ACTUALITÉ
SOCIAL
Pas de perte des congés reportés au terme de la période de report si l’employeur n’a pas été diligent
La Cour de cassation poursuit la construction du droit des congés payés et précise le sort des congés reportés lorsque le salarié est de nouveau en arrêt maladie pendant la période de report : les congés payés acquis pendant une période de maladie et reportés pendant 15 mois, que le salarié n’a pas pu prendre entre sa reprise du travail et le terme de la période de report en raison d’un nouvel arrêt de travail sont-ils perdus ou doivent-ils être de nouveau reportés ?
Le salarié qui n’a pas pu, en raison d’un arrêt de travail, prendre ses congés acquis, au cours de la période de prise des congés, bénéficie d’une période de report de 15 mois (sauf durée plus longue fixée par accord d’entreprise ou, à défaut, de branche) à l’issue de laquelle les congés non pris sont perdus (C. trav. art. L 3141-19-1, al. 1 et L 3141-21-1 ; Cass. soc. 10-9-2025 n° 23-22.732 FP-BR : cette actualité du 11-9-2025). Cette période débute à la date de réception des informations dues dans le mois de la reprise du travail sur le nombre de jours de congé et la date ultime de prise de ceux-ci (C. trav. art. L 3141-19-1, al. 2) ou, en cas d’absence pour cause de maladie ou d’accident, professionnels ou non pendant toute la période de référence, à la fin de cette période (C. trav. art. L 3141-19-2).
Par un arrêt (n° 24-14.084) du 13 novembre 2025 publié au Bulletin des chambres civiles, la Haute Juridiction juge que l’employeur ne peut invoquer la perte des congés reportés que s’il justifie avoir mis, en temps utile, le salarié en mesure de prendre ces congés pendant la période de reprise du travail coïncidant avec la période de report.
Le salarié tombe malade à la fin de la période de report
En l’espèce, un salarié de la SNCF est en arrêt de travail pour maladie du 3 mai 2017 au 3 mars 2019. Il reprend le travail du 4 mars 2019 au 4 mars 2020 puis est de nouveau placé en arrêt de travail le 5 mars 2020, alors qu’il devait prendre, du 13 au 31 mars 2020, un reliquat de 13 jours de congés payés acquis pendant l’année 2018 (la période de référence pour l’acquisition des congés étant l’année civile). Ces congés ont été reportés, en application du statut collectif, pour être pris sur une période de 15 mois débutant à la fin de la période de référence, du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020.
A notre avis : Bien que l’affaire soumise à la Cour de cassation concerne le statut des agents de la SNCF, la décision est transposable aux salariés de droit privé.
L’employeur supprime le reliquat de jours reportés
À l’expiration du délai de 15 mois, la SNCF supprime les 13 jours non exercés. Le salarié saisit le conseil de prud’hommes estimant avoir subi la perte injustifiée de ces congés. La cour d’appel fait droit à sa demande en retenant que la perte des droits à congé est possible à la fin d’une période de référence ou d’une période de report à condition que le salarié dont les droits sont ainsi perdus ait eu la possibilité effective de les exercer. La SNCF est condamnée à restituer au salarié 13 jours de congé payé et forme un pourvoi.
A noter : La question n’est pas tranchée par la loi du 22 avril 2024. L’administration a précisé que la jurisprudence européenne excluait la perte de tout ou partie du droit à congés payés acquis, à l’issue de la période de référence ou de la période de report, si à cette date le salarié est dans l’impossibilité d’utiliser ses droits du fait d’une maladie (CJUE 10-2-2009 aff. 50/06 et 520/06 ; CJUE 29-11-2017 aff. 214/16 ; CJUE 6-11-2018 aff. 619/16) et que l’employeur devrait adapter la situation au cas par cas et laisser une durée suffisante au salarié.
