ACTUALITÉ
SOCIAL

Le consentement à la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est harmonisé
Pour certaines catégories de salariés, les employeurs sont autorisés à appliquer à la base de calcul des cotisations, dans la limite d’un plafond, une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS).
Pour bénéficier de la DFS, il faut que le salarié :
- exerce une profession qui figure sur la liste de l’article 5 de l’annexe IV du CGI dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 si elle comporte des frais dont le montant est notoirement supérieur à ceux prévus par l’arrêté du 20 décembre 2002 (arrêté du 20 décembre 2002, article 9) ;
- supporte effectivement des frais professionnels lors de son activité professionnelle (voir, par exemple, arrêt du 19 janvier 2017). En l’absence de frais effectivement engagés ou en cas de prise en charge ou de remboursement par l’employeur de la totalité des frais professionnels, la DFS n’est pas applicable (Boss-FP-2130).
L’administration a prévu une suppression progressive de la DFS dans certains métiers, la DFS n’étant pas applicable pour les salariés ne supportant pas effectivement des frais professionnels. Les secteurs et les métiers concernés par cette suppression sont la propreté, la construction, le transport routier de marchandises, l’aviation civile, les journalistes, les casinos et cercles de jeux, le spectacle vivant ou enregistré et les VRP.
Le paragraphe 2330 du Boss prévoit les modalités selon lesquelles le consentement du salarié à la DFS est recueilli pour les secteurs et métiers concernés par la suppression progressive de la DFS.
Dans sa dernière mise à jour du Boss, l’administration le modifie une nouvelle fois et prévoit désormais pour l’ensemble des secteurs et métiers précités que, si le consentement des salariés a été recueilli pour une durée indéterminée par l’employeur, il couvre, pour ces salariés, la période restant à courir jusqu’à la suppression du dispositif. En revanche, si le consentement des salariés a été recueilli pour une durée déterminée par l’employeur, celui-ci devra de nouveau demander leur consentement à l’issue de cette période, et ce jusqu’à la suppression du dispositif.
Pour rappel, le salarié a la possibilité de demander à tout moment à renoncer au bénéfice de la DFS. Sa décision prend effet à compter de l’année civile suivante.
► A l’origine, l’administration prévoyait que, si le consentement des salariés avait été recueilli avant 2023 (et en 2023 pour les métiers de la propreté), le consentement de ces salariés couvrait la totalité de la période restant à courir jusqu’à la suppression du dispositif. Le Conseil d’Etat a ensuite annulé cette précision pour les journalistes. L’administration a pris en compte cette décision et a appliqué pour les journalistes, les métiers des casinos et des cercles de jeux, les métiers du spectacle vivant et enregistré et les VRP les précisions précitées. L’administration avait toutefois conservé les précisions d’origine pour les autres métiers de la propreté, de la construction, du transport routier de marchandises et de l’aviation civile.


Quand la modification du bulletin de paie constitue une modification du contrat
Un arrêt du 13 mars 2024 constitue une illustration intéressante du principe établi de longue date par la chambre sociale de la Cour de cassation, qu’elle rappelle ici, selon lequel la durée contractuelle du travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié (arrêt du 31 mars 1999). Pour la Haute Juridiction, dès lors qu’elle est expressément prévue au contrat de travail ou encore contractualisée, la durée du travail ne peut pas être unilatéralement modifiée par l’employeur. Il en est ainsi de l’augmentation comme de la réduction de la durée du travail, peu important, à cet égard, que la modification opérée n’ait pas d’impact négatif sur la rémunération (arrêt du 20 octobre 1998 ; arrêt du 30 mars 2011).
En l’espèce, une salariée embauchée en qualité d’employée libre-service à temps partiel reprochait à son employeur d’avoir modifié unilatéralement son temps de travail. En effet, après avoir figuré sur une seule ligne de son bulletin de paie pendant 13 ans, son salaire mensuel pour 130 heures de travail faisait désormais l’objet de 2 lignes distinctes, l’une correspondant aux heures de travail proprement dites, l’autre au temps de pause. Pour la débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire, la cour d’appel avait considéré que, nonobstant le changement d’affichage du salaire sur le bulletin de paie, elle était toujours rémunérée 130 heures, les heures de travail et les temps de pause étant payés au même taux horaire.
Pour les juges du fond, il n’y avait donc pas eu modification unilatérale du contrat de travail. Tel n’est pas l’avis de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Prenant soin de rappeler le principe jurisprudentiel précédemment énoncé, la Cour de cassation précise qu’en l’absence d’accord de la salariée, l’employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement la présentation du bulletin de paie, peu important la rémunération conventionnelle du temps de pause au même taux horaire que le temps de travail. La chambre sociale se prononce au visa des articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil (devenu 1103) relatifs au consentement des parties contractantes et à la bonne foi contractuelle.
On rappellera utilement que l’acceptation par le salarié d’une modification de son contrat de travail ne peut pas se déduire de la seule poursuite du travail aux nouvelles conditions ni de la remise de bulletins de paie non contestés (arrêt du 5 octobre 1993 ; arrêt du 30 septembre 2003). L’acceptation par le salarié de la modification de la durée contractuelle du travail ne peut en effet résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté (arrêt du 16 février 1999 ; arrêt du 8 juillet 2015). La chambre sociale de la Cour de cassation juge ici qu’il en va de même de la seule modification de l’affichage de la durée du travail sur le bulletin de paie.
