ACTUALITÉ
SOCIAL
Les principales mesures sociales du PLFSS 2026 adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale
Une étape importante a été franchie ce mardi 9 décembre : les députés ont adopté en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Mais le marathon budgétaire est loin d’être terminé pour le gouvernement qui a devant lui de nouveaux obstacles au Parlement avant le 31 décembre. Le texte doit désormais repartir au Sénat qui l’examinera en séance publique ce vendredi, après un nouvel examen en commission des affaires sociales.
Le PLFSS reviendra enfin à l’Assemblée pour être adopté définitivement, à une date encore incertaine. Les députés auront alors le dernier mot.
Le texte devrait sans nul doute faire l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel avant de pouvoir être promulgué.
Focus sur les mesures sociales retenues.
| Thème | Contenu de la mesure | Entrée en vigueur prévue |
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Réforme des retraites (article 45 bis) |
Suspension de l’application de la réforme des retraites de 2023 jusqu’au 1er janvier 2028. En pratique, il s’agit d’anticiper l’âge légal de retraite de la génération 1964 jusqu’à celle de 1968 (avec 2 paliers pour la génération née en 1965) et la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein. La génération née en 1964 et celle née entre le 1er janvier 1965 et le 31 mars 1965 partiraient à 62 ans et 9 mois (comme la précédente) au lieu des 63 ans et 63 ans et 3 mois prévus par la réforme Borne. Ils partiraient avec 170 trimestres cotisés au lieu de 171.
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1er juin 2026 |
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Amélioration des retraites des mères (article 45) |
Changement du calcul du salaire annuel moyen de référence :
Ajout de 2 trimestres réputés cotisés à la liste des trimestres nécessaires pour être éligible au régime des carrières longues. |
Publication de la loi au JO
1er septembre 2026 |
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Cumul emploi-retraite (article 43) |
Recours au cumul emploi-retraite facilité pour les personnes partant à la retraite après cette date :
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Salariés partant à la retraite après le 1er janvier 2027 |
| Congé de naissance (article 42) |
Création d’un congé supplémentaire de naissance, indemnisé par la sécurité sociale et ouvert aux deux parents, en sus des congés existants (congé de maternité, paternité, adoption). D’une durée d’1 ou 2 mois au choix des parents, il pourrait être pris simultanément ou en alternance par chacun des parents, permettant jusqu’à 4 mois de garde parentale supplémentaire. Possibilité de le fractionner « en deux périodes d’un mois chacune » selon des modalités définies par décret. |
Enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2026 |
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Fraude au travail dissimulé (article 12 nonies) |
Renforcement des sanctions contre la fraude au travail dissimulé, en portant de 25 % à 35 % le taux de majoration des cotisations sociales en cas de travail dissimulé et de 40 % à 50 % le même taux applicable en cas de travail dissimulé d’une personne mineure
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1er juin 2026 |
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Arrêts maladie (article 28) |
Encadrement de la durée maximale des arrêts maladie :
Pas d’interdiction pour les renouvellements d’arrêts par le biais de téléconsultations |
Publication de la loi au JO |
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Malus en l’absence de négociations sur les seniors (article 5 quater) |
En l’absence d’accord ou de plan d’action pour l’emploi des seniors dans les entreprises de 300 salariés et plus, instauration d’un malus dont le montant sera déterminé par décret « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en faveur de l’emploi des seniors ainsi que des motifs de sa défaillance, sur la base de critères clairs ». | Publication de la loi au JO |
| Forfait social sur l’indemnité de rupture conventionnelle et de mise à la retraite (article 8) | Hausse de 10 points du taux de forfait social (contribution patronale) sur les indemnités de rupture conventionnelle individuelle et de mise à la retraite : le taux passe de 30 % à 40 % | 1er janvier 2026 |
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Calcul des allègements généraux de cotisations sociales (article 8 sexies) |
Réduction des allègements généraux de cotisations sociales pour les branches dont les minima sont inférieurs au SMIC. | Publication de la loi au JO |
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Désocialisation des heures supplémentaires (article 8 septies) |
Extension à l’ensemble des entreprises du bénéfice de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires auparavant réservée aux entreprises de moins de 250 salariés (0,50 euros par heure rémunérée). | Publication de la loi au JO |
A noter que plusieurs mesures en discussion ont finalement été abandonnées comme la hausse de la durée annuelle du travail, le doublement des franchises médicales ou le gel des pensions de retraites et prestations sociales (« année blanche »). Les amendements destinés à protéger les finances de l’Unédic et de l’Agirc-Arrco des prélèvements de l’État ont été rejetés (voir par exemple les n° 312 et 564). L’exonération de cotisations des apprentis, qui devait être supprimée, est finalement maintenue.
Hier en Conseil des ministres, Sébastien Lecornu a réaffirmé que son objectif était « de doter la France d’un budget d’ici au 31 décembre », jugeant que cela était « possible ».
Plusieurs organisations syndicales ont également réagi à l’adoption du texte. La CFDT a souligné « le sens des responsabilités des députés ayant permis cette adoption », jugeant que « certaines mesures, parmi les plus injustes, ont été supprimées ou atténuées ». A la CGT, on considère que « la bataille continue », en particulier sur le financement des hôpitaux, la limitation des arrêts maladie ou encore la taxation des mutuelles. Enfin, l’Unsa continue de réclamer une CSG progressive, la conditionnalité des exonérations de cotisations sociales et des aides publiques, et une réforme de la fiscalité sur les patrimoines et les successions afin de renforcer la justice sociale. Côté patronal, la CPME a dénoncé « un vote qui rassure à court terme, mais qui ne prépare en rien l’avenir du pays ». L’organisation patronale défend les allègements de charges patronales, qu’elle refuse de voir qualifiées de « niche » ou d' »avantage ».

