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SOCIAL

Congés payés et maladie : le gouvernement dévoile ses intentions
Dans la foulée de l‘avis rendu par le Conseil d’Etat le 11 mars dernier, le gouvernement a modifié son projet d’amendement et l’a déposé vendredi 15 mars à l’Assemblée nationale dans la perspective de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole. Le texte est examiné à l’Assemblée nationale depuis hier, après avoir été adopté au Sénat le 21 décembre 2023.
L’amendement vise à assurer la conformité du droit national au droit européen en matière de congés payés en cas de maladie du salarié, suivant ainsi la Cour de cassation qui, dans ses arrêts du 13 septembre 2023, a procédé à une application directe du droit européen, écartant les dispositions du code du travail.
L’amendement prévoit ainsi que les salariés dont le contrat est suspendu pour maladie continueront à acquérir des droits à congés, que la maladie soit d’origine professionnelle ou non.
Toutefois, les salariés en arrêt de travail pour un accident ou une maladie d’origine non professionnelle acquerront des congés payés, au rythme de deux jours ouvrables par mois, soit quatre semaines par an de congés payés, à savoir le minimum garanti par la directive de 2003 (contre 2,5 ouvrables dans les autres cas) et ce, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence. Le code du travail intègrera ainsi dans les périodes considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel.
S’agissant des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé ne sera plus limitée à une seule année de suspension du contrat de travail.
Le salarié qui n’aura pas pu prendre ses congés en raison d’une maladie ou d’un accident bénéficiera d’un droit au report d’une durée de 15 mois.
► Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche pourra fixer une durée de report supérieure.
Le délai de report débutera à la date à laquelle le salarié recevra, postérieurement à sa reprise du travail, les informations délivrées par l’employeur prévues au nouvel article L.3141‑19‑3 du code du travail (cf. paragraphe suivant).
S’agissant des salariés en arrêt maladie depuis plus d’un an et dont le contrat de travail continue à être suspendu, le délai de report débutera à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis. Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n’a pas expiré, sera suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l’article L.3141‑19‑3 du code du travail.
L’amendement met en place une obligation d’information du salarié par l’employeur, dans les dix jours qui suivent la reprise du travail.
L’employeur devra porter à la connaissance du salarié les informations suivantes par tout moyen conférant date certaine à leur réception :
- le nombre de jours de congé dont il dispose ;
- la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés, les nouvelles règles seront applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la loi.
L’amendement précise également que pour la même période, les congés supplémentaires acquis ne pourront, excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de 24 jours ouvrables de congés, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période.
L’amendement introduit un délai de forclusion de deux ans à compter de la publication de la loi. Ainsi, le salarié qui souhaiterait introduire une action en exécution du contrat de travail pour réclamer des congés qui auraient dû être acquis au cours de périodes d’arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009 aura deux ans pour le faire.
S’agissant des contrats de travail rompus lors de l’entrée en vigueur de la loi, l’amendement ne modifie pas les règles de droit commun, qui impliquent la prescription triennale des actions en matière de paiement de salaires (article L.3245-1 du code du travail).

Travail dissimulé : l’Urssaf a opéré 1,2 milliard d’euros de redressement en 2023
Selon le bilan 2023, le montant total des redressements infligés par l’Urssaf pour travail dissimulé a atteint 1,17 milliard d’euros en 2023, contre 788 millions en 2022. Soit une hausse de près de 50 % par rapport à l’année précédente.
Le montant moyen de la fraude est, lui, estimé à 201 804 euros. 91 % des redressements concernent les employeurs et 9 % les travailleurs indépendants.

Congés payés et maladie : le Conseil d’Etat passe au crible le projet du gouvernement
Les entreprises devraient bientôt être fixées sur les règles applicables aux congés du salarié en cas de maladie après le rappel à l’ordre de la Cour de cassation le 13 septembre dernier qui a écarté le code du travail pour faire directement application du droit européen. Si le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire sur le droit existant, il n’a pas eu à juger les dispositions par rapport au droit de l’Union européenne. Et le gouvernement n’a pas le choix, il doit se mettre en conformité. C’est dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie et de finances, de transition écologique et de droit pénal, de droit social et en matière agricole que le gouvernement compte déposer un amendement en ce sens. Le texte, après avoir été adopté par le Sénat le 20 décembre 2023, doit être examiné à l’Assemblée nationale à compter du 18 mars. Si nous ne disposons pas à cette heure du texte du projet d’amendement gouvernemental, l‘avis très nourri du Conseil d’Etat, d’une quinzaine de pages, rendu le 11 mars, nous permet d’en savoir plus sur les intentions du législateur.
Le gouvernement a ainsi posé sept questions aux Sages de la rue Cambon.
Est-il possible d’instaurer un délai maximum de quatre semaines ?
La première question porte sur la possibilité de limiter à quatre semaines les congés acquis au cours d’une absence pour maladie non professionnelle.
Le Conseil d’Etat y apporte une réponse positive en appréciant la question au regard, d’une part, des exigences relatives à la durée minimale d’un congé annuel et, d’autre part, au regard des principes d’égalité et de non-discrimination.
S’agissant de la durée minimale des congés payés, le Conseil d’Etat se réfère à la jurisprudence de la CJUE qui a indiqué qu’accorder des congés supérieurs à quatre semaines « ne [procède] pas à une mise en oeuvre de cette directive au sens de l’article 51, paragraphe 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union ». Dès lors en conclut le Conseil d’Etat, « le droit de l’Union européenne ne peut être interprété comme imposant des droits à congés payés annuels de plus de quatre semaines ».
S’agissant du principe d’égalité et de non-discrimination, et notamment de la différence introduite entre le salarié absent en raison d’une maladie non professionnelle et les autres salariés, le Conseil d’Etat rappelle la décision récente du Conseil constitutionnel du 8 février 2024, alors saisi de deux QPC, qui à cette occasion a écarté toute atteinte au principe d’égalité. Le Conseil d’Etat renchérit, estimant que le projet d’amendement gouvernemental « ne méconnaît pas le principe constitutionnel d’égalité, ni pour celle qu’il introduit avec les salariés en activité professionnelle ni pour celle qu’il introduit avec les salariés absents en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ». Par ailleurs, le Conseil d’Etat indique que les dispositions envisagées par le Conseil d’Etat n’entrent pas dans le champ des discriminations interdites par le droit européen.
