ACTUALITÉ
SOCIAL

Licenciement nul comme portant atteinte à la liberté d’expression : la réparation est forfaitaire
Selon une jurisprudence désormais bien établie, le salarié dont le licenciement est annulé et qui demande sa réintégration dans l’entreprise a droit au versement d’une indemnité d’éviction correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi entre son licenciement, ou sa demande de réintégration s’il a abusivement tardé à présenter celle-ci (Cassation n° 17-31.158 ; Cassation n° 19-14.050), et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cassation n° 03-47.517 ; Cassation n° 17-31.624). Sont donc en principe déduits de l’indemnisation les revenus de remplacement et les rémunérations perçus pendant cette période (Cassation n° 04-42.681 ; Cassation n° 16-22.360).
Il en va toutefois différemment lorsque le licenciement est nul en raison d’une atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. L’indemnisation ne subit alors aucune déduction ; elle est dite forfaitaire. Il en est ainsi lorsque le licenciement porte atteinte à l’exercice du droit de grève (Cassation n° 03-47.481) ou d’une activité syndicale (Cassation n° 08-43.277 ; Cassation n° 13-16.434), ou à la liberté d’agir en justice (Cassation n° 17-11.122) ou lorsque le licenciement est fondé sur l’état de grossesse de la femme en violation du principe d’égalité de droit entre les femmes et les hommes (Cassation n° 18-21.862) ou sur l’état de santé du salarié en méconnaissance du droit à la protection de la santé (Cassation n° 10-15.905).
Dans l’arrêt du 23 octobre 2024 (Cassation n° 23-16.479), la chambre sociale de la Cour de cassation ajoute logiquement à cette liste le licenciement intervenu en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression, laquelle est garantie par l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789.


Avantages en nature repas des stagiaires : les nouvelles précisions du Boss
La participation de l’employeur à l’acquisition d’un titre-restaurant par ses salariés est exonérée de cotisations de sécurité sociale dans la limite de 7,18 € (valeur au 1-1-2024) lorsque le montant de cette participation est compris entre 50 % et 60 % de la valeur du titre restaurant (articles L 136-1-1, III-4° du code de la sécurité sociale et 81, 19° du code général des impôts).
Dans sa mise à jour en vigueur au 1-12-2024, le Boss précise que, par tolérance, la participation de l’employeur à l’acquisition de titres-restaurant attribués à ses stagiaires est exonérée de cotisations sociales dans les mêmes conditions que pour les salariés (voir le Boss, Autres éléments de rémunération – Avantages en nature § 130 et Exonérations – Exonérations stagiaires § 80).
Ainsi, la participation de l’employeur à l’acquisition d’un titre-restaurant par ses stagiaires est exonérée de cotisations de sécurité sociale dans la limite de 7,18 € depuis le 1-1-2024, lorsque le montant de cette participation est compris entre 50 % et 60 % de la valeur du titre restaurant.
La fourniture de repas à la cantine de l’établissement moyennant une participation des salariés constitue un avantage en nature. Cet avantage consenti par l’employeur qui en supporte en partie la charge doit être réintégré dans l’assiette de cotisations pour un montant évalué à la différence entre le montant du forfait avantage nourriture (prévu par l’article 1er de l’arrêté du 10-12-2002), soit 5,35 € par repas depuis le 1-1-2024, et le montant de la participation personnelle du salarié. Toutefois, il est admis que lorsque la participation du salarié est au moins égale à la moitié du forfait avantage nourriture, soit 2,675 € depuis le 1-1-2024 (5,35 € x 50 %), l’avantage nourriture peut être négligé.
Dans sa mise à jour en vigueur au 1-12-2024, le Boss précise que, par tolérance, l’avantage nourriture accordé au stagiaire peut être négligé dans les mêmes conditions que pour les salariés (Boss, Autres éléments de rémunération – Avantages en nature § 170 et Exonérations – Exonérations stagiaires § 80). Ainsi, lorsque la participation du stagiaire à la fourniture du repas au restaurant d’entreprise est au moins égale à la moitié du forfait avantage nourriture, soit 2,675 € depuis le 1-1-2024, l’avantage nourriture constitué par la participation de l’employeur au financement du repas au restaurant d’entreprise peut être négligé.


