ACTUALITÉ
SOCIAL

Avantages en nature et frais professionnels : le Boss intègre de nouveaux rescrits sociaux
Un avantage en nature est constitué lorsque l’employeur fournit gratuitement la nourriture à un salarié. Toutefois, lorsque l’employeur rembourse les frais que le salarié a engagés pour se nourrir lors d’un déplacement professionnel, il s’agit de frais professionnels susceptibles d’être exclus de l’assiette des cotisations. Qu’en est-il de la prise en charge des repas pour les salariés mis à disposition par une entreprise lorsqu’ils travaillent au sein de l’entreprise utilisatrice ? Constitue-t-elle un avantage en nature ou peut-elle être exclue de l’assiette des cotisations au titre des frais professionnels ?
L’administration a répondu à cette question, qui lui a été posée dans le cadre de deux rescrits sociaux (Boss-AN-115 ; Boss-FP-325). Elle rappelle qu’en situation de mise à disposition le lieu de travail habituel est celui de l’entreprise utilisatrice, et non celui de l’entreprise cliente de l’entreprise utilisatrice. Elle distingue ainsi plusieurs situations :
– si les salariés mis à disposition peuvent prendre leur repas sur leur lieu de travail habituel, c’est-à-dire dans l’entreprise utilisatrice, ils ne sont pas considérés comme étant en situation de déplacement. La prise en charge de leurs frais de repas est considérée comme un avantage à soumettre à cotisations et contributions sociales ;
– si les salariés mis à disposition sont en situation de déplacement dans le cadre de leur travail au sein de l’entreprise utilisatrice, l’indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas ou de restauration est exclue de l’assiette des prélèvements sociaux dans les conditions prévues par l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels. Il est nécessaire de prouver la réalité des déplacements en dehors des locaux de l’entreprise utilisatrice des salariés mis à disposition ;
– si, lors de la mise à disposition, les salariés ont des horaires de travail particuliers les conduisant à prendre leur repas de façon décalée par rapport aux autres salariés de l’entreprise utilisatrice, la prise en charge des frais de repas peut être exonérée de cotisations et contributions sociales dans les conditions prévues par l’arrêté du 20 décembre 2002, sous réserve d’une utilisation conforme à leur objet.
A noter : S’agissant de l’indemnité de restauration sur le lieu de travail lorsque le travailleur est contraint, en raison des conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail, de prendre son repas sur son lieu de travail, la Cour de cassation a récemment jugé que l’exclusion d’assiette des cotisations s’applique pour le salarié travaillant « en journée » et ne disposant que d’une pause repas de 30 minutes. La circonstance que la contrainte ait lieu pendant les heures habituelles de repas n’est pas de nature à remettre en cause l’absence d’assujettissement (Cass. 2e civ. 30-1-2025 n° 22-20.960).
L’administration intègre également dans le Boss un rescrit (Boss-res-5) sur le versement aux salariés d’une somme pour les moments conviviaux. Ainsi, l’octroi par l’employeur d’un budget de 50 € par salarié et par an pour l’organisation de moments conviviaux internes à l’entreprise peut-il être considéré comme un avantage en nature à assujettir à cotisations et contributions sociales ?
Dès lors que la présence du salarié à l’événement organisé par l’employeur est obligatoire et que l’activité se déroule pendant le temps de travail, cette activité est considérée comme ayant un caractère professionnel. Dans ce cadre, elle ne constitue ni un avantage en nature ni un cadeau de l’employeur à assujettir, sous réserve que le budget consacré et la fréquence des événements restent raisonnables. En revanche, lorsque ces conditions cumulatives ne sont pas réunies, un avantage en nature, selon la nature de l’événement, est accordé aux salariés et doit être assujetti à cotisations et contributions sociales selon les règles de droit commun.
A noter : Cette position administrative est à rapprocher de la tolérance admise à propos des fêtes d’entreprise : aucun avantage en nature ne doit être retenu lorsque le CSE ou l’employeur, même en présence d’un CSE, organise, au maximum une fois par an, un événement festif de fin d’année ou d’anniversaire de l’entreprise si l’ensemble des salariés y est convié et que le coût de l’événement est global et non individualisé (Boss-FP-1520). Notons que ce rescrit ne figure pas dans la rubrique « Avantages en nature », contrairement à ce qu’il indique, mais uniquement dans la rubrique « Rescrits sociaux ».
Pour certaines catégories de salariés, les employeurs sont autorisés à appliquer à la base de calcul des cotisations de sécurité sociale, dans la limite d’un plafond, une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS). Ils peuvent l’appliquer si les salariés appartiennent à une profession dont la liste figure à l’article 5 de l’annexe IV du CGI dans sa rédaction en vigueur au 31-12-2000 et supportent effectivement des frais lors de leur activité professionnelle (Arrêté du 20-12-2002 art. 9 ; Boss-FP-2120 s.).
