ACTUALITÉ
SOCIAL
Déclaration en DSN d’un refus d’un CDI après un CDD
Dans une fiche consigne n° 2695, le site Net-entreprise détaille les modalités et les règles de valorisation de la rubrique « Refus de la proposition d’un CDI suite à CDD ou contrat de mission – S21.G00.62.021 ».
L’employeur doit renseigner au moment de la fin du contrat de travail, à l’occasion du signalement de la fin de contrat de travail, la rubrique « Refus de la proposition d’un CDI suite à CDD ou contrat de mission – S21.G00.62.021 », en la valorisant à « 01 – Proposition refusée », seulement s’il a proposé un CDI à un salarié, dans les formes et conditions prévues légalement, et que celui-ci a refusé.
Pour les contrats de mission ou les CDD d’usage en circuit dérogatoire, cette rubrique doit être renseignée directement dans la DSN mensuelle. Pour les autres, elle doit être renseignée dans le signalement FCTU et reportée dans la DSN mensuelle qui correspond au mois M du signalement FCTU.

La violation du secret professionnel justifie un licenciement pour faute grave
Selon l’article L 161-29 du code de la sécurité sociale, le personnel des organismes d’assurance maladie est soumis au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues par le code pénal. Dans le cadre du droit du travail, comment l’employeur doit-il dès lors réagir en présence d’une violation de ce secret par les salariés ? L’ancienneté et le passé disciplinaire sans reproche des intéressés peuvent-ils atténuer la gravité de la faute ? C’était la question posée à la Cour de cassation dans ces deux affaires (cassation n° 22-13.531 et n° 22-13.532).
Deux techniciens de prestations à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), respectivement depuis 1980 et 1977, sont licenciés pour faute grave pour avoir divulgué des données personnelles concernant, pour l’un, un ministre en exercice et, pour l’autre, un joueur de rugby connu. Pour justifier leur licenciement, la CPAM soutient que la divulgation de ces données confidentielles constitue une faute grave, indépendamment de l’ancienneté et du passé disciplinaire des salariés. Ces derniers, quant à eux, contestent la gravité de la faute, invoquant leur longue carrière sans incident disciplinaire.
La cour d’appel, tout en constatant que les salariés ont violé le secret professionnel, juge que le licenciement des deux salariés ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement, au motif qu’ils cumulent respectivement 36 ans et 39 années d’ancienneté sans passé disciplinaire. La caisse se pourvoit en cassation.
Alors que la cour d’appel constate la violation du secret professionnel, pouvait-elle considérer que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni même sur une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse ? La Cour de cassation répond par la négative. Sans remettre en cause les constats des juges d’appel, elle censure l’erreur manifeste d’appréciation.
A noter : La Cour de cassation veille à ce que les juges du fond se livrent au contrôle de la véracité et de la gravité des faits commis par le salarié. Elle censure les erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’elle constate que les juges du fond n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations. Elle opère donc une application de ce contrôle renforcé dans le cadre de cette affaire de violation du secret professionnel.
Pour la Cour de cassation, le fait pour les salariés de méconnaitre l’obligation de secret professionnel à laquelle ils étaient astreints en transmettant à un tiers, sans raison valable, dans un cas, la fiche du répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie d’un ministre en exercice et dans l’autre, l’attestation de salaire d’une personnalité publique comportant des données confidentielles, à laquelle ils avaient eu accès dans le cadre de leurs fonctions, constitue une faute grave de nature à rendre impossible leur maintien dans l’entreprise, quels qu’aient donc pu être leur passé disciplinaire et leur ancienneté.
A noter : En retenant la faute grave, l’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure. Une telle faute avait, par exemple, été retenue à l’encontre d’un cadre administratif qui avait divulgué le montant du salaire de ses collègues (Cass n° 16-24.069). Cette solution s’impose d’autant plus qu’il ne s’agit pas ici de divulgation d’informations confidentielles mais bien d’une violation du secret professionnel. Face à une telle violation, l’ancienneté des salariés est sans incidence sur la qualification de la faute grave. Il est probable que la notoriété des victimes de la violation ait joué également dans la sévérité de la Cour de cassation.

Smic : revalorisation anticipée au 1er novembre
Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) est revalorisé de façon anticipée au 1er novembre 2024 alors que cette revalorisation aurait dû intervenir au 1er janvier 2025. Avec une hausse de 2 %, le Smic horaire brut s’établira à 11,88 € en métropole à partir du 1er novembre (décret n° 2024-951).