La chambre sociale confirme la décision des juges du fond. Son raisonnement s’appuie sur la jurisprudence européenne :
– la perte automatique du droit au congé payé annuel est subordonnée à la vérification préalable que le salarié a été mis effectivement en mesure d’exercer ce droit (CJUE 22-9-2022 aff. 518/20 et 727/20, point 39) ;
– le salarié en incapacité de travail de longue durée peut perdre les congés cumulés pendant plusieurs périodes de référence au terme d’une période de report de 15 mois (CJUE 29-11-2017 aff. 214/16 point 55) ;
– mais lorsque le report concerne une année au cours de laquelle le salarié a d’abord travaillé avant d’être en incapacité de travail, le droit au congé annuel payé n’est pas perdu au terme de la période de report ou bien ultérieurement, alors que l’employeur n’a pas, en temps utile, mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit (CJUE 22-9-2022 aff. 518/20 et 727/20 précité).
Il en résulte que lorsque le délai de report des congés payés coïncide avec une période de reprise du travail, l’employeur ne peut invoquer l’extinction des droits à congé payé au terme de la période de report que s’il justifie avoir accompli, en temps utile, les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.
La Haute Juridiction relève que l’employeur ne soutenait pas avoir, en temps utile, mis le salarié en mesure de prendre ses congés avant le terme du délai de report. Elle approuve la cour d’appel d’avoir considéré que les 13 jours de congés reportés ne pouvaient pas être perdus.

Les propos choquants d’un directeur, même sur le ton de l’humour, justifient son renvoi immédiat
Certains propos et comportements déplacés au travail peuvent être justifiés ou minimisés par certains salariés lorsqu’ils s’inscrivent dans un contexte humoristique. Le salarié auteur de ces propos ne doit pas perdre de vue les conséquences qu’ils peuvent avoir dès lors qu’il reste tenu de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues. C’est sur ce point que le présent arrêt apporte son éclairage.
En l’espèce, un directeur commercial ayant plus de sept ans d’ancienneté est licencié pour faute grave en raison des propos répétés à connotation sexuelle, sexiste, raciste et homophobe tenus à l’égard de certains de ses collaborateurs.
Le salarié conteste son licenciement en justice. Il produit diverses attestations montrant qu’il était apprécié d’un grand nombre de ses collègues. De plus, un de ses collègues établit une attestation (qu’il a finalement souhaité retirer de la procédure) dans laquelle il indique avoir accepté ce comportement placé sur le ton de l’humour mais relève qu’il a toutefois heurté certains collaborateurs.
La cour d’appel saisie du litige confirme le licenciement pour faute grave. Concrètement, elle relève que le salarié a notamment :
- via la messagerie interne à l’entreprise, envoyé des photos à caractère pornographique à un stagiaire et tenu des propos insistants relatifs à l’orientation sexuelle auprès d’un salarié homosexuel ;
- adressé un mail à connotation raciste à l’égard de leurs sous-traitants d’origine étrangère.
Le salarié forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel.
Le salarié doit prendre soin de la santé et la sécurité de ses collègues
La Cour de cassation rend son arrêt au visa de l’article L 4122-1 du code du travail selon lequel tout salarié doit prendre soin de sa santé et sa sécurité ainsi que de celles ses collègues et autres personnes se trouvant en sa présence sur son lieu de travail, en fonction de sa formation et de ses possibilités.
Faute grave du salarié
La Cour de cassation s’appuie sur le pouvoir souverain de la cour d’appel qui constate que le salarié qui occupait les fonctions de directeur commercial avait tenu à l’égard de certains de ses collaborateurs des propos portant atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant.
Puis, si ces propos se voulaient humoristiques et que l’intéressé était apprécié d’un grand nombre de ses collègues, ils étaient inacceptables au sein de l’entreprise, et ce d’autant plus qu’ils s’étaient répétés à plusieurs reprises et avaient heurté certains salariés.
La Cour de cassation, exerçant un contrôle léger de la motivation des juges du fond, approuve la cour d’appel qui en déduit que le comportement du salarié, sur le lieu et le temps de travail, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’autres salariés, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise.