En principe, le DFS ne se cumule pas avec l’exonération des indemnités pour frais professionnels. Ainsi, l’intégration dans l’assiette des cotisations des indemnités pour frais professionnels en cas d’application d’une DFS vise aussi bien les remboursements de frais réels et les allocations forfaitaires que les prises en charge directes par l’employeur (en ce sens, Boss-FP-2240). Par exception, certaines indemnités pour frais professionnels, dont la prime de transport de 4 €, n’ont pas à être ajoutées à la base de calcul des cotisations, même s’il est fait application d’une déduction forfaitaire spécifique (Boss-FP-2250).
Dans 8 secteurs, le Boss prévoit la suppression au terme d’une période transitoire de la DFS, avec une diminution progressive du taux applicable : la propreté, le BTP, l’aviation civile, le transport routier de marchandises, les casinos et cercles de jeux, le spectacle vivant et enregistré, les VRP et les journalistes (Boss-FP-2300). Par tolérance, la déduction forfaitaire peut, dans ces secteurs (Boss-FP-2310-2320) :
– s’appliquer même en l’absence de frais professionnels réellement supportés par un salarié (par exemple en cas d’application par une caisse de congés payés du secteur de la déduction sur des indemnités de congés payés) ;
– se cumuler avec l’ensemble des remboursements de frais professionnels définis par l’arrêté du 20 décembre 2002. Le cas échéant, l’intégration dans l’assiette des cotisations sociales des remboursements de frais professionnels et des prises en charge directes par l’employeur n’est pas obligatoire avant l’application de la déduction forfaitaire spécifique.
Dans sa mise à jour du 2 avril 2025, le Boss apporte des précisions sur le cumul de la DFS et d’une indemnité de transport prévue par une convention collective nationale (CCN). Ainsi, la DFS est-elle cumulable avec l’indemnité de transport prévue par une convention collective nationale, y compris pour sa fraction excédant la limite de 4 € ?
L’administration répond par la négative. L’indemnité de transport prévue par une CCN, qui est distincte de la prime de transport de 4 € instituée par l’arrêté du 28 septembre 1948, ne constitue pas un remboursement de frais professionnels au sens de l’arrêté du 20 décembre 2002. En conséquence, elle n’est pas cumulable avec la DFS, même pendant la période transitoire de sortie progressive du dispositif applicable aux 8 secteurs mentionnés ci-dessus. Il faut donc l’intégrer dans l’assiette des cotisations et contributions sociales dès le premier euro, préalablement à l’application de l’abattement.


Forfait-jours réduit : le maintien d’assiette à temps plein des cotisations Agirc-Arrco est assoupli
Les cotisations d’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale peuvent, sur option, être calculées sur le salaire correspondant au temps plein pour les salariés titulaires (CSS art. L 241-3-1) :
– d’un contrat de travail à temps partiel ;
– d’un contrat de travail donnant lieu au versement d’une rémunération non déterminée en fonction du nombre d’heures de travail effectuées (par exemple, les salariés en forfait-jours réduit mais aussi ceux en forfait annuel en heures), à condition que cette rémunération soit inférieure à celle correspondant à une activité exercée à temps plein.
Cette mesure dont le bénéfice doit résulter d’un accord écrit du salarié et de l’employeur, a été étendue à la retraite complémentaire ( ANI 17-11-2017 art. 75). En effet, le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco a ouvert aux salariés pour lesquels les cotisations d’assurance vieillesse sont calculées sur la base de la rémunération correspondant au temps plein, la possibilité d’acquérir des points de retraite calculés sur la même base.
Le versement des cotisations de retraite complémentaire sur un salaire temps plein est subordonné :
– à l’existence d’un accord entre le salarié et son employeur figurant dans le contrat de travail (ou un avenant) ;
– à la levée de l’option auprès du régime général dans le cadre de l’article L 241-3-1 du Code de la sécurité sociale.
S’agissant des salariés en forfait-jours réduit, le bénéfice du maintien d’assiette à temps plein des cotisations d’assurance vieillesse de base est limité : il n’est ouvert qu’au salarié dont la rémunération n’excède pas 1,7 Smic (CSS art D 241-1-1).
Le régime Agirc-Arrco a souhaité permettre à tous les salariés en forfait-jours réduit, quel que soit leur niveau de rémunération, d’accéder au dispositif de maintien des cotisations de retraite complémentaire. L’avenant n° 23 du 18 décembre 2024 à l’ANI du 17 novembre 2017 modifie l’article 75 en ce sens. Ainsi, tous les salariés en forfait-jours réduit peuvent acquérir des points de retraite complémentaire à hauteur de ceux qu’ils auraient acquis s’ils avaient exercé leur activité à temps plein, dans la limite de 8 plafonds de la sécurité sociale.
L’assiette de leurs cotisations Agirc-Arrco est déterminée comme suit : rémunération correspondant au forfait jours réduit x (218 ou nombre de jours correspondant à un temps plein dans l’entreprise s’il est inférieur à 218) / nombre de jours de forfait réduit (voir la circulaire Agirc-Arrco 2025-6 DRJ du 19-3-2025).

La fraction de salaire absolument insaisissable est portée à 646,52 € au 1er avril 2025
Le salarié dont la rémunération fait l’objet d’une saisie ou d’une cession de rémunération doit dans tous les cas conserver à sa disposition une somme égale au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) fixé pour un foyer composé d’une seule personne (C. trav. art. R 3252-5).
