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Inaptitude : le refus d’un reclassement conforme justifie le licenciement

Inaptitude : le refus d’un reclassement conforme justifie le licenciement

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Selon l’article L.1226-2-1 du code du travail, hormis le cas où l’avis d’inaptitude mentionne l’un des deux cas de dispense légale de reclassement, l’employeur ne peut licencier un salarié déclaré inapte que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

Toutefois, jusqu’à maintenant, le seul refus d’un poste de reclassement n’était pas considéré, par la Cour de cassation, comme suffisant pour justifier un licenciement pour inaptitude au motif que cela ne suffisait pas à prouver que l’employeur a respecté son obligation de reclassement. L’employeur était tenu, en cas de refus, de rechercher et proposer d’autres postes de reclassement et ce n’est que s’il pouvait justifier l’impossibilité de proposer d’autres postes, qu’il pouvait licencier (arrêt du 26 mai 2016).

Or, depuis le 1er janvier 2017, il est expressément prévu que « l’obligation de reclassement est satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L.1226-2 (avis du CSE, conclusions du médecin du travail, priorité à un emploi comparable), en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail » (article L1226-2-1 al. 2 du code du travail).

Se posait donc la question de savoir si la jurisprudence de la Cour de cassation n’allait pas évoluer et ainsi admettre que le refus d’un reclassement, dès lors qu’il répond aux critères de l’article L.1226-2 et qu’il est conforme aux préconisations du médecin du travail, suffit à justifier un licenciement pour inaptitude.

Evolution jurisprudentielle

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation annonce clairement qu’il résulte des articles L.1226-2 et L.1226-2-1 que « l’employeur peut licencier le salarié s’il justifie du refus par celui-ci d’un emploi proposé dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2 du code du travail conforme aux préconisations du médecin du travail de sorte que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite ».

En l’espèce, le médecin du travail avait déclaré une salariée, commerciale, « inapte au poste et à tout poste à temps complet. Possibilité de reclassement à un poste à mi-temps sans station debout prolongée ni manutention de charges » . L’employeur avait proposé à la salariée un poste de caissière à mi-temps avec maintien du taux horaire. Le médecin du travail, sollicité par l’employeur, avait donné son accord sur ce poste.

La salariée qui a refusé le poste en raison de la baisse de rémunération liée au mi-temps est licenciée pour inaptitude. Elle conteste son licenciement.

La cour d’appel lui fait droit. Après avoir constaté que la proposition de poste d’une durée de 17 h 30 avec maintien du taux horaire initial implique de facto une diminution substantielle de la rémunération de la salariée, engagée à temps plein, elle considère que la salariée pouvait légitimement refuser le poste proposé, entraînant, par la baisse de rémunération qu’il générait, une modification de son contrat de travail. La cour d’appel considère en conséquence le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. La cour d’appel ne pouvait pas considérer que le licenciement était abusif alors que l’employeur avait proposé un poste conforme aux préconisations du médecin du travail et que la salariée l’avait refusé.

La solution est désormais claire : proposer un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail peut suffire à remplir l’obligation de reclassement et le refus de ce seul poste peut justifier un licenciement.

Cette solution semblait implicitement admise par quelques arrêts (arrêt du 26 janvier 2022) mais avec cet arrêt, il n’y a plus de doute. 

Mais attention ! la Cour de cassation veillera à ce que la proposition de reclassement soit sérieuse et loyale (arrêt du 13 mai 2015 ; arrêt du 26 janvier 2022 ; arrêt du 29 mars 2023 ; arrêt du 21 juin 2023).  

► Si contrairement au cas d’espèce, le médecin du travail préconise plusieurs types de reclassement, l’employeur aura plus de difficulté à justifier qu’il a respecté son obligation de reclassement s’il ne propose qu’un seul poste. Tel était le cas dans l’arrêt du 26 janvier 2022 précité.

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Nathalie Lebreton
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A une cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude d’un salarié qui a refusé un poste conforme aux préconisations du médecin du travail même si ce refus est légitime en raison de la modification du contrat qu’il générait résultant de la baisse de rémunération.
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AT/MP : panorama des derniers arrêts

AT/MP : panorama des derniers arrêts

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Dans cette sélection, nous traitons des nouvelles lésions survenues avant consolidation, de sursis à statuer en matière de tarification, de résiliation judiciaire suite à un AT causé par un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, d’exemples de souffrances physiques et morales non-indemnisées par la rente ou l’indemnité en capital, des réserves émises par l’employeur ou encore de l’obligation d’information à l’égard de l’employeur au cours de la procédure d’instruction.

 