Contrat responsable « frais de santé » : de nouvelles prises en charge depuis le 1er décembre 2025
La loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie a mis en œuvre le parcours de soins coordonnés. Les obligations des organismes assureurs ainsi que les niveaux minimal et maximal des garanties frais de santé que doivent contenir les contrats collectifs pour se conformer aux orientations liées à ce parcours sont désignées sous la dénomination de « contrat solidaire et responsable ». Les employeurs bénéficient d’une exonération plafonnée pour les contributions qui financent la mise en place de contrats collectifs frais de santé répondant aux exigences de ce contrat responsable.
Le cahier des charges du contrat responsable a évolué de nombreuses fois. La dernière évolution date du 1er janvier 2020 et fait suite à l’institution du dispositif « Reste à charge zéro », également dénommé panier de soins « 100 % santé ». Avec ce dispositif, certaines dépenses dites « basiques » en dentaire, optique et audiologie sont intégralement remboursées par l’Assurance maladie et la complémentaire santé. En effet, pour ces postes, un contrat « frais de santé » responsable doit couvrir la différence entre la base de remboursement et le prix limite de vente pour aboutir à un reste à charge nul.
Le cadre de remboursement de deux types de frais médicaux a été récemment amélioré. Il s’agit :
– des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant ;
– des frais d’acquisition d’une prothèse capillaire.
La révision du cadre de remboursement de ces frais modifie le dispositif « 100 % santé » et, en conséquence, le cahier des charges du contrat « frais de santé » solidaire et responsable.
A noter : Notons que le décret modifiant le contenu du cahier des charges des contrats solidaires et responsables (cité en référence) est entré en vigueur le 28 novembre dernier. Toutefois, la réforme de la prise en charge de ces frais n’est pas applicable avant le 1er décembre 2025 (pour les véhicules pour les personnes en situation de handicap) et le 1er janvier 2026 (pour les prothèses capillaires).
Pour conserver les avantages sociaux et fiscaux liés au contrat responsable, les entreprises disposant d’un régime « frais de santé » doivent veiller à la mise à jour de leurs documents (contrat d’assurance et, éventuellement, acte fondateur du régime). L’Urssaf devrait leur simplifier la tâche en accordant des délais de mise en conformité.
Depuis le 1er décembre 2025, les véhicules pour les personnes en situation de handicap (VPH), inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP), sont pris en charge intégralement par l’Assurance maladie (Arrêté TSSS2503855A du 6-2-2025 modifié).
A noter : Cette prise en charge intégrale s’applique aux fauteuils roulants, prescrits par un médecin ou un ergothérapeute, qui respectent les exigences techniques minimales décrites dans la nomenclature. Les adjonctions ou options très spécifiques qui ne sont pas listées dans la nomenclature peuvent faire l’objet d’une prise en charge sur devis, après une demande d’accord préalable à réaliser auprès de l’Assurance Maladie.
D’autres dispositifs médicaux intègrent, à la même date, le dispositif « 100 % santé » : les locations de courte durée de certains véhicules pour personnes en situation de handicap bénéficient d’une prise en charge renforcée. Le cahier des charges du contrat responsable en tient compte.
Ainsi, à compter du 1er décembre 2025, les organismes assureurs de complémentaire santé doivent couvrir un niveau supérieur des dépenses liées à la location de courte durée de plusieurs catégories de fauteuils roulants et véhicules pour personne en situation de handicap. Ils doivent rembourser la différence entre la base de remboursement de l’Assurance maladie (assortie d’un ticket modérateur de 40 %) et le prix limite de vente de ces équipements (déterminé, lui, dans un avis publié le 17 juillet 2025 au Journal officiel) (CSS art. R 871-2, 8°).
Au 1er janvier 2026, la prise en charge des prothèses capillaires sera également profondément remaniée.
Une nouvelle nomenclature, fixée par arrêté du 16 octobre 2025, sera divisée en quatre classes de prothèses, réparties selon la proportion de cheveux naturels et la surface à couvrir :
– Classe I : prothèse capillaire totale constituée de fibres synthétiques ;
– Classe II : prothèse capillaire totale constituée d’au moins 30 % de cheveux naturels ou de fibres synthétiques implantées manuellement sur une zone de surface supérieure à 100 cm2 ;
– Classe III : prothèse capillaire totale constituée d’au moins 50 % de cheveux naturels et d’une zone de surface supérieure à 50 cm2 exclusivement implantée manuellement ;
– Classe IV : prothèse capillaire totale constituée de 100 % de cheveux naturels.
Les prothèses capillaires de classe I seront intégralement remboursées par l’Assurance maladie.
Les prothèses capillaires de classe II intègrent le panier de soins « 100 % Santé ». Les contrats de complémentaire santé responsables devront prendre en charge la différence entre le remboursement par l’Assurance maladie et le prix limite de vente de ces équipements (CSS art. R 871-2 7o).
Les prothèses capillaires de classe III et IV sont dites « à tarifs libres » (une prise en charge partielle de l’Assurance maladie est prévue). Les complémentaires santé pourront les prendre en charge en fonction de leurs garanties contractuelles, sans obligation réglementaire.
Le nouveau périmètre du contrat responsable entraîne mécaniquement la modification d’un grand nombre de contrats de complémentaire santé collectifs d’entreprise, et parfois celle de l’acte instituant le régime frais de santé auquel ils sont adossés (accord collectif d’entreprise, accord référendaire ou décision unilatérale de l’employeur constatée par écrit).
Or, le délai de mise en conformité est particulièrement court, compte tenu de la publication tardive du décret (le 27 novembre) et des contraintes juridiques et techniques de mise en œuvre, de paramétrage et d’informations des assurés supportées par les organismes assureurs.
Dans une lettre datée du 27 novembre 2025 (Lettre DSS/3C/2A/1C/5B/5C), la Direction de la sécurité sociale a demandé à l’Urssaf de prendre en compte ces contraintes et de faire preuve de tolérance en cas de contrôle.
