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SOCIAL

Partage de la valeur : un questions-réponses sur les trois nouveaux cas de déblocage anticipé du PEE
En principe, les avoirs acquis par les bénéficiaires d’un plan d’épargne entreprise (PEE) ne peuvent leur être délivrés avant l’expiration d’un délai minimum de cinq ans courant à compter de la date d’acquisition des titres (article L.3332-25 du code du travail).
A ce principe, quelques exceptions : quelle que soit leur origine (participation, intéressement, prime de partage de la valeur, versements volontaires, abondement de l’entreprise), les sommes affectées à un PEE peuvent être débloquées par anticipation dans les mêmes cas que la participation.
Jusqu’au 7 juillet 2024, il existait 10 cas de déblocage anticipé. Depuis cette date, trois nouveaux cas de déblocage viennent enrichir la liste réglementaire (articles R. 3332-28 et R. 3324-22 du code du travail) :
- l’affectation à des travaux de rénovation énergétique de la résidence principale ;
- l’achat d’un véhicule « propre » ;
- l’activité de proche aidant exercée par le salarié, son conjoint ou son partenaire de Pacs auprès d’un proche.
► Finalisant la transposition de l’ANI relatif au partage de la valeur en entreprise conclu entre les partenaires sociaux le 10 février 2023, le décret du 5 juillet 2024 a créé ces trois nouveaux cas de déblocage anticipé.
Dans un questions-réponses diffusé sur son site internet le 9 octobre, le ministère du travail explicite ces nouvelles situations.
Le bénéficiaire d’un PEE peut solliciter le déblocage anticipé de ses avoirs lorsqu’il justifie de travaux de rénovation énergétique éligibles à l’éco-PTZ listés aux articles D.319-16 et D.319-17 du code de la construction et de l’habitation. Cette nouvelle possibilité de déblocage est ouverte aux travaux survenus à compter du 7 juillet 2024. La demande de déblocage doit être faite dans les six mois à compter de la survenance du fait générateur.
► En principe, le fait générateur pour la réalisation de travaux de rénovation énergétique de la résidence principale est la date de la facture des travaux. Mais l’administration admet que cela puisse être la date de l’acceptation du devis (QR n° 5), afin d’éviter à l’intéressé de faire l’avance des frais.
Quels travaux sont précisément visés, pour quels types de frais ? Faut-il faire appel à un professionnel ou le bénéficiaire peut-il solliciter ce déblocage lorsqu’il réalise lui-même ces travaux de rénovation ? L’administration répond à ces interrogations.
Travaux et frais visés
Les types de travaux (au nombre de quatre) et les frais ouvrant droit à ce cas de déblocage anticipé des avoirs d’un PEE (QR n° 1 et n° 4) sont récapitulés dans le tableau suivant.
Attention ! La liste des travaux de rénovation énergétique éligibles au déblocage anticipé est limitative (QR n° 1).
Travaux de rénovation énergétique éligibles au déblocage anticipé (QR n° 1) |
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Types de travaux visés |
Précisions |
Travaux de rénovation permettant au logement d’améliorer sa performance énergétique |
Ils doivent être fixés parmi les actions suivantes :
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Travaux ouvrant droit à une aide accordée par l’Agence nationale de l’habitat au titre de la lutte contre la précarité énergétique |
Les aides de l’Etat visées ici sont de deux types :
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Travaux permettant d’atteindre une performance énergétique globale minimale du logement |
Ces travaux doivent permettre d’atteindre une étiquette après travaux inférieure à 331 kWh/m2 par an sur les usages chauffage, refroidissement et production d’eau chaude sanitaire (étiquette E du DPE), et un gain énergétique d’au moins 35 %. Un audit énergétique réalisé par un diagnostiqueur qualifié doit être effectué au préalable pour déterminer les travaux nécessaires. |
Travaux de réhabilitation de l’installation d’assainissement non collectif |
Le nouveau système ne doit pas consommer d’énergie et se conformer à des prescriptions techniques spécifiques. |
Dépenses éligibles au déblocage anticipé (QR n° 4) |
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Frais visés | Précisions |
Coût de la fourniture et de la pose des équipements, produits et ouvrages nécessaires à la réalisation des travaux d’économie d’énergie |
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Coût de la dépose et de la mise en décharge des ouvrages, produits et équipements existants | _ |
Frais de maîtrise d’œuvre et des études relatives aux travaux ou autres études techniques nécessaires | _ |
Frais de l’assurance maître d’ouvrage éventuellement souscrite par l’emprunteur | _ |
Coût des travaux nécessaires, indissociablement liés aux travaux d’économie d’énergie, précisés par l’arrêté du 30 mars 2009 relatif aux conditions d’application de dispositions concernant les avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens | _ |
Les travaux doivent obligatoirement être réalisés par des professionnels qualifiés « Reconnus garants de l’environnement » (RGE) qui doivent également fournir les matériaux, précise l’administration dans la QR n° 3.
► Un annuaire est mis à la disposition des personnes souhaitant faire réaliser des travaux de rénovation énergétique sur le site France-renov.gouv.fr. Il permet notamment de trouver un professionnel RGE.
Ainsi des travaux de rénovation réalisés par le bénéficiaire du PEE lui-même n’ouvrent pas droit à déblocage anticipé. Idem lorsqu’il fournit les matériaux au professionnel.
Justificatifs à produire
A titre liminaire, précisons que le code du travail ne comporte pas de liste exhaustive des documents à produire à l’appui de la demande de déblocage anticipé. Dès lors, les justificatifs mentionnés par le ministère du travail dans ce « questions-réponses » n’ont qu’une valeur indicative.
► Les justificatifs mentionnés par l’administration correspondent aux justificatifs les plus habituels.
L’intéressé peut donc produire à l’appui de sa demande, tout autre document de référence permettant d’attester de la situation au titre de laquelle il sollicite un déblocage.
► Pour éviter tout contentieux, mieux vaut demander à l’organisme gestionnaire du PEE quels sont les justificatifs requis.
Pour l’administration, la demande de déblocage anticipé est accompagnée des justificatifs suivants (QR n° 9) :
- la facture des travaux réalisés ou le devis accepté ;
- et le ou les formulaires type « entreprise individuel action métropole« , « Entreprise performance globale« , « Entreprise Assainissement (métropole et Dom)« , « Entreprise réalisation d’une ou plusieurs actions de rénovation énergétique (Outre-mer) » et/ou « Entreprise Performance globale (Outre-mer) » remplis par les professionnels RGE ou le justificatif d’attribution de MaPrimRénov’.
Une attestation sur l’honneur du salarié indiquant que les sommes débloquées sont destinées au financement de travaux énergétiques de sa résidence principale est également requise (QR n° 9).
► Sur les justificatifs à fournir en cas de prêt, voir ci-après.