A noter : Cet arrêt nous amène à nous interroger sur la rémunération des temps de pause et leur inclusion dans le salaire de base, même si le moyen ne la soulève pas directement. La jurisprudence a eu à plusieurs reprises l’occasion de statuer sur des affaires dans lesquelles, à l’inverse de celle-ci, la ligne « temps de pause » était supprimée du bulletin de paie (ou n’était pas distinguée de la ligne « heures travaillées »), la question étant alors de savoir si le salaire de base avait continué à intégrer la rémunération conventionnelle au titre des temps de pause et si ces derniers avaient été ou non payés. Tout dépend des dispositions conventionnelles applicables, certaines conventions collectives assimilant le temps de pause à du travail effectif, d’autres non. Il a ainsi été jugé, dans le cadre de la CCN de la plasturgie du 1er juillet 1960, que la rémunération des temps de pause non assimilés à du temps de travail effectif doit faire l’objet d’une mention distincte sur le bulletin de paie (arrêt du 1er décembre 2016), étant précisé qu’une présentation erronée des bulletins de paie ne signifie pas nécessairement que ces temps de pause n’ont pas été payés (voir en ce sens : arrêts du 28 mars 2018 n° 16-23.831 et 16-20.856).


La sauvegarde de la compétitivité peut être un motif économique, même dans une association
Le licenciement économique d’un représentant du personnel bénéficiant de la procédure spéciale de rupture du contrat de travail est soumis à l’autorisation préalable de l’inspection du travail. Celle-ci doit alors rechercher si la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d’effectifs et de la possibilité d’assurer le reclassement du salarié dans l’entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière (décisions du Conseil d’Etat du 29 juin 2020 n° 423673 et 417940). Lorsque le licenciement économique est fondé sur la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, l’appréciation du motif du licenciement implique d’établir la réalité de la menace pour la compétitivité de l’entreprise (CE 8-3-2006 no 270857 ; CE 12-1-2011 no 327191 ; CE 27-1-2016 no 388211). Le présent arrêt, mentionné aux tables du recueil Lebon, rappelle ces principes bien établis et répond à la question de savoir s’ils sont applicables aux associations à but non lucratif.
Dans cette affaire, une association a sollicité auprès de l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier un salarié, titulaire d’un mandat de membre du comité social et économique, à la suite de la perte d’un important marché de prestations de services. Elle a donc fondé sa demande sur la nécessité de sauvegarder sa compétitivité. L’autorisation de licenciement lui a été accordée par l’inspection du travail, le salarié ayant ensuite été débouté tant par le ministre du travail (recours hiérarchique) que par le tribunal administratif (recours contentieux). Mais la cour administrative d’appel a finalement annulé la décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement, jugeant qu’il n’existait pas de menace réelle pesant sur la compétitivité de l’association.
Pour l’employeur, qui a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, l’administration aurait dû prendre en compte la circonstance que l’association ne poursuivait pas un but lucratif pour apprécier différemment le motif économique tiré de la sauvegarde de la compétitivité. Telle n’est pas la position de la Haute juridiction administrative, qui énonce clairement que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, y compris lorsqu’il s’agit d’une association à but non lucratif, peut constituer un motif économique, à la condition que soit établie la réalité de la menace pour la compétitivité de celle-ci. Elle refuse donc de traiter différemment les entreprises du secteur marchand et les entités ne poursuivant aucun but lucratif.
► Le juge judiciaire a une conception différente et a admis à plusieurs reprises que la sauvegarde de la compétitivité d’une association pouvait s’apprécier au regard de la nécessité de celle-ci de sauvegarder sa pérennité (arrêt du 2 avril 2008 ; arrêt du 23 septembre 2009 ; arrêt du 18 mai 2011). Dans les conclusions rendues à l’occasion du présent arrêt, le rapporteur public préconise de ne pas consacrer une telle conception, notamment car elle méconnaîtrait directement la position du Conseil constitutionnel jugeant manifestement contraire à la liberté d’entreprendre une définition du motif économique ne permettant de licencier que lorsque la pérennité de l’entreprise était en cause (décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 2002).
Signalons enfin que, dans cette affaire, le Conseil d’Etat a finalement cassé la décision des juges du fond pour qualification inexacte des faits, alors que les éléments matériellement établis pouvaient laisser penser que la perte du marché était susceptible de constituer une menace réelle pesant sur la compétitivité de l’association. Il appartiendra donc à la cour administrative d’appel devant laquelle l’affaire est renvoyée d’apprécier la situation économique de l’association et de vérifier la validité de l’autorisation de licenciement du représentant du personnel.


La semaine en quatre jours séduit mais suscite des craintes liées à l’intensification du travail
Alors que la semaine « de quatre jours » ou « en quatre jours » agite les débats politiques et le monde de l’entreprise, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) a mené une enquête pour la Fondation The Adecco Group sur le sujet. Pour ce faire, une enquête statistique a été menée auprès de la population active et une enquête qualitative auprès de DRH et dirigeants d’entreprise expérimentant des changements de rythme.
Premier constat du Crédoc : « si la semaine en quatre jours occupe une place importante dans le débat public actuel, le dispositif est encore marginal ». Environ 10 000 salariés l’expérimentaient début 2023, selon les chiffres du ministère du travail.
Deuxième constat : si la formule est séduisante sur le papier, elle est susceptible de se heurter à de nombreux inconvénients pour les salariés.