En conclusion, le gouvernement peut tout à fait décider de limiter à deux jours ouvrables par mois l’acquisition de congés payés pendant une période de maladie non professionnelle. Il reste toutefois possible de prévoir un mécanisme qui conduirait à l’acquisition de droits à congés payés au-delà de quatre semaines.
Est-il possible de prévoir un effet rétroactif à cette durée limitée à quatre semaines ?
La deuxième question porte sur la possibilité d’appliquer aux situations passées la limite de quatre semaine de congés payés par une disposition législative à effet rétroactif.
Afin de répondre à cette question, il convient de distinguer deux périodes.
La première du 25 novembre 1996 au 30 novembre 2009. Cette période correspond au délai courant de la fin du délai de transposition de la directive 93/104/CE auquel se réfère la directive 2033/88/CE – le 25 novembre 1996 – à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 – le 1er décembre 2009 – aux termes duquel la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dont l’article 31 paragraphe 2 qui dispose « que tout travailleur a droit (…) à une période annuelle de congés payés » a acquis la même valeur que les Traités.
Le Conseil d’Etat estime qu’une entrée en vigueur rétroactive ne s’impose pas pour cette période.
La seconde à compter du 1er décembre 2009, date à partir de laquelle tous les travailleurs ont pu invoquer directement à l’égard de leur employeur un droit à congés payés d’au moins quatre semaines par an quand bien même ils auraient été malades au cours de l’année d’acquisition des droits à congés payés. Pendant cette période, la nouvelle législation ne pourrait pas produire d’effets rétroactifs, indique le Conseil d’Etat. En effet, cela méconnaîtrait les stipulations d’effet direct de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aucune dérogation en faveur du salarié ou en faveur de l’employeur ne peut donc produire d’effet rétroactif avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
Le Conseil d’Etat suggère toutefois au gouvernement de compléter son projet d’amendement afin de prévoir, s’agissant des droits à congés non définitivement acquis (qui résultent de périodes de maladie non professionnelle survenues lors de période de référence déjà expirées à la date d’entrée en vigueur de la loi) que le salarié ne se voie reconnaître que le nombre de jours de congés supplémentaires lui permettant, s’il n’a pas déjà atteint au moins 24 jours de congé annuel payé au titre des périodes de travail effectif ou de périodes que la loi y assimilait déjà, d‘atteindre ce nombre sans pouvoir le dépasser.
Le gouvernement souhaite également savoir s’il peut imposer un délai maximum de report des congés acquis avant ou pendant un arrêt maladie et, le cas échéant, la durée de ce report, son point de départ et la possibilité de prévoir deux délais de report différents selon la durée de l’arrêt maladie.
Une chose est sûre : prévoir un délai de report est obligatoire. Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que la CJUE interdit à une législation nationale de prévoir l’extinction automatique des droits à congés payés annuels acquis par le salarié à l’issue de la période de référence si le salarié n’a pas été en mesure de les prendre. Dans tous les cas, les Etats membres doivent prévoir une période de report s’agissant des droits acquis antérieurement à une absence pour cause de maladie, ainsi que pour les congés acquis au cours de l’absence du salarié en raison d’une maladie.
Quelle doit être la durée de ce report ?
Le délai de report doit être d’une durée « suffisante », indique le Conseil d’Etat afin de « permettre au salarié d’échelonner et de planifier l’ensemble de ses congés, lesquels comportent aussi ceux correspondant aux droits qui sont nés pendant son absence pour maladie ».
Est-il possible de prévoir un régime spécifique pour les arrêts maladie de longue durée ?
Le Conseil d’Etat rappelle que la CJUE accorde un régime différent aux salariés absents pour maladie pendant une très longue durée, correspondant à plusieurs périodes de référence consécutives d’acquisition de congés payés. Dans ce cas, elle admet que le report ne peut pas être illimité, car alors cela ne répondrait plus à la finalité du repos des congés payés. « Elle admet que les droits acquis lors d’une absence pour maladie et dont la période de report expire alors que le salarié est encore absent à raison de cette maladie, soient définitivement perdus pour ce dernier, alors même qu’il n’a pas été en mesure de les exercer et que son employeur n’a pu lui fournir, en raison de la suspension de son contrat de travail, aucune information », indique le Conseil d’Etat. Attention toutefois, cette exception n’est admise par la CJUE qu’à la condition que la période de report, calculée à partir de la fin de la période de référence, soit substantiellement plus importante que celle-ci ». A titre d’exemple, pour une période de référence d’un an, la CJUE a admis une période de report de 15 mois.
Que prévoit le texte gouvernemental ?
Le gouvernement, dans son projet d’amendement, envisage deux situations :
- celle du report des droits à congés qui n’ont pu être utilisés partiellement ou intégralement pendant la période de prise des congés payés sur une période de 15 mois qui débute à la reprise effective du travail sous réserve que l’employeur en informe le salarié ;
- celle des droits à congés qui naissent pendant des arrêts maladie de longue durée, pour lesquels un même délai de report de 15 mois est prévu mais dont le point de départ se situe à la fin de la période d’acquisition des droits. Les droits à congés expireraient définitivement à l’issue de ce délai même si le salarié est encore absent en raison de sa maladie et que l’employeur n’a pu l’informer de ses droits.
Quel est l’avis du Conseil d’Etat sur ces dispositions ?
Le Conseil d’Etat estime que dans le cas où les droits à congés acquis avant l’arrêt maladie et dont la période d’acquisition expire à un moment où le salarié est encore en arrêt maladie :
- le début de la période de report doit être postérieur à la date de la reprise du travail ;
- ainsi qu’à celle à laquelle l’employeur aura informé le salarié de ses droits à son retour et du délai dont il dispose pour les prendre.