Sommes et montant susceptibles d’être débloqués
Fort logiquement, seuls les droits constitués avant le fait générateur, à savoir avant la date de la facture des travaux ou avant la date du devis accepté, sont concernés par le déblocage anticipé (QR n° 6).
Si deux conjoints bénéficiaires d’un PEE réalisent les travaux de rénovation de leur résidence principale, chacun d’eux peut obtenir simultanément le déblocage de leurs avoirs, sous réserve que ces déblocages n’entraînent pas un surfinancement des travaux (QR n° 8).
Les avoirs du PEE dont l’intéressé demande le déblocage doivent intégralement servir à la réalisation de travaux de rénovation énergétique de la résidence principale (QR n° 7).
Particularités à prendre en compte en cas de prêt finançant les travaux
En cas de prêt, un plan de financement émanant de l’établissement de crédit doit être joint à la demande de déblocage.
Il doit faire apparaître (QR n° 7 et n° 9) :
- l’objet du prêt ;
- le montant du prêt ;
- le montant des aides publiques ;
- le lieu des travaux ;
- le montant de l’apport personnel de l’intéressé ;
- et le montant des avoirs du PEE devant être intégré au calcul de l’apport personnel : le montant du déblocage anticipé est au plus égal à celui de l’apport personnel.
► Ainsi, le salarié peut intégralement financer son apport personnel par son épargne salariale. Si le plan de financement ne peut être fourni, l’administration semble admettre qu’il puisse être remplacé par une offre de prêt (QR n° 9).
Si, à la date de la demande de déblocage, le montant des avoirs ne peut pas être déterminé ou individualisé afin d’être intégré dans l’apport personnel figurant dans le plan de financement, l’absence de surfinancement est réputée vérifiée si le montant des avoirs débloqués n’excède pas le montant de l’apport personnel (QR n° 7).
► Ce montant est égal à la différence entre le coût total de l’opération et le montant des prêts et des aides publiques. Notons que les frais supportés liés à l’opération peuvent être pris en compte dans l’évaluation du montant de la réalisation des travaux de rénovation énergétique.
Dernière précision de l’administration : si la demande de déblocage est faite sur présentation du plan de financement des travaux émis par l’établissement de crédit, les fonds sont susceptibles d’être débloqués avant l’intervention du fait générateur lui-même (date de la facture des travaux ou du devis accepté). Dans ce cas, le bénéficiaire du PEE doit joindre à sa demande une déclaration sur l’honneur par laquelle il s’engage à fournir les pièces justificatives mentionnées ci-avant et à restituer, le cas échéant, les sommes débloquées si les travaux ne sont pas réalisés.
Particularités applicables au logement en copropriété
La rénovation énergétique d’un logement appartenant à une copropriété est également éligible au déblocage anticipé si ce logement est la résidence principale de l’intéressé (QR n° 2). Dans ce cas, l’intéressé doit :
- demander le déblocage de ses avoirs une seule fois, pour la globalité de la somme nécessaire aux travaux de rénovation : peu importe que les fonds soient appelés en une ou plusieurs fois par le syndic de copropriété ;
- joindre à sa demande la copie du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires validant les travaux et l’appel de fonds du syndic de copropriété.
Le déblocage anticipé des sommes épargnées sur un PEE est également possible pour l’achat :
- d’un véhicule utilisant l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux comme source exclusive d’énergie (camionnette, voiture, deux ou trois roues, quadricycle à moteur) ;
- d’un cycle à pédalage assisté neuf.
La demande de déblocage doit être présentée dans un délai de 6 mois à compter de la survenance du fait générateur survenu après le 7 juillet 2024.
L’administration donne des précisions sur les véhicules concernés, sur le fait générateur et sur les pièces justificatives à fournir.
Précisions sur véhicules concernés
Les véhicules visés par ce cas de déblocage sont (QR n° 17) :
- les vélos et vélos-cargos électriques neufs ;
- les voitures particulières, les camionnettes, les motos, les scooters, neufs ou d’occasion, qui n’émettent pas de CO2, c’est-à-dire les seuls véhicules électriques et/ou hydrogènes : l’administration précise que les véhicules d’occasion vendus entre particuliers appartenant à cette catégorie sont éligibles au déblocage anticipé mais quid des véhicules « propres » d’occasion vendus par un professionnel ? L’administration semble les exclure du dispositif.
► Cette exclusion laisse perplexe, surtout lorsqu’on compare ce cas de déblocage à celui ouvert aux travaux de rénovation énergétique qui est subordonné à la réalisation des travaux par un professionnel RGE.
L’acquisition d’un véhicule « propre » à l’issue de sa location est éligible au déblocage. En revanche, la location du véhicule n’y ouvre pas droit (QR n° 18).
Attention ! L’achat du véhicule doit être fait au nom de l’intéressé. Le déblocage de ses avoirs n’est pas permis s’il acquiert le véhicule au profit de son seul conjoint ou de son partenaire de Pacs (QR n° 19).
Les sommes épargnées dont le déblocage est demandé doivent être intégralement employées à l’achat du véhicule propre (QR n° 22).
Fait générateur
En l’absence de précision sur le fait générateur de ce cas de déblocage, l’on pouvait supposer qu’il s’agissait de la date d’achat ou de signature du bon de commande.
L’administration est plus restrictive (QR n° 20). Pour elle, le fait générateur pour l’achat d’un véhicule « propre » est :
- soit la date de la facture d’achat : notons que, si la date de facturation constitue le fait générateur, le bon de commande est admis comme justificatif ;
- soit celle de la levée d’option à l’issue d’une location ;
- soit la date de cession dans le cas d’une cession entre particuliers.
Justificatifs à produire
A titre liminaire, précisons que la liste des pièces justificatives mentionnées par l’administration dans ce « Questions-réponses » n’est, comme pour le cas de déblocage ouvert aux travaux de rénovation énergétique, qu’indicative.
L’administration indique, à la question n° 22, que la demande de déblocage est accompagnée :
du bon de commande ou de la facture du véhicule ou du vélo ;
pour les véhicules d’occasion vendus entre particuliers, d’une déclaration sur l’honneur attestant du prix d’achat du véhicule, par laquelle le bénéficiaire s’engage à fournir la copie de la carte grise barrée du vendeur (carte grise ou certificat d’immatriculation) et de la carte grise nouvelle à son nom (carte grise ou certificat d’immatriculation) et à restituer, le cas échéant, les sommes débloquées si l’achat n’est finalement pas réalisé.
► En cas de prêt, l’intéressé doit joindre un plan de financement émanant de l’établissement de crédit répondant aux mêmes caractéristiques que celui requis pour le déblocage des avoirs en cas de travaux de rénovation énergétique. A noter également que, dans ce cas, les mêmes particularités que celles applicables au déblocage pour rénovation énergétique doivent être respectées (QR n° 22).
