité.


Quel droit au versement d’une prime d’objectifs en cas d’arrêt prolongé pour maladie ?
L’arrêt de travail pour maladie ou accident, professionnel ou non, suspend le contrat de travail. En principe, l’inexécution de son travail par le salarié dispense l’employeur de son obligation de lui verser une rémunération (C. trav. art. L 1226-1), sauf dispositions légales ou conventionnelles prévoyant le maintien de salaire, comme en cas de maladie. Mais quelle est l’incidence de l’absence sur le versement d’une prime ? Le salarié peut-il en demander le paiement ?
Il convient en la matière de s’en remettre aux dispositions fixant les conditions d’attribution de la gratification (convention ou accord collectif de travail, contrat de travail, etc.) et, le cas échéant, aux usages en vigueur dans l’entreprise. Le versement d’une prime peut ainsi être subordonné à la présence ou à l’activité effective du salarié dans l’entreprise au cours de l’exercice. Dans ce cas, son absence peut entraîner une baisse du montant attribué (versement au prorata du temps de présence) voire une suppression de la prime pour la période de suspension du contrat de travail.
En l’espèce, une salariée a été victime d’un accident du travail le 13 septembre 2017. Placée en arrêt maladie en janvier 2018, puis déclarée inapte à son poste de travail le 16 décembre 2019, elle a été licenciée pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement le 13 février 2020. Elle a alors saisi la justice pour réclamer notamment un rappel de primes d’objectifs sur les années 2017 à 2020 pendant lesquelles elle était absente.
Les juges d’appel font droit à sa demande. Pour condamner l’employeur au paiement de la prime, ils retiennent que si celle-ci n’était pas prévue au contrat de travail, elle était versée semestriellement en fonction d’objectifs fixés par l’entreprise. Aussi, dès lors qu’il n’existait aucune indication quant à la suspension de la prime d’objectifs en cas d’absence, et que la salariée ne s’était pas vu fixer ses objectifs en début d’exercice, elle pouvait prétendre au montant maximal de la prime perçue précédemment. Les juges appliquent ici la règle d’octroi de la prime d’objectifs entière lorsque l’employeur n’a pas fixé ses objectifs au salarié alors qu’il le devait.
La société se pourvoit en cassation. Elle fait valoir que durant un arrêt maladie, le salarié peut uniquement percevoir les gratifications qui ne dépendent pas de sa prestation de travail. Par conséquent, l’employeur ne peut pas être condamné au paiement d’une rémunération variable dépendant de l’atteinte d’objectifs, pour n’avoir pas fixé ces objectifs au salarié, dès lors qu’en tout état de cause, cette rémunération variable n’était pas due.
La chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n° 23-19.352) retient les arguments de l’employeur et censure la décision de la cour d’appel au visa des articles L 1226-1 du Code du travail et 1103 du Code civil. Elle rappelle ainsi que la suspension du contrat de travail dispense l’employeur de son obligation de rémunération du salarié et que, sauf clause contractuelle ou conventionnelle contraire, un salarié ne peut prétendre recevoir une prime, lorsqu’elle a été instituée pour rémunérer une activité ou récompenser les services rendus, que dans la mesure du travail effectivement accompli (en ce sens : Cass. soc. 18-12-1984 n° 82-41.559). Les juges ne pouvaient donc pas condamner l’employeur à payer une somme à la salariée au titre de prime d’objectifs alors qu’ils avaient constaté qu’elle dépendait de la réalisation d’objectifs et que la salariée, dont le contrat de travail avait été suspendu pour maladie pendant plus de 3 ans, ne se prévalait d’aucune clause de maintien de salaire.