► La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer au titre de l’obligation de sécurité dans une affaire mettant en jeu la santé d’une salariée. Avait été approuvé le licenciement pour faute grave d’un cadre dirigeant qui avait adopté un comportement déplacé auprès d’une collaboratrice, de nature à porter atteinte à la santé psychique de cette dernière (arrêt du 26 mars 2025).

Le repos hebdomadaire doit-il être donné au terme de six jours de travail consécutifs ?
La Cour de cassation met fin à une incertitude juridique concernant la fréquence du repos hebdomadaire, lorsqu’il est dérogé au repos hebdomadaire le dimanche, dans un arrêt du 13 novembre 2025. Elle répond à la question : un salarié peut-il travailler plus de six jours consécutifs ?
La Cour de cassation vient de préciser que chaque salarié doit bénéficier d’un repos hebdomadaire au cours de chaque semaine civile, soit du lundi 0 heure au dimanche 24 heures. En conséquence, il n’est pas exigé que le repos hebdomadaire soit accordé au plus tard le jour qui suit une période de six jours de travail, tant qu’il intervient au cours la semaine civile.
Exemple : un salarié peut travailler 12 jours consécutifs du mardi de la première semaine au samedi de la seconde, si le lundi de la première et le dimanche de la seconde semaine il bénéficie de 24 heures de repos hebdomadaire augmenté des 11 heures de repos journalier.
La Cour de cassation s’appuie sur l’absence de précision sur le moment de la prise du repos hebdomadaire dans l’article L.3132-1du code du travail et dans le droit européen.
En l’espèce, un salarié engagé en tant que directeur des ventes, prend acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, notamment pour non-respect du droit à repos hebdomadaire. Il reproche à son employeur d’avoir travaillé 11 jours consécutifs, du 3 avril au 13 avril 2018 puis 12 jours consécutifs du 3 septembre au 14 septembre 2018, sans avoir bénéficié d’un jour de repos au bout de six jours de travail consécutifs. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour considérer cette prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour condamner l’employeur au paiement de sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Au titre des articles L.3132-1 et L.3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine, et il est obligatoire d’accorder un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les 11 heures consécutives de repos quotidien (soit un repos hebdomadaire minimal de 35 heures consécutives).
En principe, le jour de repos est octroyé le dimanche (article L.3132-3 du code du travail). Néanmoins, les articles L.3132-12 et suivants prévoient des dérogations au repos dominical.
Dans l’hypothèse où le repos n’est pas donné le dimanche, la question se posait de savoir si l’article L.3132-1 se référait à une semaine calendaire (ce qui interdirait de faire travailler un salarié plus de six jours consécutifs) ou à la semaine civile (ce qui permet de faire travailler un salarié plus de six jours consécutifs à condition que chaque semaine civile comporte un jour de repos).
Le ministère du travail avait déjà pris position en faveur de la semaine civile :
- par « semaine » il faut entendre la semaine civile qui débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures (circulaire DRT 19/92, 7 octobre 1992) ;
- s’il est interdit d’occuper un même salarié « plus de six jours par semaine », en revanche, il n’est pas interdit de l’occuper « plus de six jours de suite » (réponse Sérusclat, Sénat questions 12 mars 1981, p. 366 n° 1702).
La Cour de cassation confirme cette position administrative en relevant que l’article L.3132-1 du code du travail n’exige pas que « le repos hebdomadaire soit accordé au plus tard le jour qui suit une période de six jours consécutifs ».
Pour fonder sa solution, la Cour de cassation fait aussi référence à la jurisprudence de la CJUE qui n’exige pas non plus que le repos hebdomadaire soit accordé au plus tard le jour qui suit une période de six jours consécutifs.
En effet, l’article 5, alinéa 1er, de la directive n°2003/88/CE du Conseil du 23 novembre 2003, traitant du repos hebdomadaire, prévoit : « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de 24 heures auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos journalier prévues à l’article 3 ».
