ACTUALITÉ
SOCIAL

Une analyse des accords prévoyant une semaine de quatre jours : la recherche de productivité d’abord
Dans un document de quatre pages (en pièce jointe), la sociologue Pauline Grimaud, du Centre d’études, de l’emploi et du travail (CEET), présente une analyse de 150 accords d’entreprise signés en France en 2023 prévoyant une semaine de travail de quatre jours (*).
Conclusion générale : « Ce souci de la performance économique se traduit par des semaines de travail compressées ou intensifiées puisque la semaine de quatre jours n’implique en général ni une baisse de la durée du travail, ni une diminution de la charge de travail. D’ailleurs, cette organisation du temps de travail recouvre des réalités très diverses dans les entreprises selon les secteurs et les catégories socioprofessionnelles des salariés concernés ».
En ciblant les accords qui mettent en place de façon pratique une organisation du travail en quatre jours, l’auteure de l’étude estime que ces textes, même s’ils prétendent viser une amélioration du bien être des salariés (ce motif figure dans 50 % des préambules des accords), sont surtout conçus comme « un moyen de mobiliser les salariés en vue de gains de productivité ».
Pour arriver à ce constat, l’étude du CEET analyse les effets réels sur la semaine de travail des accords signés. Or 89 % des textes aboutissent à une semaine de travail compressée, sans réduction du temps de travail : la durée hebdomadaire de travail ne baisse pas, et donc le temps de travail quotidien augmente.
Le temps de travail effectif passe ainsi souvent à :
- 8h45 par jour pour les salariés à 35 heures ;
- 9h45 par jour pour les salariés à 39 heures.
Comme ce temps n’inclut pas les pauses, l’amplitude journalière peut donc atteindre ou dépasser 10 heures, comme on le voit ci-dessous pour un centre d’appels :
Cet alourdissement du temps de travail quotidien ne s’accompagne d’aucune mesure d’allègement de la charge de travail ni de création d’emplois, les accords affirmant même que la charge de travail restera la même. Autrement dit, le salarié doit faire autant en moins de temps. Et cela vaut même pour les accords qui réduisent un peu la durée de travail hebdomadaire !
Ce type d’accord permet donc, comme cela s’est déjà vu avec le passage au 35 heures, une nouvelle intensification du travail.
Cependant, l’organisation du travail en quatre jours est différente selon les entreprises. L’auteure distingue trois grands types d’organisation de la semaine de travail.
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La semaine de quatre jours sur cinq
Adoptée dans les services comme dans l’industrie, cette organisation, choisie par 63 % des accords, neutralise un jour dans la semaine, soit un jour collectif quand c’est possible, soit un jour pris individuellement; « souvent le lundi, mercredi ou vendredi ».
Cette organisation va parfois de pair avec une baisse du nombre de jours de télétravail. « La popularité croissante de la semaine de quatre jours s’explique donc bien par le contexte post-pandémie puisqu’elle constitue, pour les entreprises, un dispositif alternatif à la généralisation du télétravail pour une partie des salariés », en déduit Pauline Grimaud.
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La semaine modulée
Présente dans 20 % des accords, dans les services comme dans l’industrie, cette organisation vise la flexibilité : le temps de travail dépend de l’activité saisonnière et du carnet de commandes, avec des semaines de quatre jours de travail (32 ou 30 heures) en cas de basse activité, et des semaines de cinq voire six jours de travail (40 heures ou plus). On rejoint ici les logiques d’annualisation du temps de travail qui permettent à l’employeur d’éviter de payer des heures supplémentaires.
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la semaine de quatre jours sur sept
Il s’agit ici d’organiser un travail par roulement pluri-hebdomadaire, avec une semaine de quatre jours organisée sur cinq, six ou sept jours, avec un travail souvent régulier le week-end.
Ce mode d’organisation est préféré par 16 % des accords, souvent dans les services avec un contact client et de fortes amplitudes horaires. « Pour les directions d’établissements, elle a l’avantage d’augmenter l’amplitude journalière et de faciliter ainsi la mise en place de longues journées de travail sur un nombre plus restreint de jours », observe le CEET.
Cette organisation, avec ses horaires atypiques, revient souvent à diminuer sensiblement le temps partagé en famille, et va donc à rebours des idées reçues sur une semaine de quatre jours permettant de mieux concilier temps personnel, vie familiale et temps professionnel.
N’y-a-t-il donc aucun bénéfice pour le salarié lorsqu’un accord d’entreprise prévoit une semaine de travail de quatre jours, en vient-on à se demander à la lecture de l’analyse du CEET.
La réponse de l’auteure ne pourra que nourrir la réflexion des négociateurs, qu’il s’agisse des RH comme des délégués syndicaux. Ce qu’y gagnent les salariés ? C’est de mettre à distance le travail, d’échapper au moins un jour par semaine au « travail pressé » décrit par de nombreux spécialistes du monde du travail. Problème et paradoxe : cette organisation impliquant une nouvelle intensification du travail, elle pourrait bien à nouveau dégrader la qualité du travail, sa soutenabilité pour les travailleurs, et donc susciter encore davantage de mise à distance de l’entreprise de la part des salariés…
(*) Le Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) est un programme transversal du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) visant à développer la recherche pluridisciplinaire sur le travail et l’emploi, dans une perspective académique et de réponse à la demande sociale (voir ici les différents laboratoires qui y contribuent).


Attribution d’actions gratuites : en cas de réintégration dans l’assiette des cotisations sociales, l’avantage est évalué au terme de la période d’acquisition
Dès lors que les conditions édictées aux articles L.225-197-1 à L.225-197-6 du code de commerce sont respectées, le régime social des actions gratuites peut être attractif.
Ainsi, le gain lié à l’attribution des actions peut être exclu de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et des prélèvements alignés. Cette exonération bénéficie tant aux salariés qu’aux mandataires sociaux lorsque deux conditions sont réunies :
- le bénéficiaire ne doit pas disposer de ses actions gratuites pendant la période de conservation ;
- l’employeur doit notifier à l’Urssaf l’identité des salariés ou mandataires sociaux auxquels des actions gratuites ont été définitivement attribuées au cours de l’année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d’eux.
► Une condition supplémentaire est exigée pour les actions attribuées jusqu’au 27 septembre 2012 : le délai de conservation prévu en matière fiscale doit être respecté.
Si l’une de ces conditions fait défaut, l’employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale.
Pour ce faire, il faut évaluer l’avantage procuré par l’attribution gratuite di’actions. A quelle date doit être évalué cet avantage ? L’Urssaf a-elle toute latitude pour évaluer cet avantage à défaut d’éléments probants fournis par la société ? Ce sont les questions posées à la Cour de cassation dans un arrêt du 5 septembre dernier.