Thème
Solution
Nouvelles
lésions
  • En cas de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l’AT initial, la caisse n’est pas tenue à une obligation d’information au bénéfice de l’employeur. Ainsi, l’employeur ne peut pas obtenir l’inopposabilité de la décision de prise en charge de ces nouvelles lésions de la caisse en l’absence d’information de celle-ci (Ndlr : l’inopposabilité : se dit d’un acte juridique dont la validité n’est pas affectée mais dont les tiers peuvent écarter les effets).
  • Arrêt du 11 janvier 2024 (n°22-13.133)
Sursis à statuer
en matière
de tarification
  • Lorsque l’employeur a demandé qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, saisie d’une demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle, la juridiction saisie du contentieux de la tarification doit, dès lors, surseoir à statuer sur la demande aux fins d’inscription au compte spécial des conséquences de la maladie en question.
  • Arrêt du 11 janvier 2024 (n°21-24.306 et 21-24.487)
Résiliation
judiciaire
suite à AT  
(accident 
du travail)
  • Lorsque le salarié invoque à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ayant causé son accident, c’est à l’employeur de démontrer qu’il a bien pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié. En la matière, il y a un renversement de la charge de la preuve au profit du salarié, qui n’est pas tenu d’établir la réalité des manquements qu’il fait valoir (Ndlr : constitue une faute inexcusable de l’employeur tout manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers son salarié l’obligation de sécurité).
  • Arrêt 28 février 2024
Souffrances
physiques
et
morales :
exemples
  • Depuis un arrêt du 20 janvier 2023, la Cour de cassation estime que la rente ou l’indemnité en capital versée à la victime d’un AT/MP ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (arrêts du 20 janvier 2023, n° 20-23.673 et n° 21-23.947). Il en résulte que la victime d’une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, que la rente ou l’indemnité en capital n’ont pas pour objet d’indemniser.
  • Dans la suite, la deuxième chambre civile donne régulièrement des exemples de ces souffrances. Sont ainsi considérées comme :

♦ des souffrances physiques celles liées au suivi médical, à une hospitalisation pour une opération d’une tumeur vésicale, à des traitements complémentaires ayant causé des douleurs pelviennes suite à une récidive et à un épisode inflammatoire, et des souffrances morales celles liées à l’angoisse et au stress de la victime en raison des menaces pesant sur son pronostic vital et de la dégradation de son état ;

♦ des souffrances physiques celles liées à la nécessité d’un suivi médical régulier du cancer diagnostiqué et à l’affaiblissement dû à la perte de capacité respiratoire et des souffrances morales celles liées à l’inquiétude de la victime en raison des menaces pesant sur son pronostic vital ainsi que de la dégradation de son état.

Réserves
de
l’employeur
  • La Cour de cassation rappelle que constitue des réserves motivées de la part de l’employeur, toute contestation du caractère professionnel de l’accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Ainsi :

♦ les réserves formulées par l’employeur n’ont pas besoin d’être objectivement et précisément motivées par rapport aux faits survenus pour être qualifiées de réserves motivées ;

♦ les réserves émises par l’employeur même de manière formelle, stéréotypée et non circonstanciée par rapport au jour des faits litigieux (les mêmes formulations accompagnant toutes les déclarations d’accident adressées à la caisse par l’employeur), constituent des réserves motivées.

Obligation
d’information
de l’employeur
  • La caisse qui respecte le calendrier qu’elle a annoncé satisfait à son obligation d’information à l’égard de l’employeur.
  • En l’espèce, la caisse, qui par lettre unique du 11 février 2020, avait, d’une part, informé l’employeur de la réception du dossier complet le 7 février 2020 et de ce qu’elle entendait procéder à des investigations, et, d’autre part, précisé que lorsque les investigations seraient terminées, l’employeur pourrait consulter le dossier et formuler des observations du 20 avril au 4 mai 2020, et qu’au-delà de cette date, il ne pourrait que consulter le dossier jusqu’à la prise de décision devant intervenir au plus tard le 11 mai 2020.
  • Arrêt du 29 février 2024 (n°22-16.818)

 

 

 

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Virginie Guillemain
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Les accidents du travail (AT) et les maladies professionnelles (MP) sont la source d’un contentieux important. Vous trouverez dans le tableau ci-après la solution des arrêts qui ont retenu notre attention au cours de ces derniers mois.
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Le Premier ministre demande aux partenaires sociaux de réduire à nouveau la durée d’indemnisation du chômage

Le Premier ministre demande aux partenaires sociaux de réduire à nouveau la durée d’indemnisation du chômage

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Alors que la négociation sur le « Pacte de la vie au travail » et l’emploi des seniors n’est pas terminée avec une nouvelle séance programmée le 8 avril, Gabriel Attal demande déjà aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention d’assurance chômage, au motif que le contexte économique a changé depuis le dernier accord trouvé par les partenaires sociaux en novembre dernier ; accord que le gouvernement a d’ailleurs refusé d’agréer en exigeant des partenaires sociaux de nouvelles économies sur l’indemnisation des seniors.

Cette nouvelle convention serait à négocier avant l’été, pour une application à la rentrée.

Plutôt qu’annoncer purement et simplement une reprise en main de l’assurance chômage, le Premier ministre a donc choisi d’exiger des partenaires sociaux une nouvelle réduction de la durée d’indemnisation, déjà ramenée de 24 à 18 mois, avec des effets déjà avérés sur les demandeurs d’emploi. Le bras de fer continue, donc.

De 18 à 12 mois ?

Cette fois, Gabriel Attal laisse aux partenaires sociaux l’appréciation de la nouvelle réduction, tout en précisant qu’il ne faudrait pas aller en deçà d’une durée d’indemnisation de… 12 mois. L’exécutif estime qu’une réduction de la durée d’indemnisation de plusieurs mois ne pourrait qu’inciter les demandeurs à rechercher plus activement un emploi, ce que contestent les organisations syndicales mais aussi plusieurs spécialistes de l’emploi et de la protection sociale.

Le Premier ministre n’a pas précisé ce qu’il attendait en terme de dégressivité mais il attend aussi que soit modifiée la condition d’accès à l’indemnisation : actuellement, il faut avoir travaillé six mois sur 24 mois pour toucher une allocation. « Une piste est de travailler plus sur cette même période ou réduire la période », a dit Gabriel Attal.