Ainsi, un délai de mise en conformité des garanties serait accordé jusqu’au 1er janvier 2027, sans remise en cause des régimes social et fiscal de faveur, aux contrats d’assurance « frais de santé » responsables conclus, renouvelés ou prenant effet d’ici le 1er janvier 2026. Ces contrats resteraient « solidaires et responsables » jusqu’au 31 décembre 2026, sous réserve que les nouvelles garanties soient bel et bien prises en charge.
A noter : Les organismes assureurs devront afficher et expliquer dès le 1er janvier 2026 les nouveaux droits à remboursement complémentaire sur leur page internet relative à la présentation des garanties de leurs contrats, ainsi que, lorsqu’elle existe, sur leur page internet dédiée au fonctionnement du 100 % santé.
A contrario, les contrats conclus, renouvelés ou prenant effet après le 1er janvier 2026 devraient, eux, mentionner immédiatement le remboursement complémentaire de ces garanties, sous peine de perdre l’estampille « contrat solidaire et responsable ».
Quid des actes instituant un régime de prévoyance « frais de santé » collectif dans les entreprises ? Tout dépend de leur contenu.
Si, pour définir la liste des garanties couvertes, l’acte fondateur du régime renvoie simplement au contrat d’assurance qui lui est adossé, nul besoin de l’adapter. En revanche, s’il liste précisément les garanties couvertes, il faudra le mettre en conformité avec le nouveau périmètre du contrat responsable. Dans ce cas de figure, l’Urssaf devrait également faire preuve de tolérance : cette mise en conformité devrait être faite à la prochaine modification de l’acte et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2026 inclus.
Rappelons toutefois que cette lettre n’a aucune valeur juridique. Pour être opposable au cotisant, la tolérance susvisée doit être reprise par le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss).

L’Assemblée nationale adopte de justesse le PLFSS pour 2026
Pour 247, contre 234. C’est avec ces suffrages exprimés que l’Assemblée nationale a adopté hier, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Le texte doit désormais être examiné en nouvelle lecture par le Sénat.
Le refus d’accès au domicile n’empêche pas le télétravail préconisé par le médecin du travail
Le présent arrêt met en balance l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur et le droit au respect à la vie privée du salarié : l’employeur peut-il conditionner la mise en place du télétravail préconisé par le médecin du travail à l’accès au domicile du salarié pour vérifier que celui-ci est conforme aux règles de sécurité et aux conditions de travail ? Manque-t-il à son obligation de sécurité s’il décide de ne pas mettre en place le télétravail en raison du refus du salarié de donner accès à son domicile ? Telles sont les questions auxquelles la Cour de cassation répond dans un arrêt du 13 novembre 2025.
En l’espèce, un médecin du travail propose à plusieurs reprises divers aménagements du poste de travail d’une salariée. En dernier lieu, il invite l’employeur, une Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), à mettre en place le télétravail au domicile de la salariée à raison de deux jours par semaine « afin de permettre une reprise du travail dans des conditions compatibles avec l’état de santé de la salariée ».
L’employeur produit un diagnostic de conformité de l’aménagement du poste en télétravail de la salariée délivrée par une société extérieure, Bureau Veritas. Par ailleurs, il lui demande d’accéder à son domicile afin de vérifier s’il est conforme et respecte les règles de sécurité et de conditions de travail. La salariée ne donne pas accès à son domicile au nom du droit au respect à l’intimité de sa vie privée et familiale. Par conséquent, l’employeur refuse la mise en place du télétravail.
La salariée sollicite le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
La cour d’appel rejette sa demande. Pour elle, l’employeur a bien pris en considération les préconisations émises par le médecin du travail en recherchant la mise en place du télétravail qui n’a pas pu se faire en raison du refus de la salariée de laisser visiter son domicile. Elle reproche aussi à la salariée de ne pas avoir justifié de la pathologie à l’origine des préconisations du médecin du travail, de sorte qu’il ne pouvait pas être distingué en quoi l’employeur manquait à son obligation de sécurité.
La salariée forme alors un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation commence par énoncer que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, au visa de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et de l’article 9 du code civil.
Elle en déduit que l’usage fait par la salariée de son domicile relève de sa vie privée et qu’elle est en droit d’en refuser l’accès.
Puis, la Cour rappelle que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L.4121-1 du code du travail), sur le fondement des principes généraux de prévention (article L.4121-2 du code du travail).
Par ailleurs, souligne-t-elle, l’employeur est tenu de prendre en compte l’avis et les indications ou propositions émises par le médecin du travail concernant des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail. En cas de refus, il doit faire connaître au salarié et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite (articles L.4624-3 et L.4624-6 du code du travail).
Elle en déduit que l’employeur ne peut pas refuser la mise en place du télétravail préconisé par le médecin du travail au titre d’un aménagement du poste au seul motif que la salariée a refusé une visite de son domicile par l’employeur. Pour la Cour de cassation, dans un tel cas, l’employeur manque à son obligation de sécurité.
En conséquence, elle casse et annule pour violation de la loi l’arrêt par lequel la cour d’appel a débouté la salariée de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité par des motifs impropres tirés du défaut de justification de la pathologie à l’origine des préconisations du médecin du travail.
| A noter |
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1. La méconnaissance des préconisations du médecin du travail constitue un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. Tel est le cas lorsque l’avis du médecin du travail préconise une mutation de la salariée dès que possible dans un centre plus proche de son domicile alors que l’employeur ne justifie pas concrètement de ces diligences (arrêt du 2 mars 2016). 2. En outre, la Cour de cassation a déjà jugé que l’employeur doit aménager un poste en télétravail, tel que préconisé par le médecin du travail dans le cadre du reclassement d’un salarié déclaré inapte, même si le télétravail n’a pas été mis en place dans l’entreprise dès lors qu’il peut résulter d’un avenant au contrat de travail (arrêt du 29 mars 2023). |
La Cour de cassation émet une réserve : il reste possible de ne pas exécuter les préconisations du médecin du travail en cas de recours contre celles-ci. Pour rappel, l’employeur (comme le salarié) peut contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale devant le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond dans un délai de 15 jours à compter de leur notification (articles L.4624-7, I et R.4624-45 du code du travail).