Dans cette affaire, suite à un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l’Urssaf a réintégré dans l’assiette des cotisations, des avantages accordés aux salariés par attributions gratuites d’actions dans le cadre d’un plan mis en place au titre de l’année 2012.
► L’arrêt n’explicite pas les raisons ayant conduit au redressement au titre de l’année 2012.
Le redressement est validé par la justice.
La société se pourvoit en cassation, arguant du parallélisme des règles fiscales et sociales. Concrètement, l’impôt sur l’avantage correspondant à la valeur à la date d’acquisition des actions gratuites est dû au titre de l’année au cours de laquelle le bénéficiaire a cédé ces actions. Dès lors, la société en déduit que le fait générateur de l’assujettissement aux cotisations ne peut être que la cession des actions et non leur acquisition. Or, aucune cession n’était intervenue au cours de 2012.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement. Le fait générateur des cotisations sociales n’est pas la cession des actions attribuées gratuitement aux salariés mais l’attribution définitive de celles-ci au terme de la période d’acquisition. L’avantage doit donc être évalué à la date de cette acquisition en fonction de l’économie réalisée par le bénéficiaire (en l’espèce, 2012).
Pour déterminer la valeur des actions à la date de leur acquisition par les bénéficiaires, la société avait fourni à l’Urssaf un tableau retraçant leur valeur, établi par elle mais qui n’était ni certifié ni même signé. Considérant cet élément de preuve insuffisant, l’Urssaf avait retenu la valeur refacturée par la société mère des actions attribuées par la société cotisante.
La Cour de cassation lui donne raison. A défaut de fournir des éléments probants de la valeur des actions à l’expiration de la période d’acquisition, la société cotisante ne pouvait pas contester l’évaluation du redressement effectué par l’Urssaf en fonction des informations obtenues lors du contrôle.
► Le plan de 2013, non qualifié, octroyait aux salariés bénéficiaires des options de souscription d’actions à prix zéro. Les juges d’appel ont jugé, fort logiquement, que l’octroi d’une option d’achat d’actions à prix zéro s’analysait en une attribution gratuite d’actions.


CSP : peut-on informer le salarié sur le motif de rupture par un compte-rendu de réunion de CSE ?
La rupture du contrat de travail par adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) doit reposer sur un motif économique réel et sérieux, au sens de l’article L 1233-3 du Code du travail. La Cour de cassation exige donc de l’employeur qu’il remette au salarié, avant son acceptation du CSP, un écrit l’informant des motifs de la rupture (Cassation n° 08-43.137).
En l’espèce, l’employeur avait adressé à la salariée un courrier électronique comportant, en pièce jointe, le compte-rendu de la réunion au cours de laquelle les représentants du personnel avaient été informés sur le licenciement envisagé. La Cour de cassation a en effet déjà admis qu’un tel écrit permette à l’employeur de satisfaire à son obligation d’information, sous réserve toutefois que ledit compte-rendu mentionne non seulement les difficultés économiques rencontrées par l’entreprise mais également leur incidence sur l’emploi du salarié (Cassation n°16-17.865).
Or ici, le compte-rendu de la réunion avec les représentants du personnel ne précisait pas l’incidence des difficultés économiques invoquées sur l’emploi de la salariée. Par conséquent, la cour d’appel ne pouvait pas décider que l’employeur avait satisfait à son obligation d’information à l’égard de la salariée : sa décision est censurée (Cassation n° 22-18.629).


Suivi médical des salariés : un questions-réponses du ministère du travail du 18 septembre fait le point
Le ministère du travail a publié une liste de 31 « questions-réponses » (QR) relatives au suivi de l’état de santé des salariés sur son site le 17 septembre qui a été mise à jour le 18 septembre. Ces QR sont réparties sous cinq rubriques :
- les compétences de certains professionnels de santé au travail intervenant au sein du SPST (service de prévention et de santé au travail) en matière de suivi individuel de l’état de santé des travailleurs : collaborateur médecin, infirmier de santé au travail, infirmier non formé en santé au travail, infirmier intérimaire, médecin praticien correspondant ;
- les visites d’information et de prévention : documents ne pouvant être délivrés au travailleur à l’issue d’une visite d’information et de prévention, l’orientation possible vers une visite d’aptitude… ;
- les spécificités du suivi individuel renforcé ;
- les visites de reprise, de préreprise, à la demande de l’employeur ou du médecin du travail : documents à remettre au salarié, informations délivrées ;
- la déclaration d’inaptitude
Dans son questions-réponses, le ministère du travail laisse entendre que des textes réglementaires seront prochainement publiés ou sont attendus en évoquant :
1) La nécessité de la publication de deux arrêtés pour mettre en place de manière effective le recours au médecin praticien correspondant ;
2) La publication prochaine d’un arrêté, remplaçant celui du 16 octobre 2017, modifiant les modèles d’attestation de suivi et d’avis d’aptitude et d’inaptitude. En effet, dans trois réponses, le ministère du travail a fait allusion à ce projet d’arrêté mais de manière maladroite car laissant entendre que la publication de cet arrêté était déjà actée :
- « l’attestation de suivi dont le modèle figure en annexe de l’arrêté de 2017 a été modifiée C’est à cet effet que le modèle d’attestation de suivi a été modifié pour permettre de rappeler que le poste a déjà, par le passé, fait l’objet d’un aménagement » ;
- « l’actualisation des modèles de fiches (d’attestation de suivi) a été nécessaire afin de prendre en compte les principales évolutions apportées par la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail en matière de suivi individuel de l’état de santé : les nouvelles délégations aux infirmiers de santé au travail (IDEST), la création des médecins praticiens correspondants et de la visite de mi-carrière. Cette mise à jour a également été l’occasion de les simplifier et d’effectuer des améliorations et des éclaircissements, par exemple, la mention d’un aménagement de poste en cours, d’une réorientation vers le médecin du travail, l’intégration des visites post-exposition et post-professionnelle, la possibilité de rédiger et préciser certaines indications sur la fiche d’aptitude » ;
- de nouveaux modèles d’avis d’aptitude et d’avis d’inaptitude seront publiés par arrêté prochainement pour tenir compte des évolutions issues de la loi du 2 août 2021″.
Nous reprenons ci-après, les réponses du ministère du travail dans les cinq rubriques qui nous semblaient apporter des précisions nouvelles et intéressantes.
