Dans cette affaire, deux pilotes de ligne de la compagnie Air France, mis à pied pendant 15 jours, demandent en justice l’annulation de la sanction au motif que l’employeur n’avait pas respecté la procédure prévue par le règlement intérieur de l’entreprise.
Selon ce règlement intérieur, la convocation à l’entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction doit notamment indiquer l’objet de la réunion (en spécifiant si la sanction envisagée est une sanction du premier ou du second degré et, dans ce dernier cas, s’il s’agit d’une mesure de licenciement sans préavis), la date, l’heure et le lieu de l’entretien et mentionne également que, sauf objection écrite de l’intéressé, les délégués du personnel sont informés et leur avis sollicité préalablement à l’entretien.
En l’espèce, l’avis des délégués du personnel sur l’éventualité d’une sanction à infliger aux deux pilotes de ligne avait été sollicité par l’employeur le 19 novembre 2015. Or, l’entretien préalable était fixé au 25 novembre suivant. Les 43 délégués du personnel avaient, par lettre du 23 novembre 2015, demandé un report de cet entretien préalable afin d’avoir le temps de donner un avis et de se faire communiquer l’ensemble des dossiers fondant les poursuites en faisant valoir que les délais accordés n’étaient pas compatibles avec leurs emplois du temps respectifs et la nécessité de prendre connaissance de l’ensemble des éléments factuels reprochés aux salariés.
L’employeur, estimant avoir respecté la procédure, n’avait pas reporté les entretiens et avait ensuite notifié aux salariés une mise à pied disciplinaire de 15 jours.
La cour d’appel estime que la demande d’avis émise par l’employeur était tardive dès lors que les salariés avaient été convoqués à cet entretien préalable par lettres du 6 novembre 2015 et qu’un délai de cinq jours, comprenant en l’espèce un samedi et un dimanche, « ne permettait pas aux 43 délégués du personnel de prendre connaissance des faits, de consulter les personnes et documents utiles, de construire un avis commun et le rédiger ».
Elle en conclut que la consultation dans un délai insuffisant équivaut à une absence de consultation et que la consultation des délégués du personnel, leur permettant de se prononcer sur l’existence de la faute, sa nature, son degré de gravité et sur la sanction adéquate, constitue une garantie de fond. Et annule les mises à pied.
L’employeur se pourvoit en cassation, estimant « que l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d’une garantie de fond qui entraîne l’annulation de la sanction disciplinaire qu’à la condition que cette irrégularité ait privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale ».
La Cour de cassation rappelle :
- que la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle ou d’un règlement intérieur, de donner son avis sur une sanction envisagée par un employeur constitue une garantie de fond, en sorte que la sanction ne peut pas être prononcée sans que cet organisme ait été consulté ;
Rappelons que pour les licenciements prononcés à compter du 18 décembre 2017, le non-respect de la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ne donne lieu qu’au versement d’une indemnité au plus égale à un mois de salaire (article L. 1235-2 du code du travail). Mais cette « nouvelle » règle, contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, ne s’applique pas à en l’espèce puisque les sanctions ont été prononcées avant cette date et n’étaient pas des licenciements.
- et que l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire, prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d’une garantie de fond lorsqu’elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé en l’espèce une influence sur la décision finale de l’employeur.
Ici, l’employeur avait consulté tardivement les délégués du personnel, ce qui constituait une simple irrégularité dans le déroulement de la procédure disciplinaire. Pour pouvoir considérer que cette irrégularité constituait la violation d’une garantie de fond, la cour d’appel aurait dû démontrer qu’elle avait privé les salariés de la possibilité d’assurer utilement leur défense ou qu’elle avait pu exercer une influence sur la décision finale de sanctionner par l’employeur. Ce qu’elle n’avait pas fait.
L’affaire est renvoyée devant la même cour d’appel, autrement composée.
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