Sans conteste, l’évolution vers de nouveaux rythmes de travail est perçue « comme une opportunité de mieux articuler les temps de vie, en particulier pour disposer de plus de temps personnel ou familial (51 %) et aller vers un meilleur équilibre de vie (43 %) ». Parmi les populations qui y sont particulièrement sensibles : les familles monoparentales (65 %), les femmes (54 %), les personnes entre 25 et 39 ans (55 %) et les habitants des grandes agglomérations (55 %). C’est aussi le cas de certaines catégories professionnelles : professions intermédiaires (58%) et employés (56 %).
(Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, octobre 2023 Champ : ensemble des actifs).
Toutefois, il convient de distinguer la mise en place au sein de l’entreprise de la semaine de quatre jours (avec réduction du temps de travail et – potentiellement – une baisse de rémunération) ou de la semaine en quatre jours (sans réduction du temps de travail). « La formule consistant à réduire le nombre de jours travaillés à quatre jours par semaine sans réduire le temps de travail séduit un actif sur deux », note le Crédoc.
Ainsi, les foyers monoparentaux intéressés par des rythmes de travail plus souples, ne voient pas forcément d’un bon oeil la semaine en quatre jours. « L’allongement des journées de travail n’est pas toujours compatible avec la garde d’enfants, et cet écueil est plus souvent cité par les familles monoparentales (29 % d’entre elles, contre 22 % des couples avec enfants). Conséquence probable, les personnes élevant seules des enfants sont a priori un peu moins séduites par la semaine en quatre jours : 46 % seraient plus satisfaites (contre 49 % en moyenne) et 7 % estiment qu’elles devraient renoncer à leur emploi (4 % en moyenne) », indique le Crédoc.
Une même appréhension est ressentie par les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladie chronique, redoutant notamment les effets sur la santé de l’intensification des journées de travail : « 24 % anticipent que cela aurait pour inconvénient de dégrader leur santé physique et mentale, contre 14 % en moyenne et 36 % redoutent des journées trop fatigantes (33 % en moyenne) », souligne l’enquête.
De manière générale, un tiers des actifs redoutent la fatigue liée à l’allongement des journées de travail.
(Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, octobre 2023. Champ : ensemble des actifs occupés ou en recherche d’emploi).
Les DRH ont bien conscience des risques liés à la santé au travail qui « peut être à l’origine d’une diminution de l’adhésion des salariés à la démarche, voire d’une demande de retour à la semaine de cinq jours ».
Il n’en reste pas moins que les entreprises trouvent un certain nombre d’avantages à mettre en place la semaine en quatre jours. Elles y voient « un levier d’attractivité, permettant de capter des candidatures et de fidéliser les salariés en poste », mais également « un outil au service d’une plus grande égalité permettant aux femmes à temps partiel de (re)trouver une rémunération à la hauteur d’un temps plein tout en continuant à bénéficier d’une journée libérée ».
Par ailleurs, s’il est encore trop tôt pour tirer des leçons d’un tel changement de rythme de travail, une des entreprises interrogées, qui dispose d’un peu plus de recul, estime que « le passage à la semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail (de 35h à 32h) est à l’origine de la baisse du turn-over au sein des équipes (actuellement de 4 %, quand les entreprises concurrentes se situent autour de 15 %), mais aussi de la baisse de l’absentéisme et des accidents du travail dans l’entreprise .
La semaine en quatre jours peut également présenter des avantages pécuniaires non négligeables pour les salariés. « Pour les parents d’enfants en âge scolaire ou préscolaire, les conséquences sont diverses selon les situations. Selon les dirigeants ou DRH interrogés, les salariés ayant des enfants non scolarisés peuvent faire part d’économies parfois possibles d’un jour de garde hebdomadaire ». Sans compter les économies de carburant pour les salariés motorisés.
Toutefois, le risque financier existe aussi. « Les salariés ayant des enfants scolarisés peuvent au contraire regretter des frais supplémentaires de garde, en lien avec l’extension journalière des heures de travail ». Par ailleurs, certains DRH ou dirigeants interrogés évoquent également « la surprise des salariés qui découvrent que la semaine en quatre jours implique qu’ils bénéficient de moins de tickets restaurant ».
Le risque pour les managers est la complexification de leurs tâches, notamment la gestion des plannings de salariés au contact d’usagers, d’administrés ou de la clientèle. « Les jours libérés s’ajoutent au télétravail lorsqu’il est maintenu, aux congés et aux autres absences. Une organisation plus stricte des journées de travail peut aussi être demandée aux salariés passant à la semaine en quatre jours. Ainsi, selon l’activité et l’organisation du travail, la compression de la semaine génère donc une plus grande charge mentale et plus de stress pour les managers. Pour les assister, certaines organisations ont mis en place des outils visant à faciliter la gestion des plannings », indique le Crédoc.
Des questions d’équité entre salariés se posent également « entre les salariés d’une même entreprise qui « peuvent tenter l’aventure » et ceux que l’entreprise écarte du dispositif ».


Salariés : comment obtenir un Pass Jeux pour circuler pendant les JO 2024
Le gouvernement a ouvert hier la plateforme permettant d’obtenir un laissez-passer numérique (Pass Jeux) pour se déplacer à Paris pendant les Jeux olympiques et paralympiques 2024.
Délivré par la préfecture de police, il permet d’accéder aux périmètres de sécurité autour de la cérémonie d’ouverture, autour des sites de compétitions et pour les épreuves de para-cyclisme en Seine-Saint-Denis.
Il est nominatif et non-cessible.