Les critères du coemploi sont les mêmes que les sociétés fassent ou non partie du même groupe
La notion de coemploi offre aux salariés la possibilité de mettre en cause une entité distincte de leur employeur afin qu’elle supporte, conjointement ou non avec celui-ci, les conséquences indemnitaires de manquements de l’employeur, en particulier dans un contexte de licenciement économique. La définition du coemploi est donnée par la jurisprudence.
Après avoir longtemps fait usage de la triple condition de confusion de direction, d’activités et d’intérêts, d’un maniement délicat, pour caractériser une situation de coemploi (notamment : arrêt du 2 juillet 2014 ; arrêt du 9 octobre 2019), la chambre sociale de la Cour de cassation, depuis 2020, fait de l’immixtion permanente d’une société dans la gestion économique et sociale d’une autre, entraînant la perte totale de l’autonomie de cette dernière, l’unique critère du coemploi. Ainsi, elle juge que « hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière » (arrêt du 25 novembre 2020 ; arrêt du 23 novembre 2022).
La définition ci-dessus a-t-elle vocation à s’appliquer lorsque la situation de coemploi est invoquée en dehors de l’existence d’un groupe entre des sociétés ayant seulement noué des relations commerciales ?
Dans cet arrêt du 9 octobre 2024, destiné à être publié au Bulletin de la Cour de cassation, la chambre sociale répond à cette question par l’affirmative. Elle l’avait déjà admis en 2021 dans un arrêt simplement diffusé, sans toutefois poser aussi clairement le principe (arrêt du 29 septembre 2021).
L’espèce ayant conduit à cet arrêt du 9 octobre 2024 concerne la Française des Jeux (FDJ). Celle-ci dispose d’un réseau pour la commercialisation de ses produits organisé autour de mandataires, personnes physiques ou morales, qui en assurent la distribution auprès de détaillants agréés (points presse, bureau de tabac etc.). Des salariés d’une des sociétés mandataires, licenciés pour motif économique, avaient saisi le conseil de prud’hommes afin, notamment, de faire reconnaître la qualité de coemployeur de la société FDJ. Ils soutenaient l’existence d’une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de l’employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de ce dernier. Ils faisaient valoir, pour cela, que celui-ci exerçait son activité avec des moyens matériels exclusivement fournis par la FDJ, qu’il s’agisse des matériels et programmes informatiques, des véhicules ou des matériels distribués aux détaillants, que la FDJ fixait les priorités commerciales et déterminait les plannings d’activité de ses cocontractants, qu’elle leur fixait des objectifs dont elle contrôlait la réalisation chaque semaine, qu’elle intervenait constamment pour leur imposer la marche à suivre auprès de chaque détaillant et que la formation des salariés était assurée directement par elle. Ils soutenaient également que leur licenciement était la conséquence de la réorganisation commerciale décidée par la FDJ entraînant la résiliation par celle-ci du contrat conclu avec leur employeur.
Ces arguments ont été rejetés par la cour d’appel. Celle-ci, après avoir relevé que la situation de monopole d’État de la société FDJ sur la commercialisation des jeux de loterie et de paris sportifs, son organisation centralisée et la coordination des actions commerciales et l’étroitesse des liens commerciaux qu’il induit ne permettent pas en eux-mêmes de retenir l’existence d’un coemploi, a notamment estimé que l’employeur des salariés, bien que tenu de se conformer à la politique commerciale définie contractuellement, restait libre de contracter ou non avec la FDJ, puis de gérer et d’administrer librement sa société et qu’il n’existait aucune immixtion dans sa gestion sociale, notamment en matière de recrutement ou de départ, de salaires, primes ou commissions, régimes sociaux, évolution de carrière, pas même occasionnelle, fait non contredit par les salariés.
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui juge que « hors l’existence d’un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur, à l’égard du personnel employé par une autre société, que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l’état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ».