A noter : La position de la chambre sociale se justifie en l’espèce par l’absence d’obligation de maintien de salaire par l’employeur. En cas d’arrêt maladie pendant la période de référence de calcul d’une prime d’objectifs, le salarié ne peut prétendre à son paiement que s’il a droit au maintien de son salaire. La solution pourrait être différente si, par exemple, les absences pour maladie du salarié sont consécutives à un harcèlement moral de l’employeur. Dans une telle hypothèse, les juges considèrent que l’intégralité de la prime peut être accordée (Cass. soc. 23-9-2009 n° 08-44.061).

La Cour des comptes épingle l’Index égalité professionnelle
La Cour des comptes a publié avant-hier un rapport sur « les inégalités entre les femmes et les hommes, de l’école au marché du travail ».
Dans ce rapport, la Cour des comptes juge sévèrement l’Index égalité professionnelle. Elle y voit « un index de façade dont la logique de résultats n’est pas probante ».
Si « en 2023, la note moyenne à l’index est de 88 points sur 100, soit + 2 % par rapport à 2022″, ce bilan globalement positif mérite néanmoins d’être nuancé à plusieurs titres », indique la Cour des comptes :
- 7,6 % des entreprises ont une note globale encore inférieure à 75 points ;
- l’Index ne touche qu’une faible part des salariés du privé du fait de ses règles d’assujettissement et de sa méthode de calcul ;
- les entreprises entre 50 et 250 salariés ne sont pas soumises au critère d’écart dans les promotions ;
- l’Index tend à invisibiliser les inégalités réelles entre femmes et hommes : ainsi, dans le calcul de l’indicateur 1, un seuil dit « de pertinence » d’une valeur de 5 % s’applique automatiquement pour calculer le pourcentage d’écart salarial global.

Vers une contractualisation des primes versées par erreur durant plusieurs années ?
Les primes peuvent être prévues par une convention ou un accord collectif de branche ou d’entreprise, le contrat de travail, un usage ou un engagement unilatéral (primes dites obligatoires). Certaines primes n’ont aucune source juridique ; elles dépendent du « bon vouloir » de l’employeur (primes dites bénévoles).
Si l’employeur peut décider librement de supprimer une prime bénévole ou d’en modifier les conditions d’attribution, il ne peut pas supprimer unilatéralement une prime obligatoire.
Mais l’employeur peut-il supprimer une prime conventionnelle versée par erreur ?
Si en principe, l’erreur n’est pas créatrice de droit, parfois, la source du paiement d’une prime peut provenir d’une erreur de l’employeur, répétée pendant plusieurs années.
Dans un arrêt du 13 décembre 2023, la Cour de cassation a jugé que la contractualisation d’une prime peut résulter d’une erreur de l’employeur. En l’espèce, suite à un défaut de paramétrage de son logiciel de paie, l’employeur avait versé par erreur, pendant sept ans, des primes à un salarié.
Cette décision peut paraître étonnante dans la mesure où il est de jurisprudence constante que l’erreur, même répétée, n’est pas créatrice de droit (arrêt du 10 mai 1979) et que la correction d’une erreur n’est pas considérée comme constitutive d’une modification de la rémunération du salarié nécessitant son accord exprès (arrêt du 19 juin 2019).
Dans un arrêt du 4 décembre 2024, la Cour confirme la position prise en 2023.
Dans cette affaire, une salariée avait perçu une prime d’ancienneté conventionnelle pendant plusieurs années (de 1994 à 2014). Mais son niveau de rémunération ne lui permettait pas de revendiquer le versement de cette allocation d’ancienneté. Il s’agissait donc d’une erreur de l’employeur qu’il finit par rectifier en 2015. La salariée saisit alors la justice pour obtenir le rétablissement de la prime et un rappel de paiement de cette prime à compter de 2015. Les juges du fond ne font pas droit à ses demandes.
Ils sont censurés par la Cour de cassation.
Pour cette dernière, l’allocation supplémentaire pour ancienneté était devenue, en raison de son paiement systématique par l’employeur pendant 20 ans, indépendamment de toute condition conventionnelle d’attribution, un élément de rémunération de la salariée.