Professionnels de santé au travail du SPST | |
Collaborateur médecin |
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Interne en médecine du travail |
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Infirmier de santé au travail |
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Infirmier intérimaire |
« En cas de besoins/surcharges ponctuels, les services de prévention et de santé au travail peuvent recourir à des infirmiers intérimaires. Ces infirmiers sont autorisés à exercer leurs missions propres, dans le respect des dispositions des articles R.4311-1 et suivants du code de la santé publique. Ils peuvent, à cet égard, conduire des entretiens infirmiers mentionnés à l’article R.4623-31 du code du travail, mis en place en accord avec le médecin du travail et sous sa responsabilité, indépendamment des visites et examens intervenant dans le cadre du suivi individuel des travailleurs et prévus par le code du travail, par exemple en matière de prévention des conduites addictives. Ceux ayant suivi une formation spécifique en santé au travail pourront effectuer certaines visites et examens ». ► Le recours à un infirmier intérimaire sans compétence en santé au travail nous semble problématique dans la mesure où le ministère du travail prévoit que cet infirmier pourrait conduire des entretiens infirmiers prévus par le code du travail sans avoir connaissance des spécificités de la prévention dans le milieu du travail. Cela contrevient à l’article R.4623-29 qui prévoit que « si l’infirmier n’a pas suivi une formation en santé au travail, l’employeur l’y inscrit au cours des douze mois qui suivent son recrutement et favorise sa formation continue » . Est ce que l’infirmier intérimaire, du fait de la précarité de son emploi, pourra suivre une telle formation ? |
Médecin praticien correspondant (« médecin de ville ») |
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Visite d’information et de prévention : documents à délivrer | |
Orientation sans délai vers le médecin du travail à l’issue d’une visite d’information et de prévention | « En fonction de l’organisation du service (de santé au travail), cette visite (auprès du médecin du travail) peut même avoir lieu immédiatement. La réorientation vers le médecin du travail est immédiate par la programmation d’un rendez-vous avec le médecin du travail dans les meilleurs délais ». |
Suivi des travailleurs exposés au groupe 2 des agents biologiques |
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Spécificités du suivi individuel renforcé | |
Postes à risque définis réglementairement (évoqués au II du R.4624-23) outre la liste prévue au I de l’article R.4624-23) |
« En l’état actuel des textes, entrent dans le champ du II de l’article R.4624-23 du code du travail, c’est-à-dire les postes à risque définis réglementairement en sus de la liste établie dans le I, les catégories suivantes de postes :- les postes soumis à autorisation de conduite pour l’utilisation de certains équipements de travail mobiles ou servant au levage (article R.4323-56 du code du travail) ;
► Cette liste permet de donner plus de précisions au II de l’article R.4624-23 du code du travail qui se contente de prévoir : « Présente également des risques particuliers tout poste pour lequel l’affectation sur celui-ci est conditionnée à un examen d’aptitude spécifique prévu par le présent code ». |
Exclusion des chauffeurs poids lourds du suivi médical renforcé |
« Les chauffeurs poids lourds n’entrent pas dans la catégorie des postes à risque au sens du II de l’article R.4624-23 du code du travail et relèvent du suivi médical de droit commun prévu par le code du travail ». ► Le ministère du travail explique cette exclusion en précisant que l’examen d’aptitude spécifique demandé aux chauffeurs poids lourds n’est pas prévu par le code du travail mais par le code de la route et donc n’est pas visé par l’article R.4623-56-II du code du travail. |
Autres visites et examens | |
Visite non périodique (visite de mi-carrière, visite de reprise, visite à la demande) |
« Les visites « non périodiques » (visites de reprise, et à la demande) peuvent être « couplées » avec une visite périodique. À l’issue de ces visites conjointes, le professionnel de santé devra établir et remettre deux fiches, une pour la visite périodique et une seconde pour l’autre visite ». ► Le ministère du travail étend la règle issue de l’article L.4624-2-2 concernant la visite de mi-carrière aux autres visites non périodiques. Il appartiendra aux juges de se prononcer. |
L’inaptitude et ses suites | |
Echange employeurs/médecin du travail |
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Situation du travailleur dans l’attente de la décision d’inaptitude (délai de 15 jours) |
« Dans l’attente de la décision d’inaptitude (pendant la période dévolue aux échanges, aux études de poste et des conditions de travail avant le constat de l’inaptitude du travailleur) qui doit être prise dans un délai limité à 15 jours (à compter de la visite de reprise), le travailleur perçoit sa rémunération. Dans certains cas, le travailleur pourra bénéficier d’un arrêt de travail pour maladie ». ► Cette précision semble contraire à l’article L.1226-4 (ou L.1226-11) qui prévoit que la rémunération du salarié déclaré inapte n’est due qu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la visite de reprise. Ce qui semble exclure toute rémunération entre la visite de reprise et le constat d’inaptitude lorsque ce constat a été notifié ultérieurement (dans le délai de 15 jours). Il appartiendra aux juges de donner leur appréciation. |


Inaptitude : la proposition de reclassement conforme est présumée loyale
L’employeur peut licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement un salarié déclaré inapte s’il justifie du refus par celui-ci d’un emploi proposé dans les conditions prévues à l’article L.1226-2 (inaptitude non professionnelle) ou L.1226-10 (inaptitude professionnelle) du code du travail et conforme aux préconisations du médecin du travail. Dans ce cas, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite en application de l’article L.1226-2-1 ou L.1226-12 du code du travail (arrêt du 13 mars 2024 ; arrêt du 26 janvier 2022) .
Toutefois la Cour de cassation a toujours précisé que cette présomption ne joue que si l’obligation de reclassement a été exécutée loyalement (arrêt du 26 janvier 2022). Mais sur qui pèse la charge de la preuve du caractère loyal de la proposition de reclassement ? La Cour de cassation vient de répondre clairement que cette preuve incombe au salarié.
En l’espèce, un salarié contestait son licenciement pour inaptitude pour non-respect de l’obligation de reclassement. L’employeur lui avait proposé neuf postes au sein du groupe, conformes aux préconisations du médecin du travail mais tous éloignés géographiquement du domicile du salarié, raison pour laquelle celui-ci les avait refusés.
La cour d’appel lui fait droit après avoir relevé qu’il existait de nombreux autres postes à pourvoir et que la société ne produisait pas le registre unique du personnel de ses établissements situés en région Normandie. Elle en avait déduit qu’’à défaut de rapporter la preuve qu’il n’existait pas en Normandie de postes disponibles compatibles avec les qualifications et les capacités physiques restantes du salarié, l’employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement dans des conditions suffisamment loyales et sérieuses.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle considère que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en s’appuyant sur l’’article 1354 du code civil selon lequel « la présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d’en rapporter la preuve ».
Il en résulte que lorsque l’employeur a proposé un emploi conforme, l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite et il appartient au salarié de démontrer que cette proposition n’a pas été faite loyalement.