Dans le cas où les droits sont acquis au cours de la période de maladie :
- la période de report peut débuter à la fin de la période d’acquisition des droits si le salarié n’a pas repris le travail ;
- à l’issue de la période de 15 mois les congés s’éteindraient quand bien même l’employeur n’aurait pas pu en informer le salarié. Toutefois, si l’employeur est en mesure de fournir cette information avant que les droits à congés payés n’arrivent à extinction (si le salarié revient dans l’entreprise postérieurement à la fin de la période de référence mais avant la fin de la période de 15 mois) alors le point de départ se situe au jour où l’employeur en a informé le salarié.
Est-il possible d’appliquer de manière rétroactive le délai de report de 15 mois ?
Le Conseil d’Etat estime qu’il est possible de prévoir une durée maximale de report pour les droits acquis avant et après l’entrée en vigueur de la loi (avec application des règles distinctes selon que l’arrêt maladie est de longue durée ou non). Aucune règle de droit de l’Union européenne ne s’y oppose.
Le Conseil d’Etat rappelle qu’en matière d’indemnité compensatrice de congés payés, la prescription est de trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer. Lorsque le salarié est encore lié à son employeur au moment de sa demande (et demande donc l’exercice de son droit à congés et non une indemnité compensatrice), « la loi pourrait à titre transitoire faire obstacle à ce qu’en cas d’absence d’information du salarié par l’employeur sur l’étendue de ses droits, le point de départ du délai de report des congés antérieurement acquis soit indéfiniment repoussé ».
Le Conseil d’Etat estime « possible de prévoir que l’action du salarié qui est encore dans l’entreprise et qui demande le droit de prendre des congés au titre des dispositions introduites par le droit national par la loi de transposition, soit soumise à un délai de forclusion de deux ans à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives, applicable même en l’absence d’information de l’employeur ».
S’agissant d’une loi de validation qui viserait à éteindre les contentieux liés à des droits acquis pendant la période postérieure au 1er décembre 2009, le Conseil d’Etat indique qu’une telle loi violerait le droit de l’Union européenne en faisant obstacle à l’application de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


Le salarié peut s’opposer à l’utilisation de son image dans une plaquette commerciale
Dans le cadre de son contrat de travail, le salarié est soumis au pouvoir de direction de son employeur. Pour autant, il bénéficie d’une protection des droits fondamentaux attachés à sa personne, et notamment de son droit à l’image. Ce droit, garanti par l’article 9 du Code civil, s’exerce pendant l’exécution du contrat de travail par le salarié mais également après la rupture de ce dernier. Les parties peuvent toutefois se mettre d’accord sur l’utilisation de l’image du salarié après la rupture du contrat de travail. Une clause du contrat de travail peut prévoir une telle utilisation dès lors qu’elle fixe une durée raisonnable (10 ans, par exemple : Cour d’appel de Paris n° 94-30596 ; cassation n° 93-44.825).
Dans cette affaire, un salarié, engagé en qualité de conseiller art de vivre, en charge de fonctions de conciergerie, contestait l’utilisation et la diffusion de son image par son employeur au cours de deux campagnes publicitaires en 2012 et 2015. Ce dernier avait expressément reconnu avoir diffusé auprès de ses clients une plaquette de présentation des concierges, comportant une photographie du visage et une du buste de chaque concierge et des photographies collectives de ces derniers. Le salarié réclamait donc des dommages-intérêts, soulignant qu’il n’avait pas donné son autorisation à cette diffusion.
La cour d’appel a toutefois rejeté sa demande d’indemnisation pour atteinte à son droit à l’image, considérant qu’il ne produisait pas le document critiqué et n’avait donc pas permis aux juges d’apprécier la réalité de l’atteinte invoquée.
Se fondant sur l’article 9 du Code civil, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle (pourvoi n° 22-18.014) que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et que la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas demander au salarié de justifier l’atteinte à son droit à l’image, notamment avec la plaquette litigieuse, alors que l’employeur ne contestait pas avoir utilisé l’image du salarié sans son accord pour réaliser ce document. La Cour de cassation confirme ainsi une solution énoncée par la chambre sociale en 2022 (cassation n° 20-12.420) et par la première chambre civile en 2021 (cassation n° 20-13.753).

Anomalies dans l’identification des salariés : ce qui va changer en DSN
Net-entreprises informe que à compter de mai 2024, les informations remontées au sein du compte-rendu (CRM) Identité seront alignées sur celles du bulletin d’identification des salariés (BIS). Ainsi :
► Les erreurs remontées sur le nom de famille (de naissance) ne porteront plus que sur les 6 premiers caractères du nom.
► Les différences sur les majuscules, apostrophes, traits d’union et espaces ne seront pas considérées comme des écarts et ne seront plus remontées dans les CRM Identité.
► Les erreurs sur la date de naissance d’un salarié ne seront plus remontées s’il s’agit de la seule donnée en erreur pour cette personne (sauf pour un individu né à l’étranger, auquel cas l’information sera tout de même remontée).
► Le prénom de référence ne sera plus remonté au niveau du fichier NEOReS et ne sera par conséquent plus affiché sur le tableau de bord Net-Entreprises.

Temps partiel annualisé : comment apprécier la limite des heures complémentaires ?
En application de l’article L 3123-9 du Code du travail, l’accomplissement d’heures complémentaires ne peut avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
Si la durée hebdomadaire du travail est portée à ce niveau, le salarié peut obtenir, à compter de cette date, la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet, y compris si le travail à temps plein a été limité à une période d’un mois (cassation n° 12-15.014). L’atteinte ou le dépassement de la durée légale de travail s’apprécie dans le cadre de la semaine, même si la durée de travail prévue au contrat est fixée mensuellement (cassation n° 19-19.563).
Mais, qu’en est-il lorsque le travail est aménagé sur une période supérieure à la semaine ? Le dépassement de la durée légale ou conventionnelle de travail doit-il être apprécié dans un cadre hebdomdaire ou dans un cadre plus large ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 7 février 2024 en décidant que l’éventuel dépassement de la durée légale ou conventionnelle de travail doit être apprécié à la fin de la période de référence.
En l’espèce, une salariée engagée en qualité d’assistante de vie avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant notamment à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet. En application d’un accord d’entreprise conclu en avril 2016, la salariée était soumise à un temps partiel aménagé sur l’année avec une durée du travail inférieure à 1 600 heures.
