ACTUALITÉ
SOCIAL

Licenciement abusif d’un salarié ayant adhéré au CSP : comment calculer l’indemnité ?
Lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, les juges du fond doivent accorder au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par le barème de l’article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. Les planchers et plafonds de ce barème, qui s’imposent au juge (Cassation n°s 21-15.247 et 21-14.490 ; Cassation n° 21-21.011), sont exprimés en mois de salaire brut (Cassation n° 20-18.782) et varient en fonction du montant du salaire mensuel de l’intéressé et de son ancienneté, exprimée en années complètes.
En l’espèce, une salariée, après avoir conclu un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), avait contesté la rupture de son contrat de travail pour motif économique en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation préalable de reclassement. Les juges ayant conclu à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’intéressée pouvait prétendre à une indemnité minimale de 3 mois et maximale de 20 mois de salaire brut compte tenu de son ancienneté de plus de 30 ans.
Depuis la loi 2018-217 du 29 mars 2018, l’article L 1235-3 précité prévoit que, pour déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité légale de licenciement.
L’employeur, invoquant ce dernier texte, soutenait, à l’appui de son pourvoi, que, si une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était due à la salariée, la cour d’appel, qui a alloué à celle-ci près de 20 mois de salaire, aurait dû tenir compte de la somme déjà perçue par elle en application de l’article L 1233-67 du Code du travail au titre du CSP, représentant déjà près de 10 mois de salaire.
Selon ce dernier article, la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au CSP, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l’indemnité légale de licenciement et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis, ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur à France Travail représentatif de cette indemnité.
La chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n° 23-19.629) en déduit logiquement ici que la somme versée au salarié en application de l’article L 1233-67 du Code du travail au titre de l’indemnité légale de licenciement n’a pas à être prise en compte pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et rejette l’argument de l’employeur.
A noter : En tout état de cause, la prise en compte des indemnités de rupture dans la détermination de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est qu’une faculté pour le juge, et non une obligation. Les indemnités visées sont sans doute les indemnités contractuelles de licenciement, le cas échéant négociées au moment de la conclusion du contrat de travail, ou les indemnités conventionnelles.
L’employeur reprochait, par ailleurs, à la cour d’appel d’avoir, pour calculer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, retenu un salaire de référence de 2 005 € par mois, correspondant au montant du salaire brut de septembre 2019, alors que la moyenne des salaires sur un an, de septembre 2018 à septembre 2019, était de 1 893,97 €. Mais, là encore, il n’obtient pas gain de cause.
En effet, si avant l’ordonnance précitée de 2017, le Code du travail ordonnait de prendre la moyenne des 6 derniers mois de salaire avant la rupture du contrat de travail, l’article L 1235-3 est, depuis, muet sur ce point et n’exclut donc pas que le juge puisse prendre comme salaire de référence le salaire brut mensuel du dernier mois précédant le licenciement.
Pour la Cour de cassation, il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement l’étendue du préjudice subi dès lors que l’indemnité allouée au salarié abusivement licencié est comprise entre les montants minimaux et maximaux fixés par le barème (Cassation n° 22-12.462). La Haute Cour ajoute qu’il n’a pas, notamment, à s’expliquer sur le choix des critères d’évaluation qu’il a retenus.
A noter : Comme indiqué par l’avocat général, dans son avis diffusé sur le site de la Cour de cassation, celle-ci exerce en la matière un contrôle de légalité en vérifiant que les juges du fond se sont conformés au barème d’indemnités de l’article L 1235-3 du Code du travail. Il leur appartient seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux qui y sont prévus (Cassation n°s 21-14.490 et 21-15.247 ; Cassation n° 21-24.857).

Le Sénat adopte l’ensemble du PLFSS pour 2025
Hier, la Chambre haute a procédé au vote solennel en 1ère lecture en faveur de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. La commission mixte paritaire chargée de s’accorder sur un texte final, composée de sept sénateurs et sept députés, devrait se réunir aujourd’hui.

Quelle indemnisation pour la salariée enceinte licenciée qui ne demande pas sa réintégration ?
L’employeur qui licencie une salariée en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité et des congés payés pris immédiatement après ce dernier ainsi que pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes, encourt la nullité du licenciement, sauf s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (articles L 1225-4 et L 1225-70 du Code du travail).
La nullité du licenciement ouvre droit, si la salariée le demande, à réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent (Cassation n° 00-44.811 ; Cassation n° 01-44.503). L’intéressée peut aussi prétendre au paiement des salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration ou la date de son refus si elle renonce à la réintégration demandée (Cassation n° 08-45.640), sans déduction des revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier durant cette période (Cassation n° 18-21.862), et aux congés payés afférents (Cassation n° 89-42.302).
Si la salariée ne demande pas sa réintégration, l’employeur doit lui verser, outre une indemnité de préavis (Cassation n° 88-40.806 ; Cassation n° 89-42.302), une indemnité égale à au moins 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement (articles L 1225-71 et L 1235-3-1, al. 8 du Code du travail).
Cette dernière indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L 1225-71 du Code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle (article L 1235-3-1, al. 9 du Code du travail).
A noter : L’article L 1225-71 du Code du travail a été réécrit par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail. Avant le 24 septembre 2017, l’article L 1225-71, alinéa 2 prévoyait que, si le licenciement de la salariée était nul en raison du non-respect des règles relatives à la protection de la grossesse et de la maternité, l’employeur devait lui verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.
Mais cette précision a disparu de l’article L 1225-71, dans sa rédaction issue de l’ordonnance. En effet, depuis le 24 septembre 2017, il prévoit que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des règles relatives à la protection de la grossesse et de la maternité peut donner lieu, au profit de la salariée, à l’attribution d’une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L 1235-3-1 du Code du travail, c’est-à-dire égale à au moins 6 mois de salaire. Or l’article L 1235-3-1 du même Code fait toujours référence au salaire dû en application de l’article L 1225-71 qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.