Si la demande d’un Pass Jeux est motivée par des raisons professionnelles, il conviendra de fournir un justificatif de travail qui peut être :
- un contrat de travail ;
- une lettre de mission ;
- un contrat de soin ;
- une attestation employeur avec la mention de l’employeur et de l’adresse d’exercice de l’activité dans le périmètre (en pièce jointe) ;
- une carte professionnelle.
Zones concernées, formulaire de demande, difficultés techniques,… une foire aux questions répond à toutes ces interrogations.

Forfait-jours : le dispositif conventionnel applicable aux avocats salariés est invalidé
Dès 2011, la Cour de cassation a jugé que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (arrêt du 29 juin 2011). Pour tenir compte de cette jurisprudence, la loi Travail du 8 août 2016 a inséré dans le code du travail un principe d’ordre public : l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (article L. 3121-60 du code du travail). Pour ce faire, de nouvelles mentions obligatoires de suivi/contrôle de cette charge ont dû être introduites dans les accords collectifs préalables à la conclusion d’une convention de forfait-jours (article L. 3121-64 du code du travail), avec un système de « rattrapage » si l’accord ne contient pas de telles mesures (article L. 3121-65 du code du travail, v. ci-après).
Mais quid des conventions en cours au jour de la publication de la loi ? Même non conformes à l’article L. 3121-64, elles ont continué à servir de fondement aux conventions individuelles de forfait, sous réserve pour l’employeur de respecter l’article L. 3121-65. C’est précisément de cette disposition transitoire dont il était question en l’espèce, concernant l’avenant n° 15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jours des avocats salariés. Verdict ? Invalide car trop peu protecteur.
En l’espèce, une avocate salariée soumise à une convention de forfait-jours depuis 2013 avait formé une demande en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, liée à la nullité de sa convention individuelle de forfait. Pour elle, aucun outil de contrôle de la charge de travail n’avait été mis en place par l’employeur pour garantir le bon équilibre vie professionnelle/vie personnelle.
L’employeur, à qui la cour d’appel avait donné raison, considérait de son côté que les dispositions prévues par le dispositif conventionnel servant de base à la convention étaient conformes aux exigences légales et jurisprudentielles. Pour encadrer le recours à la convention de forfait-jours, il faisait en effet application des avenants à la convention collective des avocats salariés n° 7 du 7 avril 2000 (relatif à la réduction du temps de travail) et n° 15 du 25 mai 2012 (relatif au forfait annuel en jours), d’un accord d’entreprise relatif à l’organisation du temps de travail du 14 mai 2007, et d’une charte des bonnes pratiques en matière d’organisation du temps de travail.
La salariée s’était alors pourvue en cassation, son moyen ne faisant toutefois pas mention de l’avenant de 2012. Celui-ci prévoyait notamment que :
- l’avocat doit organiser son travail pour ne pas dépasser 11h journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l’exécution des missions d’intérêt public ;
- le nombre de journées ou de demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à échéance régulière par l’avocat salarié concerné selon une procédure établie par l’employeur ;
- l’avocat salarié bénéficie annuellement d’un entretien avec sa hiérarchie portant sur l’organisation du travail, sa charge de travail, l’amplitude de ses journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération ;
- l’employeur ou son représentant doit analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre ;
- l’avocat salarié pourra alerter sa hiérarchie s’il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face.
La Cour de cassation a malgré tout invalidé le dispositif conventionnel dans son intégralité : les textes qui le composent « ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».
Si l’avenant de 2000 et l’accord d’entreprise de 2007 avaient déjà été jugés invalides par la Cour de cassation (arrêt du 8 novembre 2017), elle se prononçait ici c’est la première fois sur la validité de l’avenant du 25 mai 2012.
Une fois les accords collectifs encadrant le recours à la convention de forfait annuel en jours jugés insuffisants, pour reconnaître l’éventuelle nullité de cette convention la chambre sociale devait se prononcer sur les mesures de « rattrapage » prévues par la charte des bonnes pratiques. Pour rappel, face à un accord antérieur à la loi Travail ne respectant pas les prescriptions légales d’évaluation/suivi de la charge de travail, l’employeur peut tout de même poursuivre ou conclure une convention individuelle de forfait à condition :
- d’établir un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées;
- de s’assurer de la compatibilité de la charge de travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;
- d’organiser un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération (article L. 3121-65 du code du travail).
Sur ce point, les juges du fond avaient considéré que « l’employeur avait complété l’ensemble des dispositions conventionnelles applicables par une charte des bonnes pratiques en matière d’organisation du temps de travail et qu’il était inexact que la salariée puisse affirmer qu’aucun outil de contrôle de la charge de travail n’avait été mis en place ». Insuffisant pour la chambre sociale, qui juge que la cour d’appel a retenu des éléments impropres à caractériser, d’une part, que la charte des bonnes pratiques était de nature à répondre aux exigences de l’article L. 3121-65 du code du travail et, d’autre part, que l’employeur avait effectivement exécuté son obligation de s’assurer régulièrement que la charge de travail de la salariée était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail.
Une cour d’appel de renvoi devra donc se prononcer sur cette question. Mais outre le cas d’espèce, suite à notre arrêt ce sont aujourd’hui toutes les conventions individuelles de forfait conclues sur le fondement de l’avenant de 2012 qui encourent la nullité faute de mesures de rattrapage mises en place par l’employeur.


Un questions-réponses du ministère du travail pour promouvoir l’intéressement de projet
Inscrit à l’article L.3312-6 du Code du travail, le dispositif d’intéressement de projet, qui concernait à l’origine un projet commun à plusieurs entreprises, a été élargi par la loi Pacte en 2019 du 22 mai 2019, de sorte qu’il peut désormais aussi concerner un projet interne à l’entreprise.