Plafond de sécurité sociale 2025 : quelles principales incidences en paie ?
Les différents plafonds périodiques prévus par l’arrêté à paraître en fin d’année seront, comme l’a précisé le Boss, fixés comme suit au 1er janvier 2025.
Plafonds 2025 | |
Annuel | 47 100 € |
Trimestriel | 11 775 € |
Mensuel | 3 925 € |
Quinzaine | 1 963 € |
Hebdomadaire | 906 € |
Journalier | 216 € |
Horaire | 29 € |
Contributions chômage et AGS
Le plafond des contributions d’assurance chômage et AGS (4 plafonds de sécurité sociale) est fixé comme suit en 2025 :
Par mois | Par trimestre | Pour l’année |
15 700 € | 47 100 € | 188 400 € |
Retraite complémentaire Agirc-Arrco
La valeur des plafonds applicables aux cotisations Agirc-Arrco en 2025 est la suivante :
Tranche de rémunération | Par mois | Par trimestre | Pour l’année |
Tranche 1 | 3 925 € | 11 775 € | 47 100 € |
Tranche 2 |
entre 3 925 et 31 400 € |
entre 11 775 et 94 200 € |
entre 47 100 et 376 800 € |
Contributions de prévoyance complémentaire
Les contributions patronales au financement des régimes de prévoyance complémentaire (y compris les régimes couvrant les frais de santé) sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale propre à chaque assuré, dans la limite ci-contre | Somme de 6 % du Pass (soit 2 826 €) et de 1,5 % de la rémunération, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 12 % du montant du Pass, soit 5 652 € |
Les cotisations salariales et patronales versées aux régimes de prévoyance complémentaire (à l’exception des régimes couvrant les frais de santé) ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu dans la limite ci-contre |
Somme de 5 % du montant du Pass (soit 2 355 €) et de 2 % de la rémunération. Sans que le total puisse excéder 2 % de 8 fois le montant du Pass, soit un montant maximal déductible de 7 536 € |
Contributions de retraite supplémentaire
Les contributions patronales sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de la plus élevée des deux valeurs ci-contre | 5 % du Pass (soit 2 355 €) ou 5 % de la rémunération, retenue dans la limite de 5 fois le montant du Pass (soit 11 775 €) |
Les contributions salariales et patronales (hors frais de santé) échappent à l’impôt sur le revenu dans la limite de 8 % de la rémunération annuelle brute, retenue à concurrence de 8 fois le Pass | Soit une déduction maximale de 30 144 € |
CSG-CRDS
Réduction représentative de frais professionnels | La base de la CSG et de la CRDS assises sur les salaires fait l’objet d’une réduction représentative de frais professionnels de 1,75 %, mais l’assiette de cette déduction est limitée à 4 Pass. |
Assiette maximale de la déduction : 188 400 €/an (15 700 €/mois) Montant maximal de la déduction : 3 297 €/an (274,75 €/mois) |
Indemnités de rupture du contrat de travail et de cessation forcée du mandat social
Leur régime social et fiscal dépend notamment des seuils suivants : |
Soit pour 2025 : |
2 Pass | 94 200 € |
3 Pass | 141 300 € |
5 Pass | 235 500 € |
6 Pass | 282 600 € |
10 Pass | 471 000 € |
Stage
Gratification |
Montant minimal de la gratification pour le stage de plus de 2 mois : 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale par heure de stage (sauf dispositions conventionnelles plus favorables) Fraction de la gratification exonérée de cotisations (quelle que soit la durée du stage) : 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale par heure de stage |
4,35 € × nombre d’heures de stage réalisées au cours du mois |
Cadeaux, bons d’achat et chèques-vacances
Bons d’achat et cadeaux attribués par le CSE | Présomption de non-assujettissement à cotisations dans la limite de 5 % du PMSS(1) par salarié et par an | 196 € |