Comme chaque année au 1er avril, le montant forfaitaire du RSA est revalorisé (décret n° 2025-293). Il s’élève désormais, pour une personne vivant seule et sans personne à charge, à 646,52 €, contre 635,71 € auparavant (montant en vigueur depuis le 1er avril 2024). La fraction de salaire absolument insaisissable est donc portée à 646,52 € au 1er avril 2025.

Licenciement pour absence de diplôme : nul ne peut se prévaloir de sa propre négligence
Dans le cadre d’un recrutement, il est courant qu’un employeur demande au candidat à un poste de justifier des formations suivies ou des qualifications obtenues par la délivrance de diplômes et de certificats. Dans certaines professions réglementées, l’obtention d’un diplôme ou d’une autorisation constitue même une condition sine qua non. Dès lors, le recours à un salarié ne disposant pas des qualifications exigées, peut exposer l’employeur à des sanctions pénales.
Si le contrat de travail peut être rompu a posteriori en cas de manœuvre dolosive de la part du salarié (mensonges répétés sur ses expériences, remise de diplômes frauduleux par exemple), notamment lorsque ces éléments ont été déterminants pour son embauche, il en est autrement si l’employeur manque de diligence.
En ce sens, la Cour de cassation rappelle, dans cet arrêt du 26 mars 2025, que l’employeur ne peut justifier un licenciement en se prévalant de ses propres négligences, en particulier lorsqu’il ne vérifie pas les diplômes obtenus par le salarié préalablement à son embauche.
Une salariée est engagée en tant que préparatrice en pharmacie en 1998. La pharmacie où elle opère est rachetée et la relation de travail se poursuit après la conclusion d’un avenant au contrat en 2015. Elle est licenciée pour faute grave plus de deux ans après, lorsque le nouvel employeur apprend qu’elle n’a pas le diplôme nécessaire pour exercer. Pour confirmer le licenciement en appel, les juges du fond relèvent que :
- la salariée a occupé pendant de nombreuses années une profession réglementée, sans remplir les conditions tenant à l’obtention du diplôme nécessaire ou d’une autorisation préfectorale d’exercice (prérequis rappelé expressément dans son contrat de travail) et sans en informer ses employeurs ;
- lors d’un contrôle de l’antenne régionale en 2017, la salariée n’a pas informé son employeur de son absence de diplôme et est restée silencieuse aux demandes de justifications malgré deux mises en demeure.
De ces éléments, l’absence de transparence et de déclaration de la salariée sur le caractère illicite de son statut permettent aux juges de caractériser un manquement à son obligation de loyauté : le contrat de travail n’est alors pas exécuté de bonne foi dans ces conditions. Une situation d’autant plus préjudiciable pour l’employeur dans la mesure où la dissimulation de cette situation est de nature à engager sa responsabilité pénale.
La salariée qui porte l’affaire en cassation tente de retourner la situation en sa faveur. Quand bien même elle aurait exercé la profession sans diplôme pendant de nombreuses années, elle soutient qu’il appartient malgré tout, au pharmacien de s’assurer que ses subordonnées aient les diplômes requis pour exercer leur métier (article R.4235-15 du code de la santé publique). L’argument est sans appel. En reprenant les constatations des juges du fond, conduisant à une situation illicite, la Cour de cassation fait droit à la salariée et casse l’arrêt. Elle considère que : « la société avait poursuivi les relations contractuelles durant plusieurs années sans vérifier que la salariée disposait de la qualification nécessaire à l’emploi de préparatrice en pharmacie, de sorte qu’elle ne pouvait invoquer une réglementation à laquelle elle avait elle-même contrevenu et se prévaloir de sa propre négligence pour reprocher à la salariée une faute grave ».
Contrairement aux juges du fond qui accordaient la primauté de l’obligation de loyauté dans la justification du licenciement, la Cour de cassation conserve sa ligne jurisprudentielle. Elle fait ici une application de la règle de droit selon laquelle, nul ne peut invoquer une irrégularité dont il est à l’origine pour se dégager de ses obligations.
Dans des cas similaires, il a été admis que si l’employeur ne procède pas aux vérifications nécessaires quant à l’obtention de diplôme requis au moment de l’embauche, il ne peut, ultérieurement, ni licencier ni obtenir la nullité du contrat de travail (arrêt du18 mai 2011 ; arrêt du 9 juin 2017). La vigilance à ce stade du recrutement est alors de mise puisque ces vérifications relèvent de sa responsabilité. Si le précédent employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires lors de l’embauche, le nouveau repreneur aurait dû vérifier les qualifications de la salariée lors de la reprise de son contrat de travail au moment du rachat. Une prise de conscience de cette irrégularité quelques années plus tard est tardive et constitue une négligence de sa part. L’omission et le manque de transparence de la salariée ne peuvent donc lui être reprochés.


Allégements généraux de cotisations patronales pour 2025 : les modalités sont fixées
Les allégements généraux de cotisations patronales ont été remaniés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 du 28 février 2025. Le décret du 4 avril 2025 qui précise les modalités d’application de ces allégements pour l’année 2025 est paru au Journal officiel du 6 avril 2025.