Reste à savoir si les organisations syndicales et patronales accepteront d’engager des discussions avec une marge de manœuvre aussi faible. Rappelons que les partenaires sociaux ont récemment fait bloc pour défendre le paritarisme, mis à mal concernant l’assurance chômage par la suppression fin 2018 de la part salariale des cotisations finançant le régime.  Et la politique de l’exécutif, même si elle se base sur la nécessité budgétaire d’une réduction des dépenses sociales et si elle martèle le souci de parvenir au « plein emploi », devient difficile à comprendre sur la durée.

L’Etat, qui a commencé à appliquer un système de bonus malus afin de dissuader les entreprises de recourir à des emplois précaires, a aussi imposé aux partenaires sociaux une logique de gestion dite « contracyclique » : l’indemnisation dure moins longtemps lorsque le taux de chômage est bas, et davantage lorsqu’il remonte. Que reste-t-il de cette logique avec une nouvelle baisse de la durée d’indemnisation alors même que le chômage semble plutôt à nouveau orienté à la hausse ? 

Que va-t-il maintenant se passer ? Au-delà des protestations, les syndicats peuvent-ils mobiliser les salariés autour de ces questions pour faire reculer le gouvernement ? Quelle sera la partie jouée par le patronat, sachant que les entreprises financent toujours le régime et n’entendent pas laisser l’Etat disposer à sa guise de ces recettes ? A suivre…

Smic : la question des allègements des cotisations

Lors de son discours de politique générale à l’Assemblée, le Premier ministre avait annoncé vouloir « désmicardiser » la France. Que signifiait ce propos alors que certains préconisent d’exonérer certaines entreprises de l’obligation de respecter les minima de branche ? Le flou reste de mise. Mais mercredi, Gabriel Attal a précisé qu’il attendait pour juin le rapport demandé à deux économistes sur le sujet (*). « Il faut revoir le système d’allégements des cotisations », a-t-il estimé, afin d’inciter à l’augmentation des salaires. La question des seuils déclenchant ces exonérations devrait donc être sur la sellette, tout comme le coût massif de cette politique. 

En tout cas, le Premier ministre n’a rien dit au sujet d’un relèvement des seuils sociaux, concernant notamment le CSE. Rappelons qu’un rapport parlementaire a recommandé de porter de 50 à 250 salariés le seuil d’un CSE de plein exercice. Il n’a rien dit non plus à propos de sa volonté, proclamée en janvier, de confier davantage de sujets à la négociation d’entreprise. 

La santé au travail : une réunion annoncée

Enfin, le Premier ministre a annoncé vouloir réunir l’ensemble des partenaires sociaux et les parlementaires au sujet des accidents du travail en France. « On a trop d’accidents de travail en France, trop de morts au travail (…) On doit mieux prévenir les accidents du travail et on doit améliorer la qualité de vie au travail les conditions de travail des Français, notamment de ceux qui ont les métiers les plus pénibles », a affirmé Gabriel Attal, sans en dire davantage. 

 

(*) En novembre 2023, Elisabeth Borne a confié aux économistes Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques (IPP), et Etienne Wasmer, professeur à l’université New York Abu Dhabi, une mission « relative à l’articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité et à son effet sur l’emploi, le niveau des salaires et l’activité économique ».

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Bernard Domergue
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A l’issue d’un « séminaire gouvernemental » consacré à l’emploi et aux « nouvelles formes de travail », et après une intense séquence de communication lors de laquelle l’exécutif a expliqué que le déficit et l’endettement publics nécessitaient des choix difficiles, le Premier ministre a annoncé le 27 mars plusieurs décisions « afin de garder l’objectif de 3% du déficit public en 2027 ».
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Entreprise de moins de 50 salariés : pas de cumul de mandat de délégué syndical et de représentant syndical au CSE

Entreprise de moins de 50 salariés : pas de cumul de mandat de délégué syndical et de représentant syndical au CSE

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La désignation d’un délégué syndical (DS) est réservée aux entreprises de 50 salariés et plus. Toutefois, l’article L. 2143-6 du code du travail autorise la désignation d’un délégué syndical parmi les élus du CSE.

Celui-ci n’aura pas d’heures de délégation supplémentaires, mais il pourra utiliser son crédit d’heures au titre de son mandat d’élu pour exercer son mandat de DS. Ces dispositions n’ont toutefois pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un représentant syndical (RS) auprès du CSE des entreprises de moins de 50 salariés (arrêt du 8 septembre 2021).
Qu’en est-il lorsqu’une disposition d’un accord ou une convention collective rend possible, dans une entreprise de moins de 50 salariés, la désignation d’un DS qui ne serait pas un élu du CSE ? Cela donne-t-il le droit aux syndicats de désigner un RS au CSE ? C’est à cette question que répond un arrêt de la Cour de cassation du 20 mars 2024. 

Une convention collective permet la désignation d’un DS non élu du CSE…

Dans cette association de moins de 50 salariés, un syndicat représentatif désigne une déléguée syndicale qui n’est pas une élue du CSE. Cela est rendu possible en application de l’article 8 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. Dans le même courrier, le syndicat désigne également cette salariée comme représentante syndicale au CSE.

L’article 8 de cette convention collective prévoit que « l’exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises et leurs établissements, quelle que soit leur importance. La liberté de constitution de sections syndicales y est reconnue aux syndicats représentatifs lesquels, respectivement, pourront désigner leur délégué syndical ».