Sur la base des décisions de 2023 et 2024, les juges peuvent donc conclure qu’une erreur devient un élément contractuel sur lequel l’employeur ne peut plus revenir, en tout cas lorsqu’il s’agit d’une erreur répétée durant plusieurs années.
La longévité de l’erreur semble, en effet, être une condition déterminante dans la position de la Cour de cassation. Ainsi, l’ancienneté de l’erreur pourrait dorénavant aboutir à la contractualisation de l’avantage indu.
En attendant une position de principe de la Cour de cassation, ces arrêts doivent inviter l’employeur à faire preuve d’une grande vigilance et à éviter, autant que faire ce peut, de commettre des erreurs sur la rémunération du salarié.


Succession de contrats de mission sans délai de carence : pas de requalification auprès de l’utilisateur
À l’issue d’un contrat précaire, il est interdit de conclure un nouveau contrat à durée déterminée (CDD) ou contrat de mission avant l’expiration d’un délai de carence (C. trav. art. L 1244-3 et L 1251-36). En cas de non-respect de ce délai, la requalification des contrats précaires en contrat à durée indéterminée (CDI) est encourue. Le Code du travail en écarte l’application dans certains cas limitativement énumérés (C. trav. art. L 1244-4-1 et L 1251-37-1), parmi lesquels l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.
Les dispositions légales ci-dessus, listant les cas dans lesquels le délai de carence est écarté, ne s’appliquent qu’à défaut de convention ou d’accord de branche étendu sur ce point (C. trav. art. L 1244-4 et L 1251-37). Un tel accord ne doit toutefois ni exclure systématiquement tout délai de carence (CE 27-4-2022 n° 440521) ni contourner l’interdiction de recourir au CDD ou au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav. art. L 1242-1 et L 1251-5), laquelle est d’ordre public (CE 19-5-2021 n° 426825).
Dans un arrêt publié du 15 janvier 2025 (pourvoi n° 23-20.168), la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence sur l’action en requalification exercée par le salarié à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire (ETT) en raison du non-respect par celle-ci du délai de carence entre deux contrats de mission. Ce faisant, elle rappelle l’étendue du contrôle de motivation qu’elle opère sur l’appréciation par les juges du fond des motifs du recours au contrat de mission.
En l’espèce, un salarié est mis à la disposition d’une société par son ETT suivant 15 contrats de mission successifs, du 7 janvier au 9 août 2019, tous motivés par un accroissement temporaire d’activité. Il est ensuite embauché sous CDD par l’entreprise utilisatrice, du 2 septembre au 31 décembre 2019, pour le même motif. Victime d’un accident du travail au début de son CDD, il est licencié fin 2019.
Le 3 mars 2020, le salarié saisit le conseil de prud’hommes de demandes en requalification de ses contrats de mission et de son CDD en CDI, et en paiement in solidum de diverses sommes au titre de cette requalification et de la rupture de son contrat de travail. Le salarié ayant obtenu gain de cause, les deux entreprises font appel du jugement. La cour d’appel fait droit à leur demande. À l’appui de son pourvoi, le salarié invoque le non-respect du délai de carence entre ses contrats de mission pour justifier leur requalification.
Le délai de carence s’impose en cas d’accroissement temporaire d’activité
L’intérimaire s’appuie sur la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle les dispositions de l’article L 1251-40 du Code du travail, qui fondent l’action en requalification du salarié temporaire à l’encontre de l’entreprise utilisatrice lorsque celle-ci méconnait ses obligations, n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’ETT lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite n’ont pas été respectées.
Ainsi, l’ETT ne peut conclure, avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de mission successifs qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par l’article L 1251-37 du Code du travail, au nombre desquels ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité. Si cette condition n’est pas respectée, la requalification en CDI est encourue auprès de l’ETT (Cass. soc. 12-6-2014 n° 16-16.362 ; Cass. soc. 12-11-2020 n° 18-18.294 ; Cass. soc. 6-7-2022 n° 20-21.698).