Par un arrêt du 6 novembre 2024 (n° 23-14.706), la Cour de cassation se prononce pour la première fois, à notre connaissance, depuis la modification de l’article L 1225-71 par l’ordonnance du 22 septembre 2017, sur le droit de la salariée enceinte, dont le licenciement est jugé nul et qui ne demande pas sa réintégration, à percevoir une indemnité égale au montant du salaire qu’elle aurait perçu pendant la période couverte par la nullité.
En l’espèce, une caissière employée libre-service licenciée pour faute grave saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter notamment la nullité de son licenciement qui aurait été prononcé en lien avec son état de grossesse. Jugeant que l’existence d’une faute grave n’est pas démontrée et que l’employeur avait connaissance de la grossesse de la salariée au moment du licenciement, la cour d’appel fait droit à sa demande. À ce titre, elle lui octroie notamment une indemnité égale à au moins 6 mois de salaire en application de l’article L 1235-3-1 du Code du travail ainsi qu’une indemnité correspondant aux salaires dus pendant la période de protection couverte par la nullité qui court du jour du licenciement jusqu’à 10 semaines suivant l’expiration du congé de maternité. Pour rendre sa décision, elle se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la salariée qui demande sa réintégration de principe ou qui y renonce est en droit d’obtenir une indemnité correspondant au salaire qu’elle aurait perçu pendant la période couverte par la nullité, sans déduction des revenus de remplacement.
Estimant ne pas devoir cette dernière indemnité à la salariée, l’employeur se pourvoit en cassation. À l’appui de son pourvoi, il fait valoir que, si, lorsque le licenciement d’une salariée est jugé nul pour avoir été prononcé en lien avec son état de grossesse et que la salariée ne demande pas sa réintégration, elle a droit à l’attribution d’une indemnité équivalant à au moins 6 mois de salaire, elle n’a plus le droit en revanche, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, au montant des salaires qu’elle aurait dû percevoir pendant la période couverte par la nullité.
La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond, mais invoque un autre fondement. Elle s’appuie sur les articles L 1225-71 et L 1235-3-1 du Code du travail, interprétés à la lumière des articles 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, et 18 de la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe.
Selon la Haute Juridiction, il résulte de la combinaison de ces articles que la salariée, qui n’est pas tenue de demander sa réintégration, a droit :
– aux indemnités de rupture ;
– à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement ;
– et aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.
Pour justifier sa décision, la Cour de cassation rappelle que, selon une jurisprudence constante de la CJUE, un licenciement pendant le congé de maternité, mais également pendant toute la durée de la grossesse ne peut concerner que les femmes et constitue, dès lors, une discrimination directe fondée sur le sexe (CJUE 11-11-2010 affaire 232/09). Et, dans l’hypothèse d’un licenciement discriminatoire, le rétablissement de la situation d’égalité ne pourrait pas être réalisé à défaut d’une réintégration de la personne discriminée ou, alternativement, d’une réparation pécuniaire du préjudice subi (CJCE 2-8-1993 affaire 271/91). Lorsque la réparation pécuniaire est la mesure retenue pour atteindre l’objectif de rétablir l’égalité des chances effective, elle doit être adéquate en ce sens qu’elle doit permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait du licenciement discriminatoire, selon les règles nationales applicables (CJUE 17-12-2015 affaire 407/14).
Dès lors, la cour d’appel qui avait jugé le licenciement de la salariée nul ne pouvait que condamner l’employeur à lui verser une indemnité couvrant la période comprise entre la date d’éviction de l’entreprise et l’expiration de la période de protection de 10 semaines suivant l’expiration du congé de maternité, ainsi que les congés payés afférents.
A noter : par cet arrêt, la Cour de cassation comble donc une lacune qui figurait dans la loi depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 septembre 2017, en recourant au droit européen et en s’inspirant de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.


PLFSS pour 2025 : où en est-on ?
Le Sénat a terminé samedi dernier l’examen en 1ère lecture des articles du PLFSS pour 2025. Nous faisons le point sur certaines mesures adoptées avant qu’il ne procède aujourd’hui au vote solennel sur l’ensemble du texte.
Sujet d’intérêt majeur pour les employeurs, la réforme des allègements de charges sociales patronales reste en débat. Le Sénat souscrit à l’objectif du gouvernement de réduire les allègements, et donc de renchérir le coût du travail, mais diverge sur les moyens pour y parvenir. Vous trouverez ci-dessous les principales dispositions concernées lesquelles figurent à l’article 6 du PLFSS pour 2025.