Chèques-vacances | La participation de l’employeur ne peut pas dépasser 50 % ou 80 % de la valeur libératoire selon que la rémunération moyenne du salarié est au moins égale ou inférieure au PMSS(1) au cours des 3 derniers mois précédant l’attribution |
Si rémunération moyenne < 3 925 €, participation maximale = 80 % Si rémunération moyenne ≥ 3 925 €, participation maximale = 50 % |
Indemnités journalières de sécurité sociale
IJSS de maternité, paternité et adoption | Pour les salariés mensualisés, elle est égale à 1/91,25e du montant des salaires des 3 mois civils précédant l’arrêt de travail, pris en compte dans la limite du PMSS(1) et abattus de 21 % | Montant maximal : 101,94 € net avant précompte de la CSG et de la CRDS |
IJSS accident du travail ou maladie professionnelle | IJSS accident du travail ou maladie professionnelle : égale à 60 ou 80 % du salaire journalier de base lui-même égal à 1/30,42e de la dernière paie dans la limite de 0,834 % du Pass |
Salaire journalier de base maximal : 392,81 € Montant maximal IJ : 235,69 € (60 %) ou 314,25 € (80 %) |
Participation et intéressement
Participation aux résultats de l’entreprise | Salaire maximal pris en compte en cas de répartition proportionnelle aux salaires : 3 fois le Pass | Salaire maximal : 141 300 € |
Droits maximaux pouvant être attribués à un salarié : 75 % du Pass | Droits maximaux : 35 325 € | |
Intéressement | Montant maximal des primes distribuées à un même bénéficiaire au titre d’un même exercice : 75 % du Pass | 35 325 € |
PEE (Plan d’épargne entreprise) | Montant maximal de l’abondement de l’entreprise : 3 fois la contribution du salarié, dans la limite de 8 % du Pass (16 % du Pass en cas de versement unilatéral de l’employeur sur le plan pour acquisition de titres de l’entreprise) | 3 768 € (ou 7 536 €) |
Montant maximal de la majoration pour acquisition de titres de l’entreprise : 80 % de ce montant | 7 536 € | |
Perco/Pereco | Montant maximal de l’abondement de l’entreprise : 3 fois la contribution du salarié, dans la limite de 16 % du Pass par participant | 7 536 € |


L’ancienneté non prise en compte dans une prime peut justifier une différence de salaire
Une salariée, licenciée près de 6 ans après son embauche, saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir notamment un rappel de salaire en application du principe d’égalité de traitement. A l’appui de sa demande, elle invoque la comparaison avec une autre salariée ayant près de 7 ans d’ancienneté. L’employeur, quant à lui, se prévaut de la différence d’ancienneté pour justifier de la disparité de rémunération. La cour d’appel donne raison à la salariée, considérant que l’ancienneté supérieure peut justifier tout au plus une prime d’ancienneté mais pas une différence de salaire de base. Sans surprise, l’arrêt est cassé au visa du principe d’égalité de traitement (Cassation n° 23-16.226).
A noter : En application de ce principe, les différences de traitement entre salariés placés dans une situation identique doivent reposer sur des règles préalablement définies et contôlables (Cassation n° 98-44.745) et être justifiées par des raisons objectives et pertinentes (Cassation n° 07-45.356). Parmi ces raisons figure l’ancienneté, à condition qu’elle ne soit pas déjà prise en compte dans une prime spéciale (Cassation n° 06-44.795 ; Cassation n° 07-40.609) et ce, même si la prime ne prend en compte que particiellement la durée de présence des salariés dans l’entreprise (Cassation n°s 22-18.155 et 22-17.250).
Dans cette affaire, en l’absence de prime d’ancienneté, il incombait donc au juge de vérifier si l’ancienneté pouvait justifier la différence de rémunération constatée (Cassation n° 10-19.438), ce que n’a pas fait la cour d’appel. La cour d’appel de renvoi devra donc déterminer si cette différence d’ancienneté d’une année justifie l’écart de rémunération.