Aux termes de l’article L 1251-40 du Code du travail, le salarié peut solliciter la requalification de ses contrats de mission en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice lorsque celle-ci méconnaît les dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 (cas de recours), L 1251-11, L 1251-12-1, L 1251-30 et L 1251-35-1 (fixation du terme et durée) du Code du travail ou les stipulations des conventions et accords de branche conclus en application des articles L 1251-12 et L 1251-35 du même Code.
La cour d’appel déboute le salarié de ses demandes. Ayant constaté qu’il n’apparaît pas que les contrats de mission ont été conclus pour la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité au sens de l’article L 1251-37 du Code du travail, elle retient pourtant que l’entreprise utilisatrice ne pouvait pas s’affranchir des délais de carence qui n’avaient pas été respectés. Elle juge ainsi que le non-respect des délais de carence ne constitue nullement une cause de requalification des contrats de mission en un CDI et ne forme qu’un indice allant dans le sens de la violation de l’interdiction de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise par le recours au travail temporaire.
L’ETT manque à ses obligations en ne respectant pas le délai de carence
Ces motifs sont censurés par la Cour de cassation, qui rappelle ici sa jurisprudence visée ci-dessus en précisant que, si la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité permet la conclusion de contrats successifs avec le même salarié sur le même poste sans délai de carence, tel n’est pas le cas de l’accroissement temporaire d’activité.
En statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a donc pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. Le respect du délai de carence prévu par l’article L 1251-36 du Code du travail s’imposait et l’ETT a failli à ses obligations en ne l’observant pas. Le salarié était donc légitime à demander la requalification de ses contrats de mission en CDI auprès de l’ETT.
A noter : Comme l’a souligné l’avocat général référendaire dans son avis joint à l’arrêt, la cour d’appel a motivé son refus de la requalification exclusivement à partir d’éléments propres à l’entreprise utilisatrice. « Bien que reconnaissant l’existence d’un manquement au délai de carence, cette confusion l’a conduite à apprécier ce manquement dans le chef de la seule entreprise utilisatrice et à ne se fonder que sur les seules règles propres à l’action en requalification dirigée contre celle-ci […] ». Or, en tout état de cause, le salarié ne pouvait se fonder sur le non-respect du délai de carence par l’entreprise utilisatrice pour obtenir une requalification des contrats de mission en CDI auprès d’elle, l’article L 1251-36 du Code du travail ne figurant pas au nombre des dispositions limitativement énumérées par l’article L 1251-40 du Code du travail. La Cour de cassation considère de longue date que les dispositions de l’article L 1251-40 du Code du travail ne sont pas applicables à la méconnaissance par l’utilisateur de celles relatives au délai de carence (Cass. soc. 23-2-2005 n° 02-44.098 ; Cass. soc. 29-3-2023 n° 21-21.317), même dans le cas de la succession d’un contrat de mission et d’un CDD (Cass. soc. 27-9-2023 n° 21-21.154).
La chambre sociale profite de l’occasion pour préciser que la conclusion de contrats successifs avec le même salarié sur le même poste sans délai de carence ne vaut qu’à défaut de stipulation contraire dans la convention ou l’accord de branche conclu en application de l’article L 1251-37 du Code du travail. Elle complète ainsi son analyse pour tenir compte de la nouvelle rédaction de cet article issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. Soulignons qu’en l’espèce, comme dans les litiges ayant donné lieu aux arrêts antérieurs, la Haute Juridiction était invitée à abandonner sa jurisprudence, l’ETT soutenant que ce sont les dispositions conventionnelles applicables dans l’entreprise utilisatrice qui déterminent l’éviction du délai de carence et qu’en conséquence les obligations propres à ce délai relèvent uniquement de l’utilisateur.