En l’absence de contestation, la Cour de cassation a déjà jugé, à propos d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, que celui-ci s’impose aux parties et au juge (arrêt du 7 décembre 2022 ; arrêt du 25 octobre 2023).

La Défenseure des droits déplore de nombreux cas de discriminations au travail liées à la religion
Dans son nouveau rapport rendu public le 4 décembre 2025 portant sur l’année 2024 (1), le Défenseur des droits, l’autorité administrative indépendante chargée en France de lutter contre les discriminations, constate une nouvelle augmentation des discriminations fondées sur un motif religieux, et une multiplication inquiétante des discours de haine en lien avec la religion.
En témoigne le pic, observé durant l’été 2024, des appels au 3928 (le numéro dédié à la lutte contre les discriminations) pour dénoncer des propos et comportements racistes, antisémites et anti-musulmans. Ces faits touchent l’école, l’accès au logement, la vie associative et sportive mais aussi le travail.
Ce phénomène pourrait paraître paradoxal dans un pays où la proportion de personnes se disant croyantes est parmi les plus faibles au monde, 51 % des Français se déclarant sans religion (29 % de la population française se déclare catholique, et l’islam est devenue la deuxième religion avec 10 %).
La Défenseure des droits, Claire Hédon, l’explique de cette façon : « Ce double mouvement – diversification du paysage religieux et désaffiliation religieuse – contribue à transformer les rapports sociaux et influence les perceptions collectives. Certaines expressions religieuses – qu’il s’agisse de pratiques ou de signes visibles – peuvent alors se trouver surexposées et susciter l’incompréhension, voire l’intolérance, potentiellement vectrices de discriminations ».
Intervient aussi dans ce phénomène une mauvaise conception, très répandue, de la laïcité (2), souvent perçue comme une interdiction des signes religieux dans l’espace public. A cet égard, l’institution rappelle les grandes lignes de cette notion (lire notre encadré).
Dans le chapitre consacré à l’emploi et au travail, le Défenseur des droits constate le maintien d’un taux de chômage plus important pour les personnes de confession musulmane (17 % contre 6 % pour les personnes se disant chrétiennes et 10 % pour les personnes sans religion).
A la difficulté d’insertion, due notamment à une sortie précoce du système scolaire et à leurs origines sociales modestes, s’ajoute le constat, pour les personnes de confession musulmane, d’emplois moins qualifiés, souvent précaires (27 % contre 13 % des personnes de confession chrétienne et 16 % des personnes sans religion).
Lors de la recherche d’un emploi, 32 % des personnes de confession musulmane déclarent avoir été discriminées, soit trois fois plus que les autres. Rappelons que cette discrimination est bien sûr illégale, nul ne pouvant être lésé, « dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » (alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946).
C’est par exemple le recruteur d’un employeur, un fait rapporté par une agence de Pôle Emploi [devenu France Travail] , refusant d’embaucher « afin d’éviter des tensions » des personnes d’origine maghrébine dans sa société qu’il présentait comme de « confession juive affichée ».
C’est, autres exemples, ces questions posées sur les pratiques religieuses des candidats par l’employeur lors d’entretiens d’embauche. Cette pratique illégale (les questions doivent être nécessairement en lien étroit avec l’emploi, (article L.1221-6 du code du travail) reste pourtant pratiquée à l’égard de 10 % des personnes se disant de confession musulmane, contre 2 % pour les personnes se déclarant chrétienne.
Inversement, un candidat ne peut, rappelons-le, se prévaloir d’une conviction religieuse pour refuser de se soumettre à une mise en situation ou pour répondre à une question professionnelle.
La discrimination persiste pourtant, bien que de façon un peu moins marquée, dans le déroulement des carrières. « Les personnes de confession musulmane sont toutefois 28 % à déclarer avoir été discriminées à cette occasion au cours des cinq dernières années contre 15 % des personnes de confession chrétienne ou 20 % de celles sans religion », écrit le Défenseure des droits. En outre, « le fait d’être une femme augmente par ailleurs plus fortement le risque d’avoir été discriminé : les femmes musulmanes (34 %) déclarent ainsi plus souvent que les hommes musulmans (24 %) avoir été discriminées dans le déroulement de la carrière ».
Sur leur lieu de travail, 7 % des enquêtés disent avoir fait l’objet de propos ou comportements stigmatisants au cours des cinq dernières années, soit 3 points de plus qu’en 2016. Ces faits sont déclarés par 32 % de personnes de confession musulmane.
Le Défenseure cite plusieurs cas de discrimination avérés :
- la salariée d’une entreprise de transport accusée de prosélytisme et subissant des propos dégradants sur les femmes voilées, « constitutifs d’un harcèlement moral discriminatoire » ;
- un journaliste licencié pour avoir saisi le Défenseur pour injures et moqueries sur sa religion de la part de collègues et supérieurs ;
- un salarié handicapé victimes de propos antisémites et liés à son handicap, son supérieur dessinant des croix gammées sur des documents de travail ;
- un salarié dont les collègues ont fait brûler dans son casier des extraits du coran, cet acte unique caractérisant un harcèlement (3) ;
- un intérimaire qui entend des collègues chantonner « Douce France » à son arrivée et proférer à son égard des propos racistes, etc.