Pas de cumul des indemnités de départ à la retraite et de licenciement
La rupture du contrat de travail peut donner lieu au versement de différentes indemnités de rupture, lorsque le salarié remplit leurs conditions d’attribution. Ainsi, lors de son départ volontaire à la retraite, le salarié peut bénéficier d’une indemnité de départ à la retraite, légale ou conventionnelle (article L 1237-9 du code du travail ; arrêt du 5 avril 2018). Ou lorsqu’il est licencié, il peut bénéficier d’une indemnité de licenciement légale ou conventionnelle (article L 1234-9du code du travail ; arrêt du 15 octobre 1997). Mais ces deux indemnités peuvent-elles se cumuler lorsque leurs conditions d’attribution sont toutes réunies ? Si cette situation reste rare, elle peut se produire dans les contentieux de requalification de la rupture du contrat de travail.
Dans cette espèce une cour d’appel avait requalifié 37 ans de contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée. Elle avait ainsi indemnisé la salariée concernée à la fois de la rupture de son contrat de travail constitutive d’un licenciement et de son départ à la retraite qui avait eu lieu deux ans avant la fin de la relation de travail sans qu’aucune indemnité ne lui soit alors versée.
Devant la Cour de cassation, le pourvoi de l’employeur faisait valoir que l’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ à la retraite ont le même objet, à savoir l’indemnisation de la rupture du contrat de travail, et ne devaient donc pas se cumuler. En effet, la Cour de cassation juge, concernant l’indemnité de mise à la retraite, que lorsque la mise à la retraite est requalifiée en licenciement, le salarié ne peut pas cumuler les avantages liés au départ en retraite et ceux dus au titre du licenciement (arrêt du 3 octobre 1991 ; arrêt du 8 juillet 2003 ; arrêt du 22 juin 2011).
La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel en énonçant que l’indemnité de départ à la retraite ne peut pas se cumuler avec l’indemnité de licenciement. Elle précise que l’indemnité de licenciement n’était due que sous déduction de l’indemnité de départ à la retraite.
La Haute juridiction adopte ainsi la même solution que pour l’indemnité de mise à la retraite.
►A notre avis : Si le principe de non-cumul de l’indemnité de mise à la retraite avec l’indemnité de licenciement est fondé sur l’identité d’objet de ces indemnités venant indemniser la perte d’emploi à l’initiative de l’employeur (voir en ce sens l’arrêt du 21-11-1990), le non-cumul de l’indemnité de départ à la retraite avec l’indemnité légale de licenciement est fondé sur une identité d’objet différente, ces indemnités ayant seulement en commun de se rapporter à la rupture du contrat de travail.


Solde de tout compte : la Cour de cassation se prononce sur les effets de l’absence de signature du salarié
Pour rappel, à l’occasion de toute rupture du contrat de travail l’employeur est tenu d’établir, en double exemplaire, un document dit « reçu pour solde de tout compte » récapitulant les sommes versées au salarié (montant des salaires, primes, indemnités diverses…) à ce titre. Le salarié a la possibilité de le dénoncer par lettre recommandée dans les 6 mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Si l’employeur a l’obligation de remettre un reçu pour solde de tout compte au salarié, ce dernier n’est pas tenu de le signer.
Dans le cas où le salarié ne signerait pas ou refuserait de signer le reçu pour solde de tout compte, cette absence de signature a-t-elle un impact sur la valeur de ce document ? Cela a-t-il une incidence sur le délai de prescription applicable à l’action en paiement des sommes mentionnées ? Plus précisément, le fait que le salarié n’ait pas signé son reçu pour solde de tout compte en raison de son incarcération empêche-t-il la prescription de courir ? Autant de questions auxquelles la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 14 novembre 2024.
L’affaire concernait un salarié licencié pour motif disciplinaire par lettre du 11 avril 2013 avec dispense de préavis de 2 mois. A l’issue de celui-ci, l’employeur avait établi son solde de tout compte en date du 13 juin 2013.
Mais le salarié ne l’a jamais signé du fait de son incarcération du 25 juin 2013 jusqu’au 22 juin 2017. A sa sortie, il avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes au titre de son solde de tout compte.
La cour d’appel avait déclaré sa demande recevable. La Cour de cassation lui donne tort et expose sa position dans un attendu de principe.