PLFSS 2025 : en commission, les députés refusent de réformer les allègements de cotisations patronales
Le gouvernement et la patronat se livrent un bras de fer sur le coût du travail. La raison : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit, via son article 6, de renchérir globalement les charges sociales patronales comme nous le détaillons ci-dessous. Mais la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sensible aux arguments du patronat, a rejeté mardi dernier cette orientation. Elle a adopté 10 amendements tous destinés à supprimer cette réforme souhaitée par l’exécutif.
« La hausse du coût du travail proposée va à l’encontre de toutes les politiques qui visent à rapprocher le salaire perçu par le salarié du coût supporté par l’employeur. Elle mènera à la destruction de plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Cela aura non seulement des conséquences sociales lourdes, mais également des conséquences budgétaires, réduisant les recettes et augmentant les dépenses », argumentent des députés du groupe Ensemble pour la République.
« Le Gouvernement propose d’accroître le coût du travail de plus de 5 milliards d’euros en réformant les dispositions relatives aux allègements de charges patronales, notamment pour les bas salaires, sans que cela se traduise par une amélioration du pouvoir d’achat des salariés, bien au contraire », affirment de leur côté des députés du groupe Droite républicaine.
La question qui se pose est de savoir si le gouvernement va essayer tout de même de faire passer sa réforme. Les débats en séance à l’Assemblée nationale sur le PLFSS 2025, qui démarrent lundi prochain, permettront d’y voir plus clair.
Dans les grandes lignes, l’article 6 proposé par le gouvernement prévoit des mesures cadencées de la façon suivante :
A compter du 10 octobre 2024 :
► Les primes de partage de la valeur (au sens de l’article 1er de la loi loi du 16 août 2022) versées à compter du 10 octobre 2024 seraient intégrées dans le calcul des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale.
A compter du 1er janvier 2025 :
► Le coefficient maximal (valeur T de la formule ci-dessous) servant à déterminer la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale (ce coefficient est actuellement égal à 31,94 % ou 32,34 % selon le cas) serait réduit de 2 points (réduction du taux des cotisations plafonnées des assurances vieillesse et veuvage pris en compte dans le calcul du coefficient de réduction générale) ; il passerait ainsi à 29,94 % ou 30,34 % selon le cas. Le coefficient de dégressivité serait égal à (source : annexe 9 au PLFSS pour 2025 ; ce coefficient relève d’un décret) :
(T / 0,6 ) * [(1,6 * Smic de l’année en cours) / rémunération annuelle brute) – 1]
T correspond au taux maximal d’exonération au niveau du Smic
► Le plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 2,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie passerait à 2,2 Smic (cf article L 241-2-1 du code de la sécurité sociale) ;
► Le plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 3,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales passerait à 3,2 Smic (cf article L 241-6-1 du code de la sécurité sociale) ;
► Le gouvernement serait habilité à prendre par ordonnance certaines mesures applicables aux revenus d’activité versés à compter du 1er janvier 2025
A compter du 1er janvier 2026 :
► Le coefficient maximal (valeur T de la formule ci-dessous) servant à déterminer la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale (ce coefficient est actuellement égal à 31,94 % ou 32,34 % selon le cas) serait réduit de 2 points supplémentaires (soit de 4 points par rapport à aujourd’hui) par l’effet de la réduction du taux des cotisations plafonnées des assurances vieillesse et veuvage pris en compte dans le calcul de ce même coefficient mais serait « augmenté partiellement pour prendre en compte la suppression des réductions proportionnelles des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie [voir ci-dessous] et leur fusion dans la réduction générale de cotisations patronales » (source : annexe 9 au PLFSS pour 2025). Il passerait ainsi à 35,74 % ou 36,14 % selon le cas ; le coefficient de dégressivité, qui relève d’un décret, serait égal à :
T * (1 / 2) * [((3 * Smic de l’année en cours) / (rémunération annuelle brute)) – 1] * 1,37
L’annexe 9 au PLFSS précise que « l’élévation à la puissance 1,37 de l’ensemble de la formule permet de renforcer la convexité de la trajectoire de réduction générale dégressive des cotisations sociales et donc de conserver un montant d’allègements jusqu’au niveau de 3 Smic tout en diminuant le coût du dispositif ;
► La réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie (cf article L 241-2-1 du code de la sécurité sociale) disparaîtrait ;
► La réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales (cf article L 241-6-1 du code de la sécurité sociale) disparaîtrait ;
► Le plafond des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale serait augmenté. Il passerait de 1,6 Smic à 3 Smic (Smic augmenté de 200 %)


Une crise sanitaire n’est pas un cas de force majeure lorsque l’activité partielle est mise en place
L’article 1218 du code civil dispose qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur qui ne pouvait pas être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat, et dont les effets ne peuvent pas être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Il en ressort trois critères constitutifs que sont l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.