A titre d’exemples, l’obligation de reclassement est déloyale lorsque :
- l’employeur propose certains postes préconisés par le médecin du travail mais pas celui qui avait été pourtant déjà occupé par le salarié, pour lequel il était demandeur et qui était disponible (arrêt du 26 janvier 2022) ;
- l’employeur ne propose pas le poste en télétravail préconisé par le médecin du travail même si le télétravail n’était pas mis en place dans l’entreprise (arrêt du 29 mars 2023).
► En conséquence, le salarié aura tout intérêt à échanger avec le médecin du travail, ainsi qu’avec le CSE, s’il existe, sur ses desiderata sur le poste de reclassement pour orienter les recherches de reclassement de l’employeur. Si un tel poste est disponible, répond aux compétences du salarié et qu’il a été préconisé par le médecin du travail, l’employeur devra le proposer en priorité pour exécuter loyalement son obligation de reclassement.


L’obligation de négocier sur la GEPP est subordonnée à l’existence d’un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l’entreprise
Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur est tenu d’ouvrir des négociations au moins une fois tous les quatre ans, sur les thèmes suivants (article L.2242-1 du code du travail) :
- la rémunération (notamment les salaires effectifs), le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, (c’est-à-dire les dispositifs de participation, d’intéressement et d’épargne salariale mais aussi les plans d’épargne retraite d’entreprise) ;
- l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération) et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).
► L’existence d’une section syndicale se manifeste par la désignation d’un ou plusieurs délégués syndicaux si l’effectif de l’entreprise atteint au moins 50 salariés. Si l’effectif est inférieur, cette existence se manifeste lorsqu’un membre du CSE est désigné comme délégué syndical.
Les entreprises ou groupes d’au moins 300 salariés (ou entreprises communautaires comportant un comité d’entreprise européen d’au moins 300 salariés et une entreprise d’au moins 150 salariés en France) doivent également ouvrir des négociations au moins tous les quatre ans sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) (article L.2242-2 du code du travail).
L’article L.2242-2 précité ne subordonne pas expressément l’obligation de négocier sur la GEPP à l’existence de syndicats représentatifs dans l’entreprise, comme le fait l’article L.2242-1. Cette condition s’applique-t-elle aussi à ce thème ?
Dans un arrêt du 19 janvier 2022 qui portait sur la négociation obligatoire relative à la GEPP, la Cour de cassation affirme, sur le fondement des articles L.2242-1 et L.2242-2 précités et dans des termes généraux, que « l’obligation de négociation est subordonnée à l’existence dans l’entreprise d’une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives » dans l’entreprise. L’arrêt d’appel est cassé et l’affaire renvoyée devant une autre cour d’appel. Mais l’affaire lui revient. L’occasion, pour elle, de réitérer sa position en précisant, cette fois-ci, que la condition s’applique bien à la négociation relative à la GEPP.
► A l’époque des faits, les négociations sur la GEPP (dénommée GPEC) devaient être ouvertes tous les trois ans.
Dans cette affaire, une société comptant environ 1 200 salariés au sein de 122 magasins est assignée en justice par un syndicat, le 27 novembre 2018. Celui-ci réclame, entre autres, que soit ordonné à la société d’ouvrir des négociations sur la GEPP (GEPC à l’époque des faits) sous astreinte et le paiement de dommages-intérêts pour entrave à la négociation.
En effet, aucune négociation relative à la GPEC n’avait été ouverte par l’employeur entre 2015 et 2019.
Le syndicat avait désigné le 26 juillet 2012 un délégué syndical mais uniquement pour un des sept établissements distincts que compte l’entreprise, en application du PAP.
Ce n’est qu’à la suite des élections d’octobre 2016 que le syndicat désigne, le 16 novembre 2016, deux délégués syndicaux au niveau de l’entreprise.
Il est débouté une première fois de ses demandes aux motifs que :
- la désignation des deux délégués syndicaux n’est intervenue que le 16 novembre 2016 (l’un d’entre eux s’est, en outre, vu retirer son mandat en 2017) ;
- en 2015 et 2016, aucune négociation annuelle obligatoire n’a pu être ouverte en raison de l’absence systématique du délégué syndical aux réunions ;
- le syndicat n’a évoqué cette négociation pour la première fois que le 31 octobre 2018 et ne l’a expressément sollicitée que le 18 juin 2019.
► Les juges rappellent également que la périodicité de cette négociation était triennale jusqu’au 20 décembre 2017 puis quadriennale ensuite.
La Cour de cassation casse l’arrêt (arrêt du 19 janvier 2022 précité). Le motif tenant à l’absence de demande de négociations est inopérant. De plus, il résultait des constatations des juges d’appel que le syndicat était représentatif au sein de l’entreprise depuis 2012 (le périmètre de désignation du délégué syndical désigné en 2012 n’avait visiblement pas été remis en cause par la société).
L’affaire est rejugée en appel pour le même résultat mais cette fois-ci, les juges d’appel relèvent bien la désignation du délégué syndical en 2012 ne portait que sur un des sept établissements de l’entreprise et qu’aucun délégué syndical n’avait été désigné au niveau de l’entreprise jusqu’au 16 novembre 2016. Ils en concluent que le délai de la négociation d’un accord sur la GEPP n’était pas acquis au moment de la saisine du tribunal par le syndicat le 27 novembre 2018.
A bon droit, selon la Cour de cassation.
Dans l’arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation, cette fois-ci, ne fonde sa décision que sur l’article L 2242-2 du code du travail et précise bien que « l’obligation de négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels est subordonnée à l’existence d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de l’entreprise ».
Ce faisant, dès lors que l’entreprise dispose d’un syndicat représentatif et de délégués syndicaux, l’employeur doit ouvrir des négociations au moins une fois tous les quatre ans (tous les trois ans à l’époque des faits de l’espèce), sous peine d’une condamnation au versement de dommages et intérêts pour entrave à la négociation.
Peu importe à cet égard l’absence systématique du délégué syndical aux réunions ou la sollicitation tardive du syndicat.
En revanche, cette obligation ne s’impose à l’employeur qu’à partir du moment où la représentativité du syndicat est reconnue. S’agissant des négociations obligatoires, elle s’impose donc dès lors qu’un délégué syndical est désigné au niveau de négociation requis (à savoir ici, l’entreprise).
► Pour rappel, la représentativité d’un syndicat ne peut être contestée de façon générale. Elle ne peut l’être que par rapport à l’exercice d’une prérogative précise (arrêt du 7 décembre 1995 ; arrêt du 24 janvier 2018). La contestation de la représentativité surgit en général à l’occasion de la désignation d’un délégué syndical qui entraîne la mise en œuvre de l’obligation de négocier.