La CJUE en avait déduit qu' »il n’est pas exigé que le jour de repos soit accordé au plus tard le jour qui suit une période de six jours de travail consécutifs mais impose que ce repos soit accordé à l’intérieur de la période de sept jours » (CJUE, 9 novembre 2017, aff. C-306/16, Maio Marques da Rosa, point 51).
La Cour de cassation relève par ailleurs que la CJUE n’a pas précisé le moment auquel cette période minimale de repos doit être accordée.

Le versement des aides financières à l’embauche d’apprentis est reporté dans certains cas
Les entreprises de moins de 250 salariés peuvent bénéficier, sous conditions, d’une aide unique forfaitaire de l’État pour l’embauche d’apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat (niveau 4) (C. trav. art. L 6243-1 et D 6243-1). Pour les contrats d’apprentissage conclus depuis le 24-2-2025, le montant de l’aide unique versé au titre de la première année est de 5 000 € maximum (6 000 € pour un contrat conclu avec un apprenti handicapé) (C. trav. art. D 6243-2, II).
Par ailleurs, pour les contrats d’apprentissage conclus du 24-2-2025 au 31-12-2025, les employeurs de moins de 250 salariés peuvent bénéficier, sous conditions, de l’aide exceptionnelle à l’embauche d’apprentis pour la préparation d’un diplôme ou d’un titre professionnel d’au moins niveau 5 (bac + 2) et au plus de niveau 7 (bac + 5), d’un montant de 5 000 € maximum versé la première année d’exécution du contrat. Les entreprises d’au moins 250 salariés peuvent aussi bénéficier, sous conditions, de l’aide exceptionnelle pour la préparation d’un diplôme ou d’un titre professionnel au plus de niveau 7, d’un montant de 2 000 € maximum versée la 1e année d’exécution du contrat. Le montant de l’aide est de 6 000 € si le contrat est conclu avec un apprenti handicapé, quel que soit l’effectif de l’entreprise (Décret 2025-174 du 22-2-2025 art. 2, JO du 23).
Ces aides sont versées par l’Agence de services et de paiement (ASP) avant le paiement de la rémunération par l’employeur et chaque mois dans l’attente des données mentionnées dans la déclaration sociale nominative (DSN) effectuée par l’employeur. À défaut de transmission de ces données, le mois suivant, l’aide est suspendue (C. trav. art. D 6243-2, III ; Décret 2025-174 art. 2, X).
Pour les contrats d’apprentissage conclus depuis le 1-11-2025 qui ont une durée inférieure à un an, le montant de l’aide unique ou de l’aide exceptionnelle due au titre du premier et du dernier mois du contrat est calculé, depuis le 1-11-2025, au prorata temporis du nombre de jours réellement effectués dans le cadre du contrat pour les mois considérés. Pour les contrats d’apprentissage en cours au 1-11-2025, cette proratisation n’est pas appliquée au premier mois du contrat (Décret 2025-1031 du 31-10-2025, JO du 1-11 ; C. trav. art. D 6243-2, II modifié ; Décret 2025-174 art. 2, X modifié).
En cas de rupture anticipée du contrat d’apprentissage, l’aide unique ou l’aide exceptionnelle n’est pas due à compter du jour suivant (et non plus du mois suivant) la date de fin du contrat. Cette mesure s’applique depuis le 1-11-2025 aux contrats d’apprentissage conclus à compter de cette date, ainsi qu’aux contrats en cours au 1-11-2025 (Décret 2025-1031 du 31-10-2025, JO du 1-11 ; C. trav. art. D 6243-2, IV modifié ; Décret 2025-174 art. 2, XI modifié).
Le ministère du Travail a précisé sur son site internet que, depuis le 1-11-2025, pour les contrats d’apprentissage conclus à compter de cette date et pour ceux en cours à cette date, qui ont une durée inférieure à un an ou sont rompus avant la fin de la première année, les versements de l’aide unique et l’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis sont effectuées selon le planning suivant :
Pour les contrats conclus depuis le 1-11- 2025 :
– le versement de l’aide sera mis en attente entre le 1-11-2025 et février 2026 ;
– l’éligibilité du contrat d’apprentissage à l’aide sera étudiée à partir de mi-février ;
– les premiers versements de l’aide due interviendront en mars 2026 avec application de la proratisation sur le premier et le dernier mois du contrat lorsqu’ils ne sont pas complets.