Dans un questions-réponses publié le 18 avril 2024 sur son site internet, le ministère du travail apporte des précisions sur les modalités de mise en place de l’intéressement de projet, reprises pour l’essentiel du Guide de l’épargne salariale de 2014 (dossier 1, fiche 7, p. 37 s.) mais adaptées sur certains points aux évolutions législatives intervenues entre-temps. Par ailleurs, il apporte des indications inédites sur l’intéressement lié à un projet interne à l’entreprise.
► Le QR se présente comme une « transcription » de l’article 17 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023 sur le partage de la valeur. Dans cet article, les signataires de l’ANI entendaient promouvoir l’intéressement de projet, en soulignant que son développement « doit notamment permettre aux entreprises faisant largement appel à la sous-traitance d’inclure l’ensemble des salariés des entreprises concernées dans leurs dispositifs de partage de la valeur ».
L’article L.3312-6 du code du travail prévoit que « dans les entreprises ou les groupes disposant d’un accord d’intéressement et concourant avec d’autres entreprises à une activité caractérisée et coordonnée, un accord peut être conclu pour prévoir que tout ou partie des salariés bénéficie d’un intéressement de projet ».
Le questions-réponses donne des exemples de projets pouvant faire l’objet d’un intéressement : réalisation d’un chantier, construction d’une usine ou d’un ouvrage d’art à laquelle participeraient plusieurs sociétés partenaires, projets industriels réunissant donneurs d’ordres et sous-traitants, conception d’une nouvelle automobile, réalisation d’un événement culturel (QR n° 1).
Il souligne également que l’intéressement de projet peut être mis en place dans une seule entreprise si, par exemple, les autres parties prenantes ne souhaitent pas mettre en place un tel intéressement (article L.3312-6, al. 2 du code du travail). Dans ce cas, l’accord d’intéressement doit obligatoirement faire référence au projet commun, tout en réservant le bénéfice de l’intéressement aux seuls salariés de l’entreprise (QR n° 2).
L’administration rappelle que la mise en place d’un intéressement de projet est subordonnée à une condition impérative : que l’entreprise soit déjà couverte par un accord d’intéressement « classique » (article L.3312-6, al. 1er du code du travail). Il peut s’agir d’un accord d’entreprise ou d’un accord de groupe dont le périmètre est plus large que celui de l’intéressement de projet. Autrement dit, il n’y a pas nécessairement d’adéquation entre le périmètre de l’accord de projet et de l’accord d’intéressement « classique ». De plus, il n’est pas nécessaire que l’accord d’intéressement « annonce » l’accord de projet (QR n° 6).
► L’administration a déjà indiqué que l’intéressement de projet doit faire l’objet d’un accord spécifique (circulaire DSS/DGT 2007/199 du 15 mai 2007). Ce point ne figure pas dans le Guide ni dans ce QR, mais il est évoqué dans la réponse concernant la mise en place de l’intéressement de projet interne (voir ci-dessous).
S’agissant des modalités de conclusion de l’accord d’intéressement de projet, le QR distingue différentes situations lorsque plusieurs entreprises le mettent en place.
Lorsque les entreprises parties prenantes au projet font partie d’un même groupe, l’intéressement est mis en place par un « accord de groupe » dont le périmètre correspond aux entreprises parties prenantes du projet, accord qui est conclu selon les modalités prévues pour l’accord d’intéressement à l’article L.3312-5 du code du travail (article L.3312-6, al. 2 du code du travail) (QR n° 7).
► Le QR utilise l’expression « accord de groupe » mais semble envisager, comme le faisait le Guide de l’épargne salariale de 2014, le fait que chaque entreprise concernée adopte l’accord, dans les mêmes termes, selon l’une des quatre modalités distinctes prévues à l’article L.3312-5, I. Il ne mentionne pas la possibilité de conclure un accord de groupe au sens strict tel qu’envisagé par le code du travail (articles L.2232-30 à L.2232-35 du code du travail). Selon nous, il est possible de conclure un tel accord de groupe pour un intéressement de projet, de même qu’il est possible de conclure un accord interentreprises pour des entreprises n’appartenant pas au même groupe (voir ci-dessous).
Lorsque les entreprises parties prenantes au projet ne font pas partie d’un même groupe, le ministère du travail indique que le législateur a renvoyé les modalités de conclusion à celles de mise en place des plans d’épargne interentreprises (PEI). Il précise ainsi que dans ce cas, l’accord d’intéressement de projet peut être conclu (QR n° 8) :
- avec les délégués syndicaux selon les modalités des articles L.2232-36 à L.2232-38 du code du travail : il s’agit des dispositions relatives aux accords interentreprises. Cette possibilité n’était pas mentionnée auparavant par la doctrine administrative car le régime de l’accord interentreprises a été introduit dans le Code du travail par la loi 2016-1088 du 8 août 2016 ;
- avec les représentants des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;
- au sein du CSE ;
- à la majorité des deux-tiers des salariés qui participent au projet.