Pour les cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2025, la loi de financement de la sécurité sociale a modifié les articles du code de la sécurité sociale et les plafonds d’application de la réduction des taux sont réduits à :
- 2,25 Smic (contre 2,5 Smic jusqu’au 31 décembre 2024) pour la réduction du taux de la cotisation maladie (article L.241-2-1 modifié du code de la sécurité sociale) ;
- 3,3 Smic (contre 3,5 Smic jusqu’au 31 décembre 2024) pour la réduction du taux de la cotisation famille (article L.241-6-1 modifié du code de la sécurité sociale).
La valeur du Smic à prendre en compte devait être précisée par décret. Allait-on conserver la valeur du Smic applicable au 31 décembre 2023 ou prendre en compte la valeur du Smic applicable en janvier 2025 ?
Le décret répond à cette question et précise que la valeur du Smic à retenir pour les rémunérations versées depuis le 1er janvier 2025 est celle applicable à cette date, soit 11,88 euros de l’heure ou 1 801,84 euros par mois pour 151,67 heures de travail. Dans ce cas, pour un salarié à temps plein, présent tout le mois, ces seuils s’élèvent donc à :
- 4 054,14 euros pour le taux de la cotisation maladie (1 801,84 × 2,25) ;
- 5 946,07 euros pour le taux de la cotisation famille (1 801,84 × 3,3).
Le plafond de la rémunération éligible à la réduction fixé à 1,6 Smic au 1er janvier 2025
Jusqu’à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 du 28 février 2025, le plafond de rémunération ouvrant droit à la réduction générale était fixé par la loi, à l’article L.241-13 du code de la sécurité sociale. La loi a modifié cet article afin d’y supprimer le plafond de rémunération, prévoyant que celui-ci est dorénavant fixé par décret.
Le décret du 4 avril 2025 fixe ce plafond de rémunération à 1,6 Smic applicable au 1er janvier 2025, soit 34 595,28 euros (2 882,94 € x 12) pour un salarié à temps plein présent l’année entière.
Ce plafond n’évoluera pas au cours de l’année, même si le Smic augmente. En effet, le décret du 4 avril 2025 supprime le dernier alinéa du II de l’article D.241-7 du code de la sécurité sociale qui prévoyait cette évolution en cas de modification du Smic en cours d’année.
Diminution de la valeur de T à compter du 1er mai 2025
La valeur T à prendre en compte pour le calcul du coefficient de la réduction Fillon est modifiée au 1er mai 2025 par le décret.
En effet, le taux maximum de cotisation AT/MP pris en compte dans la valeur T est augmenté (il passe de 0,46 % à 0,50 %) et le montant des cotisations chômage diminue à compter du 1er mai 2025 (il passe de 4,05 % à 4 %).
En conséquence, les valeurs 0,3194 et 0,3234 sont remplacées par :
- 0,3193 pour les entreprises de moins de 50 salariés (taux FNAL à 0,10 %) ;
- 0,3233 pour les entreprises de 50 salariés et plus (Taux FNAL à 0,50 %).
Ces nouveaux paramètres de T s’appliquent aux cotisations et contributions dues sur les rémunérations afférentes aux périodes d’emploi courant à compter du 1er mai 2025. Pour les entreprises pratiquant le décalage de la paie, elles ne s’appliqueront donc qu’à compter du salaire de mai payé début juin 2025.
Des régularisations à prévoir ?
Le calcul de la réduction générale des cotisations patronales étant annuel, du fait du changement de coefficient en cours d’année, des régularisations seront peut-être nécessaires selon le mode de calcul qui sera fourni par l’administration pour l’articulation des deux périodes. Le Boss devrait apporter des précisions à ce sujet prochainement.
Comme l’avaient précisé l’Assurance maladie et le site Net-entreprises.fr, le décret prévoit que les taux de cotisations AT/MP 2025 s’appliqueront à compter du 1er mai 2025, sans effet rétroactif.
Les taux de cotisation AT/MP 2024 restent donc applicables jusqu’au 30 avril 2025.
Rappelons que les taux de cotisation AT/MP sont déterminés annuellement. Ils sont fixés en application de plusieurs arrêtés (publiés en application de la loi de financement de la sécurité sociale) fixant les majorations, les coûts moyens et les taux collectifs.
► Les arrêtés fixant ces taux pour l’année 2025 sont à paraître.
L’alinéa 3 de l’article D.242-6-11 du code de la sécurité sociale précise que les taux de cotisation AT/MP entrent en vigueur à partir du 1er jour du trimestre civil suivant leur publication au Journal officiel. En cas de publication après le 31 décembre, ce sont les taux nets antérieurs qui s’appliquent jusqu’à la publication des nouveaux taux nets.
Compte tenu de la date de parution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le 28 février, les nouveaux taux AT/MP auraient dû s’appliquer à compter du 1er avril 2025. Le taux de la cotisation AT/MP étant une des composantes de la valeur de T qui sert à calculer le coefficient de la réduction générale des cotisations patronales, cette date d’application aurait conduit à avoir trois valeurs de T différentes en 2025.
L’article 2 de la loi du 16 août 2022 « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » a créé une déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises d’au moins 20 à moins de 250 salariés.