L’indemnité pour repos compensateur non pris est exclue de l’assiette des indemnités de rupture
Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte au moins 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave ou lourde, à une indemnité de licenciement dont l’assiette est égale, selon la formule la plus avantageuse pour lui, à (articles L 1234-9 et R 1234-4 du code du travail) :
– soit la moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à 12 mois, celle de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
– soit le tiers des 3 derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarié pendant cette période n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
En outre, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie à ce dernier une indemnité à la charge de l’employeur. Son montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut fixés légalement (article L 1235-3 du code du travail).
Dans un arrêt du 4 septembre 2024 (pourvoi n° 23-10.520), la Cour de cassation se prononce, pour la première fois à notre connaissance, sur la question de savoir si l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement et celle de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouées à un salarié doivent ou non intégrer l’indemnité qui lui est octroyée par ailleurs au titre des contreparties obligatoires en repos non prises.
A noter : S’agissant de l’assiette de l’indemnité de licenciement, la Cour de cassation a déjà jugé que doivent y être inclus :
– un rappel de salaire correspondant à la période de référence (Cassation n° 00-44.789 ; Cassation n° 21-16.057), mais pas un rappel de commission versé pendant la période de référence correspondant en réalité à des droits acquis auparavant (Cassation n° 87-41.500) ;
– les pourboires, lorsque ceux-ci sont centralisés par l’employeur (Cassation n° 78-41.528) ;
– les indemnités de congés payés, qu’elles soient versées par l’employeur ou par une caisse de congés payés (Réponse Richard : Assemblée nationale 17-2-1992 n° 50902) mais pas l’indemnité compensatrice de congés payés non pris car cette créance salariale ne correspond pas à la période de référence (Cassation n° 03-45.318).
En l’espèce, un responsable des dépôts soumis à une convention de forfait annuel en jours est licencié. Il saisit la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement. Il demande également dans ce cadre que la convention de forfait qu’il a signée lui soit déclarée inopposable (CA Riom 22-11-2022 n° 20/00479) et formule diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
La cour d’appel juge la convention de forfait privée d’effet et le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et condamne la société à lui verser notamment (CA Riom 22-11-2022 n° 20/00479) :
– une indemnité au titre des contreparties obligatoires en repos non prises en 2017 et 2018 pour toutes les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ;
– une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle en intégrant au montant du salaire de référence retenu pour leur calcul le montant de la première indemnité.
Estimant que cette dernière indemnité n’aurait pas dû être intégrée dans le salaire servant de base au calcul des deux indemnités de rupture, l’employeur se pourvoit en cassation. À l’appui de son pourvoi, il fait valoir que l’indemnité allouée au titre du repos compensateur non pris en raison de la contestation, par ses soins, de l’existence d’heures supplémentaires a le caractère de dommages-intérêts et n’entre pas dans l’assiette de l’indemnité légale de licenciement ni dans celle de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’écartant de l’avis de l’avocate générale référendaire, qui considérait que l’indemnité de repos compensateur non pris revêtait une nature salariale et devait donc être prise en compte dans l’assiette de calcul des indemnités de rupture, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond. Pour elle, la créance du salarié au titre des contreparties obligatoires en repos non prises a la nature de dommages-intérêts et n’a pas à être prise en compte pour déterminer le salaire de référence servant au calcul des indemnités de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A noter : Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation retient que l’indemnité pour repos compensateur non pris a la nature de dommages-intérêts. Elle en a ainsi jugé pour dire que cette indemnité :
– n’a pas à être intégrée dans l’assiette des cotisations sociales (Cassation n° 00-17.851) ;
– n’a pas à être prise en compte pour le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés (Cassation n° 99-45.890).
La Cour de cassation considère, en effet, que le salarié qui, du fait de l’employeur, n’a pas été en mesure de demander la contrepartie en repos a droit à l’indemnisation du préjudice subi (Cassation n° 99-40.879 ; Cassation n° 03-45.385 ; Cassation n° 21-12.068), comme c’était le cas dans l’affaire jugée le 4 septembre 2024 puisque, l’employeur ayant mis en œuvre une convention de forfait non valable, le salarié n’avait pas pu formuler de demande de prise de la contrepartie en repos.
Néanmoins, la question de la nature de cette indemnité pouvait se poser au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de prescription. Elle retenait en effet que l’indemnité pour repos compensateur non pris était soumise à la prescription applicable aux salaires (Cassation n° 02-47.163 ; Cassation n° 03-45.482 ; Cassation n° 19-14.522). Ces arrêts étaient toutefois antérieurs à ceux dans lesquels la Haute Juridiction a dégagé un critère pour la détermination de la prescription applicable à chaque demande. Elle considère en effet désormais que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée (Cassation n°s 18-23.932, 19-10.161, 19-14.543, 20-12.960, 19-16.655). La Cour de cassation posant ici clairement, dans un arrêt destiné à être publié au Bulletin de ses chambres civiles, la nature de dommages-intérêts de cette indemnité pour repos compensateur non pris, il était logique qu’elle fasse évoluer sa jurisprudence en matière de prescription par rapport à cette indemnité comme elle vient de le faire dans un arrêt du même jour (Cassation n° 22-20.976).


Actions relatives aux salaires et indemnités : nouvelles illustrations de la prescription applicable
La Cour de cassation a posé pour principe, dans plusieurs arrêts du 30 juin 2021, que la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande (Cassation n°s 18-23.932, 19-10.161, 19-14.543, 20-12.960 et 19-16.655). Elle a illustré ce principe s’agissant de demandes principales en rappels de salaires fondées sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours, la monétisation du compte épargne-temps, la requalification du contrat à temps partiel en temps plein, la contestation de la classification professionnelle ou encore l’inégalité de traitement.
Les délais de prescription applicables aux actions prud’homales sont fixés par plusieurs textes de portée générale et assortis de dérogations. L’article L 1471-1 du Code du travail dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits à l’origine du droit (article L 1471-1, al. 1 du code du travail), tandis que la prescription annale (12 mois) s’applique aux actions relatives à la rupture du contrat de travail (article L 1471-1, al. 2). Le texte exclut les actions en réparation d’un dommage corporel (10 ans) et les actions fondées sur une discrimination ou des faits de harcèlement sexuel ou moral (article L 1471-1, al. 3). L’article L 3245-1 du Code du travail prévoit un délai de prescription de 3 ans pour les actions en paiement ou en répétition du salaire à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.
Mais d’autres délais de prescription spéciaux sont susceptibles de primer sur le délai annal, biennal ou triennal. La demande du salarié peut relever de la prescription de 5 ans afférente à l’action relative à une discrimination (article L 1134-5). Ainsi, la demande de versement d’une gratification afférente à la médaille du travail, fondée sur des faits de discrimination à raison de l’âge, relève de la prescription quinquennale de l’article L 1134-5 et non de la prescription salariale (Cassation n° 19-14.543).