La salariée soutenait que la durée légale hebdomadaire du travail ayant été atteinte à plusieurs reprises, le contrat devait être requalifié en contrat de travail à temps complet. La cour d’appel l’avait déboutée de sa demande en retenant principalement que la salariée n’avait pas démontré que la durée annuelle de travail de 1 600 heures avait été dépassée.
La Cour de cassation (pourvoi n° 22-17.696) approuve la décision des juges du fond et juge, pour la première fois à notre connaissance, qu’en cas d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau du seuil de la durée légale du travail correspondant à la période de référence, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
A noter : Dans sa rédaction antérieure à la loi 2008-789 du 20 août 2008, l’article L 3123-25 du Code du travail qui se rapportait au travail à temps partiel modulé prévoyait que la durée du travail du salarié ne pouvait être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire. La chambre sociale, sous l’empire des dispositions antérieures à la loi du 20 août 2008, requalifiait en contrats de travail à temps complet les contrats de travail à temps partiel modulé lorsque la durée légale hebdomadaire était atteinte (cassation n° 17 19.393). Cette référence à la durée légale hebdomadaire n’a pas été reprise par la loi du 20 août 2008 ni par la loi 2016-1088 du 8 août 2016. Toutefois, la question du cadre d’appréciation de la limite d’accomplissement des heures complémentaires en cas de travail à temps partiel aménagé sur tout ou partie de l’année a déjà été abordée dans la circulaire DGT du 20-11-2008. Cette circulaire indique que, dans le cas du temps partiel aménagé sur tout ou partie de l’année, le volume des heures complémentaires est constaté en fin de période. La solution précisée dans cette circulaire est donc identique à celle retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 février 2024.


Faire une chute en déneigeant sa voiture est un accident de trajet
Un salarié tombe et se blesse alors qu’il est en train de déneiger et dégager son véhicule sur une place extérieure située devant son domicile. Deux problèmes se posent. Le salarié sort de chez lui, mais avant de prendre la route, il dégage sa voiture de la neige. De plus, pour tenir compte du temps de trajet rallongé au vu des conditions météo, il est en avance sur son horaire habituel. Ces éléments empêchent-ils la qualification d’accident de trajet à l’accident survenu au salarié ?
Dans un premier temps, la CPAM lui refuse une prise en charge au titre de la législation professionnelle comme accident de trajet. Le salarié saisit alors d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Cette dernière reconnaît l’accident de trajet.
► Est un accident du trajet, l’accident survenu à un salarié pendant le trajet aller et retour entre (article L.411-2 du code de la sécurité sociale) :
- sa résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu de travail : ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier ;
- le lieu de travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le salarié prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou pour un motif indépendant de l’emploi.
Le trajet protégé commence ou se termine, à la limite de la résidence, point de départ du déplacement, et le lieu de travail que le salarié rejoint ou quitte.
Toutefois, la CPAM conteste cette reconnaissance :
- elle estime que le trajet débute lorsque l’assuré quitte sa résidence et qu’il ne s’étend pas à des actes le précédant ou le préparant ;
- elle reproche aux juges de ne pas avoir vérifié que le lieu de l’accident n’était pas en fait un lieu privé.
La cour d’appel relève que :
- le salarié a déclaré avoir fait une chute, alors qu’il était sorti de son domicile, pour procéder au déneigement et au dégagement de son véhicule garé sur une place extérieure située devant celui-ci ;
- l’heure de survenance des faits est compatible avec les nécessaires précautions prises par la victime pour anticiper les difficultés de circulation inévitables en cas d’intempéries et être en mesure de se présenter sur le lieu de son travail à son horaire habituel de prise de poste ;
- les lésions de la victime, constatées le jour même et imputées à sa chute, sont compatibles avec ses déclarations ;
- la victime n’a pas interrompu ou détourné son trajet entre la sortie de son domicile et le lieu de son travail pour un motif dicté par son intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante.
La Cour de cassation réaffirme le pouvoir souverain des juges du fond en matière d’appréciation du trajet. La cour d’appel a fait ressortir que le salarié avait quitté sa résidence et ses dépendances lors de la survenance de l’accident. De sorte que l’accident est bien survenu alors qu’il se trouvait sur le trajet pour se rendre à son travail.
Ainsi, procéder au déneigement préalable et en avance sur son horaire habituel de son véhicule à l’extérieur de son domicile, afin de se rendre sur son lieu de travail n’interrompt pas le trajet.
Cette décision facilite le jeu de la présomption d’imputabilité qui s’applique lorsque l’accident survient au temps et sur le trajet normal.
Pour qu’elle joue, l’accident doit survenir dans un temps normal par rapport aux horaires, en tenant compte de la longueur du trajet, de sa difficulté, des moyens de transport utilisés. En cas de retard ou d’avance par rapport à l’horaire normal, le salarié devra établir que le trajet effectué reste en relation avec l’exécution de son travail.
En l’espèce, il est donc admis que le salarié, parti en avance de son domicile pour tenir compte des conditions météorologiques, puisse procéder, avant de prendre son véhicule au déneigement de celui-ci.
Dans une ancienne affaire, il avait d’ailleurs été jugé que l’accident intervenu alors que le salarié a quitté le chantier 20 minutes après la fin du travail, compte tenu du temps nécessaire pour un minimum de toilette, s’agissant d’un travail salissant, est un accident de trajet (arrêt du 31 mai 1972).


Des courriels envoyés via la messagerie professionnelle peuvent relever de la vie personnelle du salarié
Des courriels à caractère racistes envoyés par une salariée à certains de ses collègues depuis sa messagerie professionnelle peuvent-ils justifier son licenciement ? C’est la question à laquelle a dû répondre la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars dernier.
Dans cette affaire, une salariée d’une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) est licenciée pour faute grave pour avoir envoyé, via sa messagerie professionnelle, des messages à « caractère manifestement raciste et xénophobe » adressés à certains collègues.
Mais, selon la cour d’appel, la salariée pouvait user de sa liberté d’expression et exprimer ses opinions dans un cadre privé, les courriels litigieux ayant été adressés dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe sans avoir vocation à devenir publics. Le licenciement de l’intéressée était de ce fait sans cause réelle et sérieuse.