► Les dispositions applicables sont difficilement lisibles du fait d’un jeu de renvois successifs. L’article L.3312-6 al. 2 du code du travail (intéressement de projet) renvoie en effet à l’article L.3333-2 (mise en place d’un PEI), qui renvoie lui-même aux articles L.3332-3 et L.3332-4 (mise en place du PEE), qui renvoient eux-mêmes à l’article L.3322-6, lequel prévoit les modalités de conclusion de l’accord de participation identiques à celles prévues pour un accord d’intéressement « classique » (article L.3312-5, I du code du travail). En mentionnant la conclusion d’un accord interentreprises, l’administration semble écarter l’hypothèse d’un accord d’entreprise. Pourtant, il nous semble possible que chaque entreprise choisisse une modalité de conclusion différente, parmi lesquelles figure l’accord d’entreprise, la possibilité d’un accord interentreprises venant s’ajouter depuis 2016 aux autres modalités.
Attention : dans tous les cas, l’intéressement de projet ne peut pas être mis en place par décision unilatérale de l’employeur, l’administration précisant qu’il doit être négocié (QR n° 9). Le code du travail exclut en effet explicitement la décision unilatérale d’intéressement (admise depuis la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020) pour l’intéressement de projet (article L.3312-5, II dernier. al. du code du travail).
En cas d’adoption de l’accord par ratification aux deux tiers du personnel, l’administration rappelle que la consultation s’organise, contrairement aux accords d’intéressement « classiques », avec les seuls salariés de l’entreprise qui participent au projet (QR n° 10). Le code du travail dispose en effet que la majorité des deux-tiers requise pour la ratification s’entend sur les personnels entrant dans le champ d’application du projet (article L.3312-6, al. 3 du code du travail).
Les conditions d’application du régime social et fiscal de l’intéressement de projet sont les mêmes que pour l’intéressement « classique » : l’accord doit donc être signé par les entreprises impliquées au plus tard le dernier jour de la première moitié de la période de calcul (article L.3314-4 du code du travail), période de calcul qui coïncide avec la durée de l’accord de projet, et être déposé dans les 15 jours suivant cette date (QR n° 11). La durée et la période de calcul de l’accord peuvent être distinctes de celles prévues pour l’intéressement « classique », sans pouvoir excéder cinq ans. Cette durée et période de calcul correspondent normalement à la durée du projet, estime l’administration (QR n° 11). Elle admet toutefois la possibilité que plusieurs périodes de calcul se succèdent pendant la durée d’application de l’accord, lorsque le processus du projet permet d’isoler différentes phases dans sa réalisation (QR n° 12).
S’agissant des bénéficiaires de l’intéressement de projet, l’accord peut concerner soit la totalité des salariés de la ou des entreprises parties prenantes du projet, soit une partie des salariés en question (article L.3312-6, al. 2 du code du travail). Le QR indique à titre d’exemple, repris du Guide de 2014, qu’il est possible d’inclure dans ce champ la totalité des salariés d’une première entreprise, un établissement d’une deuxième et une unité de travail d’une troisième (QR n° 3).
En revanche, il exclut la possibilité de définir les bénéficiaires selon les catégories professionnelles. Le champ d’application peut ne concerner qu’une partie des salariés de l’entreprise, mais il doit s’agir de l’ensemble des salariés concourant au projet. Le principe du caractère collectif de l’intéressement s’oppose à la définition d’un champ couvrant une seule catégorie professionnelle de salariés (QR n° 4).
Comme pour l’intéressement « classique », le « fléchage par défaut » de l’intéressement vers un plan d’épargne d’entreprise (PEE), interentreprises (PEI) ou de groupe (PEG), s’il en existe, s’applique à l’intéressement de projet lorsque le bénéficiaire ne demande pas son versement immédiat de la prime ou son affectation au plan (QR n° 17).
Sans changement par rapport au Guide de l’épargne salariale de 2014, le QR rappelle que les dispositions de l’intéressement « classique » s’appliquent à l’intéressement de projet s’agissant des modalités de calcul (QR n° 13), des critères de répartition, qui peuvent être différents suivant les entreprises concernées (QR n° 14), de l’information des salariés (QR n° 18) et du suivi de l’accord (QR n° 19). Le QR rappelle également que l’intéressement de projet, comme l’intéressement « classique », répond à la règle de non-substitution à un élément de rémunération (article L.3312-6, al. 6 du code du travail, renvoyant à l’article L.3312-4) (QR n° 5). Il signale des modifications législatives sur le plafond de versement annuel par bénéficiaire égal à 75 % du Pass (QR n° 16) et la date limite de versement, au plus tard le dernier jour du 5e mois suivant la fin de la période pour une période au moins égale à l’année civile (QR n° 15).
La loi Pacte a élargi le dispositif d’intéressement de projet en prévoyant qu’il puisse être lié à un projet interne à l’entreprise. Le quatrième alinéa de l’article L.3312-6 du code du travail ajouté par cette loi prévoit ainsi que « dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise ».
Au vu de la rédaction de l’article L.3312-6, on pouvait se demander si l’intéressement de projet interne devait obligatoirement faire l’objet d’un accord spécifique complémentaire, à l’instar de l’intéressement de projet commun à plusieurs entreprises.
Le ministère du travail indique qu’un accord complémentaire spécifique n’est pas nécessaire. De plus, l’intéressement de projet interne s’inscrit à l’intérieur de l’accord d’intéressement « classique », mais la loi n’impose pas que le projet soit défini dès la conclusion de l’accord d’intéressement initial : rien ne s’oppose à la conclusion d’un avenant ultérieur (QR n° 21).
Le QR précise que l’avenant est conclu selon les modalités prévues à l’article L.3312-5 du code du travail pour l’accord lui-même : accord collectif de travail, accord avec les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, accord au sein du CSE ou ratification à la majorité des deux-tiers du personnel.