Enfin, chaque fois que l’action ne relève d’aucun texte spécial, c’est la prescription de droit commun de 5 ans prévue par l’article 2224 du Code civil qui s’applique. C’est le cas de l’action exercée sur le fondement d’un harcèlement en application des articles L 1152-1 et L 1153-1 du Code du travail ou de l’action fondée sur le manquement de l’employeur d’affilier son personnel à un régime de prévoyance complémentaire (Cassation n° 22-17.240).
Dans plusieurs arrêts du 4 septembre 2024 destinés à la publication, la chambre sociale de la Cour de cassation applique le principe de détermination du délai rappelé ci-dessus à diverses actions en dommages et intérêts ou en rappels de salaires formés par le salarié au cours d’une même action. Ces solutions illustrent l’office du juge qui doit, pour chaque demande, rechercher la nature de la créance objet de celle-ci et déterminer la prescription applicable.
Dans l’affaire ayant donné lieu au pourvoi n° 23-13.931, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la question des règles de prescription applicables dans le cas d’une demande portant sur l’affectation de jours de repos non pris à un plan d’épargne retraite, en l’espèce un Perco. Dans ce litige, un salarié d’une société du secteur du BTP demande le 19 décembre 2016 à son employeur le transfert de 4 jours de RTT vers le dispositif de Perco mis en place dans la branche dont relève son entreprise. L’accord-cadre instituant ce plan d’épargne stipule que les salariés de la branche qui n’ont pas accès à un plan d’épargne salariale d’entreprise, de groupe ou interentreprises peuvent adhérer directement à ce Perco. Mais l’employeur refuse d’effectuer cette affectation. L’intéressé saisit le conseil de prud’hommes le 25 avril 2019 pour demander à titre principal le transfert des 4 jours de repos ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral et, à titre subsidiaire, le paiement de l’indemnité de RTT pour ces 4 journées perdues.
La cour d’appel juge l’ensemble des demandes irrecevables, considérant qu’elles sont relatives à l’exécution du contrat de travail et relèvent donc de la prescription biennale prévue par l’article L 1471-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige. Or, le salarié a saisi le juge 2 ans et 4 mois après sa demande de transfert des jours.
Le salarié forme un pourvoi en cassation, faisant valoir, pour l’ensemble de ses demandes, l’application de la prescription triennale relative aux créances de nature salariale prévue par l’article L 3245-1 du Code du travail. La chambre sociale de la Cour de cassation répond en 3 temps, chaque demande du salarié devant faire l’objet d’une analyse autonome pour déterminer la nature de la créance et, ainsi, la durée de prescription applicable.
La demande de transfert de 4 jours de RTT sur un Perco est de nature salariale
S’agissant de la demande du salarié portant sur le transfert de 4 jours de RTT sur le Perco, la cour d’appel a considéré qu’elle relevait de l’exécution du contrat de travail. Mais l’analyse de la Cour de cassation est différente : elle relève que l’article L 3334-8 du Code du travail autorise le salarié, en l’absence de compte épargne-temps dans l’entreprise, à verser sur le Perco des sommes correspondant à des jours de repos non pris, dans la limite de 10 jours par an.
Or, comment sont valorisés les jours de repos non pris ? L’arrêt rappelle que l’indemnité pour jours de RTT correspond au montant de la rémunération légalement due en raison de l’exécution d’un travail. Et la chambre sociale d’en déduire que la demande du salarié relative au versement de jours de RTT sur le Perco a une nature salariale.
A noter : En effet, les jours de RTT constituent la contrepartie d’un travail supérieur à 35 heures hebdomadaires (Cassation n°10-20.473) et l’indemnité pour jours de RTT non pris correspond au montant de la rémunération légalement due au salarié en raison de l’exécution d’un travail entre 35 et 39 heures (Cassation n° 04-17.096).
La cour d’appel a donc violé les textes relatifs à la prescription et au Perco en déboutant le salarié, alors que ce dernier avait bien saisi le conseil de prud’hommes dans le délai de prescription de 3 ans après la date de sa demande d’affectation de jours de RTT au Perco.
A notre avis : L’affectation de « sommes correspondant à des jours de repos non pris » est également possible sur un Pereco, le plan d’épargne retraite institué par la loi Pacte du 22 mai 2019 (article L 224-2, 2° du code monétaire et financier). La solution de l’arrêt du 4 septembre 2024 semble transposable à ce plan, étant donné la similarité des textes relatifs aux 2 dispositifs quant aux modalités d’alimentation. La solution devrait également être applicable, selon nous, aux demandes portant sur le transfert vers un plan d’épargne retraite de jours de repos affectés à un compte épargne-temps (CET). Il a déjà été jugé que l’action relative à l’utilisation des droits affectés sur un CET, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale (Cassation n° 19-14.543).
La demande de réparation du préjudice relève de l’exécution du contrat de travail
S’agissant des demandes du salarié de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral résultant de la perte de chance de placement des 4 jours sur ces fonds et d’abondement de ces sommes, la Cour de cassation confirme l’analyse des juges du fond selon laquelle il ne s’agit pas d’une action en paiement ou en répétition du salaire mais d’une action portant sur l’exécution du contrat de travail, qui se prescrit par 2 ans comme prévu par l’article L 1471-1 du Code du travail. Comme le souligne l’avis rendu sur cette affaire par l’avocate générale référendaire, Mme Molina, les demandes du salarié sont de nature indemnitaire, pour réparer un préjudice subi dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.
A noter : Dans son étude de 2023 intitulée «La prescription en droit du travail», la Cour de cassation indique que les créances indemnitaires constituent le cœur du champ d’application du délai biennal de prescription, prenant l’exemple de l’inégalité de traitement : lorsque le salarié invoque une telle inégalité, sa demande d’un rappel de salaire relève de la prescription triennale mais sa demande de dommages-intérêts entre dans le champ de l’article L 1471-1 du Code du travail.
Le pourvoi du salarié faisait valoir que cette demande de réparation d’un préjudice était intrinsèquement liée à la demande principale, de nature salariale, portant sur le transfert des jours de RTT sur le Perco, et devait dès lors se voir appliquer la même durée de prescription de 3 ans. Mais l’avis de l’avocate générale insiste sur le fait que le juge doit analyser distinctement, pour chaque demande, la nature de la créance, sans tenir compte d’un lien de dépendance nécessaire entre une demande et une autre. Il s’agit de l’application dite «distributive» des règles de prescription.