La Cour de cassation se prononce ici sur la question de savoir si la crise sanitaire engendrée par l’épidémie de Covid-19 permettait de caractériser le critère d’irrésistibilité.
En l’espèce, un pilote de ligne est engagé par contrat de travail à durée déterminée (CDD) en date du 28 janvier 2020 et à effet du 17 mars au 31 octobre 2020. À la suite du confinement général décidé le 16 mars 2020 sur le territoire français, empêchant les voyages aériens, l’employeur rompt le contrat de travail le 17 mars 2020 pour force majeure, comme cela est envisageable, puisque l’article L.1243-1 du code du travail permet la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, par accord des parties et en cas de faute grave ou de force majeure.
Les juges du fond estimant que la crise sanitaire ne constitue pas une situation de force majeure justifiant la rupture du contrat de travail, l’employeur se pourvoit en Cour de cassation, devant laquelle il fait valoir que la propagation éclair de l’épidémie de Covid-19 en mars 2020 dans le monde et la fermeture soudaine des liaisons aéronautiques qui s’en est suivie constitue un événement extérieur, imprévisible lors de l’engagement du salarié et irrésistible dans son exécution, ce qui caractérise un évènement de force majeure.
La Cour de cassation, qui rejette son pourvoi, rappelle le principe selon lequel la force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d’un contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution. Elle estime donc que la force majeure de nature à justifier la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée n’est pas caractérisée dès lors que la mise en place de l’activité partielle ne rendait pas irrésistible la crise sanitaire.
► Cette solution est conforme à l’article 1218 du code civil qui vise les événements dont les effets ne peuvent pas être évités par des mesures appropriées et est intéressante à plusieurs égards. D’abord parce que le plus souvent la caractérisation du critère d’irrésistibilité consiste à s’assurer que l’événement en cause est indépendant de toute faute, négligence ou décision de celui qui l’invoque (arrêt du 23 mai 1979, en pièce jointe ; arrêt du 20 décembre 1989 ; arrêt du 23 avril 1997), ce qui n’est pas le cas dans cette espèce. Ensuite parce que sa portée est considérable dès lors qu’elle a vocation à s’appliquer à tout événement ouvrant droit à l’activité partielle (crise sanitaire, catastrophes naturelles, conflits armés…).


Fait générateur et rattachement en paie : une période de tolérance en vue
Depuis un décret 2017-858 du 9 mai 2017 entré en vigueur au 1er janvier 2018, le fait générateur des taux et plafond de la paie est la période d’emploi et non plus la date de versement de la rémunération.
Selon l’actualité net-entreprises, cette réforme ne pose pas de difficultés particulières pour les périodes courantes. Le mois principal déclaré fait référence (et non la date de versement). En revanche, lorsque des éléments de la paie renvoient à des périodes passées, la détermination de la règle à appliquer selon les circonstances peut être plus complexe. C’est pourquoi, elle a suscité de nombreux échanges entre la DSS, les éditeurs, les entreprises et les organismes.
Selon net-entreprises, les derniers échanges tenus ont permis de confirmer que pour les cas les plus courants de prise en compte régulière dans la paie du mois d’éléments venant du mois antérieur, il convient bien de se référer aux règles applicables lors de la prise en compte de ces éléments en paie.
Ce rattachement à la période de prise en compte en paie concerne ainsi :
– les heures supplémentaires habituellement prises en compte à partir des constats du mois antérieur ;
– tous les éléments d’ajustement des montants liés à des périodes d’absence ;
– le versement d’une prime « dont la date de la décision détermine la prise en compte en paie qui ne peut donc n’être que postérieure à cette date, y compris pour les salariés sortis ».
A noter : Concernant les primes, la formule utilisée par net-entreprises est assez obscure. Il serait souhaitable que le site net-entreprises ou le BOSS apporte un éclairage.