Dispositif | Texte transmis au Sénat en 1ère lecture (1) | Texte voté par le Sénat (2) | Position du gouvernement aux amendements du Sénat |
Coefficient maximal servant à déterminer la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale (ce coefficient est actuellement égal à 31,94 % ou 32,34 % selon le cas) |
► Réduction de 2 points à partir du 1er janvier 2025. ► Réduction de deux points supplémentaires à partir du 1er janvier 2026 mais augmentation partielle via les suppressions des réductions de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales (voir ci-dessous). Le coefficient maximal passerait ainsi à 35,74 % ou 36,14 % selon le cas. La définition du coefficient de dégressivité, qui relève d’un décret, serait considérablement modifié (lire notre article). |
Pas de réduction de ce coefficient (cf amendement 121 rectifié) | Sagesse du Sénat |
Plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 2,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie (cf article L 241-2-1 du code de la sécurité sociale) |
► Plafond réduit à 2,2 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 |
► Plafond réduit à 2,1 Smic à compter du 1er janvier 2025 (cf amendement 121 rectifié) ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
Sagesse du Sénat |
Plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 3,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales (cf article L 241-6-1 du code de la sécurité sociale) |
► Plafond réduit à 3,2 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 |
► Plafond réduit à 3,1 Smic à compter du 1er janvier 2025 (cf amendement 121 rectifié) ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
Sagesse du Sénat |
Plafond, fixé actuellement à 1,6 Smic, des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale | Il passerait à 3 Smic (Smic augmenté de 200 %) à compter du 1er janvier 2026 | Il passerait à 2,05 Smic (Smic augmenté de 105 %) à compter du 1er janvier 2026 (cf amendement 122) | Défavorable |
Détermination des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale | Intégration des primes de partage de la valeur (au sens de l’article 1er de la loi loi du 16 août 2022) versées à compter du 10 octobre 2024 | Intégration des primes de partage de la valeur (au sens de l’article 1er de la loi loi du 16 août 2022) versées à compter du 10 octobre 2024 (texte identique à celui du gouvernement) | Non concerné |
(1) Ce texte est identique à celui présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale en 1ère lecture, la chambre basse n’ayant pas pu voter l’ensemble du texte (lire notre article)
(2) Suite à l’examen en 1ère lecture de cet article. Le vote solennel du PLFSS pour 2025 par le Sénat en 1ère lecture est prévu le 26 novembre
Aujourd’hui, les contrats d’appentissage ne sont pas assujettis à CSG/CRDS (article L. 136‑1‑1 du code de la sécurité sociale). Le texte adopté par le Sénat changerait la donne. Les contrats conclus à partir du 1er janvier 2025 seraient soumis à CSG/CRDS pour la part de leur rémunération qui excède 50 % du Smic. De plus, la chambre haute a voté en faveur d’une réduction du périmètre d’exonération des cotisations sociales salariales sur les contrats d’apprentissage. Aujourd’hui, ce périmètre est limité à 79 % du Smic (articles 6243-2 et D 6243-5 du code du travail). Le Sénat a voté en faveur d’un plafond qui serait limité à 50 % du Smic. A noter que le texte de cette mesure, qui serait complétée par un décret fixant la limite précise à l’intérieur de ce plafond, ne précise pas la date d’entrée en vigueur.
Dans l’objectif de renforcer le financement de la branche autonomie, le Sénat a voté en faveur d’une augmentation de sept heures (non rémunérées) de la durée annuelle de travail, pour un temps plein, des personnes en emploi, dans le secteur privé comme dans les fonctions publiques. En échange du bénéfice de ces heures de travail non rémunérées, les employeurs acquitteraient une contribution de solidarité pour l’autonomie dont le taux serait porté de 0,3 % à 0,6 %. Ce dispositif entrerait en vigueur le 1er janvier 2025.


« L’intelligence artificielle est porteuse d’une profonde transformation de l’exercice du pouvoir dans l’entreprise »
Dans quelle mesure l’intelligence artificielle risque-t-elle d’entraîner une nouvelle forme de subordination, voire même de déshumanisation comme vous l’écrivez ?
Même s’il n’est pas question de nier ses apports au travail, que ce soit l’augmentation de la productivité, la diminution des tâches répétitives, la détection d’anomalies ou le remplacement de l’homme sur des tâches dangereuses, l’intelligence artificielle est porteuse d’une profonde transformation de l’exercice du pouvoir dans l’entreprise. Avec à la clé des sujétions accrues pour nombre de salariés ! Deux exemples l’illustrent très bien. La surveillance d’abord, qui trouve dans l’IA de nouvelles applications, toujours plus intrusives, telles que la reconnaissance faciale ou le traitement automatisé d’une quantité quasi-infinie de données, y compris de données personnelles. La simple captation du visage et de la posture du salarié permet aujourd’hui à une IA de déterminer des dizaines, voire des centaines de données comme la motivation, le stress, la satisfaction, l’agressivité … que les services RH pourront exploiter pour l’octroi d’une prime, l’obligation de suivre une formation, voire le prononcé d’une sanction. La définition des objectifs ensuite qui, grâce à l’alliage IA et algorithmes, va pouvoir être définie et ajustée pour être au maximum des capacités du salarié, même au-delà, le tout sous la pression de tableaux quotidiens affichant une couleur en fonction des résultats obtenus et, pour les travailleurs des entrepôts, sous celle d’un robot vocal qui dictera à la seconde près les déplacements à effectuer dans les allées et les rayonnages.
Le risque de déshumanisation est manifeste. L’IA va permettre d’écarter en tout ou partie la décision humaine et la part de subjectivité qui l’accompagne. La décision devient aussitôt moins coûteuse ; il est plus rentable de faire examiner deux cents candidatures par un algorithme plutôt que par un salarié qui y consacrera plusieurs jours de travail. Elle gagne aussi, en apparence au moins, en objectivité. Du facteur humain, qui fait que l’on peut accorder une pause plus longue à un salarié dont l’épouse est gravement malade, que l’on peut ajuster les objectifs de la semaine alors qu’un plan de licenciement vient d’être annoncé dans le groupe, avec l’angoisse qui l’accompagne, l’algorithme n’a que faire ! Une objectivité d’ailleurs seulement apparente car l’algorithme incorpore possiblement – cela est désormais acté, jusque devant les tribunaux – des biais discriminatoires !
Vous craignez l’essor de « licenciements algorithmiques ». Sur quelles bases pourraient-ils être fondés ?
Le recours aux algorithmes constitue d’ores et déjà une pratique bien ancrée en matière de recrutement. L’étape suivante, qui commence à arriver en France, est celle des licenciements algorithmiques. Derrière cette appellation, se cachent deux réalités tout aussi préoccupantes l’une que l’autre. Stricto sensu, il s’agit du licenciement de salariés sélectionnés par une IA alimentée par un algorithme. Ce qui est aujourd’hui admis aux Etats-Unis, sous réserve que l’algorithme n’abrite pas une discrimination, ne l’est pas en France du fait de l’exigence de cause réelle et sérieuse. Devant le CPH, l’employeur ne pourra s’abriter derrière le fait que la décision est celle d’une IA, outre le fait qu’au-delà même de la relation de travail, les décisions entièrement automatisées sont, pour nombre d’entre elles, interdites par le RGPD.