Dans le cas de la ratification, l’ensemble du personnel de l’entreprise est consulté, et pas seulement les seuls salariés concernés par le projet comme c’est le cas en cas de projet interentreprises (QR n° 22).
Concernant la durée de l’intéressement de projet, l’administration estime que ce dernier ne peut pas avoir pour effet de proroger l’accord d’intéressement initial.
Si le projet interne est d’une durée supérieure à celle de l’accord d’intéressement, il faut qu’il soit possible d’isoler différentes phases dans sa réalisation, pour qu’au moins l’une d’entre elles soit en concordance avec la durée de l’accord d’intéressement (QR n° 23).
Selon l’administration, la loi prévoit qu’un accord d’intéressement ne peut comporter qu’un seul intéressement de projet interne concomitamment. En effet, la volonté du législateur est que le projet interne faisant l’objet de l’intéressement soit spécifique à l’entreprise et essentiel pour la collectivité de travail, telle la refonte d’un système informatique. Il ne peut pas correspondre à l’activité normale de l’entreprise, indique le questions-réponses (QR n° 24).
► L’article L 3312-6 du code du travail dispose en effet qu’ »un » intéressement de projet interne, au singulier, peut être mis en place, définissant un objectif commun « à tout ou partie des salariés de l’entreprise ». Le projet ne concerne donc pas nécessairement toute l’entreprise. Selon nous, une lecture littérale des textes ne devrait pas interdire pas la coexistence de plusieurs intéressements de projet concernant des domaines d’activités différents, par exemple un projet informatique et un projet commercial.
En revanche, le ministère du travail considère qu’il est possible de conclure plusieurs intéressements de projet successivement pendant un même accord d’intéressement, dont la durée d’application peut atteindre cinq ans et qui peut se renouveler par tacite reconduction (article L.3312-5 du code du travail). Ainsi, précise le QR, une fois un projet terminé, si l’accord d’intéressement est toujours en cours de validité ou s’est renouvelé par tacite reconduction, une entreprise peut intégrer à son accord un nouvel intéressement de projet interne, pour un nouveau projet (QR n° 25).
L’intéressement de projet interne peut-il avoir des modalités de répartition différentes de l’intéressement « classique » mis en place dans l’entreprise ? L’administration indique que oui, la loi n’imposant pas d’adéquation des modalités de répartition entre les deux types d’intéressement. Lorsque ces modalités sont identiques, le QR préconise de préciser néanmoins dans l’accord les modalités de répartition pour chacun des deux types d’intéressement, pour la bonne information des salariés (QR n° 26).

Reste à charge CPF : le ministère du travail apporte des précisions
Le ministère du travail, sur son site internet, revient sur les nouvelles modalités de mobilisation des droits CPF.
Rappelons en effet qu’un décret du 29 avril 2024 a fixé à 100 euros la participation financière obligatoire du salarié en cas de mobilisation de ses droits à CPF.
Le ministère du travail précise que ce montant est automatiquement intégré dans le coût de la formation lors de l’achat sur la plateforme Mon Compte Formation.
Il doit être réglé au moment de l’inscription, sans possibilité de délai, ou de facilité de paiement.
Par ailleurs, si les droits CPF ne suffisent pas à couvrir le coût total de la formation et que le reste à payer est supérieur ou égal à 100 euros, la participation forfaitaire du salarié est prise en compte dans le cofinancement personnel.
Le ministère du travail illustre cette règle par un exemple :
« La formation de votre choix coûte 1 000 euros, et vous disposez de 950 euros de droits CPF. Vous pourrez seulement mobiliser 900 euros de vos droits CPF et vous devrez payer la participation financière obligatoire de 100 euros. Ainsi, votre cofinancement de 100 euros fera office de participation financière obligatoire ».

Contributions formation : les mandataires sociaux sont assujettis
Le site des Urssaf, dans sa page dédiée aux contributions à la formation professionnelle en date du 27 mars 2024, précise que la rémunération des mandataires sociaux entre en totalité dans la base de calcul des contributions à la formation professionnelle. La prise en compte de ces rémunérations devient obligatoire à compter de la période d’emploi de mai 2024 qui sera déclarée via la DSN du 5 ou du 15 juin 2024.
Dans un questions/réponses mis en ligne en septembre 2023 consacré à l’assiette des contributions formations et de la taxe d’apprentissage, le site des Urssaf précisait que la rémunération des mandataires sociaux n’entrait pas dans l’assiette des contributions formation.
La réponse exacte de l’Urssaf était la suivante : « Non, les rémunérations versées à des personnes non titulaires d’un contrat de travail (mandataire social, stagiaires, compagnons d’Emmaüs par exemple) ne sont pas soumises aux contributions à la formation professionnelle (contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance comprenant la contribution à la formation professionnelle et la taxe d’apprentissage ; contribution supplémentaire à l’apprentissage ; contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée) ».
Cette réponse pouvait surprendre dans la mesure où elle ne s’appuyait sur aucun texte. De plus, dans une décision certes un peu ancienne du 27 juillet 2005, le Conseil d’Etat avait précisé que la rémunération des mandataires sociaux, en l’espèce un gérant minoritaire de SARL non titulaire d’un contrat de travail, entrait dans l’assiette des contributions formation.
Cette réponse avait par la suite été dépubliée du site internet des Urssaf dans le courant du mois de janvier 2024.
Dans une publication en date du 27 mars 2024, l’Urssaf revient sur sa position.