Pour les contrats conclus avant le 1-11-2025 et toujours en cours à cette date (pas arrivés à terme ou non rompus) :
– les versements de l’aide ont lieu tous les mois sans proratisation de l’aide jusqu’à mi-février 2026 ;
– si le contrat arrive à terme ou est rompu avant mi-février 2026, l’aide sera proratisée sur le dernier mois du contrat s’il n’est pas complet, et une demande de remboursement sera envoyée par l’ASP aux employeurs concernés après mi-février 2026 ;
– si le contrat arrive à terme ou est rompu après mi-février 2026, la proratisation de l’aide sera appliquée automatiquement sur le dernier mois du contrat lorsqu’il n’est pas complet, sans impact sur les délais de versement.

La seule mention d’un lieu de travail dans le contrat n’en fait pas un élément déterminant
La mutation d’un salarié est subordonnée à son accord préalable dans deux situations :
- lorsqu’elle implique un changement de secteur géographique (arrêt du 3 mai 2006 ; arrêt du 17 février 2021), sauf clause de mobilité plus large ;
- ou si le lieu de travail a été contractualisé par une clause prévoyant de manière claire et précise que le travail s’exécute exclusivement en un lieu déterminé (arrêts du 3 juin 2003 n° 01-40.376 et 01-43.573 ; arrêt du 15 mars 2006).
En revanche, si le contrat de travail mentionne simplement un lieu de travail, la mutation du salarié dans la même zone géographique s’impose à lui. Cette jurisprudence, constante mais assez ancienne, vient d’être rappelée par la Cour de cassation.
Dans cette affaire, le contrat de travail d’un agent de service exerçant une activité de nettoyage industriel avait été transféré à une nouvelle société. Les parties avaient conclu un avenant relatif à la durée hebdomadaire du travail, mentionnant un lieu d’exécution du travail. Le salarié ayant refusé de signer deux avenants postérieurs l’affectant sur d’autres sites, l’employeur a cessé de lui verser son salaire. La cour d’appel, statuant en référé, a donné raison au salarié : elle a considéré que le lieu de travail avait été contractualisé par les parties.
A tort, selon la Cour de cassation : l’avenant au contrat mentionnait, certes, un lieu de travail, mais il ne stipulait pas expressément que le salarié exerçait ses fonctions exclusivement dans ce lieu. L’employeur pouvait donc imposer au salarié un autre lieu de travail, dès lors que celui-ci se situait dans la même zone géographique.
► En pratique, même si le salarié apporte la preuve que le lieu d’exécution du contrat était un élément déterminant pour lui lors de la conclusion du contrat, cela ne suffit pas à déclencher le régime de la modification du contrat de travail. Ce n’est qu’en présence d’une clause claire et précise stipulant que le salarié exécutera son travail exclusivement dans tel lieu que celui-ci entre dans le socle contractuel.

PLFSS pour 2026 : les sénateurs ne veulent pas entendre parler d’une suspension de la réforme des retraites
« Le Sénat a reçu un texte touffu et peu cohérent ». Le ton est donné par Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales, qui en assure actuellement la présidence, lors de la conférence de presse organisée hier matin au Sénat. « La copie de l’Assemblée nationale n’est pas acceptable. Il faut faire face aux réalités budgétaires », a renchéri Elisabeth Doineau, la rapporteure générale du PLFSS pour 2026. Les sénateurs entendent bien « en revenir à la philosophie première » à savoir « une réduction notable du déficit dès 2026 et centré sur une baisse des dépenses », a indiqué Alain Milon, ce qui explique que la commission de affaires sociales du Sénat a adopté de nombreux amendements de suppression pour en revenir à une version plus proche du texte originel.