Derrière le licenciement algorithmique, il y a une autre réalité : le remplacement de l’humain par l’IA. La question peut être posée simplement même si la réponse est complexe : le remplacement de l’homme par une intelligence artificielle constitue-t-il un motif légitime de licenciement ? Je propose dans le livre de modifier les textes à court ou moyen terme, faute de quoi le droit du licenciement pourrait devenir le bras armé de la théorie du remplacement de l’homme par la machine et légitimer une disparition massive des emplois au nom du progrès technologique.
Même si le verrou de l’obligation d’adaptation freine actuellement le recours par les entreprises au motif de « mutations technologiques », qui fait partie des raisons économiques de licenciement admises par le code du travail, il va très probablement sauter au fur et à mesure que des métiers vont disparaitre purement et simplement ou être tellement transformés que les compétences requises seront inaccessibles au titulaire du poste supprimé. On ne passe pas de traducteur, journaliste ou comptable à ingénieur en big data, en robotique ou en traitement du langage naturel, développeur IA ou data scientist avec une formation de quelques semaines voire quelques mois.
Même si on pourrait envisager de compléter l’article L.1233-3 par des indicateurs de mutations technologiques, comme cela a été fait pour les difficultés économiques en 2016, la voie la plus probante consisterait à renoncer à faire des mutations technologiques un motif autonome de licenciement, ce qui obligera l’employeur qui entend remplacer l’homme par la machine à justifier de difficultés économiques ou, plus vraisemblablement, de la menace qui pèse sur la compétitivité de l’entreprise. C’était d’ailleurs la voie choisie par la société Pages jaunes lorsqu’au début des années 2000, elle a supprimé des emplois et modifié les contrats des salariés affectés à l’annuaire papier et au minitel en raison du passage à l’informatique.
Peut-on craindre également une déperdition de compétences, avec le risque de perte de salaire comme pour certaines professions comme les traducteurs ?
Absolument ! On peut toujours s’abriter derrière la théorie de la destruction créatrice, avec l’espoir que les emplois supprimés du fait de l’IA seront remplacés par d’autres emplois, non seulement en nombre équivalent mais, de surcroit, plus qualifiés et mieux rémunérés. Je crains que cela ne fonctionne que très partiellement. Si l’on prend l’exemple de la première entreprise française à justifier un plan massif de licenciements par le recours à l’IA, Onclusive, celle-ci annonçait en 2023 remplacer les salariés affectés à la réalisation des revues de presse par des logiciels d’IA avec à la clé, en France, 217 suppressions d’emplois et – seulement – 23 créations. Cela veut tout dire ! Sans oublier le spectre de voir les tâches nouvellement créées échapper au salariat, dans des secteurs d’activité particulièrement sujets au free-lancing !
Développons un instant le cas particulièrement parlant du métier de traducteur. On a tous fait l’expérience de l’efficacité actuelle de Deepl, Google traduction ou ChatGPT ! Quel impact pour les traducteurs ? Certains vont voir leur métier se résumer à vérifier la traduction effectuée par le logiciel. D’autres vont devenir traducteurs de « niche », sur des traductions – par définition en nombre limité – qui impliquent une prise en compte du contexte historique, culturel, juridique que l’IA n’est actuellement pas capable d’intégrer de façon satisfaisante. Il est facile de comprendre que cela ne concernera pas autant d’emplois. Et à ceux qui prétendent que vont être créés à la place des postes de spécialiste de l’IA appliqué à la traduction, destinés au développement de moteurs de traduction, force est de leur opposer qu’on est en présence d’une tout autre qualification. Quant à celles et ceux qui conserveront leur métier classique de traducteur, sur des traductions « basiques » que les logiciels sont en capacité de réaliser, ils subiront une pression à la baisse sur leur salaire, leur employeur n’étant plus en capacité de facturer au client la prestation au niveau d’avant IA !
Vous préconisez de remettre le droit au centre pour encadrer ces nouvelles pratiques. C’est-à-dire ?
C’est pour moi un point fondamental. Nous devons cesser de prendre l’économie et la technologie pour des sciences sur lesquelles nous n’aurions pas de prise, derrière lesquelles nous serions condamnés à courir sans jamais pouvoir les devancer.
Pour ce faire, le droit a un rôle capital à jouer. Non pas un droit qui se met au service du marché et de l’innovation technologique mais un droit qui trace le chemin en définissant un modèle de société respectueux des droit fondamentaux.
La référence aux droits fondamentaux n’est pas et ne peut pas être un simple slogan … à la condition de s’assurer de leur effectivité !
Cela veut dire, d’abord, développer des dispositifs de concrétisation des droits fondamentaux. Il me semble indispensable d’amender le « droit à la déconnexion » qui, actuellement, n’a de droit que le nom, pour incorporer des dispositions supplétives applicables faute d’accord collectif, plutôt qu’une charte élaborée unilatéralement par l’employeur. Cela veut dire aussi, alors qu’on débat actuellement du télétravail en tant qu’acquis social ou non, reconnaître aux salariés un « droit au télétravail ». Il pourrait s’agir de l’une des déclinaisons (la semaine de quatre jours en serait une autre) d’un dispositif plus global d’autonomie au travail, avec bien entendu des garde-fous à accorder aux employeurs qui pourraient opposer les exigences de bon fonctionnement de l’entreprise. Il faudrait cependant être naïf pour croire que ces dispositifs d’éloignement de l’entreprise – droit à la déconnexion, télétravail, semaine de quatre jours – vont empêcher l’IA générée par l’entreprise d’infiltrer la vie tant professionnelle que personnelle du salarié, son corps (on commence à voir arriver dans certains pays les puces introduites sous la peau du salarié) aussi bien que son esprit (le contrôle des émotions).