Si une erreur a été opérée, net-entreprises confirme qu’il convient bien de se référer à la date d’origine à laquelle le calcul initial a été opéré, même si l’élément corrigé a posteriori aurait dû figurer dans le solde de tout compte. C’est globalement ce qui est demandé à ce jour lors de jugements prud’homaux.
Comme tous les logiciels ne fonctionnent pas à ce jour de manière homogène, ceux qui sont en écart auront un délai pour s’adapter.
Le BOSS devrait prochainement apporter des éléments sur ce point et fixer une période de tolérance. Dans la foulée de cette publication, les fiches consignes net-entreprises qui le nécessitent seront, à leur tour, mises à jour et le calendrier concret de mise en place qui nécessitera en amont une phase pilote et la prise en compte de ces règles également dans tous les systèmes destinataires sera publié.
A noter : Si la réforme du fait générateur trouve sa source dans le décret du 9 mai 2017 précité, un décret 2023-1384 du 29 décembre 2023 (JO 31) ajuste certaines règles, à compter du 1er janvier 2025, afin notamment de clarifier la gestion des rappels de salaire. L’actualité du 9 octobre semble annoncer une tolérance sur sa mise en oeuvre.


La preuve de la discrimination à l’épreuve du RGPD
En matière de discrimination, la charge de la preuve est aménagée : le salarié soumet au juge les éléments de fait laissant supposer son existence, charge à l’employeur de prouver ensuite que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (article L.1134-1 du code du travail).
Pour apporter ces éléments de fait, le salarié peut être amené à demander au juge d’ordonner à l’employeur de produire des contrats de travail ou des bulletins de paie d’autres salariés (arrêt du 12 juin 2013). La communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés peut être ordonnée dès lors qu’elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi (arrêt du 8 mars 2023 ; arrêt du 1er juin 2023).
► La comparaison avec la situation d’autres salariés n’est pas indispensable pour établir l’existence d’une discrimination (arrêt du 20 septembre 2023). Mais elle peut être incontournable, notamment dans les contentieux relatifs à l’évolution de carrière ou la rémunération, la disparité de traitement avec des salariés dans une situation équivalente, hors le motif discriminatoire, pouvant être un élément laissant supposer une discrimination.
Le traitement et la communication de données personnelles sont régis par le règlement européen 2016/79 du 17 avril 2016 (RGPD). Dans un arrêt du 3 octobre 2024, rendu sur avis de la chambre sociale (avis de la Cour de cassation du 24 avril 2024), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation encadre l’office du juge afin de respecter l’articulation des exigences résultant du droit à la preuve et celles du RGPD, notamment le principe de minimisation des données.
► La Cour de cassation précise également dans cet arrêt que les salariés dont les données personnelles sont demandées sont des tiers au litige et n’ont donc pas à être appelés ou entendus en application de l’article 14 du code de procédure civile.
Un salarié, s’estimant victime de discrimination syndicale, saisit la juridiction prud’homale de demandes d’indemnisation et rappels de salaire. Par jugement avant dire droit, le conseil de prud’hommes ordonne à la société de produire les historiques de carrière de neuf salariés ainsi que leurs bulletins de salaire de décembre sur 10 années et de justifier de leur communication contradictoire au salarié. La décision est confirmée par la cour d’appel.
L’employeur, invoquant le RGPD, se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation constate, tout d’abord, que l’exigence de licéité du traitement des données posée par l’article 6 du RGPD s’applique à la production en tant qu’élément de preuve de documents contenant des données personnelles, tels que les bulletins de salaire des salariés tiers ainsi qu’un historique de la carrière de ceux-ci, ordonnée par une juridiction prud’homale dans le cadre d’une procédure juridictionnelle engagée par un salarié se plaignant d’une discrimination syndicale.
La deuxième chambre civile relève par ailleurs que la communication par l’employeur de bulletins de paie et leur mise à disposition d’un salarié invoquant une discrimination syndicale, ordonnée par une juridiction prud’homale, ressortent d’un traitement effectué dans une finalité différente de celle pour laquelle les données ont été collectées.
Constatant que ce traitement garantit la protection de l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires et l’exécution des demandes de droit civil, conformément à l’article 23 du RGPD, la Haute Juridiction juge que la communication des bulletins de paie et leur communication au salarié répondent aux exigences de licéité de ce règlement.