La CPAM se pourvoit en cassation, considérant pour sa part que le seul fait pour un salarié d’utiliser la messagerie électronique que l’employeur met à sa disposition pour émettre, dans des conditions permettant d’identifier l’employeur, un courriel contenant des propos racistes ou xénophobes, justifie son licenciement. Elle précise également que « le règlement intérieur de l’entreprise et la charte d’utilisation de la messagerie électronique interdisent expressément tout propos raciste ou discriminatoire comme la provocation à la discrimination, à la haine notamment raciale, ou à la violence » et invoque le principe de neutralité auquel sont soumis les salariés d’une caisse de sécurité sociale. Selon la caisse, ces derniers « ne peuvent pas, sans commettre une faute grave, ou à tout le moins une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, utiliser la messagerie mise à leur disposition par l’organisme de sécurité sociale employeur pour diffuser, auprès d’autres agents, des propos racistes ou xénophobes ».
Mais la Cour de cassation confirme la position prise par les juges du fond.
Elle rappelle en premier lieu que salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et en déduit qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, s’appuyant sur un arrêt récent de l’Assemblée plénière (Assemblée plénière, 22 décembre 2023).
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave en raison de propos échangés lors d’une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel. L’Assemblée plénière, après avoir rappelé le principe susvisé, avait considéré qu’une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, était insusceptible d’être justifié. Le principe selon lequel « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » est régulièrement rappelé par la Cour de cassation. En 2011, elle avait considéré que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail (arrêt du 3 mai 2011).
La Cour précise, qu’en l’occurrence, les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur qu’à la suite d’une erreur d’envoi de l’un des destinataires.
Elle rejette ensuite le moyen invoqué par la CPAM relatif au principe de neutralité découlant du principe de laïcité auquel sont soumis les agents qui participent à une mission de service public au motif :
- que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues ;
- et que l’employeur ne versait aucun élément tendant à prouver que les écrits de l’intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l’extérieur de la CPAM et que l’image de cette dernière aurait été atteinte.
Elle relève enfin que si le règlement intérieur interdisait aux salariés d’utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la caisse, y compris dans le domaine de l’informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu’il n’en abusait pas. Or, en l’espèce, la salariée n’avait envoyé que neuf messages privés en onze mois, ce qui ne pouvait être considéré comme excessif, « indépendamment de leur contenu ».
Pour toutes ces raisons, la Cour de cassation, confirmant l’arrêt d’appel, décide que le contenu des messages litigieux relevait de la vie personnelle de la salariée et ne pouvait ainsi justifier son licenciement.
Si, moralement, cette décision peut déranger, elle s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation qui s’attache à protéger la correspondance privée des salariés, à rejeter toute forme d’immixtion de l’employeur dans leur vie privée dès lors qu’un fait tiré de leur vie personnelle ne constitue pas un manquement contractuel, et à préserver leurs libertés d’expression et d’opinion qui plus est lorsqu’elles n’interfèrent pas avec la sphère professionnelle. Ici, les courriels, nommés « personnels et confidentiels » avaient été envoyés à un groupe de personnes restreint et n’avaient pas vocation à devenir publics. Selon les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, si la salariée était tenue à un devoir de neutralité dans le cadre de ses fonctions, elle pouvait user de sa liberté d’expression et exprimer ses opinions dans un cadre privé, quelles qu’elles soient, dès lors que ces opinions ne transparaissaient pas dans l’exercice de son emploi et que la salariée ne tenait aucun propos raciste ou xénophobe dans la sphère professionnelle.


Inaptitude au travail : un contentieux toujours aussi nourri
Le contentieux de ces trois derniers mois concernant la procédure d’ inaptitude porte essentiellement sur la situation du salarié lorsque l’employeur néglige l’organisation d’une visite de reprise, l’importance des mentions indiquées par le médecin du travail dans l’avis d’inaptitude, la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude, l’obligation de reprise du paiement du salaire en l’absence de reclassement ou de licenciement, l’incidence de la cessation d »activité de l’entreprise.
On retiendra, parmi ce panorama, les litiges de plus en plus importants sur la preuve de la notification au salarié de l’avis d’inaptitude et ses conséquences pour l’employeur. En effet, il apparait dans certains cas, que l’avis d’inaptitude notifié au salarié n’est pas identique à celui notifié à l’employeur. Or de cet avis découle l’étendue des obligations de l’employeur en matière notamment de reclassement.
Thème | Contexte et problématique | Solution |
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Visite de reprise | ||
Statut du salarié entre la fin de l’arrêt de travail et la visite de reprise |
Lorsqu’un arrêt de travail d’origine non professionnelle excède 60 jours (30 jours avant le 1er avril 2022), l’employeur doit organiser une visite de reprise dans les huit jours de la fin de cet arrêt de travail. Que se passe-t-il si l’employeur n’organise pas la visite de reprise ? faut-il rémunérer le salarié ? En l’espèce, le salarié invoquait avoir vainement sollicité l’organisation d’une visite de reprise, avant d’entreprendre lui-même les démarches pour qu’une telle visite puisse avoir lieu. Il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander le paiement de salaire pour la période comprise entre la fin de l’arrêt de travail et la réalisation de la visite de reprise. |
Si l’employeur n’organise pas la visite de reprise, la suspension du contrat de travail jusqu’à cette visite ouvre droit au paiement du salaire si le salarié s’est tenu à sa disposition pour passer cette visite de reprise. La Cour de cassation confirme ici sa jurisprudence (arrêt du 23 septembre 2014) selon laquelle le salaire n’est dû que si, à l’issue de l’arrêt de travail, le salarié se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise obligatoire. Précision : en principe, la convocation tardive à la visite de reprise n’ouvre droit qu’à des dommages-intérêts et non à un rappel de salaire au titre de l’article L.1226-11 (reprise du salaire) (arrêt du 6 octobre 2010). |
Absence de visite de reprise |
Lorsque le salarié reprend son travail à l’issue d’un arrêt de travail sans que l’employeur n’organise une visite de reprise et qu’à la suite d’un autre arrêt de travail, il est déclaré inapte et licencié, ce licenciement pour inaptitude est il remis en cause en raison du manquement de l’employeur lié à l’absence de visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail antérieur ? Or selon une jurisprudence constante, lorsque l’inaptitude du salarié est lié à un manquement de l’employeur, le licenciement pour inaptitude est déclaré sans cause réelle et sérieuse (arrêt du 12 janvier 2022). |
Il faut un lien de causalité entre le manquement de l’employeur et l’inaptitude pour que ce manquement remette en cause la validité du licenciement pour inaptitude. En l’espèce, les juges du fond ont relevé un manquement de l’employeur qui n’avait pas organisé de visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail et avait laissé le salarié reprendre son travail dès le 1er septembre 2019. Toutefois, la Cour de cassation considère qu’il n’est pas démontré de lien de causalité entre l’absence de cette visite de reprise et la déclaration d’inaptitude prononcée à l’issue d’un nouvel arrêt de travail plus d’un an et demi plus tard. Elle relève, en outre, que lors d’une visite périodique ayant eu lieu peu après la reprise du travail du salarié suite au premier arrêt de travail, ce salarié avait été déclaré apte. |
En l’absence de visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail le nécessitant, selon une jurisprudence constante le contrat de travail reste suspendu (arrêt du 25 mars 2009) et l’employeur ne peut reprocher au salarié son absence injustifiée (arrêt du 22 février 2017) |
Cette jurisprudence est confirmée : l’employeur qui n’a pas organisé la visite de reprise obligatoire à l’issue d’une absence pour maladie ne peut reprocher au salarié son absence injustifiée.