Le montant de la déduction forfaitaire était jusqu’à présent fixé par décret à 0,50 euros (n° 2022-1506 du 1er décembre 2022).
Le décret du 4 avril 2025 intègre ce montant de 0,50 euros dans le code de la sécurité sociale (article D.241-24 modifié). En conséquence, le décret du 1er décembre 2022 est abrogé.


Des précisions sur l’assiette de calcul de l’indemnité pour licenciement nul
Selon l’article L 1235-3-1 du Code du travail, créé par la loi «Travail» du 8 août 2016, lorsque le licenciement est nul, le juge octroie au salarié qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Le Code du travail ne définit pas précisément les salaires pris en compte pour le calcul de cette indemnité. C’est donc à la jurisprudence qu’il incombe de préciser cette notion. C’est ce que vient de faire la Cour de cassation (pourvoi n° 23-20.987), dans un arrêt publié au bulletin de ses chambres civiles.
A noter : Dans cette affaire, le juge se prononce en application de l’article L 1235-3-1 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi « Travail ». Le texte ne visait alors que les licenciements nuls en cas de discrimination (C. trav. art. L 1132-1), de harcèlement sexuel (C. trav. art. L 1153-2) ou de violation de la protection liée à la maternité (C. trav. art. L 1224-5 et L 1225-5). L’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 a étendu le champ d’application de ce texte à tous les cas de nullité de licenciement. En tout état de cause, avant l’entrée en vigueur de la loi « Travail », la jurisprudence reconnaissait déjà au salarié dont le licenciement était annulé et qui n’était pas réintégré le droit à une indemnité au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du Code du travail alors en vigueur, c’est-à-dire à 6 mois de salaire (notamment Cass. soc. n° 10-15.222). La décision du 2 avril 2025 est donc transposable pour l’application de l’article L 1235-3-1 dans sa rédaction actuellement en vigueur. D’ailleurs, en l’espèce, la nullité du licenciement était motivée par le harcèlement moral subi par le salarié, cas non visé par l’article L 1235-3-1 dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits.
Premier point sur lequel se prononce la Cour de cassation : la définition des « 6 derniers mois » pris en compte pour calculer l’indemnité due au salarié. Il s’agit, sans surprise, des 6 mois précédant la rupture du contrat de travail. Pour évaluer l’indemnité due au salarié, le juge doit donc retenir le total des salaires perçus au cours des 6 mois antérieurs à la rupture.
A noter : L’indemnité de 6 mois de salaire est une indemnité plancher : le juge, qui apprécie souverainement le préjudice subi par le salarié, est libre de lui accorder une indemnité d’un montant supérieur (par exemple, Cass. soc. n° 01-43.717). Par ailleurs, une question a pu se poser, à propos des salariés dont l’ancienneté est inférieure à 6 mois. Ils ont droit à l’indemnité pour licenciement nul, qui est due quelles que soient leur ancienneté et la taille de l’entreprise (Cass. soc. n° 09-66.210). Mais dans la mesure où l’article L 1235-3-1 du Code du travail vise, non pas une indemnité minimale de 6 mois, mais une indemnité « qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois », que doit faire le juge ? La Cour de cassation a répondu : ces salariés ont droit, en tout état de cause, à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire (Cass. soc. n° 02-41.045 ; Cass. soc. n° 04-40.266). Le juge doit donc extrapoler à partir des éléments de salaire dont il dispose pour calculer l’indemnité du salarié.
C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation affirme cette règle aussi fermement à propos du licenciement nul, mais celle-ci ne surprend pas. En effet, ce principe a déjà été retenu à plusieurs reprises à propos de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’époque où elle était prévue par l’ancien article L 1235-3 du Code du travail, qui était rédigé dans les mêmes termes que l’actuel article L 1235-3-1 (voir par exemple Cass. soc. n° 03-43.780 ; également Cass. soc. n° 08-42.767, qui avait précisé que le juge devait prendre en compte la rémunération des 6 derniers mois, et non un salaire mensuel moyen).
A noter : La Cour de cassation a jugé récemment que lorsque le salarié est en temps partiel thérapeutique au moment où il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui perçu avant ce temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé (Cass. soc. n° 23-13.975). Selon nous, la même règle doit être appliquée pour le calcul de l’indemnité pour licenciement nul.
La Cour de cassation apporte également une précision inédite sur l’assiette de calcul de l’indemnité pour licenciement nul. Celle-ci doit en effet tenir compte des primes perçues par le salarié, le cas échéant proratisées, et des heures supplémentaires accomplies au cours de la période de 6 mois.
A noter : Là encore, la décision ne surprend pas : la Cour de cassation transpose sa jurisprudence classique rendue à propos de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l’ancien article L 1235-3 du Code du travail (voir, à propos des primes, Cass. soc. n° 91-45.617, Cass. soc. n° 12-27.928 ; à propos des heures supplémentaires, Cass. soc. n° 03-43.585). Jurisprudence qui, selon nous, s’applique pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse versée en application du barème d’indemnités prévu par l’actuel article L 1235-3. Ainsi, la Cour de cassation s’appuie sur les mêmes principes pour fixer les règles de calcul de ces différentes indemnités.