L’intéressé doit également justifier du caractère « propre » du véhicule. Le type d’énergie du véhicule apparaît sur le bon de commande et, pour les véhicules d’occasion, sur la carte grise dans le champ P.3 renseigné par le code EL ou H2 (QR n° 23).
Enfin, le déblocage anticipé des avoirs en compte dans le PEE est possible, depuis le 7 juillet 2024, lorsque le salarié, son conjoint ou son partenaire de Pacs exerce l’activité de proche aidant auprès d’un proche tel que défini aux articles L.3142-16 et L.3142-17 du code du travail relatifs au congé de proche aidant. Reprenant ces articles, l’administration énumère les proches aidés ouvrant droit au déblocage.
► Il peut s’agir du conjoint du demandeur, de son concubin, de son partenaire de Pacs, d’un ascendant, d’un descendant, d’un enfant dont il assume la charge au sens de l’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, d’un collatéral jusqu’au 4e degré, d’un ascendant, descendant, collatéral jusqu’au 4e degré de son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs, d’une personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.
Rappelons que la demande de déblocage peut être faite à tout moment et que la personne aidée doit résider en France de façon stable et régulière.
Précision importante donnée par l’administration : ce motif de déblocage peut être utilisé une fois par année civile pour le même fait générateur (QR n° 15).
Un déblocage non conditionné à la prise d’un congé de proche aidant
Le renvoi aux dispositions relatives au congé de proche aidant n’implique pas que le salarié, son conjoint ou son partenaire de Pacs soit effectivement en congé de proche aidant. Ce renvoi n’est limité qu’à la définition des proches pouvant être aidés dans le cadre d’un tel congé. Cette interprétation est corroborée par le fait que la demande de déblocage anticipé à ce titre peut être faite à tout moment et pas seulement au moment du congé (article R.3324-23 du code du travail).
Une interprétation confirmée par l’administration (QR n° 10) : le déblocage anticipé n’est pas conditionné par la prise d’un congé de proche aidant.
Justificatifs à produire
Les justificatifs à fournir pour ce cas de déblocage sont récapitulés dans le tableau suivant.
Notons que les mêmes remarques liminaires que celles signalées pour les deux premiers cas de déblocage anticipé doivent être faites.
Déblocage anticipé pour l’activité de proche aidant : pièces justificatives (QR n° 13) |
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Dans tous les cas, déclaration sur l’honneur de l’aide apportée et : |
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Pour une personne aidée apparentée au demandeur | Livret de famille ou déclaration sur l’honneur du lien familial du demandeur avec la personne aidée |
Pour une personne aidée non apparentée au demandeur |
Déclaration sur l’honneur des liens étroits et stables avec la personne âgée ou handicapée avec laquelle le demandeur réside ou entretient des liens étroits et stables |
Selon les cas : |
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Pour un enfant handicapé qui vit au foyer du demandeur ou un adulte handicapé |
Copie de la décision prise en application de la législation de la Sécurité sociale ou d’aide sociale subordonnée à la justification d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 80 % |
En cas de perte d’autonomie de la personne aidée |
Copie de la décision d’attribution de l’APA (C. action soc. et fam., art. L. 232-2) |
En outre, lorsque la personne aidée en bénéficie, une copie de la décision d’attribution des prestations suivantes peut être requise (QR n° 13) :
- majoration d’une tierce personne pour aide constante ;
- prestation complémentaire pour recours à tierce personne ;
- majoration spéciale pour assistance d’une tierce personne relevant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ;
- majoration attribuée aux fonctionnaires et aux magistrats invalides dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie ;
- majoration pour tierce personne pour les militaires et victimes de guerre.
L’attestation de l’employeur du bénéficiaire (ou de celui de son conjoint ou partenaire de Pacs) indiquant que celui-ci bénéficie d’un congé de proche aidant peut également permettre de justifier la demande de déblocage.
En revanche, le demandeur n’a pas à fournir des justificatifs de dépenses : le cas de déblocage est lié à sa situation (être proche aidant) et n’est pas conditionné à un niveau de dépenses (QR n° 14).
Lorsque la demande de déblocage est faite plusieurs fois pour le même fait générateur, le demandeur reste tenu de fournir les justificatifs (en cours de validité) et les attestations sur l’honneur susvisées à chaque demande (QR n° 16).


Congé maternité : le dispositif légal de rattrapage salarial ne s’applique qu’à l’issue du congé
Par un arrêt du 2 octobre 2024, la Cour de cassation se prononce sur l’application du dispositif légal de garantie d’évolution salariale prévu au bénéfice des salariées reprenant le travail après un congé de maternité.
Ce dispositif, instauré par la loi du 23 mars 2006, est inscrit à l’article L.1225-26 du code du travail. Il vise à neutraliser les conséquences financières pour la salariée du congé de maternité. Il s’applique dans les conditions définies par un accord collectif de branche ou d’entreprise conclu à compter du 25 mars 2006 et au moins aussi favorables que le dispositif légal. A défaut, ce sont les modalités fixées par la loi qui s’appliquent.
Le dispositif prévu par l’article L. 1225-26 consiste à majorer la rémunération de la salariée des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée du congé de maternité par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.
Dans cette affaire, en l’absence d’accord collectif applicable, les juges étaient saisis d’un litige relatif à l’application du dispositif légal.
En l’espèce, la salariée, estimant avoir été privée pendant son congé de maternité d’une augmentation de salaire de 300 euros accordée à l’ensemble des salariés dès février 2015, saisit la juridiction prud’homale afin de demander le paiement d’un rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement et des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’une discrimination en raison de sa maternité. Elle reproche en effet à son employeur ne pas l’avoir augmentée de 300 euros pendant son congé de maternité, comme il le lui avait promis, et de ne lui avoir accordé cette augmentation qu’à l’issue de son congé de maternité.
La cour d’appel la déboute de sa demande. Elle retient que l’augmentation de 300 euros par mois promise par l’employeur lui a été accordée à l’issue de son congé de maternité, ce qui contredit son accusation d’inégalité salariale ou de discrimination en raison de sa maternité.
La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir débouté la salariée de ses demandes.
Après avoir rappelé les termes de l’article L. 1225-26 du code du travail, la Haute Juridiction en déduit que, sauf accord collectif plus favorable, la majoration de la rémunération de la salariée qui en résulte n’est pas due pour la période du congé de maternité, durant laquelle le contrat de travail est suspendu. L’employeur n’est tenu de la verser qu’à l’issue de ce congé et pour la période postérieure à celui-ci.