D’où le second volet consistant, lorsque les droits fondamentaux sont sérieusement menacés, à interdire purement et simplement l’usage de l’IA voire, même si c’est difficile à mettre en place s’agissant de produits numériques, à interdire purement et simplement leur mise sur le marché. Interdire n’est ni un gros mot ni un vestige du passé, même si l’incitation et la proportionnalité ont davantage le vent en poupe dans nos sociétés modernes qui valorisent la souplesse et l’agilité ! La Cnil a raison d’interdire la surveillance permanente de même que le keylogging. On peut de même se féliciter de voir le règlement européen sur l’IA classer les dispositifs de notation sociale et de reconnaissance des émotions au plus haut niveau de risque, à savoir le risque inacceptable, impliquant leur interdiction pure et simple.
A ce propos, il y a tout lieu d’être inquiet de la distorsion entre illicéité et preuve véhiculée par la jurisprudence bien connue qui permet de sauver une preuve obtenue de manière illicite si sa production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve. S’il a été jugé par le passé que le défaut de déclaration à la Cnil d’un dispositif impliquant le traitement de données personnelles n’est pas rédhibitoire du point de vue de la preuve, l’articulation entre RGPD et droit à la preuve pose encore beaucoup de questions, malgré une jurisprudence en construction (arrêt de la 2e chambre civile du 3 octobre 2024). Sous un tout autre angle, l’IA peut aussi favoriser la constitution de fausses preuves, que ce soient des photos (les fameux deepfakes), des vidéos, des enregistrements, des textes … De nombreuses inquiétudes, autrement dit, sur le terrain de la preuve, sans compter le risque de voir le débat judiciaire sur la preuve tourner à un débat inaccessible au justiciable, voire au juge, entre spécialistes de l’IA !
Parmi les pistes pour réguler l’impact de l’IA sur le travail et sur l’emploi, des voies indirectes méritent également d’être suivies. Renforcer la capacité de décision des salariés, autrement dit l’autonomie des salariés, n’est pas seulement indispensable pour préserver l’attractivité du salariat, notamment pour les jeunes générations. Ça l’est tout autant pour limiter l’impact de l’IA en tant qu’instrument du pouvoir patronal. Cela veut dire, entre autres, donner davantage de poids aux représentants des salariés dans les instances de direction des entreprises. On peut en attendre une résistance à la stratégie de remplacement de l’homme par la machine bien plus efficace que le simple avis – par définition non contraignant – qui serait rendu par le CSE lors de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
La question est politique, insistez-vous, c’est un choix de société que d’accepter ou non que les décisions qui s’imposent à nous soient prises par une IA…
Elle est effectivement éminemment politique ! Remettre le droit au cœur de nos sociétés, c’est aussi assumer que ce qui est et ce qui n’est pas n’est pas simplement dicté par les « lois » de la science ou du marché. Il nous appartient, au nom des droits fondamentaux et du primat de la personne humaine – d’où les enjeux de dignité humaine soulevés par l’IA – de réguler l’IA et pas seulement, comme nous l’avons vu, d’en gérer les effets ex-post (les suppressions d’emplois, les atteintes à la vie privée etc. Le règlement européen sur l’ IA constitue de ce point de vue une réelle avancée.
Avec toutefois une vive inquiétude ! Donald Trump s’est montré, lors de sa campagne électorale, hostile à toute forme de régulation de l’IA. Tout comme sur l’environnement, l’Europe devra absolument résister aux arguments de ceux qui, de ce côté de l’Atlantique, ne manqueront pas de soutenir, suivant une argumentation à laquelle le droit social est particulièrement exposé (la fameuse « race to the buttom »), que la réglementation européenne crée un désavantage compétitif vis-à-vis des entreprises américaines et chinoises ! On en revient toujours au rôle du droit, et à la question essentielle des rapports entre droit, économie et progrès scientifique. Ce n’est pas parce que la technologie met sur la table telle innovation, avec la promesse de gains de productivité considérables, que celle-ci doit être mise en oeuvre. Ce que l’on a su faire pour le clonage, au nom de la dignité humaine, malgré les promesses d’immortalité que lui associent certains, on doit aussi le faire pour l’IA, non pas sur le principe car il n’est évidemment pas question de proscrire le recours à l’IA, mais lorsque ses usages menacent les droits fondamentaux de la personne humaine.
(*) « Salariés libres… et heureux ? » aux éditions Odile Jacob.

Partage de la valeur : l’Urssaf rappelle que certaines entreprises doivent négocier pour 2025
Certains employeurs d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés non soumis à l’obligation de participation doivent mettre en place un dispositif de partage de la valeur au titre de 2025. L’Urssaf rappelle les principales caractéristiques de ce dispositif.

Allègements des charges sociales patronales : le Sénat amende le projet du gouvernement
Le Sénat est favorable à une réduction des allègements généraux sur les charges sociales patronales. Mais il ne souhaite pas appliquer cet objectif aux plus bas salaires, précisément ceux situés entre le Smic et 1,6 Smic. Telle est la philosophie qui a conduit la chambre basse à amender, avant-hier, l’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 proposé par le gouvernement (voir le texte adopté par le Sénat et celui que lui a transmis le gouvernement). Vous trouverez dans le tableau ci-dessous les évolutions de ce texte étant rappelé que le gouvernement avait repris la main dessus après que l’Assemblé nationale ait échoué à terminer dans le temps imparti l’examen en 1ère lecture du PLFSS (lire notre article). Il est à noter que le gouvernement s’en en remis à la sagesse du Sénat sur certains sujets. La prochaine étape législative liée à ce dispositif sera le vote solennel du Sénat en première lecture du PLFSS pour 2025. Il est prévu le 26 novembre.