La Haute Cour rappelle tout d’abord les termes des articles L.1234-20 relatif au reçu pour solde et L.1471-1 du code du travail qui concerne le délai de prescription applicable à l’action.
► Le délai de prescription appliqué dans cette affaire est celui de l‘article L.1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Ce texte avait prévu que ce délai (passé de cinq ans à deux ans) pour les actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail devait s’appliquer aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Elle poursuit en indiquant que « le reçu pour solde de tout compte non signé par le salarié, qui n’a pas de valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées, n’a aucun effet sur le délai de prescription, lequel ne court pas ou n’est suspendu qu’en cas d’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».
► Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence antérieure sur les effets de l’absence de signature du reçu pour solde de tout compte. La Cour de cassation a déjà précisé que le reçu pour solde de tout compte non signé par le salarié ne fait pas preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées. Il appartient en conséquence à l’employeur de justifier de ce paiement (arrêt du 27 mars 2019). Implicitement, la Cour de cassation ne retient pas l’incarcération comme cause d’interruption ou de suspension du délai de prescription.
Elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu, pour déclarer l’action recevable, que le solde de tout compte, que le salarié n’avait jamais signé en raison de son incarcération (du 25 juin 2013 au 22 juin 2017) n’avait produit aucun effet libératoire et qu’aucune prescription n’avait commencé à courir. Or, elle avait aussi constaté que la prescription s’était appliquée à compter du 16 juin 2013 et que le salarié avait eu jusqu’au 16 juin 2015 pour engager toute action portant sur l’exécution et la rupture de son contrat travail. Mais comme elle n’avait pas en l’espèce caractérisé une cause d’interruption ou suspension du délai de prescription, celui-ci était donc logiquement forclos. L’arrêt devait donc être cassé.
Conséquences pratiques : la signature du salarié apparaît un élément essentiel du reçu pour solde de tout compte. Son absence prive ce document de son effet libératoire au-delà du délai de six mois prévu par l’article L.1234-20 du code du travail. Comme le salarié n’a aucune obligation de le signer, l’employeur ne peut pas conditionner le paiement des sommes mentionnées dans ce document à la signature du salarié.
De son côté le salarié reste libre tant qu’il n’a pas signé son reçu de tout compte de contester le contenu de celui-ci.
Toutefois, le salarié reste tenu, s’il veut contester les sommes mentionnées dans ce reçu pour solde de tout compte non signé, d’agir dans le délai de prescription puisque l’absence de signature du salarié ne produit pas d’effet sur le délai de prescription. Celui-ci continue de courir. Seule l’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure peut interrompre celui-ci. L’incarcération du salarié n’est pas un motif, en soi, permettant de suspendre le délai de prescription.


NAO 2025 : les entreprises devraient mettre en avant les packages salariaux
Dernière ligne droite pour la négociation annuelle obligatoire : dans les entreprises, DRH et organisations syndicales se retrouvent actuellement pour finaliser les projets d’accord sur les augmentations salariales 2025. Un dossier où les sujets de friction sont nombreux. Car cette année, rien ne milite pour un excès de générosité. Sous la triple influence de la chute de l’inflation, de la conjoncture économique et des incertitudes sur le PLF et le PLFSS pour 2025, les employeurs devraient jouer la prudence.
Concrètement, les entreprises devraient octroyer des budgets d’augmentation médians de 2,8 % voire de 2,5%, contre 3,5 % en 2024 et 4,7 % en 2023, selon l’Observatoire annuel de performance sociale et des rémunérations de LHH, qui présentait son étude le 27 novembre. Quelques secteurs consentiront toutefois à des efforts particuliers, à l’instar de la banque (3 %), des produits et biens d’équipement (2,75 %) et des assurances/mutualité (2,65 %).
L’étude s’appuie sur un panel de 180 entreprises (représentant 1 200 000 salariés) de plusieurs secteurs d’activité dont 43 % employant plus de 1 000 salariés.
Sans surprise, les augmentations individuelles devraient faire leur grand retour. Car si en 2023, les entreprises avaient fait la part belle aux augmentations générales (AG) avec un taux médian de 3 %, cette mesure, comme en 2024, est en perte de vitesse.