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Origine professionnelle de l’inaptitude | ||
Preuve de l’origine professionnelle |
Les règles spécifiques plus protectrices applicables aux salariés inaptes, victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie (arrêt du 8 septembre 2021) et que l’employeur en a connaissance. Ces deux critères doivent être réunis , comme l’illustre un arrêt du 28 février 2024. |
Il ne suffit pas de constater que l’inaptitude trouve son origine dans la dégradation de ses conditions de travail et de celle consécutive de son état de santé pour démontrer l’origine professionnelle de l’inaptitude. Les juges du fond doivent rechercher si l’inaptitude a une origine professionnelle consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle et si l’employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement. |
Quelle est la nature de l’inaptitude lorsque l’arrêt de travail consécutif à un accident du travail est poursuivi par un arrêt de travail de droit commun en raison de la consolidation de l’état de santé du salarié ? |
Lorsque le salarié est en arrêt de travail suite à un accident du travail et qu’il est déclaré consolidé avec des arrêts de travail de droit commun, l’inaptitude constatée à l’issue de ces arrêts de travail a une origine professionnelle car lié à l’accident du travail |
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Contenu de l’avis d’inaptitude | ||
Ajout du médecin du travail |
Pour que l’employeur soit dispensé de l’obligation de reclassement, il est nécessaire que l’avis d’inaptitude comporte l’une des deux mentions des cas de dispense prévues par les articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail. En pratique, les formulaires type d’avis d’inaptitude comportent des cases mentionnant ces deux mentions que le médecin du travail doit cocher s’il estime que l’une des deux dispenses de reclassement s’applique. Mais comment doit être interprété l’avis d’inaptitude sur lequel une des cases portant sur la dispense légale de reclassement est cochée lorsque le médecin du travail a ajouté que « l’inaptitude faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi » ? |
Lorsque le médecin du travail coche, sur le formulaire d’avis d’inaptitude, la case mentionnant que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » mais qu’il ajoute, de manière manuscrite dans l’avis que l’inaptitude fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi, l’employeur reste tenu à une obligation de recherche de reclassement dans les établissements hors de ce site. |
Avis d’inaptitude notifié au salarié différent de celui notifié à l’employeur |
Quel avis d’inaptitude prendre en compte lorsque le salarié prétend que son avis d’inaptitude est différent de celui remis à l’employeur ? Deux arrêts apportent des illustrations et des éléments de réponse à cette situation. Premier cas de figure : l’avis d’inaptitude notifié à l’employeur précisait que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». S’appuyant sur cet avis, l’employeur avait licencié pour inaptitude le salarié sans avoir consulté au préalable les représentants du personnel sur un éventuel reclassement du fait de la dispense légale. Le salarié a contesté son licenciement au motif que l’avis d’inaptitude qui lui avait été notifié ne comportait pas la dispense légale et que par conséquent, il y avait eu violation de l’obligation de consulter les représentants du personnel sur un reclassement. |
Aucun élément ne permettait d’établir que l’avis d’inaptitude notifié à l’employeur aurait été modifié par le médecin du travail. En conséquence, l’avis d’inaptitude remis à l’employeur qui précisait que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi devait être pris en considération par l’employeur pour la détermination de ses obligations. La dispense de reclassement y figurant permettait à l’employeur de licencier la salariée sans consulter les représentants du personnel sur le reclassement.