► La Cour de cassation avait déjà précisé, dans un contentieux également relatif à la communication de bulletins de paie pour prouver une discrimination syndicale, qu’au regard du RGPD le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité (arrêt du 8 mars 2023).
La Cour précise également que le juge saisi n’est pas tenu de se faire communiquer préalablement les documents dont le contenu est légalement ou réglementairement défini, tels que les bulletins de paie des salariés de l’entreprise.
► On peut se demander si la solution serait la même pour des documents dont le contenu n’est pas fixé par les textes, tels des comptes rendus d’entretien d’évaluation.
La deuxième chambre civile s’est ensuite penchée, dans un moyen relevé d’office, sur l’office du juge dans le traitement de ces données personnelles, notamment au regard du principe de minimisation des données.
Selon ce dernier, les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (RGPD, art. 5 §1). Il en découle que, lorsque seule une partie des données apparaît nécessaire à des fins probatoires, la juridiction nationale doit envisager la prise de mesures supplémentaires en matière de protection des données, telles que la pseudonymisation ou toute autre mesure destinée à minimiser l’entrave au droit à la protection des données, comme une injonction adressée aux parties auxquelles ces documents ont été communiqués de ne pas les utiliser à une autre fin que celle de l’administration de la preuve lors de la procédure en cause (CJUE, 2 mars 2023, aff. C-268/21 § 56).
La Haute juridiction livre un mode d’emploi pour le juge saisi d’une demande de communication de données personnelles dans le cadre d’un contentieux en discrimination.
Elle rappelle d’abord, conformément à sa jurisprudence, qu’il appartient au juge de rechercher si la communication des données est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi. En outre, le juge doit cantonner, au besoin d’office, le périmètre de production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués au soutien de la demande en cause et de la nature des pièces sollicitées.
► La chambre sociale avait déjà considéré que le juge peut limiter le périmètre de communication de pièces si la demande est trop générale (arrêt du 16 février 2020). La deuxième chambre civile précise ici que ce cantonnement peut être effectué d’office et qu’il doit l’être au regard des faits invoqués et de la nature des pièces sollicitées.
La Haute juridiction ajoute ensuite que le juge doit veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi. Pour ce faire, il lui incombe de s’assurer que les mentions, qu’il spécifiera comme devant être laissées apparentes sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés en tenant compte du ou des motifs allégués de discrimination.
Enfin, le juge doit faire injonction aux parties de n’utiliser ces données contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
► Il résulte de l’arrêt, rendu par le juge de la procédure civile qu’est la deuxième chambre civile, que sa portée est générale et ne concerne pas que le contentieux de la discrimination, mais l’ensemble de la matière civile, en référé et au fond. A notre sens, en matière prud’homale, cette décision aura des effets principalement dans le contentieux de la discrimination et de l’égalité de traitement. Les conditions de contrôle de proportionnalité sont cumulatives, la minimisation des données ne dispensant pas le juge d’effectuer le reste. La Cour de cassation a récemment censuré une cour d’appel qui avait ordonné l’occultation des données personnelles des bulletins de paie (hormis les nom, prénom, classification, rémunération détaillée et rémunération brute), mais n’avait pas cantonné le périmètre de production, alors que le salarié demandait les bulletins de nombreux salariés de l’entreprise sur une période de 30 années (arrêt du 25 septembre 2024).
En l’espèce, la cour d’appel n’avait veillé au principe de minimisation des données ni enjoint aux parties de n’utiliser celles-ci que dans le cadre de l’action en discrimination.
L’arrêt est donc cassé.

[Infographie] Cancer au travail : comment réagir ?


Travailler durant un arrêt maladie ou un congé maternité n’ouvre droit qu’à des dommages-intérêts
Pendant la suspension de son contrat de travail pour cause de maladie ou d’accident, le salarié est dispensé d’activité. L’employeur ne doit ni solliciter ni tolérer le maintien d’une collaboration professionnelle (arrêt du 15 juin 1999 ; arrêt du 21 novembre 2012). De même, le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail (article L.1225-24 du code du travail). Le seul constat que l’employeur a fait travailler un salarié pendant son arrêt maladie ou qu’il a travaillé durant son congé de maternité ouvre droit à réparation du préjudice subi et donc à l’octroi de dommages-intérêts (arrêts du 4 septembre 2024).