La Cour de cassation, qui fait ici une application stricte des dispositions de l’article L. 1225-26 du code du travail qui sont d’ordre public (arrêt du 14 février 2018), rejoint la position retenue par l’administration dans une circulaire du 19 avril 2007 concernant l’application de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes. Selon la circulaire, le rattrapage salarial est dû à compter du retour de la personne salariée dans l’entreprise après son congé de maternité ou d’adoption et doit être versé à la suite de ce congé. Lorsque la personne salariée concernée enchaîne un congé de maternité puis un congé parental d’éducation, ce n’est qu’à son retour dans l’entreprise que le rattrapage salarial pourra être appliqué. La question reste toutefois en suspens lorsque la salariée enchaîne un congé de maternité puis des congés payés.

Transparence salariale : six entreprises sur 10 vont devoir adapter leur politique de rémunération
Les entreprises se révèlent encore peu préparées à la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations qui devrait être effective d’ici à juin 2026, selon une enquête réalisée par PageGroup, en partenariat avec Yougov, auprès de 1 000 actifs et 300 dirigeants et professionnels RH. Six entreprises sur 10 vont devoir adapter leur politique de rémunération pour être conforme à ce texte.

Avantages en nature : de nouvelles précisions du Boss
Dans une mise à jour du 25 septembre (Avantages en nature § 1000, §§ 1005 à 1020 et § 1070) qui est opposable depuis le 1er octobre, le bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) précise que, par principe, la fourniture gratuite ou à tarif préférentiel aux salariés de biens et services vendus par l’entreprise constitue un avantage en nature (soumis donc aux cotisations et contributions sociales) qui doit être évalué selon sa valeur réelle. Cependant, sous certaines conditions, l’avantage accordé au salarié qui bénéficie de réductions tarifaires peut être négligé.
Les réductions tarifaires sur les biens et services vendus par l’entreprise à ses salariés ne sont pas soumises à cotisations et contributions sociales dès lors qu’elles n’excèdent pas 30 % du prix de vente public (TTC). Lorsque la remise dépasse 30 % du prix de vente public (TTC), la totalité de l’avantage en nature doit être réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions sociales. Cette tolérance concerne l’ensemble des biens ou services vendus par l’entreprise qui emploie le salarié, y compris les biens et services achetés auprès de fournisseurs.
Pour les biens non alimentaires qui ne peuvent plus être vendus, les réductions tarifaires sont admises dans limite de 50 % du prix de vente public normal (TTC) à condition qu’elles respectent la limite du seuil de vente à perte. Le Boss précise que, désormais, si la remise dépasse 50 % du prix de vente public, la totalité de l’avantage en nature doit être réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.


Une salariée ne peut pas être licenciée pour faute grave en raison de faits imputés à son compagnon
Dans cette affaire, une salariée se rend sur le parking de son entreprise, avec son compagnon, à une heure matinale avant de commencer sa journée de travail. Une altercation a lieu entre ce dernier et son supérieur hiérarchique. La salariée est licenciée pour faute grave en raison de cet incident. Cette dernière conteste son licenciement.
Pour la cour d’appel, son licenciement disciplinaire est justifié dès lors qu’elle était encore en congés le jour de l’incident et n’avait aucune raison de se trouver sur le parking de l’entreprise tôt le matin. Elle s’y était rendue avec son compagnon, ancien salarié de l’entreprise licencié pour des faits de violence commis à l’égard d’un autre supérieur hiérarchique. Une décision toutefois censurée par la Cour de cassation.
Ici, la Cour de cassation rappelle un principe bien établi selon lequel le comportement fautif retenu comme cause du licenciement ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié (arrêt du 21 mars 2000).
Puis elle relève qu’il ressort des conclusions d’appel que la salariée n’était pas en congés le jour de l’altercation et s’était présentée sur le parking de l’entreprise à une heure matinale parce qu’elle commençait son service à 5 heures du matin. L’altercation, qui s’était produite hors du temps et du lieu de travail, avait opposé le supérieur hiérarchique de la salariée et son compagnon.
► Les faits commis en dehors du temps et du lieu du travail relèvent de la vie personnelle du salarié. Ils ne peuvent pas en principe justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’ils se rattachent à la vie professionnelle (arrêt du 6 février 2002) ou en cas de manquement à une obligation découlant du contrat de travail (Assemblée plénière, 22 décembre 2023). Mais en cas de trouble causé au bon fonctionnement de l’entreprise, un licenciement pour cause réelle et sérieuse est possible (arrêt du 13 avril 2023).
La Cour de cassation en déduit qu’aucune faute personnellement imputable à la salariée ne pouvait lui être reprochée, de sorte qu’un licenciement disciplinaire ne pouvait pas être prononcé à son égard. Autrement dit, la salariée ne peut pas être sanctionnée pour des actes commis par son compagnon et non par elle-même. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel afin de statuer sur le sort de la rupture.
► Cette solution confirme la jurisprudence de la Cour de cassation à ce sujet. Par exemple, a été jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement motivé par l’altercation survenue entre l’employeur d’une salariée et le concubin de celle-ci (arrêt du 8 novembre 1995) ou par le scandale et l’agression commise par le mari d’une salariée dans l’entreprise où celle-ci travaillait (arrêt du 23 juin 2004). Mais attention, la Cour de cassation réserve l’hypothèse où le salarié est à l’instigation de l’incident : le licenciement pour faute grave a été jugé justifié dans un cas où une salariée avait incité son époux à se rendre sur son lieu de travail pour faire usage de la force (arrêt du 2 mars 2017).


Quel droit à l’indemnité de précarité en cas de demande de non-renouvellement d’un CDD avant l’offre de CDI ?
Lorsque, à l’issue d’un CDD, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un CDI, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation (article L 1243-8 du code du travail). Par exception, l’employeur n’a pas à verser cette indemnité lorsque le salarié refuse d’accepter la conclusion d’un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente (article L 1243-10, 3°). Selon l’administration, cette exception ne joue que si la conclusion d’un CDI est proposée au salarié avant la survenance du terme du CDD ou immédiatement après (Circulaire DRT 92-14 du 29-8-1992 n° 54). Mais la Cour de cassation a jugé qu’elle devait intervenir avant la fin du CDD (Cassation n° 95-45.093).
L’indemnité de précarité est-elle due lorsque la proposition de CDI intervient après que le salarié a annoncé son souhait de ne pas poursuivre la relation de travail au-delà du terme du CDD en cours ? Telle était la question que devait trancher la chambre sociale de la Cour de cassation dans cette affaire (Cassation n° 23-12.340).
En l’espèce, une salariée en CDD avait demandé le non-renouvellement de son contrat de travail. Postérieurement, mais avant la fin de son CDD, son employeur lui avait proposé un avenant de transformation de son CDD en CDI. La salariée ayant décliné cette offre, la relation de travail avait cessé au terme prévu et l’employeur ne lui avait pas versé l’indemnité de précarité. Elle avait alors saisi le conseil de prud’hommes pour en obtenir le paiement.