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Deuxième cas de figure : Après un premier avis d’inaptitude remis par le médecin du travail précisant que la salariée »pourrait effectuer un travail à un poste de type administratif à temps très réduit inférieur à une heure par jour à domicile », l’employeur a obtenu un nouvel avis mentionnant que »tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise ». Ce second avis d’inaptitude remis à l’employeur postérieurement à celui qui avait été remis à la salariée n’avait pas été notifié à cette dernière. Elle en avait eu connaissance par la seule citation qu’en faisaient les lettres de convocation à entretien préalable et de licenciement. La salariée peut-elle contester son licenciement pour inaptitude en remettant en cause l’avis d’inaptitude présenté par l’employeur sur lequel s’appuie le licenciement ? |
En l’absence de recours exercé en application de l’article L. 4624-7 du code du travail contre l’avis du médecin du travail, celui-ci s’impose aux parties comme au juge. L’avis d’inaptitude ne peut pas être contesté devant les juges saisis d’une demande de contestation du licenciement. Dès lors qu’il est constaté, d’une part, que la preuve que l’employeur ait obtenu par fraude l’avis d’inaptitude dont il se prévalait, n’était pas rapportée, d’autre part, que cet avis n’avait pas, au jour où elle statuait, fait l’objet d’un recours selon la procédure de contestation spécifique prévue aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, cet avis s’impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement. Il importe peu que le délai de recours à l’encontre de cet avis n’ait pas couru. |
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Contestation de l’avis d’inaptitude |
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Impartialité du médecin inspecteur du travail |
L’avis d’inaptitude peut être contesté devant le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond dans un délai de 15 jours, le juge peut confier des mesures d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent afin d’être éclairé. Quelles sont les marges de manœuvre pour l’employeur qui contesterait l’impartialité du médecin inspecteur du travail ? Dans cette affaire, l’employeur avait contesté l’objectivité et l’impartialité du médecin inspecteur du travail désigné par le CPH pour réaliser l’expertise, car il était conseil des médecins du travail exerçant un contrôle des services de santé. Il estimait ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable au regard de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales |
La Cour de cassation a estimé que la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude respecte le droit à un procès équitable en relevant trois arguments : selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’article 6, § 1, de la Convention garantit le droit à un procès équitable devant un « tribunal » indépendant et impartial et ne requiert pas expressément qu’un expert entendu par un tribunal réponde aux mêmes critères (CEDH 5 juillet 2007, n° 31390/04, § 47) ; |
Rôle du médecin mandaté par l’employeur |
Au cours de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude, l’employeur peut mandater un médecin pour prendre connaissance des éléments médicaux ayant fondé cet avis, à l’exception des données du dossier médical partagé. Il s’agit d’une mesure destinée à permettre le respect du principe du contradictoire. Mais est ce suffisant du fait du rôle réduit du médecin mandaté ? En l’espèce, le médecin inspecteur a refusé de transmettre les commentaires issus de l’examen clinique du médecin du travail et les commentaires du médecin traitant de la cellule maintien dans l’emploi du SPSTI. L’employeur a demandé la nullité de l’expertise pour non-respect du principe du contradictoire. |
L’employeur est débouté par la Cour de cassation qui fait une application stricte de l’article L. 4624-7 : Le médecin inspecteur du travail n’est tenu de communiquer au médecin mandaté par l’employeur que les éléments médicaux ayant fondé l’avis d’inaptitude, à l’exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l’exécution de sa mission. |
Preuve de la notification de l’avis au salarié |
La contestation de l’avis d’inaptitude doit intervenir dans les 15 jours et les modalités et délai du recours doivent être précisés dans l’avis d’inaptitude pour que ce délai commence à courir. L’avis est transmis au salarié et à l’employeur par tout moyen conférant date certaine : il peut être notifié ou remis en mains propres. Il est parfois difficile de prouver que le salarié a bien reçu l’avis. Or en l’absence de preuve sur les mentions de l’avis, le délai de 15 jours ne court pas. En l’espèce, le salarié avait contesté l’avis un mois après le constat d’inaptitude. L’employeur estimait l’action prescrite car effectuée au-delà du délai de 15 jours. Il faisait valoir que la salariée avait nécessairement pris connaissance de l’avis d’inaptitude dans les 15 jours de la visite de reprise en produisant un courriel du médecin du travail qui attestait de ce que la salariée s’était rendue dans les locaux du service de santé au travail au cours de la dernière semaine d’août pour récupérer son avis d’inaptitude et s’en faire expliquer la teneur ainsi que ses conséquences. La salariée faisait valoir que ce délai n’avait pas commencé à courir en prétendant que l’avis d’inaptitude dactylographié ne lui avait pas été remis |
L’employeur est débouté au motif qu’aucun élément ne permettait de retenir que l’avis d’inaptitude dactylographié mentionnant les voies et délais de recours avait été remis personnellement à la salariée à l’issue de la visite de reprise. |
Reprise du salaire |
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Pas de dispense de reprise du salaire |
Lorsque le salarié n’est ni reclassé ni licencié au terme du délai d’un mois à compter de la réception de l’avis d’inaptitude, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire dès l’expiration de ce délai. L’employeur peut-il invoquer l’existence d’un recours à l’encontre de l’avis d’inaptitude pour s’exonérer de l’obligation de reprendre le salaire à l’issue du délai d’un mois à compter de la constatation de l’inaptitude ? |
Non répond la Cour de cassation. La reprise du paiement du salaire est automatique passé le délai d un mois sans licenciement ni reclassement. L’exercice d’un recours contre l’avis d’inaptitude devant le conseil de prud’hommes ne suspend pas le délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le versement du salaire. Le délai ne court pas à compter de la décision définitive de l’inaptitude prononcée par les juges. |
L’employeur peut-il invoquer le refus d’un reclassement conforme par le salarié pour s’exonérer de l’obligation de reprendre le salaire à l’issue du délai d’un mois à compter de la constatation de l’inaptitude ? Dans cette affaire, un salarié, engagé en qualité d’agent de sécurité, suite à un arrêt de travail avait été déclaré inapte à son poste le 5 février 2020 par le médecin du travail. Celui-ci avait alors précisé que le salarié pouvait occuper un poste similaire, mais sur un autre site et sans travail de nuit. L’employeur lui a adressé le 10 février 2020 une proposition écrite de reclassement dans un emploi d’agent de sécurité sur un autre site et en journée à compter du 17 février 2020. Le salarié ayant refusé cette proposition de poste le 12 février 2020, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable (prévu initialement le 12 mars 2020 puis reporté au 9 juin en raison de l’épidémie de Covid) puis l’a licencié le 16 juin 2020. Durant la période de report de l’entretien préalable, le salarié a saisi en référé le 11 mai 2020 la juridiction prud’homale, pour réclamer un rappel de salaire pour la non-reprise du paiement de son salaire à compter du 5 mars 2020 (soit un mois après la date de déclaration de l’inaptitude par le médecin du travail). |