Dans la continuité de ces décisions, par un arrêt du 2 octobre 2024, la Cour de cassation précise que le salarié qui travaille durant son arrêt maladie ou son congé de maternité ne peut pas solliciter un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées, mais seulement des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
En l’espèce, une directrice régionale, en congé maternité du 25 février au 6 septembre 2015 et plusieurs fois en arrêt de travail pour maladie entre 2014 et 2017, accepte d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) proposé par son employeur dans le cadre d’un licenciement économique. Son contrat de travail est rompu à l’issue du délai de réflexion dont elle dispose pour prendre parti.
Estimant avoir été contrainte de travailler pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité, elle saisit la juridiction prud’homale afin de demander le paiement d’un rappel de salaire pour les heures accomplies pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé.
► La salariée sollicitait également le paiement d’un rappel de salaire au titre de la violation du principe d’égalité de traitement car l’employeur ne lui avait pas accordé, au cours de son congé de maternité, le bénéfice d’une augmentation générale (sur cette question, voir l’arrêt du 2 octobre 2024).
La cour d’appel la déboute de sa demande. Elle considère que la salariée qui a perçu pendant les périodes de suspension de son contrat de travail l’équivalent de son salaire ou un substitut ne peut pas prétendre à un double paiement. En outre, ayant été déclarée aux organismes sociaux, elle ne peut pas non plus prétendre à une indemnité au titre du travail dissimulé. Les juges du fond considèrent toutefois que le fait de l’avoir contrainte à travailler alors qu’elle était en arrêt maladie ou en congé de maternité lui a causé un préjudice et elle lui octroie des dommages-intérêts en réparation.
La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire pour les heures de travail accomplies pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité et d’indemnité pour travail dissimulé. Toutefois, elle fonde sa décision sur d’autres motifs qu’eux.
Pour la Haute juridiction, l’exécution d’une prestation de travail pour le compte de l’employeur au cours des périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu par l’effet de l’arrêt de travail pour cause de maladie, d’accident ou d’un congé de maternité engage la responsabilité de l’employeur et se résout par l’allocation de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi.
Aussi, la salariée qui a été contrainte de travailler pendant les périodes de suspension du contrat de travail alors qu’elle était en arrêt maladie ou en congé de maternité ne peut que réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sans pouvoir prétendre à un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées.


Des précisions sur les avances sur participation et intéressement
La loi sur le partage de la valeur du 29 novembre 2023 permet aux salariés de bénéficier d’avances sur participation ou sur intéressement si l’accord le prévoit (article L.3348-1 du code du travail).
► En matière de participation, cette possibilité était jusqu’alors exclue par la jurisprudence, faute d’être consacrée par la loi (arrêt du 23 mai 2007). En matière d’intéressement, jusqu’au 30 novembre 2023, même en l’absence de dispositions légales les autorisant, les entreprises ont pu recourir aux avances car l’administration l’admettait, sous réserve de certaines garanties.
Outre le fait d’être prévues par l’accord, les avances nécessitent l’autorisation expresse du bénéficiaire. Les salariés doivent donc être informés de l’existence d’un dispositif d’avances sur participation ou d’intéressement, dans des conditions qui ont été fixées par deux décrets du 29 juin et du 5 juillet 2024.
Le ministère du travail a publié le 9 octobre 2024 un questions-réponses visant à préciser certains points en la matière.
L’accord doit indiquer, en cas de versement d’avances, les modalités de recueil de l’accord du salarié (parmi lesquelles le délai dont le salarié dispose pour donner son accord) et l’impossibilité de débloquer le trop-perçu s’il a été affecté à un plan d’épargne salariale ou son reversement intégral sous la forme d’une retenue sur salaire, en l’absence d’une telle affectation (article R.3313-12 du code du travail).
Les accords d’intéressement qui prévoyaient déjà la possibilité, pour les salariés, de bénéficier d’avances sur intéressement, doivent-ils être modifiés ? Selon le ministère, en l’absence de stipulation conventionnelle relative aux modalités de recueil de l’accord des salariés, la disposition supplétive prévue à l’article D.3348-1 du code du travail s’applique en attendant la modification des accords d’intéressement.
► Selon cet article, le salarié dispose d’un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé l’informant de cette possibilité, pour donner son accord.
La loi sur le partage de la valeur prévoit que la périodicité des avances sur participation ou intéressement ne peut pas être inférieure au trimestre.