La demande d’indemnités compensatrices de RTT perdues est de nature salariale
À titre subsidiaire, le salarié sollicitait le paiement d’indemnités compensatrices au titre des 4 jours de RTT qu’il avait perdus du fait de leur non-affectation au Perco par l’employeur, ainsi que les congés payés afférents. La cour d’appel avait rattaché cette demande aux demandes principales et avait appliqué la prescription biennale. Elle avait ainsi débouté le salarié. La Haute Juridiction casse l’arrêt de cour d’appel sur ce point, en rappelant que l’indemnité pour jour de RTT non pris, qui correspond au montant de la rémunération légalement due en raison de l’exécution d’un travail, a une nature salariale. La demande relevait donc de la prescription triennale.
Le paiement des heures supplémentaires et des majorations s’y rapportant peut être remplacé par un repos compensateur équivalent, dit «repos compensateur de remplacement» (article L 3121-28 du code du travail). Les salariés sont informés du nombre d’heures de repos compensateur de remplacement portées à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie (articles D 3171-11 et D 3171-12).
Dans l’affaire n° 22-20.976, une salariée, licenciée en février 2017, formule une demande de dommages-intérêts au titre de ce repos en raison de l’absence de communication de ce document d’information par son employeur. La cour d’appel la déboute de sa demande au titre des années 2012 à 2014 au motif que cette dernière avait reçu mensuellement ses bulletins de paie et avait pu constater, le cas échéant, l’absence d’information sur le nombre de repos compensateurs auxquels elle pouvait prétendre. La cour d’appel, appliquant un délai de prescription triennal, considère l’action prescrite. L’arrêt de la cour d’appel est censuré pour violation de la loi.
L’action en paiement de cette indemnité est soumise à la prescription biennale…
Par un moyen relevé d’office, la Cour de cassation juge que l’action en paiement d’une indemnité pour repos compensateur de remplacement non pris, en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation d’information, qui se rattache à l’exécution du contrat de travail, relève de la prescription biennale prévue à l’article L 1471-1 du Code du travail.
Auparavant, la chambre sociale de la Cour de cassation jugeait, en matière de repos compensateur (devenu «contrepartie obligatoire en repos»), que le délai de prescription applicable à une telle demande était de 5 ans (Cassation n° 04-45.881 ; Cassation n° 05-43.713 ; Cassation n° 08-40.891). Cette solution était transposable au repos compensateur de remplacement.
A notre avis : La présente décision s’explique à notre sens par l’application désormais constante du principe selon lequel la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande. La Cour de cassation juge en effet que l’indemnité allouée en compensation du repos compensateur non pris du fait de la contestation par l’employeur des heures supplémentaires effectuées par le salarié a le caractère de dommages-intérêts (Cassation n° 99-45.890). Or, la chambre sociale applique habituellement la prescription biennale aux actions en paiement de dommages-intérêts (par exemple, Cassation n° 16-21.735).
… et court à compter du jour où le salarié a eu connaissance de ses droits
Une fois le délai de prescription fixé, restait à déterminer son point de départ. La Cour de cassation juge que, lorsque l’employeur n’a pas respecté son obligation d’information, la prescription a pour point de départ le jour où le salarié a eu connaissance de ses droits et, au plus tard, celui de la rupture du contrat de travail.
Dans des arrêts antérieurs, la chambre sociale avait déjà jugé que le délai de prescription ne pouvait courir qu’à compter du jour où le salarié avait eu connaissance de ses droits lorsque l’employeur n’avait pas respecté l’obligation de l’informer du nombre d’heures de repos compensateur portées à son crédit par un document annexé au bulletin de salaire (Cassation n° 10-30.664 ; Cassation n° 11-26.901 ; Cassation n° 13-16.840).
A notre avis : Ainsi, sauf en cas de rupture du contrat de travail, le délai de prescription ne court pas tant que l’employeur n’annexe pas le document d’information au bulletin de paie. En revanche, lorsque l’employeur remet ce document mensuellement, le délai de prescription court à compter de cette remise pour la période considérée.
L’action en nullité du licenciement fondée sur le harcèlement…
L’affaire ayant donné lieu au pourvoi n° 22-22.860 concerne un salarié licencié le 3 septembre 2018. Estimant avoir subi un harcèlement moral, il saisit la juridiction prud’homale le 14 février 2020 en nullité de son licenciement pour harcèlement et dommages-intérêts pour licenciement nul, soit plus de 12 mois après la rupture du contrat de travail. La cour d’appel applique la prescription annale de l’article L 1471-1, al. 2 et déclare son action prescrite. La décision est censurée.
En l’espèce, la cour d’appel a repoussé le point de départ du délai de 12 mois pour agir en contestation de la rupture. L’employeur n’ayant pas produit l’accusé de réception de la lettre de licenciement, les juges d’appel considèrent que le point de départ est constitué par la date de la lettre de contestation adressée le 20 novembre 2018 par le salarié.
… se prescrit par 5 ans…
La Cour de cassation rappelle que, si la prescription annale s’applique aux actions portant sur la rupture du contrat de travail, son application est exclue lorsque l’action est exercée sur le fondement d’un harcèlement. Aussi, l’action en nullité du licenciement est soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil lorsque le licenciement trouve son origine dans une situation de harcèlement moral subi sur le lieu de travail.
… à compter du jour où le salarié a connu les faits lui permettant d’exercer son action
Aux termes de l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Mais la chambre sociale ne précise pas ici explicitement le point de départ de l’action en nullité du licenciement fondé sur le harcèlement moral allégué.
A notre avis : La chambre sociale a posé pour principe que le point de départ du délai de prescription est la date du prononcé du licenciement, qui constitue le dernier acte de l’auteur présumé du harcèlement (Cassation n° 19-21.931). Elle a ensuite précisé que le délai court à compter du dernier fait incriminé commis avant la cessation du contrat de travail (Cassation n° 21-24.051). En l’espèce, le point de départ serait-il fixé à la date de la notification du licenciement ou à celle de la lettre de contestation du licenciement par le salarié puisque la date certaine de notification du licenciement n’est pas connue ? Dans les deux cas l’action serait recevable.
Les salariés victimes de travail dissimulé par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié ont droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaire (article L 8223-1 du code du travail). Dans l’affaire n° 22-22.860, la Cour de cassation se prononce également sur le régime de prescription applicable à cette indemnité.
L’action en indemnité pour travail dissimulé est soumise à la prescription biennale…
En l’espèce, le salarié, licencié le 3 septembre 2018, engage, contre son employeur, une action judiciaire en paiement de l’indemnité forfaitaire le 14 février 2020. L’employeur reproche à la cour d’appel d’avoir accédé à cette demande. Il fait valoir que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois, en application de l’article L 1471-1, al. 2 du Code du travail, et que c’est donc cette prescription annale qui doit s’appliquer dans la mesure où le paiement de ladite indemnité est subordonné à la rupture de la relation de travail.