S’agissant des heures supplémentaires, le principe posé par la Cour de cassation est clair : il faut intégrer dans l’assiette de calcul la rémunération des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des 6 mois précédant la rupture du contrat de travail. La rémunération d’heures supplémentaires effectuées hors de cette période, mais versée au salarié au cours des 6 mois précédant la rupture est exclue.
Ainsi, en cas de condamnation de l’employeur à verser au salarié un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires correspondant à la période de référence sur laquelle est calculée cette indemnité, celles-ci doivent être prises en compte. En l’espèce, la cour d’appel avait accordé au salarié un rappel de plus de 92 000 € au titre d’heures supplémentaires non payées, mais avait refusé de les réintégrer dans la base de calcul de l’indemnité pour licenciement nul. Sa décision est censurée pour violation de la loi.
A noter : Le même principe s’applique, par exemple, pour le calcul de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 6 mois de salaire (Cass. soc. n° 01-40.779 ; Cass. soc. n° 05-40.464).
S’agissant des primes perçues par le salarié, la rédaction de la décision de la Cour de cassation peut donner lieu à des interprétations divergentes. Faut-il tenir compte uniquement des primes perçues par le salarié au cours de la période de 6 mois précédant la rupture, le cas échéant proratisées ? Si cette interprétation était retenue, les primes versées hors de cette période de 6 mois ne seraient pas retenues, quelle que soit leur périodicité. Ou bien faut-il retenir les primes annuelles perçues hors de cette période, mais qui y ont afférentes, en les proratisant ? Par exemple, si un salarié est licencié en novembre, et ne perçoit pas la prime de 13e mois, faut-il ajouter 1/12e du montant de cette prime à chacun des 6 derniers mois de salaire ? Une précision de la Cour de cassation sur ce point serait la bienvenue.


La directive sur la transparence salariale va entraîner une « révolution culturelle dans notre pays »
Renouvelée à son poste après la censure du gouvernement Barnier, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet a rencontré le 3 avril la presse lors d’un rendez-vous organisé par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). L’occasion de faire un tour complet des dossiers qui l’occupent actuellement et dans les mois à venir.
Le dossier le plus en vue ces dernières semaines est sans conteste celui des retraites. Mais après les protestations des partenaires sociaux estimant que le gouvernement se montrait trop intrusif dans les discussions, la ministre assure qu’il faut « laisser les partenaires sociaux travailler » et qu’il leur revient « de trouver des compromis ». La ministre juge toutefois « extrêmement intéressante la feuille de route sur laquelle [les partenaires sociaux] se sont mis d’accord » et se félicite que « ceux qui sont autour de la table ont envie d’avancer », allant au-delà du seul retour à l’équilibre financier préconisé par François Bayrou et explorant la question du financement de la protection sociale et de la gouvernance.
L’occasion aussi pour la ministre de battre en brèche certaines certitudes. « Il faut sortir de cette imaginaire français de la réforme des retraites qui serait toujours la der des der et [se placer davantage] dans une logique d’ajustement permanent, ce qu’arrive à faire l’Agirc-Arrco ». Le PLFSS lui-même « gagnerait à avoir une logique pluriannuelle », assure Astrid Panosyan-Bouvet.
Une autre négociation va s’ouvrir « dans les jours qui viennent » : celle relative aux transitions professionnelles. « Les dispositifs [actuels] ne marchent pas aujourd’hui ; ils sont complexes, coûteux et peu orientés vers les personnes et les métiers qui en ont le plus besoin dans un double contexte de restructurations économiques de filières et de l’importance du sujet pénibilité pour des métiers qui ne seront pas tenables toute une vie », constate la ministre du travail. Il existe en effet aujourd’hui trois dispositifs : TransCo, Pro-A et le projet de transition professionnelle (PTP). « Il faut sanctuariser les dispositifs de reconversion à la main des salariés, gérés par les partenaires sociaux et unifier en un seul dispositif TransCo et Pro-A pour les simplifier et les rendre plus opérationnels (…) dans une logique d’alternance tout au long de la vie », suggère-t-elle.
Les délais impartis aux partenaires sociaux seront serrés, Astrid Panosyan-Bouvet espérant que les partenaires sociaux – « qui sont très en demande » – aboutissent à temps pour intégrer les résultats des discussions dans le projet de loi qui transpose les ANI assurance chômage, seniors et mandats des CSE qui doit être examiné en juin prochain. « Il faut qu’on soit très rapidement opérationnels », insiste-t-elle.
S’agissant du compte personnel de formation (CPF), la ministre rappelle que les entreprises peuvent co-abonder le CPF. Selon elle, ces co-constructions des parcours de formation « sont très valorisantes tant pour le salarié que pour l’entreprise, permettant de répondre aux métiers en tension et aux compétences d’avenir ».
Le travail sur la qualité de la formation n’est pas terminé, a tenu à rappeler Astrid Panosyan-Bouvet. En effet une la proposition de loi « Cazenave » [qui vise à renforcer la lutte contre les fraudes aux aides publiques] toute juste adoptée mercredi soir vise à revoir les règles actuelles. « Qualiopi n’est pas suffisant en termes de certification qualité », estime la ministre.