D’autres cas concernent la formation professionnelle, alors qu’aucun fondement légal « ne justifie une obligation de neutralité pour les adultes suivant une formation professionnelle dans une structure privée », explique le rapport. « Seul un comportement concret, de nature à troubler le déroulement de la formation ou à perturber le fonctionnement de l’établissement, pourrait justifier une restriction », soutient le Défenseur.
Toutes ces situations incitent le Défenseur des droits à rappeler des principes et règles essentiels : « Tout employeur est tenu de prendre des mesures appropriés et efficaces pour éviter que s’installe un climat propice à la survenance de faits discriminatoires et, s’ils surviennent, d’u mettre un terme. Tout employeur a obligation de garantir la santé et la sécurité physique de ses salariés. S’il décide de diligenter une enquête interne permettant de sanctionner les faits reprochés, l’employeur doit veiller à respecter des principes de confidentialité, d’impartialité, d’objectivité et de rigueur ».
Dans sa conclusion, l’institution appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures ambitieuses pour lutter contre ces discriminations et ces situations d’exclusion et garantir « la cohésion sociale ». Le Défenseur des droits recommande notamment l’extension aux salariés du secteur privé, à commencer par les contractuels auxquels les administrations recourent, des formations à la laïcité, celles-ci devant faire l’objet d’un enseignement « dès le plus jeune âge ».
(1) Réalisée après une enquête conduite auprès d’un échantillon de plus de 5 000 personnes représentatif de la population française, avec l’appui de l’institut de sondage Ipsos.
(2) La laïcité, dont il n’existe pas une définition univoque rappelle le rapport, cumule trois éléments indissociables : « la liberté religieuse (qui comprend la liberté de conscience et celle de pratiquer ou non une religion), la séparation des Eglises et de l’Etat, et la prohibition des discriminations entre les usagers des services publics en raison de leurs convictions religieuses (ou leur absence de convictions) ». Les entreprises et associations sont des personnes privées qui, à ce titre, ne sont en principe pas soumises au principe de neutralité.
(3) Des propos discriminatoires, même non répétés, peuvent constituer des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. La Cour de cassation a ainsi jugé que les propos à caractère raciste tenus à l’égard d’une salariée par sa supérieure hiérarchique au cours d’un repas de Noël organisé par le comité d’entreprise « relevaient de la vie professionnelle de la salariée et que cette dernière présentait des éléments laissant supposer une discrimination en raison de ses origines » (arrêt du 15 mai 2024, n° 22-16-287 ; Défenseur des droits, décembre n° 2022-228, 2 janvier 2023).
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L’obligation de neutralité doit être justifiée par un besoin véritable pour être imposée aux salariés d’une entreprise privée
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Dans le secteur public, une stricte obligation de neutralité pèse sur les agents, ceux-ci ne pouvant arborer de signes religieux. Dans le secteur privé, à la différence du public, aucune obligation de neutralité n’existe, le principe de liberté religieuse prévalant. Cela signifie qu’un salarié peut manifester ses convictions religieuses par le port de signes. Ce principe général souffre toutefois d’exceptions : le principe de neutralité des agents publics peut être étendu aux salariés privés dès lors que leur entreprise participent à l’exécution d’un service public d’intérêt général. C’est le cas, par exemple, d’une autoentrepreneuse s’étant vue confiée par une commune l’animation d’un atelier de découverte de la philosophie au sein d’une médiathèque : elle est tenue au devoir de neutralité. En revanche, le Défenseur des droits a jugé qu’un maire ne pouvait pas refuser à une femme portant le voile la tenue d’un chalet sur le marché de Noël de la commune, cette activité ne constituant pas une mission de service public. D’autre part, un employeur privé peut, dans son règlement intérieur, prévoir une politique de neutralité. Mais seulement s’il démontre un « besoin véritable », en prouvant que l’absence de cette politique aurait pour lui des conséquences défavorables. L’employeur doit montrer qu’il poursuit un objectif légitime et que les moyens de le réaliser sont appropriés et nécessaires. Ce n’est par exemple pas le cas d’un cabinet évoquant simplement le souhait « d’un cadre de travail respectueux et harmonieux » et d’un environnement de travail « inclusif et équilibré pour tous les employés indépendamment de leurs croyances personnelles ». Il ne s’agit pas, tranche le Défenseur, d’une justification objective, l’employeur ne démontrant pas en quoi le port du voile par la salariée et la vue de ce voile par ses collègues « est de nature à porter atteinte à ce cadre de travail » respectueux et harmonieux. Ce peut être en revanche le cas d’une entreprise qui interdit le port de signe religieux aux salariés en contact avec la clientèle. « En cas de refus du salarié, l’employeur doit rechercher s’il lui est possible de proposer un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ses clients, plutôt que de procéder à son licenciement », précise le Défenseur. Ce dernier ajoute que la clause de neutralité, qui peut justifier un refus d’embauche, doit être clairement énoncée au candidat, « et le règlement intérieur doit lui être communiqué dès le premier entretien ». Le Défenseur appelle l’inspection du travail à jouer son rôle de contrôle des règlements intérieurs quant à ces clauses de neutralité : « L’inspection du travail peut en effet contrôler le règlement intérieur et exiger le retrait ou la modification des clauses qu’elle juge contraires aux dispositions du code du travail ». |

Un choc psychologique lors d’une réunion de travail constitue un accident du travail
Le 27 avril 2025, la directrice d’une association fait l’objet d’un arrêt de travail. Après un congé de maternité, des congés payés et un nouvel arrêt de travail, le médecin du travail la déclare inapte à reprendre le travail dans l’entreprise.
Considérant que son premier arrêt de travail était consécutif à un accident du travail survenu le 24 avril 2015, la salariée engage une procédure pour faire reconnaître l’accident du travail. Après avoir été licenciée pour faute grave, elle décide de s’en remettre à la justice.