L’examen du texte en séance publique, qui a démarré ce mercredi 19 novembre, se poursuivra jusqu’au 25 novembre si cela s’avère nécessaire. Aucune pause n’est prévue pendant le week-end afin de garantir toutes les chances d’examiner l’ensemble du texte.
Nous détaillons ci-dessous les amendements adoptés samedi 15 novembre 2025 en commission des affaires sociales.
Les sénateurs ont supprimé la disposition visant à instaurer un malus en l’absence d’accord collectif ou de plan d’action sur l’emploi des seniors, introduit par les députés pour les entreprises d’au moins 300 salariés. La commission considère « que l’article est déjà en partie satisfait par le droit existant », notamment par la loi du 24 octobre 2025 qui transpose les accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social.
Les sénateurs ont rétabli le gel des barèmes de la CSG pour la seule année 2026.
La taxe exceptionnelle de 2,25 % sur les complémentaires santé a également été rétablie pour un montant d’un milliard d’euros.
La commission des affaires sociales du Sénat a adopté cet article tel que modifié par les députés, à savoir la suppression du forfait social de 8 % sur les compléments de salaire versés par l’employeur et le CSE (activités sociales et culturelles, titres-restaurants, chèque-vacances etc) et la préservation de la hausse de 30 à 40 % du forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.
Le Sénat ne s’oppose pas à la nouvelle mesure introduite par les députés visant à pérenniser le régime social applicable aux gains réalisés par les salariés ou dirigeants sur les instruments d’intéressement dont ils bénéficient dans le cadre de « management packages ». En revanche, il considère que la pérennisation de cette niche sociale au bout de seulement une année suppose que des éléments d’évaluation soient transmis au Parlement au préalable et pourrait ainsi être introduite dans la LFSS pour 2027.
Les sénateurs ont supprimé la mesure introduite par les députés visant à calculer les allègements généraux de cotisations sociales pour leur part employeur accordés au bénéfice des entreprises relevant d’une branche dont les salaires minima sont inférieurs au Smic sur ces salaires minima et non plus sur le Smic.
Les sénateurs ont adopté la disposition nouvellement créée par les députés afin d’étendre la déduction forfaitaire de cotisations patronales de 0,50 euros par heure rémunérée aux entreprises de 250 salariés et plus.
Les sénateurs n’ont pas rétabli les mesures relatives au dispositif Lodéom et avalisé la suppression demandée par les députés. Ils souhaitent donc également que les barèmes Lodéom restent en l’état.
Les sénateurs ont rétabli la suppression de l’exonération de cotisations sociales des apprentis, telle que prévu dans la version initiale du projet de loi.
Les sénateurs ont supprimé la mesure relative à la prise en charge par les employeurs d’une partie des intérêts des prêts immobiliers des salariés primo-accédants qui avait été introduite par les députés.
La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé le plafonnement de la durée des arrêts de travail, justifiant cette position « par l’atteinte manifestement disproportionnée à l’accès aux soins et à la liberté de prescription au regard de l’objectif affiché ».
Le Sénat confirme par ailleurs le rétablissement du caractère obligatoire de la visite de reprise au retour de congé maternité. « La commission note que les dispositions supprimées par l’Assemblée nationale ne relevaient pas d’une loi de financement de la sécurité sociale mais du droit du travail. Aussi, elle n’entend pas les réintroduire dans le texte ».
La commission donne son quitus aux évolutions apportées à la définition applicable aux arrêts liés à un sinistre professionnel, en conformité avec la jurisprudence établie de la Cour de cassation.
« Quant à l’évolution apportée sur la durée d’arrêt de travail à compter de laquelle le médecin du travail peut, sur sollicitation, contacter l’assuré en arrêt pour évoquer avec lui les conditions et modalités de la reprise du travail, la rapporteure estime qu’elle « permettra d’améliorer utilement le suivi des assurés en arrêt de travail afin de prévenir la désinsertion professionnelle ».