Ainsi, que deviennent les accords d’intéressement prévoyant déjà le versement d’avances dont la périodicité était inférieure ? Doivent-ils être modifiés ? Non, répond le questions-réponses. Ce n’est pas nécessaire dans la mesure où la nouvelle disposition relative à la périodicité s’applique de plein droit car d’ordre public. Les avances ne peuvent plus être inférieures au trimestre.
Si l’accord d’intéressement ou de participation prévoit le versement d’avances, l’employeur informe chaque salarié de cette possibilité et du délai dont il dispose pour donner son accord.
En l’absence de stipulation dans l’accord, ce délai est de 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandée avec avis de réception ou de la remise contre récépissé l’informant de cette possibilité.
► A défaut d’accord exprès du salarié sur le principe du versement d’une avance au titre de la participation ou de l’intéressement, aucune avance ne lui est versée (article D.3348-1 du code du travail).
Le ministère rappelle que l’article L.3348-1 du code du travail permet le versement de plusieurs avances par exercice mais dont la périodicité ne peut être inférieure au trimestre.
Il précise que, dans la mesure où le versement de plusieurs avances dans l’exercice a été retenu, les salariés doivent être interrogés avant chaque versement de l’avance afin de donner leur accord sur son principe. Mais il admet que l’interrogation n’ait lieu qu’une fois par exercice, lors du premier versement. La réponse du salarié pourra être considérée comme valable non seulement pour le premier versement mais aussi pour les suivants. Après chaque versement, le salarié aura la possibilité, pour le versement suivant, de revenir sur son choix initial ; il devra être informé de cette possibilité lors de l’interrogation au titre du premier versement. Sans initiative de sa part, son choix initial l’engagera pour l’ensemble des versements au titre des avances de l’exercice.
Cette fiche doit mentionner (article D.3348-2 du code du travail) :
- le montant des droits attribués à l’intéressé au titre de l’avance ;
- la retenue opérée au titre de la CSG/CRDS ;
- l’obligation et les modalités de reversement par le bénéficiaire à l’employeur lorsque ses droits définitifs sont inférieurs à la somme des avances reçues (situation de trop-perçu) ;
- l’impossibilité de débloquer le trop-perçu lorsqu’il a été affecté à un plan d’épargne salariale ou retraite : il constitue donc un versement volontaire du bénéficiaire et n’ouvre pas droit aux exonérations fiscales et sociales ;
- lorsque l’avance est investie sur un plan d’épargne salariale ou retraite, le délai à partir duquel les droits nés de cet investissement seront disponibles et les cas de déblocage anticipé ;
- les modalités d’affectation par défaut au PEE des sommes attribuées au titre de l’avance sur intéressement, conformément aux dispositions de l’article L. 3315-2 du code du travail ;
- les modalités d’affectation par défaut au Perco ou au Pereco des sommes attribuées au titre de l’avance sur participation, conformément aux dispositions de l’article L.3324-12 du code du travail ;
- l’accord du bénéficiaire sur le principe de l’avance.
Sauf opposition du salarié, la remise de cette fiche peut être faite par voie électronique, dans des conditions de nature à garantir l’intégrité des données.
► Le contenu de la fiche individuelle de versement de la prime d’intéressement ou de participation doit aussi mentionner d’une part le montant total des droits attribués à l’intéressé et, d’autre part, le cas échéant, le montant des sommes reçues au titre des avances ainsi que le montant des droits restant à percevoir ou à reverser à l’employeur (articles D.3313-9 et D.3323-16 du code du travail).
Selon le questions-réponses du ministère, une fiche distincte du bulletin de salaire doit obligatoirement être remise au salarié à chaque versement d’avance au cours de l’exercice.
Si les droits définitifs attribués au bénéficiaire s’avèrent inférieurs à la somme des avances reçues, le trop-perçu est récupéré par retenue sur salaire dans les conditions prévues à l’article L.3251-3 du code du travail (système de la compensation).
► Rappelons que, selon cet article, pour les avances en espèces, l’employeur peut pratiquer une retenue sur salaire dans la limite du dixième du montant des salaires exigibles.
Le ministère rappelle que, dans l’hypothèse où le salarié a bénéficié d’avances supérieures aux droits définitifs qui lui ont été par la suite attribués mais que ce dernier ne peut pas être joint, le trop-perçu perd sa qualité d’intéressement ou de participation et devient du salaire. Il suit donc les règles des trop-perçus sur salaires prévues à l’article précité.