L’employeur saisit le tribunal judiciaire pour demander l’annulation de la désignation de cette salariée comme RS au CSE, sans contester sa désignation comme DS. Sa demande est rejetée au motif que « si le cumul entre les mandats de délégué syndical désigné en vertu de l’article L. 2143-6 du code du travail et de représentant syndical au comité social et économique dans les entreprises de moins de cinquante salariés est exclu, ce n’est que parce qu’un salarié ne peut pas siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, compte tenu de l’impossibilité d’exercer, en même temps, les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical ».

Le tribunal en déduit que, dans ce cas, la salariée désignée comme DS n’étant pas élue du CSE, en application de l’article 8 de la convention collective, elle « n’a pas déjà voix délibérative au comité social et économique et ne risque donc pas un cumul incompatible en qualité de représentant syndical avec voix consultative ». 

… mais cela ne marche pas !

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle explique que le législateur n’a prévu la possibilité de désigner un RS au CSE distinct du DS que dans les entreprises de plus de 300 salariés (article L.2314-2 du code du travail), en effet, dans les entreprises de 300 salariés et moins, le DS est d’office le RS au CSE (article L. 2143-22 du code du travail).

Elle rappelle ensuite que, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la désignation d’un DS est une « désignation dérogatoire », maintenue par le législateur, d’un membre du CSE, sans crédit d’heures de délégation supplémentaire (article L. 2143-6). La Cour en déduit que cela « n’a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un représentant syndical auprès du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés ».

Puis elle ajoute qu’il « en est de même de la désignation dérogatoire, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d’un délégué syndical résultant d’une disposition conventionnelle, telle que l’article 8 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ».
En d’autres termes, la désignation d’un DS parmi les élus du CSE dans une entreprise de moins de 50 salariés est une disposition dérogatoire prévue par le législateur, qui n’autorise pas la désignation d’un RS au CSE dans ces entreprises. La disposition conventionnelle permettant la désignation dérogatoire d’un DS qui n’est pas un élu du CSE n’autorise pas non plus cette désignation.

A noter que la Cour de cassation avait déjà expliqué, avec les mêmes arguments que dans la décision du 20 mars 2024, que la désignation dérogatoire d’un membre du CSE prévue dans les entreprises de moins de 50 salariés comme DS, sans crédit d’heures de délégation supplémentaire, en application des dispositions de l’article L. 2143-6 du code du travail, n’a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un RS auprès du CSE de ces entreprises (arrêt du 8 septembre 2021).

La Cour confirme donc son raisonnement, et l’applique également en cas de disposition conventionnelle plus favorable, permettant de déroger à l’article L. 2143-6 du code du travail.

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Séverine Baudouin
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La désignation dérogatoire prévue par le code du travail d’un délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés n’a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un représentant syndical auprès du CSE de ces entreprises. Il en est de même de la désignation dérogatoire d’un délégué syndical résultant d’une disposition conventionnelle.
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Activité reprise par une commune : même si le salarié n’a pas le bon diplôme, le contrat est transféré de droit

Activité reprise par une commune : même si le salarié n’a pas le bon diplôme, le contrat est transféré de droit

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En cas de reprise d’une entité de droit privé et de son activité par une autre structure privée c’est assez simple, tous les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et les salariés (article L. 1224-1 du code du travail). Et s’il y a transfert du privé vers le public ? L’article 20 de la loi du 26 juillet 2005 et aujourd’hui l’article L. 1224-3 du code du travail ont aligné la législation et posé que lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il y a aussi transfert des contrats de travail. La personne publique doit alors proposer aux salariés un contrat de droit public. En cas de refus ou si le maintien est impossible, le contrat de travail prend fin, la procédure de licenciement devant alors être respectée. Mais que se passe-t-il si l’entité publique, en l’occurrence une commune, ne propose pas de contrat et ne licencie pas ? Y a-t-il des motifs « légitimes » pour refuser le transfert ? C’est ce qu’a tranché la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars.

L’impossibilité de maintenir le contrat peut justifier le licenciement mais n’exclut ni le transfert…

Une commune avait, dans notre cas d’espèce, repris en gestion directe des centres de loisirs gérés jusque-là par une association. Elle avait cependant refusé de reprendre la directrice au motif qu’elle ne disposait pas des diplômes exigés pour son poste. Elle ne lui avait soumis aucun contrat de droit public ni n’avait entamé de procédure de licenciement.

La commune estimait en effet que « la personne publique repreneur n’est pas tenue de proposer un contrat de droit public aux salariés qui ne disposent pas de la qualification et/ou du diplôme réglementairement exigé pour occuper le poste occupé antérieurement à la reprise d’activité, sauf à lui imposer de proposer un contrat de travail irrégulier ».

Se plaçant sur un terrain un peu différent, la Cour de cassation, dans la lignée de la cour d’appel, rejette cet argumentaire. Elle juge qu’il résulte de l’article L. 1224-3 qu’à la suite du transfert d’une entité économique privée à une personne publique, les contrats de travail en cours subsistent jusqu’à ce que les salariés acceptent le contrat de droit public proposé, ou jusqu’à leur licenciement, s’ils le refusent ou s’il n’est pas possible pour la personne publique, au regard des dispositions législatives ou réglementaires dont relève son personnel, de les maintenir. Mais précisément la commune n’avait pas proposé de nouveau contrat ni licencié : le contrat de travail avait été transféré de plein droit, « peu important la circonstance que le salarié pouvait ne pas remplir les conditions réglementaires de qualification ou de diplôme pour occuper ses fonctions ».