La circonstance que l’employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n’a pas été reclassé dans l’entreprise à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise ou qui n’a pas été licencié, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui avait donné raison à l’employeur et qui considérait que l’obligation de reclassement pouvait être considérée comme « réputée satisfaite » et dispensait ainsi l’employeur de son obligation de reprise de salaire. |
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Motif du licenciement |
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Interdiction de licencier pour motif disciplinaire | Les dispositions du code du travail sur la procédure d’inaptitude sont d’ordre public et font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude (arrêt du 8 février 2023) |
En cas d’inaptitude, le salarié ne peut être licencié pour un motif autre que l’inaptitude et non pour un motif disciplinaire |
Cessation d’activité de l’entreprise | Quelle est la conséquence de la cessation d’activité de l’entreprise pour le salarié déclaré inapte ? • En l’espèce, la société avait été mise en liquidation judiciaire et n’appartenait pas à un groupe. Un salarié déclaré inapte avait été licencié pour motif économique et avait contesté son licenciement au motif que seul le motif de l’inaptitude pouvait être invoqué. |
La Cour de cassation rappelle que lorsque l’employeur est dans l’impossibilité absolue de reclasser le salarié inapte, du fait de sa cessation totale et définitive d’activité et de sa non-appartenance à un groupe, le contrat de travail du salarié inapte peut être rompu pour motif économique. Précision : si l’entreprise appartient à un groupe, sa cessation d’activité n’exclut pas toute possibilité de reclassement du salarié inapte dans les autres entreprises du groupe. |


L’évolution des modes de management dépend surtout des dirigeants eux-mêmes
« Stimuler l’imagination et promouvoir un avenir désirable et vivable », notamment dans la sphère professionnelle, telle est l’ambition de l’initiative Positive Future portée par l’Institut d’études avancées de Paris et la Fondation 2100. Dans ce cadre s’est tenu la semaine dernière un webinaire sur les modes de management alternatifs. Comment organiser, piloter, contrôler, gérer les ressources en entreprises tout en se détachant des modèles hiérarchiques traditionnels ? Ces nouvelles méthodes de direction modifieront-elles le monde du travail et plus largement, quels en sont les apports et limites ? Thomas Coutrot, statisticien, économiste et chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) a livré son analyse. Et pour lui, l’avenir du management n’est pour l’heure « pas très enthousiasmant ».
En introduction le président de la Fondation 2100, Jean-Eric Aubert, le rappelle : face au taylorisme qui s’est perpétué, le management alternatif offre « la possibilité de sortir de l’encastrement des hommes dans le travail ». Un encastrement qui mène à une perte de sens et a en partie motivé la vague de départs volontaires sans précédent constatée en 2022, insiste Thomas Coutrot.
Oui mais qu’est-ce que le management alternatif justement ? Un « management humaniste », ou comment laisser plus de place au travail vivant qu’au travail mort selon ses mots. Pour lui, c’est dans la tension entre ces deux visions que réside toute la question de l’organisation du travail. D’un côté le management standard et dominant reste inspiré du taylorisme avec une division stricte entre conception et réalisation des taches. Il « entérine la domination du travail mort, les normes, les règles, les procédures fixées à l’avance » auxquelles le salarié ne fait que s’adapter. De l’autre, et parce que les salariés ne veulent souvent pas être les simples rouages d’une mécanique anonyme, se sont développés des modes de management alternatifs avec pour point commun de mobiliser l’intelligence et la créativité des salariés au lieu de présupposer qu’elles sont l’apanage des concepteurs/managers. Autrement dit mettre le travail vivant au centre, partir du postulat que l’humain, à toute échelle de la hiérarchie, est irremplaçable et qu’il peut sans cesse s’adapter et innover en se fondant sur l’expérience, l’intelligence, la sensibilité.
Le management traditionnel pose des difficultés récurrentes : problèmes de santé dus à la répétition des tâches, du point de vue économique il limite la réactivité et l’innovation, les solutions dégagées par les dirigeants ne sont parfois pas optimales sur le terrain, etc. A contrario, Thomas Coutrot évoque des success stories dans des entreprises ayant adopté un management alternatif. C’est le cas chez Favi, une usine automobile dans le Nord de la France qui s’est organisée en équipes autonomes gérant toute la chaine, des investissements en machines jusqu’aux relations clients, à la commercialisation, aux embauches et licenciements, etc. Dans un tel fonctionnement, chaque équipe constitue un sous-cercle de l’entreprise et tout est fait pour lui laisser un maximum d’autonomie. L’entreprise désigne elle le chef de chaque niveau inférieur, mais le contrôle est réciproque : les sous-cercles élisent un représentant qui fait partie du conseil d’administration et a un droit de veto.
Si tout cela est très séduisant sur le papier et a donné lieu à des réussites économiques assez notables, « cette organisation nouvelle est très marginale et représente environ 200 ou 300 entreprises depuis une vingtaine d’années ». Et souvent, ce sont des petites ou moyennes structures. En bref, ce management alternatif reste une exception, « sans dynamique de diffusion très importante ».
Alors pourquoi le management alternatif ne s’est-il pas imposé comme l’organisation dominante ? Certaines fragilités persistent : une incertitude sur le champ des décisions des équipes, un risque d’intensification du travail, etc. Mais selon Thomas Coutrot, c’est avant tout les managers qui posent problème puisqu’ils deviennent dans ce cas des coachs au service des équipes. Or, telle n’est pas leur conception de leur rôle. « Ce qui freine cette organisation, c’est la peur des dirigeants de lâcher prise, de perdre du pouvoir ». « Il y a une incapacité très profonde à concevoir autrement le travail pour les dirigeants, avec la peur que si on relâche les process, on ne contrôle plus les équipes » ; « ils ont plus pour objectif le contrôle que l’efficacité ».
Effectivement, plus d’autonomie et de responsabilité pour les salariés sont sources d’incertitude pour les managers car cela peut se faire en parallèle voire en contradiction avec les objectifs de l’entreprise. Il n’en reste pas loin que pour le spécialiste, « les tendances actuelles ne sont pas très épanouissantes », « il va bien falloir qu’à un moment donné on bascule vers autre chose, et on aura des exemples d’entreprises pionnières qui ont bien marché avec un autre mode de management ». Non on ne peut pas écarter la possibilité d’une prise de conscience collective, oui il y a un vrai rôle des salariés et des organisations syndicales dans le basculement, mais un changement salvateur « dépend beaucoup des managers et renvoie à leurs présupposés humains », conclut Jean-Eric Aubert.