Les premiers juges lui avait donné gain de cause au motif que la proposition de CDI était intervenue après qu’elle avait manifesté son intention de ne pas renouveler le CDD. Autrement dit, pour les juges du fond, dans la mesure où la salariée avait fait part de son souhait de ne pas aller au-delà du terme du CDD, l’employeur devait lui verser l’indemnité de précarité.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : dès lors que l’employeur avait offert, avant le terme du CDD, la conclusion d’un CDI que la salariée avait refusée, l’indemnité n’était pas due, peu important que le salarié ait préalablement manifesté son intention de mettre un terme aux relations contractuelles à l’issue du CDD. La Haute Juridiction se prononce au visa de l’article L 1243-10 du Code du travail qu’elle rappelle.
A notre avis : La solution aurait-elle été la même si l’employeur avait fait la proposition de CDI après le terme du contrat ? Il est permis d’en douter, compte tenu du précédent de 1997. Pour que l’employeur n’ait pas à verser l’indemnité de fin de contrat au salarié qui refuse un CDI, il doit lui avoir fait la proposition avant l’arrivée du terme du CDD.
A noter : On rappellera utilement que, depuis le 1er janvier 2024, l’employeur qui propose au salarié un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, lui notifie par écrit avant le terme du contrat en lui laissant un délai de réflexion et, en cas de refus, en informe France Travail en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé, ce refus pouvant priver l’intéressé de ses droits à chômage (article L 1243-11-1 et R 1243-2 du code du travail).


Différer le dépôt de la DSN en cas de décalage de paie suppose d’informer préalablement l’Urssaf
Selon le Code de la sécurité sociale, la déclaration sociale nominative (DSN) doit être adressée le mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues, au plus tard, le 5 de ce mois pour les employeurs dont l’effectif est d’au moins 50 salariés et dont la paie est effectuée au cours du même mois que la période de travail ou le 15 de ce mois dans les autres cas. Pour les entreprises d’au moins 50 salariés pratiquant le décalage de paie, la DSN peut donc être envoyée le 15 du mois. La Cour de cassation était toutefois interrogée pour savoir si un tel décalage de la paie emportait automatiquement le décalage de l’envoi de la DSN ou s’il importait au contraire à l’employeur d’informer au préalable l’Urssaf.
Dans cet arrêt du 5 septembre 2024, l’Urssaf avait considéré qu’une société avait procédé à l’envoi tardif de sa déclaration sociale nominative pour les mois de février à juin 2017. L’organisme de recouvrement lui avait alors notifié des pénalités, puis une mise en demeure.
De son côté, la société contestait cette décision dans la mesure où, pratiquant le décalage de paie, elle s’estimait en fait dans les délais. Les juges du fond lui ont donné raison et ont annulé les pénalités. Ils ont condamné l’organisme de recouvrement au remboursement des sommes litigieuses.
L’Urssaf se pourvoit en cassation. Pour l’organisme de recouvrement, il existe une présomption de paiement des salaires au cours du même mois que la période de travail et il appartient à l’employeur de l’informer afin que soit décalée en temps utile la date d’exigibilité de la DSN au 15 du mois suivant et que ne soient pas appliquées des pénalités de retard.
Selon l’article R 243-12 du CSS, une pénalité égale à 1,5 % du montant du plafond mensuel des cotisations de sécurité sociale par travailleur salarié ou assimilé est appliquée, pour chaque mois ou fraction de mois de retard, à l’employeur en cas de défaut de production des déclarations aux échéances prescrites ou en cas d’omission de salariés ou assimilés sur celles-ci. L’obligation s’applique, plus particulièrement, à la déclaration sociale nominative prévue par l’article L 133-5-3 du CSS, laquelle doit être produite à l’appui du versement des cotisations. Les dispositions de l’article R 133-14 du CSS renvoient, en effet, sur ce point à l’article R 243-6 du même Code qui précisent que le versement des cotisations doit intervenir au cours du mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues, le 5 de ce mois pour les employeurs dont l’effectif est d’au moins 50 salariés et dont la paie est effectuée le même mois que la période d’activité, et le 15 de ce mois dans les autres cas (CSS art. R 243-6, II dans sa version applicable au litige). Cette dernière formule s’applique non seulement aux employeurs dont l’effectif est inférieur à 50 salariés, mais également aux employeurs qui emploient au moins 50 salariés dans l’hypothèse où la rémunération afférente à un mois déterminé n’est pas versée au cours de ce même mois, mais le mois suivant.
Ce cadre posé, le décalage de la paie emportait-il le décalage de l’envoi de la déclaration sociale nominative ? La Cour de cassation répond à la question par l’affirmative tout en assortissant la faculté ainsi ouverte à l’employeur d’une condition bien précise : il importe que ce dernier ait informé au préalable l’organisme de recouvrement du décalage des opérations de versement de la rémunération aux salariés de l’entreprise. À défaut, l’employeur s’expose aux pénalités prévues en cas de retard ou d’omission dans les déclarations et productions auxquelles il est tenu.
A noter : La solution retenue confirme, si besoin était, l’importance accordée par le droit des cotisations sociales à l’exigibilité de ces dernières. Certes, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, complétée par celle pour 2024, a entendu modifier le fait générateur des cotisations. Alors que ce dernier procédait antérieurement du versement effectif de la rémunération au salarié, il est déterminé à présent, au terme d’une formule non dépourvue d’ambiguïté, par la période d’activité au titre de laquelle les revenus d’activité sont attribués (CSS art. L 242-1, I). Le régime juridique de la dette de cotisation n’en demeure pas moins tributaire, avant tout, du versement de la rémunération, lequel détermine, en particulier, l’exigibilité des cotisations. C’est dans cette perspective que s’inscrit la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, alors même qu’elle reprend sur la question du décalage de la paie et de ses effets sur les obligations déclaratives de l’employeur, la position prise en son temps par la chambre sociale (Cass. soc. 11-2-1981 no 79-12.869 P et 79-16.375 P : Bull. civ. V no 124 ; Cass. soc. 12-6-1981 no 79-13.043 P : Bull. civ. V no 549).


Clé USB personnelle : un mode de preuve illicite mais justifiable par le droit à la preuve
Dans un arrêt destiné à une large publication, la Cour de cassation se prononce sur la recevabilité de la preuve de faits fautifs obtenue à partir de l’examen de clés USB personnelles. Une salariée, assistante commerciale, est licenciée pour faute grave pour avoir copié, sur plusieurs clés USB trouvées dans son bureau par l’employeur, de nombreux fichiers de l’entreprise, dont certains relatifs à des données de fabrication, auxquels elle n’avait pas accès dans le cadre de ses fonctions. Elle conteste principalement la licéité du contrôle de l’employeur sur le contenu de ces clés USB personnelles, dont celui-ci alléguait qu’elles se trouvaient dans le bureau de la salariée, mais pas connectées à l’ordinateur professionnel, même si elles avaient pu l’être par le passé.