… ni de payer les salaires à compter de la reprise

Et parce que le contrat de la salariée avait bien été transféré, la commune était tenue de payer les salaires à compter de la date à laquelle elle avait repris l’activité rappelle la chambre sociale. Il a en effet été acté par la jurisprudence que le principe de la reprise de contrat par la personne publique l’oblige à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu’à ce qu’ils acceptent le contrat de droit public qui leur est proposé ou jusqu’à leur licenciement (arrêt du 1er juin 2010).

Double peine pour la commune : « les manquements à ses obligations rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient la résiliation ».

Dans cet arrêt, il nous semble que, même si cela ressort des moyens de la commune, ce n’est pas le fait qu’elle n’ait pas proposé à la salariée un contrat de droit public qui pose problème mais plutôt qu’elle n’ait pas non plus engagé de procédure de licenciement. La Cour de cassation ne revient pas sur l’aspect irrégulier du contrat qui aurait été proposé mais il paraît découler de ses motivations qu’un licenciement aurait bien pu potentiellement advenir si la commune démontrait qu’il ne lui était pas possible, au regard du manque de diplôme de la salariée, de maintenir le contrat de travail de droit privé ou de lui offrir un emploi en reprenant les conditions. Autrement dit, ne pas pouvoir maintenir le contrat n’épargne pas la commune de devoir engager un licenciement.

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Elise Dutrinus
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Si l’activité d’une entité privée est transférée à une entité publique, les contrats de travail subsistent avec le nouvel employeur jusqu’à ce que le salarié accepte le contrat de droit public proposé ou soit licencié. Le fait qu’il ne remplisse pas les conditions de qualification pour ses fonctions ne suffit pas à écarter ces règles.
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Retraites : les femmes ont perçu 161 euros de moins que les hommes en 2023

Retraites : les femmes ont perçu 161 euros de moins que les hommes en 2023

A la une (brève)

L’assurance Retraite a publié ses chiffres 2023 (document en pièce jointe). Environ 15 millions de Français ont perçu une pension de retraite au régime général en 2023 (15 251 939 personnes). L’âge moyen des retraités augmente régulièrement : il est de 74,9 ans en 2023, contre 74,8 en 2022 et 74,7 en 2021. L’écart de pension entre hommes et femmes reste stable : 161 euros en 2023 contre 162 euros en 2022. La pension moyenne d’une homme s’est élevée à 925 euros contre 764 euros pour les femmes. La majorité des retraités vit en Île-de-France (13 %), puis en Rhône-Alpes (9,1 %) et dans le Sud-Est (8,2 %).

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Marie-Aude Grimont
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Quelle tarification AT-MP pour un établissement qui abandonne son activité principale ?

Quelle tarification AT-MP pour un établissement qui abandonne son activité principale ?

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De l’aciérie… au lainage

À la suite de la fermeture de son activité d’aciérie, une société, qui avait conservé son activité de laminage, a sollicité auprès d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) l’attribution d’une cotisation affectée d’un taux collectif en application de l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale relatif aux établissements nouveaux. La caisse lui a refusé ce taux et lui a notifié son classement sous le code risque 27.4 CH « métallurgie des métaux non ferreux et précieux laminage à chaud ou relaminage sans fabrication de fonte ni d’acier ».
Contestant cette décision, la société a saisi d’un recours la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance et des accidents du travail, compétente à l’époque en matière de tarification. Un premier arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2020 a cassé la décision de la Cour nationale, au motif que, pour rejeter le recours de la société, la juridiction avait ajouté à l’article D 242-6-17 du Code de la sécurité sociale, une condition tenant à la cession de l’activité à un repreneur, qu’il ne prévoit pas.
La cour d’appel d’Amiens, désignée par l’article D. 311-12 du code de sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2017, comme la juridiction compétente pour connaître des litiges en matière de tarification, a, statuant sur renvoi, de nouveau débouté la société de son recours.
À nouveau saisie, la Cour de cassation était interrogée sur la notion d’établissement nouveau, au sens de l’article D. 242-6-17 du code de sécurité sociale, en cas de cessation de l’activité principale d’un établissement industriel.

Quelle est la réglementation AT/MP des établissements nouveaux ?

Pour rappel, le taux de la cotisation accidents du travail-maladies professionnelles, servant au financement des risques professionnels, est fonction de la sinistralité et de l’effectif de l’entreprise. Trois modes de tarification coexistent ainsi :

  • le taux collectif, applicable aux entreprises dont l’effectif global est de moins de 20 salariés, est calculé à partir du nombre de sinistres survenus dans le secteur d’activité concerné. Le taux est, donc, commun à toutes les entreprises du même secteur d’activité ;
  • le taux individuel, applicable aux entreprises dont l’effectif global est au moins égal à 150 salariés, calculé en fonction de la sinistralité de l’entreprise concernée ;
  • le taux mixte, applicable aux entreprises dont l’effectif global est compris entre 20 et 149 salariés, est calculé en fonction de la sinistralité de l’entreprise et du secteur d’activité.