Ainsi, si l’existence-même et les modalités de calcul d’un délai de carence entre deux contrats de mission sont susceptibles de dépendre d’une convention collective ou d’un accord de branche de l’entreprise utilisatrice, en l’absence de dispositions conventionnelles, les dispositions légales, qui sont similaires à celles en vigueur avant l’ordonnance de 2017, sont applicables. Par cette décision, la Cour de cassation affirme ainsi qu’elle n’entend pas, dans cette hypothèse, revenir sur sa jurisprudence antérieure.
A notre avis : Cette solution doit être approuvée dès lors que le travail temporaire n’est qu’une dérogation à la prohibition du prêt de main-d’œuvre à but lucratif et que les ETT ne sont autorisées à mettre à la disposition d’entreprises utilisatrices des salariés intérimaires qu’à la condition de respecter les obligations qui sont mises à leur charge, sous peine de sortir du champ d’application du travail temporaire et d’encourir la sanction de la requalification du contrat de mission en CDI, qui est la forme normale et générale de la relation de travail.
Le second moyen à l’appui du pourvoi concerne le motif de recours au contrat de mission. Le salarié intérimaire faisait valoir que l’entreprise utilisatrice ne pouvait recourir de façon systématique aux contrats précaires pour faire face à un besoin structurel de main-d’œuvre. Pour le débouter de ses demandes en requalification de ses contrats de mission en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel considère que le recours à des salariés intérimaires peut être autorisé pour les besoins d’une ou de plusieurs tâches résultant de l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu’il soit nécessaire que l’accroissement présente un caractère exceptionnel.
Pour les juges du fond, l’entreprise utilisatrice justifiait suffisamment qu’elle se trouvait contrainte par la commande publique à constituer très rapidement des équipes pour intervenir sur des chantiers dont elle ne pouvait prévoir ni la durée ni la taille. Dès lors, le recours à l’intérim pendant 7 mois n’a pas eu pour effet ou pour objet de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice soumise aux cycles irréguliers de la commande publique. En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat (Cass. soc. 28-11-2007 n° 06-44.843).
Tel n’est pas, là encore, l’avis de la chambre sociale, qui casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle en premier lieu qu’il résulte des articles L 1251-5, L 1251-6 et L 1251-40 du Code du travail que la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de mission successifs avec le même salarié intérimaire pour répondre à un accroissement temporaire d’activité ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente (Cass. soc. 21-10-2020 n° 19-23.139).
Elle considère ensuite que les motifs tirés des contraintes de la commande publique mis en avant par l’utilisateur ne suffisaient pas à caractériser, d’une part, un accroissement temporaire d’activité, d’autre part, un contrat n’ayant ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
A noter : Si les juges du fond sont souverains pour apprécier les éléments de fait et de preuve qui leur sont soumis pour établir la réalité de ce motif, la chambre sociale rappelle avec cet arrêt que dans le cadre de son contrôle de motivation elle vérifie que les motifs retenus sont suffisants à caractériser que l’accroissement temporaire d’activité n’avait pas pour objet de pourvoir à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice. Or, elle estime, en l’espèce, que ces éléments n’étaient pas réunis.


Frais professionnels : le Boss supprime les mesures temporaires ayant pris fin en 2024
Dans une mise à jour du 21 janvier 2025, le Boss actualise au 1er janvier 2025 les données paramétriques du chapitre 4 relatif aux frais de transport domicile/ lieu de travail de la rubrique relative aux remboursements de frais professionnels. Le Boss prend acte de la fin des différentes mesures temporaires prévues par l’article 2 de la loi 2022-1157 du 16 août 2022 (Boss-FP-515 modifié).
A noter : Dans une actualité du 24 décembre 2024, le Boss précisait que, dans la rubrique « Remboursements de frais professionnels », certains dispositifs qui devaient s’éteindre à la fin de l’année 2024 feraient l’objet d’une prolongation dont les modalités seraient à préciser. Toutefois, dans sa mise à jour du 21 janvier 2025, l’administration supprime de son contenu l’ensemble des mesures temporaires prévues par l’article 2 de la loi du 16 août 2022.