Dispositif | Texte transmis au Sénat en 1ère lecture (1) | Texte voté par le Sénat (2) | Position du gouvernement aux amendements du Sénat |
Coefficient maximal servant à déterminer la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale (ce coefficient est actuellement égal à 31,94 % ou 32,34 % selon le cas) |
► Réduction de 2 points à partir du 1er janvier 2025. ► Réduction de deux points supplémentaires à partir du 1er janvier 2026 mais augmentation partielle via les suppressions des réductions de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales (voir ci-dessous). Le coefficient maximal passerait ainsi à 35,74 % ou 36,14 % selon le cas. La définition du coefficient de dégressivité, qui relève d’un décret, serait considérablement modifié (lire notre article). |
Pas de réduction de ce coefficient (cf amendement 121 rectifié) | Sagesse du Sénat |
Plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 2,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie (cf article L 241-2-1 du code de la sécurité sociale) |
► Plafond réduit à 2,2 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 |
► Plafond réduit à 2,1 Smic à compter du 1er janvier 2025 (cf amendement 121 rectifié) ► Suppression de la réduction de 6 points de la cotisation d’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
Sagesse du Sénat |
Plafond de revenus d’activité, fixé actuellement à 3,5 Smic, pour bénéficier de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales (cf article L 241-6-1 du code de la sécurité sociale) |
► Plafond réduit à 3,2 Smic à compter du 1er janvier 2025 ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 |
► Plafond réduit à 3,1 Smic à compter du 1er janvier 2025 (cf amendement 121 rectifié) ► Suppression de la réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales à compter du 1er janvier 2026 (texte identique à celui du gouvernement) |
Sagesse du Sénat |
Plafond, fixé actuellement à 1,6 Smic, des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale | Il passerait à 3 Smic (Smic augmenté de 200 %) à compter du 1er janvier 2026 | Il passerait à 2,05 Smic (Smic augmenté de 105 %) à compter du 1er janvier 2026 (cf amendement 122) | Défavorable |
Détermination des rémunérations éligibles à la réduction générale de cotisations et contributions sociales prévue aux articles L 241-13 et D 241-7 du code de la sécurité sociale | Intégration des primes de partage de la valeur (au sens de l’article 1er de la loi loi du 16 août 2022) versées à compter du 10 octobre 2024 | Intégration des primes de partage de la valeur (au sens de l’article 1er de la loi loi du 16 août 2022) versées à compter du 10 octobre 2024 (texte identique à celui du gouvernement) | Non concerné |
(1) Ce texte est identique à celui présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale en 1ère lecture, la chambre basse n’ayant pas pu voter l’ensemble du texte (lire notre article)
(2) Suite à l’examen en 1ère lecture de cet article. Le vote solennel du PLFSS pour 2025 par le Sénat en 1ère lecture est prévu le 26 novembre

Comment déclarer en DSN les congés payés acquis pendant les périodes d’arrêt maladie
Le site Net-entreprise a mis à jour le 18 novembre 2024 sa fiche n° 2691 relative à la déclaration des congés payés acquis pendant les périodes d’arrêt maladie.
Il est ainsi indiqué que le versement rétroactif d’une indemnité compensatrice de congés payés (ICCP) au titre de congés payés acquis pendant des périodes d’arrêt maladie doit être déclaré en DSN et rattaché à la dernière période du contrat.
Pour les salariés sortis au cours des 13 derniers mois, un signalement « Fin de contrat de travail unique » (FCTU) de type « Annule et remplace » doit également être émis pour transmettre à l’assurance chômage les éléments relatifs à l’ICCP impactant le calcul des droits.
► Attention, compte tenu des contraintes du système DSN, la transmission d’un signalement « Annule et remplace » sera impossible pour tous les signalements FCTU initiaux réalisés plus de 13 mois avant le versement de l’indemnité compensatrice de congés payés (ICCP).
Vous pouvez vous référer à la fiche pour disposer d’exemples.

La rubrique Contributions à la formation et à l’alternance du Boss est désormais opposable
Depuis le 1er novembre 2024, le Boss comporte une nouvelle rubrique opposable consacrée aux contributions à la formation professionnelle et à l’apprentissage, à savoir la contribution à la formation professionnelle (CFP), la taxe d’apprentissage (TA), la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) et la contribution au financement du compte personnel de formation des titulaires d’un contrat à durée déterminée (CPF-CDD). Sa rédaction a été modifiée à la suite de la consultation publique qui s’est achevée le 31 août dernier. Nous vous présentons ci-après les évolutions notables.
Signalons par ailleurs qu’un nouveau chapitre consacré à ces contributions dans la rubrique Effectif est opposable depuis le 1er octobre 2024 (BOSS-Eff. 1 500 s.). Il n’a pas fait l’objet de modifications substantielles par rapport à la version soumise à consultation.
Le Boss apporte des précisions nouvelles quant à l’exigibilité de la CFP en cas de cessation d’activité. Ainsi, elle est due au titre de l’année de cessation d’activité même si cette cessation intervient en cours d’année. L’entreprise dispose de 60 jours à compter de la date de cession-cessation d’activité pour déclarer annuellement son statut vis-à-vis de cette contribution, ou de 6 mois en cas de décès de l’employeur (Boss-Contrib. FPA-30).
Salariés expatriés et détachés exonérés, résidents fiscaux à l’étranger assujettis
Dans sa version soumise à consultation, le Boss précisait que n’entrent pas dans l’assiette de la CFP les rémunérations versées aux salariés expatriés affiliés au régime de sécurité sociale du pays d’accueil ainsi qu’aux salariés détachés en France mais demeurant intégralement soumis au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine. La nouvelle version précise que les rémunérations versées par les employeurs établis en France à leurs salariés résidents fiscaux à l’étranger sont en revanche soumises à la CFP, ainsi qu’à la TA, selon les bases et les modalités prévues en matière de cotisations de sécurité sociale, alors même que ces salariés ne relèvent pas du régime de sécurité sociale français (Boss-Contrib. FPA-110).