L’article D. 242-6-1, alinéa 1er du code de sécurité sociale prévoit que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. Toutefois, l’entreprise qui relève d’une tarification individuelle ou mixte peut demander à bénéficier d’un taux unique pour l’ensemble de ses établissements appartenant à la même catégorie de risque.
Le classement d’un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l’activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par l’arrêté du 17 octobre 1995 modifié relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Parce qu’à la création d’un nouvel établissement, soumis en raison du nombre de salariés à la tarification individuelle ou mixte, il n’existe aucun élément de calcul issu des résultats des années antérieures, l’article D. 242-6-17, alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale, prévoit que les établissements nouvellement créés sont redevables des taux nets collectifs durant l’année qui suit leur création et les deux années suivantes. À l’expiration de ce délai, en revanche, leur tarification devient collective, individuelle ou mixte selon l’effectif, conformément au droit commun. La notion d’établissements nouvellement créés alimente le contentieux de la tarification. En son alinéa 3, l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale précise que « ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel ».
La Cour de cassation a déduit de cette définition négative, au maniement délicat, que les critères ainsi posés sont cumulatifs de sorte que, s’ils ne sont pas réunis, l’établissement doit être considéré comme un établissement nouvellement créé au regard de la tarification du risque d’accident du travail (arrêt du 24 janvier 2013). C’est à l’établissement (ou l’entreprise) qui entend bénéficier de la tarification collective en application de l’article D. 242-6-17 du code de sécurité sociale de démontrer que les conditions cumulatives sont remplies (arrêt du 23 septembre 2021, voir en pièce jointe), excluant l’inversion de la charge de la preuve.

Un établissement qui ferme son activité principale devient-il un établissement nouveau ?

Au cas présent, l’entreprise concernée avait fermé son activité principale mais maintenu son activité secondaire. Les deux activités, l’une d’aciérie, l’autre de laminage, appartenaient au même groupe de risque, celui des industries de la métallurgie, mais pas au même code.
Pour rejeter la qualification d’établissement nouvellement créé à l’établissement exerçant l’activité (anciennement) secondaire, la cour d’appel a retenu que le nouveau code risque attribué relevait du même comité technique de la métallurgie et que l’abandon des moyens de production n’était pas démontré. Dit autrement, la cour d’appel d’Amiens a considéré que l’entreprise avait fait évoluer son activité mais ne l’avait pas modifiée, de sorte que l’établissement exerçait une activité similaire.
Cette motivation est censurée par la Cour de cassation, qui considère que l’abandon de l’activité principale de l’établissement entraîne nécessairement l’exercice d’une nouvelle activité, qui ne peut être considérée comme similaire à la précédente, quand bien même les activités exercées appartiendraient à un même groupe de risque.
Cette solution s’inscrit dans la continuité d’un précédent de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 14 février 2019 (arrêt du 14 février 2019).

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La Rédaction sociale
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Un établissement qui abandonne son activité principale pour se concentrer sur une activité jusque-là secondaire peut être considéré comme un établissement nouvellement créé au regard de la réglementation propre à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.
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Salariés détachés en France dans le BTP : le document d’information est de nouveau actualisé

Salariés détachés en France dans le BTP : le document d’information est de nouveau actualisé

A la une (brève)

Lorsque des salariés d’employeurs situés à l’étranger sont détachés en France sur des chantiers BTP, ils doivent leur être remis un document d’informations sur la réglementation française applicable en droit du travail et sur les modalités selon lesquelles le salarié détaché peut faire valoir ses droits (articles L8291-1 et R. 8294-8 du code du travail).
Pour ce faire, le modèle de ce document, fixé par arrêté, est mis à la disposition de l’employeur concerné sur le site internet CIBTP France.
Ce modèle, déjà actualisé par un arrêté du 21 février 2024, est, un mois après, de nouveau réactualisé par un arrêté du 15 mars, publié le 20 mars au Journal officiel. Ce nouveau document corrige la durée du congé de paternité qui n’avait pas été mis à jour par l’arrêté du 21 février et modifie la date du document qui indique désormais le 29 février 2024 au lieu du 29 novembre 2023.

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Anne Bariet
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Carrière longue, chômage, préretraite : 40 % des départs à la retraite se font de manière anticipée

Carrière longue, chômage, préretraite : 40 % des départs à la retraite se font de manière anticipée

A la une

Offrir un panorama des dispositions qui permettent de recourir à un départ anticipé à la retraite ou à une cessation d’activité avant l’âge d’ouverture des droits », tel est l’objectif de la dernière réunion du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui s’est tenue le 14 mars. Si les départs anticipés pour raison de santé n’y ont pas été abordés, le Conseil s’est penché sur les préretraites, aujourd’hui « davantage financées par les entreprises que par les pouvoirs publics », le surplus de chômage avant le départ à la retraite, « toutefois limité en ampleur », et la retraite anticipée pour carrière longue qui, parmi les dispositifs de départ anticipé, « est quantitativement la plus importante ». Qui sont les bénéficiaires de ces mesures, dans quelle mesure y recourent-ils, ont-elles vocation à se développer, le bilan est parfois bien loin des idées reçues.