Elle précise désormais que les rémunérations versées aux mandataires sociaux entrent dans la base de calcul des contributions formation pour la totalité de leur montant.
► Notons qu’avant cette dernière version, une réponse « provisoire » un peu plus précise avait été publiée. Son contenu était le suivant : « Sur le fondement de l’article L.311-3 du code de la sécurité sociale, les mandataires sociaux sont assimilés aux salariés pour l’application de la législation de la sécurité sociale. Dès lors, ils sont assujettis en vertu de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale. Les mandataires sociaux doivent être assujettis, qu’ils disposent d’un contrat de travail ou non ».
L’Urssaf ajoute que la prise en compte de ces rémunérations devient obligatoire à compter de la période d’emploi de mai 2024 qui sera déclarée via la DSN du 5 ou du 15 juin 2024.
L’Urssaf apporte également une précision concernant les stagiaires en milieu professionnel.
Rappelons que la gratification versée aux stagiaires en milieu professionnel est exonérée de cotisations et contributions dans la limite de 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale. En cas de dépassement de ce seuil, les cotisations et contributions sont dues sur la fraction excédentaire.
En conséquence, les gratifications versées aux stagiaires sont assujetties aux contributions formation pour la part qui excède 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale précise l’Urssaf.
Comme pour la rémunération des mandataires sociaux, la prise en compte des gratifications éventuellement concernées devient obligatoire à compter de la période d’emploi de mai 2024 qui sera déclarée via la DSN du 5 ou du 15 juin 2024.


Rupture nulle d’un contrat de mission requalifié en CDI : c’est soit la réintégration, soit l’indemnisation
Dans cette affaire, un salarié avait été mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire (ETT) suivant 25 contrats de mission conclus entre le 22 mars 2016 et le 15 septembre 2017 en qualité de soudeur puis de grenailleur. Il avait saisi la juridiction prud’homale les 30 octobre et 19 décembre 2017, à l’encontre respectivement de l’ETT et de l’entreprise utilisatrice aux fins de voir requalifier les contrats de missions successifs en un contrat à durée indéterminée (CDI) et au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat.
Le conseil de prud’hommes avait requalifié la relation de travail en CDI tant auprès de l’entreprise utilisatrice que de l’ETT, dit que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement nul, fait droit à la demande de réintégration du salarié auprès de l’entreprise utilisatrice et débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul. Jugement confirmé par la cour d’appel d’Aix en Provence, les deux procédures ayant été jointes. Le salarié s’est alors pourvu en cassation (pourvoi n° 22-21.818) pour contester le rejet de sa demande de dommages-intérêts.
De jurisprudence constante, la chambre sociale de la Cour de cassation considère qu’en cas de nullité du licenciement, le salarié ne peut pas à la fois prétendre à sa réintégration et à l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement nul (cassation 12-11- 1997 n° 94 43.341), ni au paiement d’indemnités de rupture (cassation 28-4-2006 n° 03 45.912 ; cassation 11-7-2012 n° 10 15.905 ; cassation 26-3-2013 n° 11 27.964).
Dans la présente affaire, la particularité tenait à la relation triangulaire liée au travail temporaire dans laquelle le salarié est mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une ETT au moyen de contrats de mission.
À l’appui de son pourvoi le salarié faisait valoir qu’un salarié temporaire est fondé à faire valoir ses droits afférents à un CDI tant à l’égard de l’entreprise utilisatrice qu’à l’égard de l’entreprise de travail temporaire lorsque celles-ci ne respectent pas les obligations légales qui leur sont propres. En effet, les deux actions en requalification exercées, l’une contre l’ETT sur le fondement des articles L 1251-5, L 1251-6, L 1251-16 et L 1251-17 du Code de travail, l’autre contre l’entreprise utilisatrice sur le fondement de l’article L 1251-40 du même Code, ayant des fondements différents, elles peuvent être exercées concurremment (cassation 20-5-2009 n° 07-44.755). Le salarié en déduisait que le travailleur temporaire dont le licenciement a été jugé nul est fondé à opter à la fois pour la réintégration à l’égard de l’entreprise utilisatrice et pour l’indemnisation de la nullité du licenciement à l’égard de l’ETT.
Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation a déjà jugé que cette situation ne permet pas de cumuler les indemnités de rupture puisque dans le cas d’actions concurrentes en requalification exercées contre l’ETT et l’entreprise utilisatrice, celles-ci sont tenues in solidum par l’effet de la requalification au versement d’indemnités de rupture, sans que le salarié ne puisse demander le paiement d’indemnités à chacune d’elle (cassation 20-12-2017 n° 15 29.519).
En cohérence avec sa jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme donc la décision des juges du fond. Elle rappelle tout d’abord que le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle peut, soit se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail et solliciter sa réintégration, soit demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. La Haute Juridiction considère ensuite que si les contrats de mission ont été requalifiés en CDI à temps plein tant envers l’entreprise utilisatrice qu’envers l’ETT, le salarié ne pouvait pas exercer son droit d’option de manière concurrente. Concrètement, dès lors qu’il avait sollicité sa réintégration, il ne pouvait pas parallèlement demander une indemnisation pour la nullité de la rupture à l’encontre du second employeur délaissé, ces 2 options étant considérées comme 2 modes de réparation du même préjudice, né de la rupture illicite du contrat de travail.
Dès lors, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande du salarié tendant à la condamnation de l’ETT au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et autres demandes subséquentes devait être rejetée, dans la mesure où il avait sollicité et obtenu sa réintégration au sein de l’entreprise utilisatrice.