L’administration fait ainsi sienne la position du Conseil d’État (CE 15-2-2016 n° 381580).
Majoration de l’assiette de la CFP pour les employeurs affiliés à une caisse de congés payés
La version amendée du Boss clarifie le régime particulier des employeurs affiliés à une caisse de congés payés, sans distinguer comme précédemment entre les employeurs d’intermittents du spectacle et les entreprises du BTP, du transport et de la manutention portuaire. Il est désormais expressément indiqué que, pour l’ensemble des salariés dont les indemnités de congés payés sont versées par une caisse de congés payés, la CFP est assise sur le montant des rémunérations brutes auxquelles s’ajoute une majoration de 11,5 % de la masse salariale (Boss-Contrib. FPA-140).
A noter : La version précédente du Boss prévoyait que, pour les employeurs d’intermittents du spectacle non soumis à la cotisation spécifique propre à ces salariés prévue à l’article L 6331-55 du Code du travail, la majoration de CFP était de 10 %. Or, l’article D 243-0-2 du CSS ne prévoit l’application de ce taux de 10 % que pour la TA et la CSA des intermittents du spectacle. La position retenue nous semble ainsi plus conforme au texte.
Sont exonérées au cours d’un mois de TA les petites entreprises occupant au moins un apprenti et dont la masse salariale mensuelle due, telle que prise en compte pour la détermination des cotisations, est au plus égale à 6 Smic (C. trav. art. L 6241-1, IV). Dans sa version soumise à consultation, le Boss précisait que la masse salariale s’entendait des seules rémunérations versées aux personnes titulaires d’un contrat de travail, excluant ainsi celles versées aux mandataires sociaux et la fraction de la gratification des stagiaires soumise à cotisations.
Ces précisions ne figurent plus dans la version opposable du Boss, l’exemple donné incluant même expressément la fraction de gratification d’un stagiaire soumise à cotisation. En conséquence, l’ensemble de la masse salariale soumise à cotisations, y compris les sommes versées aux mandataires sociaux et stagiaires, est pris en compte.
Exemple —————————————————————————————————————
Une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés emploie en mars 2024 :
– 3 salariés en CDI à temps plein qui perçoivent une rémunération brute de 2 000 € chacun ;
– 1 apprenti âgé de 17 ans qui perçoit une rémunération à hauteur de 27 % du Smic, soit 477,07 € (valeur au 1er janvier 2024) ;
– 1 stagiaire qui perçoit une gratification égale à 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 639,45 € pour 147 heures (valeur 2024) ;
– 1 stagiaire qui perçoit une gratification égale à 20 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 852,60 € pour 147 heures (valeur 2024).
Sur ce mois, la masse salariale brute de cette entreprise, laquelle inclut les rémunérations des salariés en CDI et de l’apprenti, ainsi que la gratification versée au second stagiaire pour sa part supérieure à 15 % du plafond de la sécurité sociale est égale à 6 990,22 €. Elle n’excède donc pas 6 fois le Smic mensuel (10 601,52 € au 1er janvier 2024). Bien qu’assujettie à la TA, l’entreprise en est exonérée au titre du mois d’avril 2024 (Boss-Contrib. FPA-180).
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Cessation d’activité ou d’entreprise : la TA est exigible, la CSA non
La TA est due même si l’entreprise cesse son activité en cours d’année au titre de l’année de cessation d’activité dans les mêmes conditions que la CFP (voir ci-dessus) (Boss-Contrib. FPA -190).
Le Boss rappelle qu’en revanche la CSA n’est pas due l’année de cessation d’activité (BOSS-Contrib. FPA-380).
Les modalités de calcul des dépenses déductibles sont clarifiées
Les entreprises qui disposent d’un CFA accueillant leurs apprentis peuvent déduire certaines dépenses de la part principale de la TA, dans la limite de 10 % de celle-ci. La version soumise à consultation nous semblait manquer de clarté quant à la période d’application du plafond de 10 %. Dans la version opposable, le Boss précise que la déduction de la TA est limitée annuellement à 10 % de la part principale déclarée au titre de l’année précédant la déduction (soit l’année N – 1).
Même si le BOSS conserve par ailleurs les termes « année courante » et « même année », l’administration nous a confirmé qu’il fallait retenir la logique développée dans l’exemple, dont il ressort que les dépenses effectuées au titre de l’année N – 1 ne peuvent pas excéder 10 % de la TA due au titre de l’année N – 1.
Exemple —————————————————————————————————————
Pour déterminer le plafond de déduction de la part principale de la TA due mensuellement en 2024, l’entreprise retient 10 % du montant de la part principale de la TA due au titre de l’exercice 2023. Elle procède ensuite à l’affectation mensuelle de la déduction (jusqu’à son épuisement) des dépenses concourant aux investissements destinés à des équipements et matériels nécessaires à la mise en place de formation par l’apprentissage effectivement payées en 2023. En 2023, un employeur a dépensé 150 € en vue de financer une nouvelle offre de formation par l’apprentissage et a déclaré un montant annuel de part principale de la TA de 1 000 € en 2023. Sur l’année 2024, il pourra déclarer un maximum de déduction sur la part principale à la TA 2024 de 100 € (1 000 € × 10 % = 100 €). S’il est redevable en janvier 2024 d’une part principale de la TA de 80 €, il peut appliquer sur ce mois une déduction maximale de 80 €. Il ne sera ainsi pas redevable de la part principale de TA en janvier 2024. Si le cotisant est redevable en février 2024 d’une part principale de la TA d’un montant de 75 €, il peut appliquer sur ce mois une déduction maximale de 20 €. Il sera donc, au titre de ce mois, redevable de la part principale pour un montant de 55 € (Boss-Contrib. FPA-320).