D’abord, l’article 2, I de la loi du 16 août 2022 de financement rectificative pour 2022 avait prévu le relèvement temporaire des plafonds d’exclusion de l’assiette sociale applicables à la prime transport et au forfait mobilités durables à 700 € par an (900 € en outre-mer), dont 400 € maximum par an (600 € en outre-mer) au titre des frais de carburant pour les années 2022 et 2023. L’article 29 de la loi 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 avait prolongé la mesure pour l’année 2024.
Dans le même temps, l’article 7 de la loi du 29 décembre 2023 avait relevé les plafonds de manière pérenne à 600 € (contre 500 € auparavant) par an, dans la limite de 300 € (contre 200 € auparavant) pour les frais de carburant. Il avait également fixé à 900 € (contre 800 € auparavant) le plafond en cas de cumul entre le forfait mobilités durables et un abonnement aux transports publics ou à un service public de location de vélos à compter du 1er janvier 2025 (CGI art. 81, 19 ter-b ; CSS art. L 136-1-1, III-4o-e et L 242-1).
Le Boss supprime les mesures temporaires et mentionne désormais que la prise en charge par l’employeur des frais de carburant ou d’alimentation d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène est exonérée de contributions et cotisations sociales dans la limite de 300 € par an et par salarié pour les frais de carburant et dans la limite de 600 € pour les frais d’alimentation d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène (BOSS-FP-830-970-980-1130-1150 modifiés).
Ensuite, l’article 2, II de la loi du 16 août 2022 prévoyait deux autres mesures temporaires pour les années 2022 et 2023, également prolongées pour l’année 2024 par la loi de finances pour 2024 :
– la suppression des deux conditions alternatives de l’article L 3261-3 du Code du travail pour l’octroi de la prime de transport ;
– l’autorisation du cumul de la prime transport et de la prise en charge obligatoire par l’employeur des frais d’abonnement aux transports publics, en principe interdit par le dernier alinéa de l’article L 3261-3 du Code du travail.
L’administration supprime du Boss les contenus relatifs aux dispositions temporaires. Les dispositions de l’article L 3261-3 du Code du travail sont redevenues pleinement applicables depuis le 1er janvier 2025 (BOSS-FP-860 et 930 modifiés).
A noter : L’employeur peut en principe octroyer une prime transport uniquement pour les salariés (C. trav. art. L 3261-3) :
– dont la résidence habituelle ou le lieu de travail soit est situé dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier ou un service privé mis en place par l’employeur, soit n’est pas inclus dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire ;
– ou dont les horaires de travail particuliers ne leur permettent pas d’utiliser un mode collectif de transport.
Enfin, l’employeur a l’obligation de prendre en charge 50 % du prix des titres d’abonnement à des transports publics ou services publics de location de vélos souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail (C. trav. art. L 3261-2). Cette prise en charge obligatoire est exonérée d’impôt sur le revenu et des contributions et cotisations sociales (CGI art. 81, 19 ter-a ; CSS art. L 136-1-1, III-4-d et L 242-1). L’article 2, III de la loi du 16 août 2022 a temporairement étendu le bénéfice de l’exonération de cotisations pour les années 2022 à 2024 à la prise en charge facultative de l’employeur, dans la limite de 25 % du prix des titres d’abonnement.
Le Boss prévoit, en cas de prise en charge facultative par l’employeur, que cette part de prise en charge facultative est exonérée dans la limite des frais réellement engagés, sauf pour les salariés travaillant dans une autre région administrative que celle où ils résident pour convenance personnelle (Boss-FP-770).