L’affaire arrive devant la cour d’appel, qui estime que la salariée n’a pas été victime d’un accident du travail. Pour les juges, lors de la réunion du 24 avril 2015, la salariée « avait seulement exprimé son ressenti sur une trop grosse pression exercée par les salariés, alors qu’aucun de ceux-ci n’était présent (…) et avait surréagi lorsque la question de leurs primes au mérite avait été abordée ». De plus, d’après la cour d’appel, le conseil d’administration « n’avait fait qu’user de son pouvoir de direction en lui donnant des directives et en portant des appréciations sur son travail ».
Conclusion : la salariée « n’avait pas été victime d’un accident du travail mais avait été placée en arrêt maladie en raison de sa fragilité psychologique dont l’origine était à rechercher dans ses difficultés à mettre en place des primes versées aux salariés et dans son incapacité à gérer un conflit social ».
La Cour de cassation, dans son arrêt du19 novembre 2025, refuse de valider cette position.
En effet, il avait bien été constaté que « la salariée avait subi un choc psychologique lors de la réunion du 24 avril 2015, au cours de laquelle son management avait été mis en cause, dans un contexte social tendu en raison de la mise en place de primes et lors de laquelle un des administrateurs présents avait émis des critiques sur sa capacité à gérer un conflit ».
Il en résultait donc que « l’accident litigieux, survenu au temps et sur le lieu de travail, était présumé revêtir un caractère professionnel ».
► C’est loin d’être la première fois que des troubles psychologiques sont reconnus comme accident du travail. Cela a été admis pour des troubles psychologiques apparus brutalement à la suite d’un incident d’ordre professionnel, comme une agression sur le lieu de travail (arrêt du 15 juin 2004), un entretien éprouvant avec un supérieur hiérarchique (arrêt du 1er juillet 2003) ou une altercation avec celui-ci (arrêt du 28 janvier 2021).

Un salarié peut obtenir en référé une provision sur l’indemnité de requalification d’un CDD en CDI
Tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions applicables aux contrats à durée déterminée (CDD) est réputé à durée indéterminée. Tel est le cas notamment en l’absence d’écrit ou d’une mention essentielle du contrat de travail, comme la définition précise de son motif (arrêt du 31 mai 2000).
Lorsqu’un salarié saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de requalification de son CDD en contrat à durée indéterminée (CDI), l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. S’il fait droit à la demande du salarié, le conseil doit lui accorder une indemnité au moins égale à un mois de salaire (article L.1245-2 du code du travail)
Cette procédure accélérée exclut-elle le recours au juge des référés pour obtenir une provision à valoir sur l’indemnité de requalification du CDD en CDI ? Non, répond la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2025.
En l’espèce, une salariée a été embauchée en CDD en qualité de garde d’enfant à raison de 25 heures par semaine, avec application des dispositions de la convention collective du particulier employeur. Si le contrat visait expressément l’article L.1242-2 du code du travail, le motif de recours n’y était pas précisé.
La salariée, qui n’avait pas sollicité la requalification de son CDD en CDI selon la procédure accélérée de l’article L.1245-2 du code du travail, avait en revanche saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale aux fins de paiement d’une provision notamment sur des rappels de salaire et sur l’indemnité de requalification du CDD en CDI.
La cour d’appel (27 mai 2022, n° 21/02095), confirmant l’ordonnance de référé, avait condamné à titre provisionnel l’employeur à lui payer les sommes réclamées, sans prononcer la requalification du CDD en CDI. Elle avait ainsi relevé :
- l’absence de motif de recours dans le contrat, celui-ci mentionnant uniquement qu’il était conclu en raison d’une garde à domicile ;
- les dispositions de l’article 41-3 de la convention collective du particulier employeur qui stipulent que le contrat de travail est en principe conclu pour une durée indéterminée et qu’il peut toutefois être conclu pour une durée déterminée, dans le respect des dispositions légales et réglementaires de droit commun, relatives au contrat à durée déterminée. La conclusion d’un CDD n’est donc possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés par la loi.
Dès lors, pour la cour d’appel, la requalification s’imposait et la formation de référé pouvait, dans les limites de la compétence des conseils de prud’hommes, ce qui inclut la requalification d’un CDD, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, ce qui est le cas puisque dans ses écritures l’employeur s’était borné à affirmer que les demandes formulées relevaient du fond.
► Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier (article R.1455-7 du code du travail).
Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, c’est en vertu des pouvoirs qu’elle tient de l’article R.1455-7 du code du travail et sans violer l’article L.1245-2 du même code que la cour d’appel, statuant en matière de référé, a alloué à la salariée une provision à valoir sur l’indemnité de requalification, après avoir constaté que le CDD ne respectait pas les dispositions de l’article L.1242-2 du code du travail dès lors que le motif du recours n’y était pas précisé, ce dont il résultait que l’existence de l’obligation de l’employeur n’était pas sérieusement contestable.

Suicide lié au travail : l’employeur qui ne prévient pas les risques psychosociaux commet une faute inexcusable
Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le salarié a le caractère d’une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Illustration au cas particulier des risques psychosociaux.
En l’espèce, une salariée met fin à ses jours peu après son licenciement. Le suicide est reconnu en accident du travail et ses ayants droit saisissent la juridiction de sécurité sociale afin de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Ils invoquent notamment le fait que le médecin du travail avait informé par courrier l’employeur que, lors des visites médicales et entretiens infirmiers, il avait constaté le mal-être de plusieurs salariés et pour certains d’entre eux, une altération de leur santé et lui avait rappelé ses responsabilités en matière d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux. En outre, dans une lettre adressée à l’employeur quelques mois avant son décès, la salariée avait fait état des difficultés rencontrées, du stress quotidien auquel elle était soumise et de l’arrêt de travail pour maladie qui en était résulté. Ils en déduisent que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel la salariée était soumise et qu’il n’avait pas pris les mesures de prévention nécessaires.