Le caractère opportuniste du chômage des seniors est « à nuancer »

Alors que le gouvernement envisage de réduire à nouveau la durée d’indemnisation chômage et qu’en novembre dernier, Bruno Le Maire déclarait sur Franceinfo que l’indemnisation plus longue des seniors était « une façon de [les] mettre à la retraite de manière anticipée », le COR se montre bien plus prudent. Certes, « plusieurs éléments montrent l’existence d’une anticipation de l’employeur et/ou du salarié afin d’être couverts par un droit au chômage jusqu’à l’âge légal de départ ». On constate ainsi un léger rebond des ruptures conventionnelles et des entrées au chômage trois ans avant, ce qui correspondait jusqu’en 2022 à la durée maximale des droits des 55 ans ou plus. « L’ampleur de ce rebond et son caractère opportuniste sont toutefois à nuancer », il est « à la fois marginal en volume et limité en termes de dépenses ». En effet, il ne concerne que 6 000 à 10 000 personnes entre 58 et 60 ans, c’est-à-dire moins de 1 % des salariés de cette tranche d’âge, et 1 % de l’ensemble des dépenses d’assurance chômage. Par ailleurs, le dispositif du maintien, qui permet sous certaines conditions de prolonger les droits jusqu’à l’atteinte de la retraite à taux plein, ne touche lui qu’environ 4 % des seniors.

Enfin, le Conseil rappelle les « réelles difficultés de retour à l’emploi » des seniors : état de santé qui se dégrade, discriminations à l’embauche, faible accès à la formation, le fait de rester au chômage ou d’y entrer semble loin d’être majoritairement un choix.

Des préretraites d’entreprise encore rares et hétérogènes

Globalement, les préretraites publiques ont largement diminué, et ce dans l’objectif de prolonger la durée d’activité des seniors notamment (0,1 % des 55-64 ans en 2022 contre 5 % au début des années 1980). Face à ce phénomène, quid des dispositifs de départ anticipé subventionnés par les entreprises ? D’après les chiffres fournis par la Dares, en 2022 seulement 0,7 % des 55-64 ans déclaraient percevoir une préretraite (moins de 60 000 personnes). Les hommes sont plus souvent en préretraite que les femmes (0,8 % contre 0,6 %), ces accords d’entreprise concernent avant tout des grands groupes, les ouvriers et professions intermédiaires sont surreprésentés parmi les préretraités, et 38 % restent en emploi malgré la préretraite.

Des dispositifs marginaux donc, mais surtout protéiformes. « Selon les cas, les entreprises combinent des dispositifs publics (retraite anticipée, retraite progressive), qu’ils complètent en les finançant eux-mêmes (temps partiel senior), ou recourent enfin à des financements mixtes (mécénat de compétence, compte épargne-temps). Cela met en évidence la difficulté d’en dégager la finalité économique d’ensemble ».

Un départ anticipé pour carrière longue de plus en plus décorrélé de la pénibilité

Les retraites anticipées pour carrière longue (RACL) ne représentaient pas moins de 2,4 % de la population des 55-64 ans en 2022 (environ 200 000 nouvelles entrées par an). Pour la génération née en 1953, c’est près d’un quart des départs à la retraite, 35 % parmi les hommes, soit quasiment autant que les départs au taux plein au titre de la durée. Mais le principal point soulevé par le COR est qu’il ne faut pas « se méprendre sur le profil des personnes recourant au dispositif ». La RACL est souvent vue comme associée à des personnes peu qualifiées, ayant exercé des métiers manuels et pénibles. Elle aurait donc un effet redistributif, compenserait la pénibilité, et elle pourrait se justifier par une durée de vie moins importante des concernés. « Toutefois, en pratique, le lien entre l’éligibilité au dispositif et la pénibilité vécue en cours de carrière n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît », les bénéficiaires ne sont plus forcément peu diplômés ou avec un métier manuel, leur pension est plus élevée que la moyenne, et ils ont des niveaux de mortalité proches des bénéficiaires d’une pension classique.

Le Conseil souligne également que 30 % des assurés du régime général pouvant prétendre à une RACL ne le font pas, soit environ 75 000 à 80 000 assurés supplémentaires potentiels chaque année. « Cela semble lié à une méconnaissance du dispositif, car la plupart liquide à l’âge légal de droit commun et ne retirent pas de gain significatif de pension du recul de leur départ ».

 

Pourquoi la retraite progressive ne décolle-t-elle pas ?
Rappelons-le, la réforme des retraites visait notamment à généraliser le recours à la retraite progressive, qui n’a été mobilisée que par 31 200 personnes en 2020. Comment expliquer ce nombre si faible ? Parce que « les assurés semblent [l’]utiliser comme un départ anticipé partiel plus que comme un dispositif de prolongation d’activité ». Ainsi le non-recours vient du fait que ceux qui souhaitaient prolonger leur activité l’ont fait à travers d’autres modalités, notamment le cumul emploi-retraite, et à l’inverse, ceux qui désiraient partir le plus tôt possible ont pu recourir à un départ anticipé pour carrière longue par exemple, qui leur permet de liquider totalement leur retraite plutôt que d’entrer en retraite progressive. Mais le COR estime tout de même que le non-recours se justifie avant tout par une méconnaissance du dispositif, la retraite progressive restant avantageuse dans bien des cas.