La chambre sociale de la Cour de cassation affirme, sur le fondement de l’article L.1121-1 du code du travail, que l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié. Par conséquent, ce mode d’obtention d’une preuve est illicite.
Cette solution est à rapprocher d’une autre, adoptée une dizaine d’année plus tôt, ayant admis qu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, est présumée utilisée à des fins professionnelles. L’employeur peut donc avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, hors la présence du salarié (arrêt du 12 février 2013).
La cour d’appel de Lyon a au contraire jugé que les clés USB trouvées sur le bureau de la salariée ne pouvaient pas être identifiées comme personnelles, s’appuyant sur la jurisprudence selon laquelle les documents détenus par un salarié dans le bureau de l’entreprise sont présumés professionnels de sorte que l’employeur peut en prendre connaissance même sans la présence du salarié, sauf s’ils sont identifiés comme personnels (arrêt du 4 juillet 2012). Et l’avis de l’avocat général devant la Cour de cassation dans cette affaire penchait plutôt dans ce sens, dès lors qu’en l’espèce rien ne permettait de laisser présumer une quelconque destination personnelle des clés USB en dehors de tout signalement spécifique de l’intéressée.
La chambre sociale de la Cour de cassation fait sienne la position de l’Assemblée plénière du 22 décembre 2023 concernant les conditions d’admissibilité d’une preuve illicite. Ainsi, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
La chambre sociale ne recite pas l’attendu de principe de ses propres arrêts récents en la matière concernant la méthode devant être suivie par les juges du fond (arrêt du 8 mars 2023 ; arrêt du 14 février 2024), où elle recommande aux juges en présence d’une preuve illicite, de :
- s’interroger d’abord sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci ;
- rechercher ensuite si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié ;
- apprécier enfin le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.
C’est pourtant bien au travers de cette grille d’analyse que la Cour de cassation procède ici, elle-même, à l’exercice de mise en balance, à partir des constatations faites par les juges du fond. On notera qu’ayant jugé la preuve licite, ces derniers n’ont pas effectué cet exercice.
Ainsi, la cour d’appel a relevé que l’employeur faisait valoir qu’il avait agi de manière proportionnée afin d’exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires, de sorte que la mise en balance avec le droit à la preuve était bien demandée par une partie.
Elle a ensuite constaté que l’employeur démontrait qu’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée qui, selon le témoignage de deux de ses collègues, avait travaillé sur le poste informatique d’une collègue absente et imprimé de nombreux documents qu’elle avait ensuite rangés dans un sac plastique placé soit au pied de son bureau, soit dans une armoire métallique fermée.
La cour d’appel a ensuite relevé que pour établir le grief imputé à la salariée, l’employeur s’était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans une clé unique après un tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur, selon procès-verbal de constat d’huissier.
Dès lors, conclut la Cour de cassation, il en ressort que la production du listing de fichiers tiré de l’exploitation des clés USB était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces relatives au contenu des clés USB litigieuses étaient recevables.
La lettre de licenciement reprochait à la salariée de s’être connectée sur l’ordinateur de la dirigeante de l’entreprise et celui de sa collègue sans autorisation et d’avoir récupéré des données particulièrement sensibles auxquelles elle n’était pas censée avoir accès, faisant prendre un risque majeur pour l’entreprise de voir ces données « se retrouver dans la nature » sur des clés USB non sécurisées, anéantissant ainsi tous les efforts consentis par l’employeur pour protéger ses données.
La cour d’appel a relevé que la salariée, qui n’avait pas la charge de la fabrication de produits, avait copié de sa propre initiative sur des clés USB lui appartenant, de nombreux fichiers en lien avec le processus de fabrication qu’elle avait l’intention d’emporter avec elle. La Cour de cassation décide que la cour d’appel a pu en déduire que ces faits constituaient une faute grave rendant impossible le maintien dans l’entreprise de la salariée, peu important son ancienneté de 37 années.


Smic, retraite, emploi des seniors, apprentissage : Michel Barnier dévoile sa feuille de route
C’est dans une ambiance chahutée que le Premier ministre a tenu, mardi après-midi, son discours de politique générale devant un hémicycle sans majorité. Un exercice d’équilibriste alors que la gauche prévoit de déposer une motion de censure. Pour préparer sa feuille de route, il avait reçu la semaine dernière les organisations patronales et syndicales.
Sur le volet social, le chef du gouvernement a égrené ses priorités, aux premiers rangs desquelles figure la question du pouvoir d’achat. Il a annoncé une revalorisation du Smic « de 2 % dès le 1er novembre par anticipation de la date du 1er janvier ». Le Smic net mensuel serait ainsi porté à environ 1 426 euros nets, contre 1 398,70 euros actuellement. Ce qui ne signifie pas un coup de pouce mais une avance sur l’augmentation prévue au 1er janvier 2025, soit deux mois avant.
Au passage, il a fustigé la situation de certaines branches professionnelles « dans laquelle les minima ne sont pas acceptables ». « Cela fera l’objet de négociations rapides. L’Etat s’y engage », a-t-il promis.
Selon le dernier pointage du ministère du travail, transmis mardi, 146 branches professionnelles (85 %) ont conclu un accord ou émis une recommandation patronale prévoyant un premier coefficient supérieur ou égal au Smic, applicable à compter du 1er janvier 2024. Mais 25 % des branches (15 %) affichent au moins un coefficient en deçà. Le sujet n’est pas nouveau et plusieurs tentatives ont été entreprises pour inverser la tendance. Dernière en date, le projet de loi annoncé par l’ancien ministre du travail, Olivier Dussopt, pour juin 2024. Lequel prévoyait de calculer les exonérations de cotisations sociales non pas sur la base du Smic, mais sur la base des minima de branche pour celles qui ne sont pas en conformité. Mais le texte est resté lettre morte.
Dans la lignée de Gabriel Attal, qui avait appelé à une « désmicardisation » de la société, le négociateur du Brexit a déploré que les « dispositifs d’allègements de charges freinent la hausse des salaires au-dessus du Smic » tout en promettant de « revoir les dispositifs », mais sans donner plus de détail. Là encore, plusieurs travaux ont été initiés sur ce sujet dont ceux des économistes Antoine Bozio, et Etienne Wasmer, qui observaient, dans un rapport d’étape, en avril dernier, une « surconcentration » croissante des emplois dans une fourchette allant de 1 à 1,6 Smic où se regroupait l’essentiel des allègements. Avec à la clef, un phénomène de « trappes à bas salaires » voire des « trappes à promotions ».