La cour d’appel rejette leur demande, considérant que, s’il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de la victime, les ayants droit ne démontrent pas qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposée la salariée. Les juges constatent tout d’abord qu’il est indéniable que les pratiques managériales du dirigeant ont créé des conditions de travail très détériorées pour tous les salariés de la société et que la victime, qui était particulièrement investie dans son travail, n’a supporté ni ces conditions détériorées, ni les raisons et conditions de son licenciement. Pour autant, ils relèvent que le médecin du travail, s’il avait alerté l’employeur sur les risques psychosociaux dans l’entreprise, n’avait pas fait part de la situation particulière de la salariée. En outre, ils considèrent que les termes employés dans son courrier par la victime ne permettaient pas de déceler la fragilité psychologique dans laquelle elle se trouvait. Autrement dit, pour les juges d’appel, l’employeur ne pouvait pas avoir conscience du danger concernant cette salariée.
Censure de la Cour de cassation, qui considère que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des risques psychosociaux encourus par la salariée. L’arrêt est cassé et l’affaire renvoyée devant une autre cour d’appel.
► Le ministère du travail a rappelé récemment aux employeurs leur obligation en matière d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux, dans le cadre de la prévention du suicide au travail.
Dans une précédente décision, la Cour de cassation a jugé que le suicide du salarié était dû à la faute inexcusable de l’employeur dès lors que celui-ci n’avait pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux difficultés rencontrées par le salarié pour assurer ses fonctions : absence de réelle formation, décision tardive d’une nouvelle affectation, défaut de contrôle des horaires de travail et du respect du droit au repos quotidien (arrêt du 19 septembre 2013).
En revanche n’ont pas été considérés comme dû à la faute inexcusable de l’employeur :
- le suicide du salarié en l’absence de tout signe d’alerte sur une dégradation de ses conditions de travail ou une souffrance au travail, la réalité d’une surcharge de travail n’étant pas démontrée et les auditions menées par les représentants du personnel ne mettant en évidence aucun problème managérial (arrêt du 18 juin 2015) ;
- la tentative de suicide du salarié suite à un entretien avec le directeur des ressources humaines et le directeur technique de la société aux fins de lui remettre une convocation à un entretien préalable de licenciement sans qu’il soit démontré que l’employeur ait eu un comportement humiliant, violent ou vexatoire à l’égard du salarié lors de ces entretiens et que la réaction de l’intéressé, qui ne présentait pas d’antécédents personnel ou familial, n’était pas prévisible du seul fait qu’il s’était montré bouleversé à l’issue de cet entretien (arrêt du 31 mai 2012).

Forfait-jours : combien de jours de repos en 2026 ?
Les salariés soumis à une convention de forfait annuel en jours bénéficient d’un nombre de jours de repos, qui doit être déterminé chaque année, pour respecter le nombre de jours travaillés prévu dans la convention de forfait.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui occupe ses salariés du lundi au vendredi, qui octroie les 5 semaines de congés payés légaux par an et dont les salariés soumis à une convention de forfait annuel en jours travaillent 218 jours sur l’année civile (période de référence). En 2026, le nombre de jours ouvrés pouvant être travaillés est déterminé comme suit :
| Nombre de jours calendaires dans l’année | 365 |
| Nombre de samedis et dimanches | – 104 |
| Nombre de jours ouvrés de congés payés | – 25 |
| Nombre de jours fériés tombant un jour ouvré (1) | – 9 |
| Total | 227 |
(1) Le samedi 15 août et le dimanche 1er novembre sont exclus
Ainsi, le nombre de jours de repos pour un salarié soumis à une convention de forfait annuel en jours prévoyant 218 jours de travail sera de 9 jours en 2026 (227-218).
A noter : Les jours de congés supplémentaires (par exemple, les jours de congés d’ancienneté) prévus par accord collectif ou par usage doivent être déduits du nombre de jours travaillés fixé par la convention de forfait (voir par exemple Cass. soc. 25-5-2022 n° 20-13.262 F-D). Ils ne peuvent pas diminuer le nombre de jours de repos. Dans notre exemple, si un salarié bénéficie de 4 jours de congés supplémentaires pour ancienneté, ce dernier bénéficiera toujours de 9 jours de repos en 2026 mais il ne travaillera que 214 jours.
Illustration d’un cas de discrimination fondée sur le handicap dans une décision de la Défenseure des droits
La Défenseure des droits, dans une décision du 1er septembre 2025, reconnaît l’existence d’une discrimination fondée sur le handicap d’un salarié. En l’espèce, le salarié subit plusieurs opérations chirurgicales en raison d’une hernie discale. Il est placé en mi-temps thérapeutique à la suite de sa première opération, et est reconnu travailleur handicapé (RQTH) à la suite de la seconde. Il se voit par la suite confier de moins en moins de travail, ne bénéficie plus d’aucune formation et subit un ralentissement de carrière. Il alerte ses responsables de la situation et de la dégradation de son état de santé qui en découle, mais aucune mesure n’est jamais prise par l’employeur pour y remédier.
Le salarié adresse une réclamation à la Défenseure des droits. Après une tentative de règlement amiable infructueuse, cette dernière a investigué pour déterminer si oui ou non le salarié était victime de discrimination.