 

 

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Elise Drutinus
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En théorie, partir à la retraite n’est pas possible avant un âge légal, porté à 64 ans par la dernière réforme. Sauf qu’en pratique, près d’un départ sur deux a lieu avant. La raison ? En premier lieu les nombreux départs pour carrière longue selon le COR. A contrario, les préretraites d’entreprise se développent peu et la retraite progressive n’attire toujours pas.
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Travail à temps partiel : la durée de travail exacte doit toujours être connue

Travail à temps partiel : la durée de travail exacte doit toujours être connue

A la une

Le contrat de travail à temps partiel doit être conclu par écrit et indiquer, notamment, la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié (article L. 3123-6 du code du travail).
Lorsque l’une de ces mentions ne figure pas dans le contrat de travail, il est de jurisprudence constante que le contrat de travail est présumé conclu à temps complet et que pour renverser cette présomption, l’employeur doit rapporter la preuve:

  • de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue avec le salarié ;
  • que le salarié n’a pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler ;
  • et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Parmi la jurisprudence sur ce point, on citera : concernant le fait que lorsque l’une de ces mentions ne figure pas dans le contrat de travail, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet : arrêt du 21 mars 2012 ; arrêt du 27 septembre 2017 ; arrêt du 20 décembre 2017. Concernant la preuve à apporter de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue : arrêt du 25 janvier 2017. Concernant la preuve à apporter que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas dans l’obligation de se tenir à la disposition de son employeur : arrêt du 30 juin 2010 (n° 09-40.041); arrêt du 30 juin 2010 (n° 08-45.400) ; arrêt du 13 avril 2016.

Appréciation stricte des exigences requises pour renverser la présomption de temps plein

La Cour de cassation apprécie strictement cette triple exigence de preuve à rapporter. C’est ce qu’illustre un nouvel arrêt en date du 28 février 2024.
Dans cette affaire, une salariée avait conclu un contrat de travail à temps partiel qui ne mentionnait pas la répartition des horaires de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée étaient communiqués par écrit à la salariée.
Après avoir conclu une rupture conventionnelle, la salariée a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution dudit contrat.
La cour d’appel, après avoir reconnu le bénéfice pour la salariée d’une présomption de temps complet, a toutefois considéré que l’employeur avait renversé cette présomption et a débouté la salariée de sa demande en requalification de son contrat en contrat à temps plein en retenant que :

  • les plannings versés par l’employeur, bien que ne pouvant être ceux qui ont été remis à la salariée préalablement aux heures de travail effectuées puisqu’y étaient mentionnés des événements postérieurs aux heures de travail effectuées, tendaient « à démontrer que la salariée ne travaillait pas à temps plein pour la société » ;
  • la salariée ne pouvait pas soutenir que son volume horaire variait sans cesse du fait que les bulletins de paie montraient une variation seulement ponctuelle du volume des heures de travail (7,50 heures complémentaires en janvier 2017 et 13,50 heures complémentaires par mois en février et mars, puis volume horaire inchangé ensuite, conforme au contrat) ;
  •  et enfin que la salariée n’était pas à la disposition permanente de l’employeur du fait que  des attestations et la multiplicité des employeurs établissant que la salariée, qui connaissait ses horaires de travail dans chaque société, était en mesure de travailler dans d’autres sociétés.
Les juges de fond doivent constater que l’employeur démontre la durée exacte de travail convenu

La salariée s’est alors pourvue en cassation.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui a déduit des éléments de preuve rapportés par l’employeur que ce dernier avait renversé la présomption de temps complet.
Au visa de l’article L. 3123-6 du code du travail, la Cour de cassation reproche en effet à la cour d’appel de ne pas avoir constaté que l’employeur démontrait la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue.

La solution n’est pas nouvelle et il existe un important contentieux sur l’appréciation de la preuve de la durée exacte de travail convenue. Ainsi, la Cour de cassation a considéré par exemple que ne suffisait pas à établir la durée exacte du travail convenue, le fait que la salariée, chargée d’enseignements, ait mentionné dans un courriel le nombre d’heures de cours à sa charge par semaine (arrêt du 14 sept. 2022), le fait que la « durée moyenne » du travail effectuée par le salarié soit relevé (arrêt du 16 juin 2011 ; arrêt du 9 janvier 2013 (n° 11-11.808); arrêt du 9 janvier 2013 (11-16.433)); le fait que les plages de travail soient réservées au salarié sur la plate-forme utilisée pour de multiples cours de gymnastique et que d’autres salariés utilisaient également cette plateforme, ce qui empêchait le salarié d’occuper un temps plein (arrêt du 12 février 2015) ; le fait que le salarié dispose d’une totale autonomie dans l’organisation de son temps de travail et fixe des réunions et la gestion des gestions en fonction de ses disponibilités (arrêt du 14 décembre 2016).

La cour d’appel de renvoi devra déterminer s’il y a bien lieu à requalification du contrat en contrat à temps plein, ainsi que, le cas échéant, les conséquences d’une telle requalification.

Rappelons sur ce point que la requalification entraîne la condamnation de l’employeur à un rappel de salaire à temps complet qui peut aller jusqu’à trois ans, les créances salariales se prescrivant par trois ans selon l’article L. 3245-1 du code du travail (arrêt du 16 juin 2011; arrêt du 31 janvier 2012 ; arrêt du 21 mars 2012). En l’espèce, la requalification et le rappel de salaire pourraient porter sur une période de huit mois : entre le 22 décembre 2016 (date de conclusion du contrat) et le 16 aout 2017 (date de fin du contrat).

 

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Carole Chriqui et Nathalie Lebreton
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En cas de contrat à temps partiel ne mentionnant pas la durée prévue du travail ni sa répartition, la Cour de cassation rappelle que la présomption de temps plein ne peut pas être renversée si l’employeur ne démontre pas quelle est la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail qu’il avait convenue avec le salarié.
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