Il précisait que, de 2022 à 2024, cette prise en charge facultative est exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales sans condition lorsque la prise en charge facultative par l’employeur n’excède pas 25 % du coût de l’abonnement pour les salariés travaillant dans une autre région administrative que celle où ils résident, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 16 août 2022. En d’autres termes, la prise en charge par l’employeur des frais de transports publics était exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales à hauteur de 75 % du coût du titre d’abonnement au total sans qu’il y ait lieu de s’attacher à vérifier l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail. La mesure temporaire ayant pris fin le 31 décembre 2024, le Boss supprime cette précision (Boss-FP-770 modifié).
A noter : Un amendement, adopté au Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2025, prévoit la prolongation jusqu’au 31 décembre 2025 de la mesure prévue par l’article 2, III de la loi du 16 août 2022.


Expertise pour risque grave : des témoignages anonymisés par le CSE peuvent servir d’éléments de preuve
L’affaire commence par la décision de l’un des CSE d’établissement de la société Gaz réseau distribution France (GRDF) de recourir à une expertise pour risque grave. Sans attendre, l’employeur saisit le président du tribunal judiciaire. Il lui demande d’écarter des débats, autrement dit de ne pas prendre compte, les témoignages anonymes produits par le CSE pour prouver qu’il y avait bien un risque grave dans l’établissement et d’annuler la délibération adoptée par les élus du personnel. Sous prétexte que le recours à des témoignages anonymes ne permettait pas de respecter le principe du contradictoire, le président du tribunal fait droit à la demande de l’employeur.
Le principe du contradictoire |
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En cas de procès entre deux parties (un employeur contre un CSE, un salarié contre un employeur, un syndicat contre l’entreprise), chaque partie a le droit de prendre connaissance des observations ou pièces produites par l’autre et de les discuter à tous les stades de la procédure. C’est ça le principe du contradictoire. Il garantit que chaque partie au procès a la possibilité de prendre connaissance des arguments et des preuves présentés par l’autre partie et de les discuter. C’est essentiel pour assurer un procès équitable et garantir le respect des droits de la défense. Le principe du contradictoire est notamment inscrit dans le code de procédure civile, dont l’article 15 prévoit notamment que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de preuve qu’elles produisent. L’article 16 prévoit quant à lui que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. |
Plus précisément, il est jugé que « le principe du contradictoire impose de ne pas tenir compte, dans le cadre du débat judiciaire, d’une pièce non préalablement communiquée dans son intégralité à la partie adverse ».
Or, les pièces produites par le CSE ne permettaient pas à la société de vérifier si les témoignages présentés à l’appui de l’allégation de risque grave émanaient de salariés exerçant les fonctions de chargé d’affaires, ou de salariés faisant partie de ceux à l’encontre desquels une procédure disciplinaire avait été conduite. Elles ne pouvaient donc pas être utilisées pour prouver l’existence d’un risque grave dans l’établissement.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation en décide tout autrement dans un arrêt du 11 décembre 2024.
Pour les magistrats, « si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est cependant connue de la partie qui produit ces témoignages, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence ».
Or, dans cette affaire, les témoignages utilisés par le CSE avaient été anonymisés par ses soins afin de protéger les salariés ayant témoigné d’éventuelles représailles et étaient étayés par d’autres pièces. Il appartenait donc au président du tribunal judiciaire l d’en examiner la valeur et la portée ainsi que des autres pièces dont il avait constaté la production par le comité.
L’affaire est renvoyée devant un autre tribunal judiciaire.


Véhicule mis à disposition par un tiers : la preuve de l’absence d’avantage incombe à l’employeur
La qualification d’avantages en nature s’applique aux avantages afférents à la mise à disposition d’un véhicule pour des déplacements dépourvus de caractère professionnel (Cass. 2e civ. 20-12-2007 n° 06-20.260). L’assujettissement des avantages en nature vaut y compris lorsque ces derniers sont attribués par l’intermédiaire d’un tiers auquel l’employeur rembourse le coût des avantages, par exemple par une autre société du groupe dont relève l’employeur des salariés (Cass. 2e civ. 9-11-2017 n° 16-22.572).