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La CSA est due annuellement par tout employeur d’au moins 250 salariés redevable de la TA et dont le nombre de salariés alternants est inférieur à un seuil de 5 % de l’effectif total au cours de l’année de référence (C. trav. art. L 6242-1). Les salariés alternants sont ceux en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, bénéficiant d’une convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) ainsi que ceux embauchés dans l’année qui suit la fin du contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Le BOSS indique que cette embauche peut avoir lieu en CDI ou, précision nouvelle, en CDD (Boss-Contrib. FPA-360).
A notre avis : L’ajout de l’embauche en CDD est surprenant et doit, selon nous, être pris avec beaucoup de précautions. En effet, le Code du travail mentionne exclusivement l’embauche en CDI (C. trav. art. L 6241-1) et le Boss lui-même, dans la rubrique relative aux effectifs, ne prévoit pas le décompte des salariés en CDD dans le calcul du ratio d’alternants (Boss-Eff-1740).


Les télétravailleurs déclarent de meilleures conditions de travail et une meilleure santé
« Le télétravail améliore-t-il les conditions de travail et de vie des salariés » ? C’est à cette grande question qu’a tenté de répondre la direction des statistiques et de la recherche du ministère du travail, la Dares, à travers une deuxième étude publiée mardi 5 novembre (voir la première étude). Alors que le télétravail s’est installé dans la vie d’un nombre conséquent de salariés, la question des conditions de travail est cruciale. Dans cette analyse, la Dares s’est intéressée au vécu des salariés.
Les télétravailleurs expriment de meilleures conditions de travail à distance que sur site. C’est le cas pour tous les aspects, aussi bien les facteurs de risques psychosociaux (exigences émotionnelles, intensité du travail, manque de reconnaissance ou d’autonomie, etc.) que pour les contraintes physiques ou horaires.
Note de lecture : lorsqu’il est à 10, le score de conditions de travail correspond à une exposition ou un risque maximal (à 0, il n’y a pas d’exposition ou un risque minimal).
Certaines difficultés sont moindres en télétravail :
- moins d’interruption des tâches ;
- une plus grande facilité d’organiser son travail soi-même ;
- moins de travail sous pression.
A l’inverse, d’autres difficultés augmentent en télétravail :
- absence de discussion avec le collectif ;
- manque de moyens adoptés ;
- manque de soutien des collègues (+ 11 points en télétravail) ;
- manque de soutien du supérieur (+ 9 points).
Malgré ces risques, les télétravailleurs expriment une meilleure articulation vie professionnelle-vie personnelle.
Ainsi, le nombre de plaintes exprimées par les proches aux télétravailleurs (concernant les horaires) est plus faible pour les télétravailleurs, comparativement aux non-télétravailleurs. Pour les auteurs de l’étude, cela pourrait s’expliquer par la réduction des trajets entre le domicile et le lieu de travail. « En moyenne, les trajets domicile-travail supérieurs à trente minutes sont presque deux fois plus fréquents chez les télétravailleurs que chez les non-télétravailleurs », relèvent-ils. Ainsi, le télétravail permet de gagner du temps et de réduire la fatigue.
On peut aussi noter que la manière de réallouer ce temps dépend du genre. « Les hommes le consacrent davantage aux loisirs ou aux soins des enfants, tandis que les femmes le réservent plutôt au travail domestiques » (voir encadré), observent les auteurs.
Au-delà de cette meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la Dares a aussi analysé la santé globale des télétravailleurs. Comme l’indique le graphique ci-dessous, les indicateurs sont tous légèrement meilleurs pour les télétravailleurs.
Globalement, le télétravail est largement souhaité, que ce soit par ceux qui télétravaillent déjà ou non, sachant que 39 % des salariés déclarent occuper un poste télétravaillable. Cette possibilité est une réalité effective pour 61 % d’entre eux. Parmi ces télétravailleurs effectifs, 45 % souhaiteraient télétravailler davantage. À l’inverse, 36 % des salariés sur des postes télétravaillables officient exclusivement sur site et, sans surprise, 69 % d’entre déclarent vouloir télétravailler.
Fait notable, tous ces salariés qui souhaitent augmenter leur fréquence de télétravail ou commencer à télétravailler présentent des conditions de travail moins bonnes que ceux qui ne souhaitent pas en faire ou en faire moins. Le télétravail serait-il souhaité pour « fuir » des conditions de travail globales peu satisfaisantes ? Cela rejoint en tout cas l’analyse faite récemment par une chercheuse au sujet de la semaine de quatre jours.
Télétravail, genre et charge mentale
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Les auteurs constatent qu’en présence d’enfant en bas âge, le télétravail semble permettre une réduction des écarts de temps de travail domestique entre femmes et hommes. Mais ce n’est pas le cas de façon générale. En 2023, les femmes en couple sont 60 % à réaliser plus de sept heures hebdomadaires de travail domestique quand les hommes ne sont que 47 % pour les télétravailleurs et 44 % pour les autres. « Le télétravail pourrait favoriser une réduction passagère des inégalités dans la répartition des tâches domestiques entre femmes et hommes après la naissance d’un enfant », supputent les auteurs. Au niveau de la charge mentale en lien avec le travail domestique, les écarts entre hommes et femmes sont encore plus importants en cas de télétravail. Pour atteindre un rééquilibrage des tâches grâce au temps gagné par le télétravail, il faudrait selon les auteurs « un effort de coordination et de maîtrise des différentes temporalités, rôle traditionnellement dévolu aux femmes, ce qui semble persister, voir s’accentuer avec le télétravail ». |