Autre tendance : ces augmentations ne sont plus réservées aux seuls cadres. Car si 67 % des cols blancs perçoivent ce coup de pouce, 60 % de techniciens/ agents de maîtrise et 50 % des employés et ouvriers en bénéficient également.
Et comme l’an passé, la prime de partage de la valeur devrait être moins attractive. En effet, ces bonus sont désormais soumis à l’impôt sur le revenu et à la CSG/CRDS pour les personnes travaillant dans les entreprises de plus de 50 salariés, en vertu de la loi ad hoc du 29 novembre 2023. 25 % des entreprises l’ont versée cette année pour un montant médian de 750 euros.
Mais les DRH comptent s’appuyer sur d’autres leviers pour gonfler les fiches de paie. « La perspective d’un package est un marqueur important de l’offre employeur », assure Nathalie Germanicus, directrice de projet en charge du pilotage des études de rémunération au sein de LHH.
Dans le détail, elles devraient privilégier l’épargne salariale qui permet d’associer les salariés aux bénéfices de l’entreprise. Même si la réalité varie énormément selon les entreprises, les salariés des grands groupes étant plus favorisés. Reste qu’il s’agit « d’une pièce du puzzle importante pour apporter de l’attractivité ». Un atout non négligeable dans un contexte où les tensions sur le marché de l’emploi restent vives. Ainsi, en 2024, 88 % d’entre elles ont mis en place un plan d’épargne entreprise (PEE), un plan d’épargne interentreprises (PEI) ou un plan d’épargne groupe (PEG). Par ailleurs, 71 % ont opté pour un dispositif de retraite complémentaire pour permettre aux salariés de se constituer un capital ou une rente au moment du départ à la retraite, qu’il s’agisse du plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) ou du Plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco). Et 64 % ont privilégié le compte épargne-temps.
Autres alternatives : parmi les périphériques de rémunération, les entreprises devraient favoriser, en 2025, le relèvement des titres restaurants, les chèques emploi service universel, vacances, cadeaux mais aussi la participation à des activités de loisirs ou sportives.
Enfin, plus de la moitié des DRH (57 %) devrait axer leurs enveloppes sur la mobilité durable qui inclut la forfait mobilité, le covoiturage, l’achat ou l’usage d’un vélo. Même si la voiture de fonction a toujours le vent en poupe : 79 % des entreprises mettent toujours un véhicule à disposition de certains salariés amenés à se déplacer dans le cadre de leurs fonctions.

PLFSS 2025 : Michel Barnier recourt au 49-3
Le 2 décembre, le Premier ministre a engagé la responsabilité du gouvernement, sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Deux motions de censure ont été déposées par des députés du Nouveau Front Populaire et du Rassemblement national. Elles seront discutées et mises aux voix après un délai de 48 heures à compter de leur dépôt.
En cas de rejet des deux motions, le projet de loi est considéré comme adopté. Si l’une des motions est adoptée, le texte est rejeté et le gouvernement doit présenter sa démission.

La commission mixte paritaire du Parlement s’accorde pour réduire la hausse du coût du travail
Le débat sur la réforme des charges sociales patronales avance. Mercredi dernier, la commission mixte paritaire (CMP) du Parlement, qui réunit 7 députés et 7 sénateurs, a trouvé un accord sur le fameux article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Un texte parfois différent de celui transmis par le gouvernement au Sénat en 1ère lecture — rappelons que l’exécutif avait repris la main sur le PLFSS pour 2025 à transmettre à la chambre haute en 1ère lecture après que l’Assemblée nationale n’ait pas pu voter l’ensemble du texte (lire notre article) — et/ou de celui adopté par le Sénat (voir notre tableau ci-dessous).