Toujours sur le chapitre du pouvoir d’achat, le Premier ministre souhaite relancer la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, « et pas seulement dans les grandes entreprises », sans faire référence à la loi Pacte et à la loi sur le partage de la valeur, deux textes ciblés notamment en direction des PME.
L’ex-commissaire européen n’a pas éludé l’épineuse réforme des retraites, adoptée par 49-3 au printemps 2023. Il a invité les partenaires sociaux à reprendre le dialogue pour « corriger certaines limites de loi », en particulier « la question des retraites progressives, de l’usure professionnelle et de l’égalité professionnelle qui mérite mieux que des fins de non-recevoir ». Il a toutefois posé ses conditions : que ces aménagements soient « raisonnables et justes » arguant qu’il est « impératif de préserver l’équilibre durable de nos systèmes par répartition ».
Appelant à un « renouveau du dialogue social », il a ajouté qu’il faisait confiance aux organisations patronales et syndicales pour « négocier dès les prochaines semaines sur l’emploi des seniors et sur notre système d’indemnisation du chômage ». Reste à savoir quel sera le délai de cette négociation et surtout si un objectif d’économies figurera dans la lettre de cadrage. Lors des bilatérales avec Michel Barnier, le 26 septembre, François Asselin, le président de la CPME, avait exprimé ses craintes concernant un document trop « corseté », c’est-à-dire extrêmement contraint en raison de la situation budgétaire.
Si le plein emploi reste un objectif affiché par le nouveau gouvernement, Michel Barnier a reconnu qu’il n’était pas « atteint ». Il compte donc s’appuyer sur les dispositifs existants pour y parvenir, notamment sur l’expérimentation Territoires zéro chômeur qui « donne des résultats ». Mais aussi sur l’accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) mené par France Travail. Car pour le Premier ministre, le RSA ne doit pas être uniquement un « filet de sécurité » mais bien « un tremplin vers l’insertion ».
Côté formation, il a eu un mot sur l’apprentissage, en appelant à « dépenser mieux » et à éviter les « effets d’aubaine ». Compte-t-il faire des coupes claires dans les aides aux entreprises ? Cette piste avait été évoquée dans la revue des dépenses, préparée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF), en septembre dernier. Les deux missions estimaient que « le soutien public à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur [apparaissait] disproportionné au regard de ses effets sur l’insertion dans l’emploi ». Elles préconisaient ainsi de supprimer la prime à l’embauche pour les niveaux 6 (licence) et 7 (master) au sein des entreprises de 250 salariés et plus. Avec à la clef, 554 millions d’économies potentielles.
A l’issue de son discours d’une heure trente, le Premier ministre n’a pas sollicité de vote de confiance.
Les réactions des partenaires sociaux |
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Si le Medef a salué le discours de « vérité » du Premier ministre, il a toutefois mis en garde le gouvernement, en rappelant que sans une réduction de la dépense publique, « toute contribution supplémentaire des entreprises, nécessairement exceptionnelle et mesurée, serait incompréhensible ». Il se félicite de la perspective de renouer le dialogue social, en indiquant qu’il avait lui-même proposé aux partenaires sociaux de rependre la négociation sur les seniors. Il se dit également prêt à discuter d’aménagements à la réforme des retraites « dès lors qu’ils ne remettent pas en cause l’équilibre du régime ». De son côté, l’Union des entreprises de proximié (U2P) a accueilli favorablement « la volonté du Premier ministre de renouveler le dialogue social et de faire confiance aux partenaires sociaux », en précisant qu’elle sera au rendez-vous de la renégociation des accords sur l’emploi des seniors et sur l’assurance-chômage tout en partageant la nécessité de revenir sur la réforme des retraites « en ce qui concerne la retraite progressive, l’usure professionnelle et l’égalité femmes-hommes ». Elle souhaite que le soutien à l’apprentissage soit confirmé à « l’exception des effets d’aubaine que la prime a pu créer en l’accordant aux plus grandes entreprises ». Olivier Guivarch de la CFDT se félicite que « maintenant le gouvernement reconnaît notre place ». La CFDT est donc prête à négocier sur l’assurance chômage et l’emploi des seniors. « Nous attendons de savoir dans quelles dispositions se mettent les organisations patronales », a-t-il ajouté. A la CGT, Denis Gravouil reconnaît l’existence de plusieurs points favorables : « On a eu la peau de la réforme de l’assurance chômage, c’est quand même une victoire. Sur les retraites, Michel Barnier reste dans sa ligne d’aménagements cosmétiques qui ne nous satisfont pas du tout et il reste les réductions de dépenses que nous aurons dans le PLF et le PLFSS ». Il note également un succès « non négligeable » sur le Smic et les exonérations de cotisations autour du Smic. Comme à l’issue des bilatérales à Matignon, Frédéric Souillot (FO) se réjouit « de ce qui ressemble à un changement de méthode » mais espère que l’exercice ne se limite pas à de la simple communication. L’anticipation de plusieurs mois sur la hausse du Smic lui semble également « une bonne nouvelle pour les Smicards et les bas salaires » même s’il préfèrerait la mise en place de l’échelle mobile des salaires. Il note que Michel Barnier redonne la main aux partenaires sociaux sur de nombreux sujets et continuera de porter l’agrément de l’accord de 2023 sur l’assurance chômage. Pour François Hommeril, « tout cela est positif dans le sens où c’est conforme à ce qu’il nous a dit aux bilatérales ». La CFE-CGC se rendra aux diverses négociations paritaires sur l’assurance chômage, les seniors et les retraites. Son président note toutefois l’absence pour l’instant de tout élément de cadrage. Il souhaiterait également que des conditions soient fixées au patronat, comme une suppression du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) en cas d’échec de la négociation. Il réclame aussi une étude d’impact financière sur les raisons de la dette budgétaire française. A la CFTC, Cyril Chabanier se satisfait lui aussi des annonces relatives au Smic qu’il considère comme « un geste positif ». Autres avancées selon lui, l’ouverture d’une nouvelle négociation sur l’assurance chômage. Il se dit en revanche « déçu » sur les retraites et « réservé » sur les branches : « J’ai entendu tous les Premiers ministres et tous les ministres du travail dire la même chose sans résoudre le problème des minimas inférieurs au Smic donc j’attends de voir comment Michel Barnier va tordre le bras des branches pour y parvenir ». Il reste à voir si les syndicats vont parvenir à dégager des lignes communes lors de la réunion intersyndicale prévue en visioconférence aujourd’hui en fin de journée. |


Envoyer des blagues sexistes avec sa messagerie professionnelle, une liberté fondamentale du salarié ?
Dans cette affaire, un salarié est licencié pour faute grave aux motifs de factures réglées en l’absence de contrats ou pour des prestations fictives, du remboursement de frais professionnels injustifiés, de son implication dans une société tierce, d’un comportement déloyal et… de l’envoi de courriels contenant des images et des liens à caractère sexuel.
