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Le code du travail accorde depuis 2013 une protection au salarié dénonçant de bonne foi des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Dans sa version applicable au litige, avant l’intervention de la loi du 9 décembre 2016 sur le lanceur d’alerte, l’article L.1132-3-3 du code du travail prévoit ainsi que le salarié ne peut pas être sanctionné, licencié ou faire l’objet de mesures discriminatoires directes ou indirectes pour avoir dénoncé de tels faits. Le texte précise en outre que, en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait permettant de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime et qu’il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à ce témoignage, le juge formant alors sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Une protection conditionnée à la bonne foi du lanceur d’alerte 

Le Conseil d’Etat confirme dans une décision rendu le 8 décembre 2023 le contrôle en trois volets que doit exercer l’autorité administrative en cas de demande d’autorisation de licenciement pour faute d’un salarié protégé fondée sur un tel signalement de faits répréhensibles : l’inspecteur du travail (ou le ministre en cas de recours) doit rechercher d’une part si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit, d’autre part, si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et, enfin, s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi. Si ces trois conditions sont remplies, l’administration doit refuser d’autoriser le licenciement. Par ailleurs, la Haute juridiction administrative rappelle que l’aménagement de la charge de la preuve prévue par l’article L.1132-3-3 n’est pas applicable lorsque la mesure contestée est expressément fondée sur la dénonciation de faits par le salarié, auquel cas le juge administratif forge sa conviction au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier par les parties, le cas échéant après avoir mis en œuvre ses pouvoirs généraux d’instruction des requêtes.

La solution avait déjà été adoptée par le Conseil d’Etat, dans les mêmes termes, en 2022 (décision du Conseil d’Etat du 27 avril 2022), mais le présent arrêt livre une illustration de circonstances permettant d’écarter la bonne foi du salarié. 

En l’espèce en effet, le salarié, recruté par un organisme de formation de la SNCF et détenteur depuis quelques mois d’un mandat de représentant syndical, avait envoyé à quelques jours d’intervalle trois mails à une quinzaine de dirigeants et d’agents de la société, dans lesquels il mettait en cause son ancien supérieur hiérarchique direct en l’accusant de commettre un « délit d’abus de bien social » par l’utilisation massive de places de parking à des fins personnelles et en lui reprochant « une longue liste de délits », des « affaires de clientélisme, de népotisme, de conflits d’intérêts », mais sans les détailler. Dans le second mail, il qualifiait le supérieur de « sinistre personnage », de « truand corrompu », indiquant ne plus vouloir travailler avec son service. Le salarié avait été mis à pied puis licencié en raison de ces courriers, après autorisation du ministre du travail. Il avait demandé l’annulation de cette décision mais avait été débouté par le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel. Dans son pourvoi en cassation, il se prévalait de la protection inscrite à l’article L.1132-3-3 du code du travail.

Une campagne de dénigrement indiquant la mauvaise foi de l’accusateur 

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat relève qu’il ressort des pièces du dossier que les accusations du salarié sont formulées en des termes généraux et outranciers sans que l’intéressé ait été en mesure de les préciser d’aucune manière par la suite, et qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une campagne de dénigrement dirigée contre cet ancien supérieur hiérarchique, sans que le reproche de pratiques illégales ne soit étayé par le moindre élément factuel. L’année précédant son licenciement, le salarié avait ainsi saisi la direction de l’éthique de la SNCF d’accusations de fraude exprimées en des termes allusifs mais n’avait pas répondu à la demande de précisions émanant de ce service. Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime que l’intéressé ne peut pas être regardé comme ayant agi de bonne foi et ne peut pas se prévaloir de la protection applicable aux lanceurs d’alerte instituée par l’article L.1132-3-3 du code du travail au soutien de sa demande d’annulation de l’autorisation administrative de licenciement.

On notera que dans cet arrêt, le Conseil d’Etat ne reprend pas explicitement la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés et non de la seule circonstance que ces derniers ne sont pas établis. Dégagée en matière de dénonciation du harcèlement moral (arrêt du 7 février 2012), elle est notamment appliquée au cas du lanceur d’alerte (arrêt du 8 juillet 2020 ; arrêt du 15 février 2023). Toutefois les solutions se rejoignent car l’incapacité du salarié à fournir le moindre élément factuel à l’appui de ses accusations, conjuguée au constat d’une campagne active de dénigrement de sa part envers le supérieur hirérachique, sont bien les indices d’une connaissance de la fausseté des faits reprochés. 

► L’article L.1132-3-3 du code du travail a été réécrit à plusieurs reprises depuis la création du statut du lanceur d’alerte par la loi du 9 décembre 2016 mais il accorde toujours, dans sa rédaction actuelle, une protection au salarié dénonçant de bonne foi un délit ou un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. La solution de cet arrêt du 8 décembre 2023 relative à la bonne foi du dénonciateur est transposable au cadre juridique actuel.

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Signature: 
Fanny Doumayrou
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Un salarié protégé dénonçant de bonne foi un délit ou un crime ne peut pas être licencié pour ce motif, mais le Conseil d’Etat considère qu’il n’est pas de bonne foi s’il accuse un supérieur hiérarchique de pratiques illégales sans apporter d’éléments factuels.
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