Le salarié avait une évolution de carrière satisfaisante jusqu’à l’annonce de sa RQTH à son employeur. La Défenseure des droits constate que le salarié rapporte des éléments de fait consécutifs à cette annonce de RQTH, susceptibles de constituer une discrimination :
- une diminution de 3 501 euros entre le montant des augmentations individuelles de la période précédant la RQTH du salarié et la période de même durée qui a suivi ;
- le sujet de l’évolution du salarié vers le statut de cadre a été évoqué pendant dix ans sans que celui-ci n’y accède. Il travaillait pourtant depuis plusieurs années parmi les cadres et assistait avec eux aux réunions. L’accord d’entreprise prévoyait également une obligation pour l’employeur de mettre en place des mesures appropriées pour « garantir l’équité de traitement des [salariés] en situation de handicap pour l’accès à la promotion, en tenant compte des particularités liées à la situation de handicap [du ou de la salariée] » , ainsi qu’un suivi spécifique des promotions pour ces salariés ;
- le salarié a été privé d’entretiens individuels et d’objectifs pendant plusieurs années, à compter de sa RQTH ;
- il ne bénéficiait plus d’aucune formation de nature à maintenir son employabilité.
La Défenseure des droits analyse ensuite les explications apportées par l’employeur et estime qu’elles ne sont pas de nature à justifier que ces faits sont étrangers à toute discrimination. Elle relève notamment que :
- sur la question des augmentations individuelles, la société se contente de contester la matérialité des éléments de présomption apportés par le salarié ;
- sur la question de l’absence d’évolution vers le statut de cadre, l’employeur ne parvient pas à démonter que le salarié effectuait des tâches différentes des autres cadres de l’équipe, ce qui aurait pu justifier son statut de non-cadre. Il prétend ensuite que le salarié n’avait pas encore les compétences pour accéder à ce statut, alors que cela n’apparaissait dans aucun entretien d’évaluation, et que la société n’avait jamais rien mis en place pour qu’il acquière effectivement ces compétences ;
- sur la question de la privation d’entretiens individuels et d’objectifs, la société prétend que les autres salariés n’ont pas davantage bénéficié de ces entretiens, sans toutefois en rapporter la preuve ;
- Enfin, concernant la question de l’absence de formation, la Défenseure des droits rappelle que l’employeur a l’obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié a occuper un emploi, peu important que celui-ci n’ait émis aucune demande de formation au cours de l’exécution de son contrat de travail (arrêt du 18 juin 2014). En l’espèce, la société prétendait que le salarié avait bénéficié de formations. Les formations en question étaient les suivantes : « visa égalité professionnelle », « agir contre le sexisme ordinaire », « découvrir les fondamentaux de la cybersécurité », « faire ses premiers pas avec les IA génératives d’Y ». La Défenseure des droits considère que ces formations ne sont pas personnelles et ne permettent pas de maintenir l’employabilité d’un salarié.
En l’absence de justification recevable de la part de la société, la Défenseure des droits en conclut que le ralentissement de carrière et le maintien du salarié au statut de « non-cadre » sont donc fondés sur son handicap et son état de santé et constituent des mesures discriminatoires.
La Défenseure des droits rappelle qu’un harcèlement moral peut être constitutif d’une discrimination s’il est lié à un critère de discrimination prohibé selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. Cette solution a déjà été retenue par la Cour de cassation dans sa jurisprudence (par exemple : arrêt du 14 novembre 2024).
Elle rappelle également que la Cour de cassation considère que le fait de laisser un salarié sans travail est un élément laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral (arrêt du 29 juin 2011).
En l’espèce, le salarié a été laissé sans travail à compter de l’annonce de sa RQTH, si bien qu’il rapportait n’avoir pas plus de 40 minutes de travail par jour. Malgré cela, et le fait qu’il en ait alerté la direction, un nouveau collaborateur a été recruté dans l’équipe. Ce n’était donc pas en raison d’un manque de travail dans l’entreprise que le salarié était laissé sous-occupé. Il existait donc bien des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement discriminatoire.
La société affirmait qu’elle avait mis en place un tutorat, mais n’apportait pas de preuve de ses dires. Elle n’était capable de fournir aucune explication concrète concernant la sous-charge de travail et l’embauche d’un autre salarié. La Défenseure des droits en conclut qu’en l’absence de preuve contraire, ces agissements sont donc constitutifs d’un harcèlement moral discriminatoire.
La Défenseure des droits rappelle enfin que l’employeur a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver santé et la sécurité des salariés (articles L.4121-1 et suivants du code du travail). Dans ce cadre, il est notamment tenu à une obligation de prévention du harcèlement (article L.1152-4 du code du travail). Il ne peut s’exonérer de cette obligation de protection qu’en démontrant qu’il a pris toutes les mesures de prévention et a réagi à la situation de harcèlement (arrêt du 25 novembre 2015).
En l’espèce, le salarié avait alerté à de nombreuses reprises l’employeur sur sa situation, et a rencontré plusieurs fois les responsables RH à ce propos. L’employeur n’a cependant jamais donné suite à ces alertes. L’état de santé du salarié s’est dégradé, et il a été placé en arrêt maladie à plusieurs reprises.
La Défenseure des droits constate que la société n’avait pris aucune mesure pour prévenir ni faire cesser la situation de harcèlement discriminatoire. Elle en conclut que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à l’égard du salarié.
En l’espèce, la Défenseure des droits recommande à l’employeur de se rapprocher du salarié pour procéder à une juste réparation de son préjudice et envisager les possibilités d’évolution au statut de cadre. Elle recommande également de modifier ses pratiques en procédant à une formation des salariés au droit de la non discrimination. Elle demande également à l’employeur de rendre compte des suites données à ces recommandations dans les trois mois à compter de la date de notification de sa décision.
► Les décisions de la Défenseure des droits n’ont pas de valeur obligatoire, mais visent à inciter à un règlement de la situation par l’employeur. A défaut, la décision pourra servir d’argument au salarié pour obtenir des dommages et intérêts devant le juge.
Cette décision rappelle qu’il est plus prudent pour l’employeur de prendre en compte toute alerte de discrimination ou de harcèlement portée à sa connaissance. A cet effet, il est par exemple possible de réaliser une enquête interne pour évaluer la nature et la réalité des faits qui lui sont rapportés.