Premier sujet, le coefficient maximal servant à déterminer la réduction dite Fillon (cf articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale). La CMP souhaite laisser inchangé en 2025 son niveau qui est actuellement égal à 31,94 % ou 32,34 % selon le cas — la problématique serait différente à partir de 2026. Le gouvernement, qui voulait le réduire de deux points l’année prochaine, semble reculer pour les plus bas revenus. « J’ai entendu la demande légitime de préserver le coût du travail dans les entreprises qui ont beaucoup de salariés au niveau du Smic. J’ai eu des discussions avec des parlementaires du socle commun et nous avons décidé de préserver finalement intégralement le 0 charge au niveau du Smic pour les entreprises », a avancé jeudi dernier Michel Barnier en visite au salon Impact PME (voir cette vidéo à environ 25 mn du début).
Second sujet, celui relatif à la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie (cf article L 241-2-1 du code de la sécurité sociale). Le débat porte sur le plafond de revenus, actuellement fixé à 2,5 Smic, éligibles à cet allègement. Le gouvernement voulait à l’origine le passer en 2025 à 2,2 Smic — cette réduction disparaîtrait ensuite, à partir du 1er janvier 2026. La CMP a opté pour une limite fixée à 2,25 Smic en 2025.
Le débat est similaire sur la réduction de cotisation d’allocations familiales (cf article L 241-6-1 du code de la sécurité sociale) dont le plafond de revenus éligibles est actuellement fixé à 3,5 Smic. Le gouvernement voulait à l’origine passer cette limite en 2025 à 3,2 Smic — cette réduction disparaîtrait ensuite, à partir du 1er janvier 2026. La CMP a opté pour un niveau fixé à 3,3 Smic en 2025.
Enfin, un accord semble se dessiner sur l’évolution du plafond de revenus éligibles à la réduction Fillon. Le gouvernement voulait à l’origine le faire passer de 1,6 Smic (niveau actuel) à 3 Smic à partir du 1er janvier 2026. La CMP a retenu la même modalité.
Le processus parlementaire n’est toutefois pas terminé. La prochaine étape est prévue pour aujourd’hui. L’Assemblée nationale doit examiner le texte issu de la CMP sachant que seuls les amendements du Gouvernement ou ceux acceptés par lui peuvent être déposés. (voir les explications ici et ici pour en savoir davantage sur cette procédure).
Dispositif actuel | Texte transmis au Sénat en 1ère lecture (1) | Texte voté par le Sénat en 1ère lecture (2) | Texte adopté en commission mixte paritaire (3) |
Coefficient maximal servant à déterminer la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale (ce coefficient est actuellement égal à 31,94 % ou 32,34 % selon le cas) |
► Réduction de 2 points à partir du 1er janvier 2025. ► Réduction de deux points supplémentaires à partir du 1er janvier 2026 mais augmentation partielle via les suppressions des réductions de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales (voir ci-dessous). Le coefficient maximal passerait ainsi à 35,74 % ou 36,14 % selon le cas. La définition du coefficient de dégressivité, qui relève d’un décret, serait considérablement modifié (lire notre article). |
Pas de réduction de ce coefficient | Pas de réduction de ce coefficient |
Plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 2,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie (cf article L 241-2-1 du code de la sécurité sociale) |
► Plafond réduit à 2,2 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 |
► Plafond réduit à 2,1 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
► Plafond réduit à 2,25 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
Plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 3,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales (cf article L 241-6-1 du code de la sécurité sociale) |
► Plafond réduit à 3,2 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 |
► Plafond réduit à 3,1 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
► Plafond réduit à 3,3 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
Plafond, fixé actuellement à 1,6 Smic, des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale | Plafond fixé à 3 Smic (Smic augmenté de 200 %) à compter du 1er janvier 2026 | Plafond fixé à 2,05 Smic (Smic augmenté de 105 %) à compter du 1er janvier 2026 | Plafond fixé à 3 Smic (Smic augmenté de 200 %) à compter du 1er janvier 2026 |
(1) Ce texte est identique à celui présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale en 1ère lecture, la chambre basse n’ayant pas pu voter l’ensemble du texte (lire notre article)
(2) Suite au vote solennel du PLFSS pour 2025 par le Sénat en 1ère lecture
(3) Suite à l’accord conclu par la commission mixte paritaire le 27 novembre