En l’espèce, les salariés de sociétés relevant du bâtiment et des travaux publics bénéficiaient de la mise à disposition permanente d’un véhicule fourni par une association à laquelle ils étaient appelés à adhérer, moyennant le versement d’une cotisation. L’association percevait par ailleurs de l’employeur les sommes qu’elle lui facturait au titre de l’utilisation professionnelle du véhicule. Les sommes ainsi versées par l’employeur doivent-elles entrer dans l’assiette des cotisations et contributions sociales ?
Jusqu’à présent, les juges du fond considéraient notamment, pour assujettir l’avantage à cotisations et contributions sociales, que la cotisation versée à une association des utilisateurs de véhicules par les salariés, en l’échange de laquelle ils obtiennent un véhicule qu’ils peuvent utiliser aussi bien à des fins professionnelles que personnelles, est dérisoire et ne permet pas de couvrir la charge de leurs déplacements personnels. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation cassait systématiquement les solutions en raison de motifs insuffisants à caractériser, dans son principe et dans son montant, l’avantage en nature litigieux (Cass. 2e civ. 7-9-2023 n° 21-15.408 et 21-15.409 ; Cass. 2e civ. 21-3-2024 n° 22-14.486). Désormais, la deuxième chambre civile raisonne en deux temps (pourvois n°s 22-15.766 et 21-25.916).
Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle les règles d’assiette. La mise à disposition permanente, par l’employeur, au profit de ses salariés, d’un véhicule pouvant être utilisé pour leurs déplacements privés, permettant ainsi aux bénéficiaires de faire l’économie de frais de transport qu’ils devraient normalement assumer, constitue, en principe, un avantage en nature. La circonstance selon laquelle le véhicule est mis à la disposition permanente de salariés par l’intermédiaire d’un tiers ne saurait faire obstacle à la constatation de l’existence d’un avantage en nature, lorsque l’attribution de cet avantage résulte de l’appartenance des salariés à l’entreprise.
Dans un second temps, la Cour de cassation précise les règles de preuve applicables. S’il incombe à l’Urssaf d’établir la mise à disposition permanente du véhicule, notamment par le procès-verbal des agents de contrôle qui fait foi jusqu’à la preuve contraire, il appartient ensuite à l’employeur de démontrer que la mise à disposition, fût-ce par l’intermédiaire d’un tiers, est exclusive de tout avantage en nature. L’employeur doit, par conséquent, rapporter la preuve qu’il prend exclusivement en charge le coût afférent aux kilomètres parcourus par ses salariés dans le cadre de leurs déplacements professionnels, sans aucune participation au coût de l’usage personnel du véhicule par ces derniers.
Cette preuve peut être rapportée par tout moyen, conformément à l’article 1358 du Code civil. Toutefois, elle ne peut pas résulter des seules facturations établies par le tiers qui met les véhicules à disposition des salariés, lesquelles doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve. Les juges du fond ayant constaté, dans les deux affaires, qu’une telle preuve n’était pas rapportée par l’employeur, c’est à bon droit qu’ils ont rejeté les demandes de ce dernier tendant à l’annulation du redressement opéré par l’organisme de recouvrement.
A noter : La solution ainsi retenue confirme ainsi l’interprétation stricte qu’il y a lieu de retenir des règles d’assiette des cotisations et contributions et, plus particulièrement, des règles qui peuvent conduire à l’exonération des sommes et avantages dont le salarié bénéficie en contrepartie ou à l’occasion du travail. L’observation vaut non seulement pour l’application de la règle de fond, mais également pour l’administration de la preuve.

La loi sur la prolongation de la dérogation d’usage des titres restaurant pour tout produit alimentaire est publiée
Jusqu’en au 31 décembre 2026, les titres-restaurant peuvent être utilisés pour acquitter en tout ou en partie le prix de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. La prolongation de cette dérogation est portée par la loi n° 2025-56 publiée hier au journal officiel. Avant cette loi, le dispositif devait se terminer le 31 décembre 2024.