Parmi les autres sujet prioritaires qui attendent Astrid Panosyan-Bouvet, celui de la transposition de la directive sur la transparence salariale. Elle compte finaliser un texte qui sera prêt pour septembre et débattu à l’automne.
Des arbitrages devront être pris sur la fréquence de publication des indicateurs, les seuils d’application et les sanctions. Surtout la ministre attend de l’effectivité déplorant tous ces « textes pavés de bonnes intentions mais qui ne permettent pas d’avancer sur l’égalité ».
Selon elle, la directive va entraîner une « révolution culturelle dans notre pays car les offres devront être beaucoup plus précises : offre de rémunération, fourchette étroite et interdiction pour un recruteur de demander la rémunération actuelle ce qui jouera un rôle important pour les femmes ».
En matière de salaires, la ministre continue à scruter les minima conventionnels. « Quatre branches sont structurellement en situation de non-négociation [foyers des jeunes travailleurs, distribution directe, hospitalisation privée et prestations de services du secteur tertiaire]. Une dizaine de branches rencontrent des difficultés de négociation pour les minima ou les classifications. Elle se dit également « vigilante sur les NAO », notamment dans « des entreprises qui marchent vraiment bien (énergie, défense) où les NAO sont poussives au regard des résultats de l’entreprise. Le dialogue social doit pleinement jouer son rôle ».
Enfin, un autre chantier sera ouvert à l’issue du « conclave », celui des conditions de travail. Une conférence sociale devait s’ouvrir sur le sujet en mars mais a été repoussée. Le point de départ de ces réflexions est le coût exponentiel des indemnités journalières de sécurité sociale. Cette progression est « liée à l’indexation du Smic et au vieillissement de la population pour 60 %, les 40 % restants étant liés au recours fréquent aux indemnités journalières toutes catégories démographiques confondues ».
« Il y a des abus, clairement, mais ça dit aussi quelque chose de la transformation du monde du travail et c’est cela qu’il faut regarder en profondeur ».
► A noter : la ministre a indiqué au cours de cette rencontre que la liste des métiers en tension sera publiée avant la fin du mois, les services compétents procédant « aux derniers ajustements ».


Les faits reprochés au salarié atteint de troubles psychiques ne lui sont pas imputables
En l’espèce, un salarié ayant 28 ans d’ancienneté dans l’entreprise au sein de laquelle il travaille, fait l’objet de nombreux arrêts de travail pour dépression. Après avoir envoyé des messages menaçants, de façon répétée, à l’une de ses collègues, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire. Puis, il a été hospitalisé à la suite d’une décompensation psychotique, ce qui a entraîné le report de son entretien préalable. Il a été licencié pour faute grave.
Le salarié conteste son licenciement. Pour la cour d’appel, les faits qui lui sont reprochés ne lui sont pas imputables puisqu’il se trouvait dans un état psychique fortement altéré pouvant obérer ses facultés de discernement quant au caractère répréhensible de son comportement, et qu’il était en rupture de traitement depuis plusieurs mois selon le médecin psychiatre. Elle juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme un pourvoi contre cette décision en faisant valoir qu’il ignorait l’état de santé psychique du salarié lors de son licenciement puisqu’il n’avait, comme l’avaient expressément constaté les juges du fond, découvert le motif des arrêts de travail pour maladie qu’à l’occasion de la procédure prud’homale.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel : du fait des troubles mentaux du salarié, les faits reprochés ne lui étaient pas imputables.
L’état psychique du salarié peut, a minima, être pris en compte pour apprécier la gravité d’une faute (arrêt du 5 novembre 1991 ; arrêt du 28 mai 2008 et arrêt du 17 juin 2009). Ainsi, les juges du fond doivent rechercher, lorsque cela leur est demandé, si le comportement du salarié invoqué comme motif de la rupture du contrat de travail n’était pas en rapport avec son état de santé (arrêt du 28 janvier 1998 ; arrêt du 31 octobre 2006). Les juges du fond peuvent donc, a fortiori, lorsqu’ils estiment que les faits reprochés ont été commis alors que le discernement du salarié était aboli, retenir qu’ils ne sont pas imputables au salarié, quand bien même leur réalité n’était pas contestée (dans le même sens s’agissant d’un salarié protégé : Conseil d’Etat, 3 juillet 2013 ; et pour une décision des juges du fond : cour d’appel de Metz, 17 mai 2005 n° 03-947). Il s’agit là de l’exercice, par les juges du fond, du pouvoir qu’ils tiennent de l’article L.1235-1 du code du travail pour apprécier la réalité et le sérieux de la cause de licenciement, appréciation qui n’est pas contrôlée par la Cour de cassation. Et le fait que l’employeur soit ou non avisé de l’existence des troubles est, à cet égard, indifférent, l’appréciation de l’imputabilité des troubles au salarié étant nécessairement subjective et liée à l’existence ou non de son discernement. On observera au demeurant que la chambre sociale a récemment précisé que le licenciement d’un salarié prononcé en raison de son état de santé est nul (sauf inaptitude constatée par le médecin du travail), en sorte qu’une cour d’appel ayant constaté le lien entre les faits reprochés et l’état de santé du salarié ne peut pas dire le licenciement fondé au motif que l’employeur n’aurait pas été informé de la nature de la pathologie dans les suites de l’incident sur le lieu de travail et que l’intention de nuire ou de dissimuler la véritable cause du licenciement n’était pas établie (arrêt du 7 mai 2024). |

Diminution du plafond d’exonération des cotisations salariales pour les contrats d’apprentissage : le décret est paru
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 du 28 février 2025 a diminué le plafond d’exonération des cotisations salariales des apprentis pour les contrats conclus à compter du 1er mars 2025.