Cette analyse n’est pas retenue par la Cour de cassation. Après avoir rappelé le principe selon lequel la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée, elle décide que l’action en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est soumise à la prescription biennale de l’article L 1471-1, al. 1er du Code du travail en retenant que le droit à l’indemnité naît en raison de l’inexécution par l’employeur de ses obligations au cours de la relation de travail (Cassation n° 14-17.955 ; Cassation n° 14-15.611). La prescription applicable est donc celle concernant l’exécution du contrat de travail.
A noter : La solution retenue est conforme à l’avis de l’avocate générale, Mme Molina. Celle-ci considère, notamment, que « l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé, qui indemnise le salarié victime de travail dissimulé, tend uniquement à réparer la dissimulation d’emploi, consécutive à une faute de l’employeur survenue au cours de la relation de travail et non à la rupture du contrat de travail ». Elle ajoute que « la rupture du contrat de travail, nécessaire pour le versement de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé, n’est qu’une condition et non le fondement de la demande. Cette condition ne change pas la nature de sanction de l’employeur qui n’a pas respecté ses obligations au cours de la relation de travail, et donc durant l’exécution du contrat de travail. L’indemnité réparant un préjudice subi du fait de la dissimulation d’emploi salarié et non du fait de la rupture du contrat de travail, la prescription biennale est applicable à la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ».
Et son point de départ est fixé à la date de rupture du contrat
La Cour de cassation précise par ailleurs, à cette occasion, que l’action en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé naît lors de la rupture du contrat de travail. Elle confirme ainsi que le point de départ de la prescription de 2 ans correspond à la date de rupture du contrat (Cassation n° 04-42.608). En l’espèce, le salarié pouvait saisir le juge jusqu’au 3 septembre 2020. Son action introduite le 14 février 2020 était donc recevable.


La renonciation par courriel à la clause de non-concurrence n’est pas valable si une lettre recommandée est exigée
Le contrat de travail peut prévoir la faculté pour l’employeur de renoncer à une clause de non-concurrence, dans un certain délai à compter de la rupture. Cette renonciation ne produit aucun effet et l’employeur est tenu de payer la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence imposée au salarié s’il renonce tardivement à la clause (Cassation n° 98-42.290). Qu’en est-il s’il ne respecte pas le formalisme afférent à cette renonciation, qui doit survenir le plus souvent par lettre recommandée avec avis de réception ?
La chambre sociale de la Cour de cassation juge (pourvoi n° 22-17.452), par cet arrêt du 3 juillet 2024, que l’employeur qui souhaite renoncer à la clause de non-concurrence est tenu de le faire selon les modalités prévues par cette clause, sous peine d’invalidité de la renonciation. Ainsi, il ne peut suppléer l’envoi d’un courrier postal en recommandé avec demande d’avis de réception par un courriel. Cet arrêt, destiné à la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, confirme un précédent (Cassation n° 19-18.399), pour en pérenniser la solution.
A noter : il ne paraît cependant pas remettre en question la jurisprudence selon laquelle une renonciation à la clause de non-concurrence dans la lettre de licenciement elle-même serait valable, quand bien même les dispositions conventionnelles prévoiraient l’envoi d’une lettre recommandée dans un certain délai après la notification du licenciement (Cassation n° 11-26.007).


Quelle durée pour la période d’essai quand plusieurs CDD précèdent un CDI ?
Lorsqu’après l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) un salarié est embauché, sans délai, par un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) par le même employeur et pour le même poste, la durée de ce CDD est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau CDI. Le salarié conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du CDD (article L 1243-11, al. 2 et 3 du code du travail). Selon la jurisprudence, cette règle s’applique également lorsque plusieurs CDD se sont succédés avant l’embauche en CDI, et même lorsque les différents CDD sont séparés par de courtes périodes d’interruption ; dans ce cas, la durée de la période d’essai du CDI doit être réduite de la durée de ces différents CDD (Cassation n° 12-12113). La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de rappeler cette règle et même d’aller un peu plus loin dans son analyse.
En revanche, sauf fraude à la loi, l’employeur n’a pas à réduire la durée de la période d’essai du nouveau CDI si le nouvel emploi correspond à un emploi différent exigeant des qualités et des compétences différentes (Cassation n° 89-45508).
Une salariée infirmière diplômée d’État a été engagée par trois CDD, du 18 au 31 mai 2017, du 1er au 30 juin 2017 et du 1er au 30 août 2017, puis par un CDI le 4 septembre 2017 qui prévoyait une période d’essai de deux mois. L’employeur a notifié à la salariée la rupture de sa période d’essai le 15 septembre 2017. La salariée a saisi le juge prud’homal d’une demande d’inopposabilité de la période d’essai et de requalification de la rupture de son CDI en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a fait valoir que l’employeur ne pouvait pas lui imposer une période d’essai de deux mois alors qu’elle avait déjà occupé son emploi durant deux mois et demi en CDD. Malgré la brève interruption de la relation de travail en juillet 2017, l’employeur devait réduire la période d’essai du CDI de la durée globale de l’ensemble de ses CDD.
En appel, les juges l’ont débouté de sa demande. Ils ont considéré que les deux premiers CDD ne se trouvaient pas dans la continuité du troisième CDD et du CDI conclu à sa suite en raison de l’interruption d’un mois entre le deuxième et le troisième CDD, intervenue en juillet 2017. Seule la durée du CDD du 1er au 30 août devait être déduite de la période d’essai qui expirait le 4 octobre 2017. L’employeur, qui a rompu la période d’essai par lettre du 17 septembre 2017, se trouvait encore dans le délai pour le faire.
La Cour de cassation (n° 23-10.783) a censuré la décision des juges. Sur le fondement de l’article L 1243-11, elle a rappelé que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un CDI à la suite d’un ou de plusieurs CDD, la durée du ou de ces CDD est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le CDI. Elle a déclaré que la salariée avait exercé, depuis le 18 mai 2017, en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle. La même relation de travail s’était poursuivie avec l’employeur depuis le 18 mai 2017. Ainsi, la durée des trois CDD devait être déduite de la période d’essai.
Lorsqu’à l’expiration d’un ou de plusieurs CDD, la relation de travail se poursuit par la conclusion d’un CDI sur le même emploi, la durée des CDD doit être déduite de la période d’essai prévue par le CDI, et peu importe que les CDD aient été espacés d’un mois. Ce qui importe c’est la continuité fonctionnelle entre les différents contrats.