Le salarié avait, en effet, entretenu une correspondance électronique avec un subordonné et des personnes étrangères à l’entreprise, grâce à l’outil informatique mis à sa disposition pour son travail. Ces messages, estampillés « privés », avaient une connotation sexuelle avérée mais ne constituaient pas des faits de harcèlement sexuel. Il s’agissait d’envois de blagues sexistes (de très mauvais goût) et de photos pouvant être considérées comme pornographiques qui ne ciblaient personne en particulier.
Le salarié conteste son licenciement en justice. Il est débouté en appel, les juges du fond considérant que les messages litigieux contrevenaient à la charte interne de l’entreprise destinée à prévenir le harcèlement sexuel. A tort. La chambre sociale casse l’arrêt d’appel au motif que les messages ne constituaient pas des faits de harcèlement sexuel (arrêt du 2 février 2022). Elle renvoie l’affaire à la cour d’appel autrement composée.
Cette fois-ci, le licenciement est jugé nul par la cour d’appel de renvoi parce qu’il viole la liberté d’expression du salarié. L’employeur se pourvoit en cassation.
Dans un arrêt du 25 septembre 2024, la Cour de cassation censure une nouvelle fois les juges du fond. Elle confirme la nullité du licenciement mais, dans le droit fil de sa jurisprudence, sur un autre fondement, celui de l’atteinte à sa vie privée, et en tire toutes les conséquences qui s’imposent.
En vertu de l’article L.1121-1 du code du travail, tout salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. Ce droit implique en particulier le secret des correspondances.
Si les courriels figurant sur la boite électronique professionnelle du salarié, sans mention les faisant apparaître comme étant personnels, sont présumés avoir un caractère professionnel et peuvent dès lors être ouverts par l’employeur (arrêt du 15 décembre 2010 ; arrêt du 18 octobre 2011), celui-ci ne peut pas, sans violer cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels et identifiés comme tels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où il aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur (arrêt « Nikon » du 2 octobre 2001).
Attention ! Même si l’employeur peut consulter les fichiers qui n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut pas les utiliser pour le sanctionner s’ils s’avèrent relever de sa vie privée (arrêt du 5 juillet 2011).
Comme le rappelle l’avocate générale dans son avis joint à l’arrêt, s’agissant de correspondances ou de fichiers à connotation sexuelle, l’employeur est seulement autorisé à reprocher au salarié un manquement à ses obligations contractuelles soit en raison d’un usage abusif de l’outil informatique professionnel à des fins privées (arrêt du 16 mai 2007 ; arrêt du 18 décembre 2013) soit de la commission de faits délictueux tels que la pédophilie ou la tenue de propos antisémites susceptibles de nuire aux intérêts de l’entreprise (arrêt du 2 juin 2004).
En, l’espèce, les messages litigieux avaient bien été identifiés comme personnels, n’étaient pas trop nombreux et aucun fait pénalement répréhensible susceptible de nuire à l’entreprise ne pouvait être relevé.
Fort logiquement, et en dépit du caractère choquant et moralement critiquables de ces messages, la Cour de cassation reprend le dispositif de l’arrêt « Nikon » précité.
La Cour de cassation reste fidèle à sa position. Les licenciements prononcés en raison de l’envoi de mails sans caractère professionnel, pornographiques ou non, par un salarié n’ont jamais été analysés par la Cour comme une violation de sa liberté d’expression mais comme celle, éventuelle, de sa vie privée.
Pourtant, le lien entre ces deux libertés fondamentales peut être tenu.
Le deuxième arrêt d’appel avait d’ailleurs conclu à la nullité du licenciement sur le fondement de la violation de la liberté d’expression du salarié garantie par l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
► Pour rappel, ce texte dispose que le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
Pour les juges du fond, les mails étaient privés, n’étaient pas stigmatisants et ne ciblaient aucune personne. Leur contenu n’était ni excessif ni diffamatoire ni injurieux.
Aucun fait n’était pénalement répréhensible ; les messages étaient étrangers à tout harcèlement sexuel, y compris en considération de la prévention de ceux-ci.
L’interdiction de blagues et commentaires du seul fait de leur connotation sexuelle devait donc être regardée comme portant en elle-même une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression du salarié.
A tort. Pour prononcer la nullité du licenciement, la cour d’appel aurait dû se fonder sur la violation du secret des correspondances du salarié.
Comme le souligne l’avocate générale dans son avis, « ce n’est qu’indirectement et subsidiairement, en quelque sorte, que la liberté d’expression peut réapparaître, non pas comme limite au droit disciplinaire de l’employeur, mais comme finalité seconde au droit au secret des correspondances privées, qui est de permettre à chacun de dire ce qu’il veut dans le secret d’une correspondance ».
La Cour de cassation tire les conséquences de l’illicéité de motif fondé sur la violation de la vie privée du salarié.
Elle rappelle qu’à moins de constituer un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire (arrêt du 26 septembre 2001 ; arrêt du 23 juin 2009 ; arrêt du 3 mai 2011).
Les propos tenus dans le cadre d’une conversation privée (que ce soit sur messagerie électronique ou sur les réseaux sociaux) qui n’est pas destinée à être rendue publique, ne peuvent pas constituer un manquement du salarié à ses obligations professionnelles (Assemblée plénière du 22 décembre 2023 ; arrêt du 6 mars 2024).
En outre, précise-t-elle, « le caractère illicite du motif du licenciement fondé, même en partie, sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique professionnel, en violation du droit au respect de l’intimité de la vie privée, entraîne à lui seul la nullité du licenciement ».
Les propos échangés par le salarié étant d’ordre privé, sans rapport avec son activité professionnelle et non destinés à être rendus publics, le licenciement du salarié était injustifié. Il était également atteint de nullité puisqu’il violait le droit au respect de sa vie privée.
► Rappelons qu’en l’absence d’atteinte à l’intimité de la vie privée du salarié, le licenciement fondé sur un motif tiré de la vie personnelle du salarié est sans cause réelle et sérieuse (arrêt du 25 septembre 2024).
Ce faisant, la Cour statue contre l’avis de l’avocate générale qui considérait que « pour être personnelle, la correspondance reçue sur le lieu du travail n’est pas nécessairement privée, qui doit s’entendre de l’intimité de la vie privée (…), et n’appelle donc pas forcément la protection attachée à la violation du droit au respect de la vie privée, qui est la nullité de la mesure prise en violation de cette liberté fondamentale. Or en l’espèce, les blagues ou photos à caractère sexuel n’entraient pas dans la stricte intimité de la vie privée du salarié, ne le concernant pas personnellement (ce serait différent en cas d’envoi de photos ou vidéos intimes entre personnes consentantes), et n’entachaient donc pas de nullité le licenciement discuté ».