Le seuil d’exonération des cotisations sociales salariales est dorénavant plafonné à 50 % du Smic, au lieu de 79 % jusqu’à présent (article L.6243-2 modifié du code du travail).
Un décret du 28 mars 2025 modifie en conséquence l’article D.6243-5 du code du travail et baisse le seuil d’exonération prévu par cet article de 79 % à 50 % du Smic
Ainsi, pour les contrats conclus à compter du 1er mars 2025, la part de la rémunération exonérée de l’apprenti est égale à :
11,88 € x (35h x 52/12) x 50 % = 900,90 €.

Harcèlement moral : la constatation de la dégradation des conditions de travail ou de l’état de santé n’est pas nécessaire
Dans cette affaire, une salariée subit un accroissement de ses tâches, des avertissements injustifiés et une absence de prise de congés en 2016. S’estimant victime d’un harcèlement moral, elle saisit la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes relatives à la rupture et à l’exécution de son contrat de travail. Le conseil de prud’hommes de Paris la déboute de ses demandes au titre du harcèlement moral. La cour d’appel confirme le jugement, estimant que les faits rapportés par la salariée n’ont pas eu pour effet de dégrader ses conditions de travail ni d’altérer son état de santé, et ne peuvent donc pas être qualifiés de harcèlement. La salariée ne partage pas cette analyse et se pourvoit en cassation. Elle soutient que la cour d’appel en ne qualifiant pas les faits de harcèlement moral, alors même que l’employeur n’était pas parvenu à en apporter la preuve contraire ni à apporter de justification étrangère à tout harcèlement, a méconnu les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.
La Cour de cassation doit alors déterminer si le juge, après avoir constaté l’existence de faits présentés par le salarié laissant présumer un harcèlement moral, puis l’absence de justification par l’employeur, peut considérer qu’ils ne caractérisent pas un harcèlement moral au motif qu’ils n’ont pas eu pour effet de dégrader les conditions de travail ni d’altérer l’état de santé de celui-ci ?
L’article L.1152-1 du code du travail, qui définit la notion de harcèlement moral, dispose qu' »aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
En l’espèce, la cour d’appel de Paris avait reconnu que la salariée établissait des faits précis qui laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral. Elle avait également constaté la défaillance de l’employeur à prouver que ceux-ci étaient étrangers à tout harcèlement conformément au régime probatoire prévu par l’article L.1154-1 du code du travail. Elle refusait pourtant de reconnaître que les faits rapportés par la salariée laissaient présumer un harcèlement moral, au motif que ceux-ci n’avaient pas entrainé la dégradation effective de ses conditions de travail ni de son état de santé. Selon les juges du fond, cette dégradation effective constituait donc une condition sine qua non de la qualification de harcèlement moral.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : « en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’avertissement du 8 septembre 2015 était injustifié et que l’employeur ne fournissait aucune explication sur l’absence de sollicitation de la salariée quant à la fixation de ses congés en 2016, ce dont il résultait que l’employeur ne prouvait pas que ces deux agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ». La Cour de cassation sous-entend ainsi que la dégradation effective de l’état de santé ou des conditions de travail n’est pas pas une condition exclusive et nécessaire à la reconnaissance d’un harcèlement moral.
Cette position rejoint celle de la chambre criminelle, qui considère depuis longtemps que la dégradation des conditions de travail ou de la santé n’est pas une condition à la qualification de harcèlement moral, en estimant que « la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral » (arrêt du 6 décembre 2011 ; arrêt du 14 janvier 2014). En droit pénal, il n’est par conséquent pas nécessaire que les actes aient effectivement produit des effets délétères sur le salarié, il suffit qu’ils soient de nature à les produire. Les définitions du harcèlement moral au travail étant les mêmes en droit pénal (article 222-33-2 du code pénal) et en droit du travail (article L.1152-1 du code du travail), il est cohérent que les chambres criminelle et sociale s’alignent quant à leur interprétation.
Cependant, bien que cette dégradation ne soit pas requise au stade de la qualification du harcèlement, comme nous l’enseigne la Cour de cassation, il faut garder à l’esprit qu’elle reste un facteur d’appréciation du préjudice subi par le salarié, et donc du montant des dommages et intérêts qui seront accordés à ce dernier par le juge.
La Cour de cassation, qui rappelle régulièrement les juges du fond à l’ordre sur l’application du régime de preuve du harcèlement moral confirme donc une fois de plus que ceux-ci doivent s’en tenir à une application rigoureuse des deux étapes prévues par l’article L.1154-1 du code du travail.