Les sénateurs soutiennent également l’article 28 qui limite le versement d’IJSS en cas d’incapacité temporaire de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (AT/MP). « Constatant qu’une incapacité prolongée ne saurait durablement demeurer temporaire, la commission soutient, à l’article 28, la limitation de la durée des IJ AT-MP, mais propose de préciser, par la loi, que le plafond retenu ne saurait être inférieur à celui de la branche maladie en vertu du principe de favorabilité des prestations AT-MP ».
« En effet, afin de limiter la sous-déclaration et de traduire le préjudice spécial que constitue un sinistre professionnel, la branche AT-MP prévoit systématiquement des prestations au moins aussi avantageuses que leurs contreparties de la branche maladie », est-il expliqué dans le rapport du Sénat.
La commission confirme la suppression de la disposition visant à supprimer les règles dérogatoires en matière d’indemnités journalières pour les affections de longue durée (ALD) dites « non exonérantes » comme la dépression légère et les troubles musculosquelettiques (TMS).
Les sénateurs ont adopté l’article 39 qui modifie la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles (que l’Assemblée nationale n’a pas eu le temps d’examiner).
Rappelons que cette disposition confie à un binôme de médecins conseils les procédures réputées moins complexes, les autres dossiers continueraient de relever des CRRMP. « Soucieuse de la qualité de l’instruction et du respect du contradictoire, la commission souhaite restreindre la mesure aux seules procédures relatives au délai de prise en charge, où l’expertise médicale requise demeure plus limitée », est-il indiqué.
Les sénateurs ont adopté le principe d’un nouveau congé de naissance qui constitue « une avancée pour les droits des parents ainsi que des enfants ».
En revanche, ils rétablissent la date du 1er juillet 2027 pour son entrée en vigueur alors que les députés l’avaient avancée au 1er janvier 2026. La rapporteure tient compte de l’impossibilité pour les caisses primaires d’assurance maladie de mettre en oeuvre le congé supplémentaire de naissance avant le 1er juillet 2027.
La commission a également supprimé la proposition d’obliger les parents à prendre au minimum un mois de façon non-simultanée leur congé supplémentaire de naissance qui « se heurte à une impossibilité technique pour les caisses primaires d’assurance maladie car elles ne disposent pas des systèmes d’information afférents à la composition exacte du foyer ».
La commission a adopté la réforme du cumul emploi-retraite proposée dans le projet de loi initial visant à le rationaliser en suivant les préconisations formulées par la Cour des comptes.
Enfin, s’agissant du noeud gordien de ce texte, à savoir le décalage de la réforme des retraites de 2023, pas question d’en entendre parler pour les sénateurs.
La commission des affaires sociales a donc supprimé l’article 45 bis introduit par lettre rectificative du gouvernement. La commission estime cet article « injuste à plusieurs titres, est-il mentionné dans le rapport. Tout d’abord, en ce qu’elle relève plus de l’effet d’annonce que d’une véritable avancée, le gain d’un trimestre par génération s’avérant en réalité extrêmement mineur pour les assurés et difficilement anticipable pour la génération née en 1964. Ensuite, en ce que son financement reposerait notamment sur les retraités qui verraient leur pension sous-indexée à hauteur de 0,9 point en 2027. Enfin, l’extension opérée par l’Assemblée nationale ne se justifie pas dans la mesure où les dispositifs de retraite anticipée de la fonction publique et des carrières longues du privé préservent déjà les assurés qui en bénéficient du recul de l’AOD [âge d’ouverture des droits] ».
La commission a en revanche adopté l’article 45 qui prévoit d’intégrer les trimestres de bonification et de majoration de durée d’assurance pour maternité et éducation de l’enfant parmi les trimestres réputés cotisés au sein du dispositif de départ en retraite anticipée pour carrière longue, ainsi que la prise en compte des 24 meilleures années de carrière, et pour les mères de deux enfants ou plus, des 23 meilleures années de carrière (contre 25 actuellement dans les deux cas).
L’article 44 sur le gel des pensions de retraite et des prestations sociales pour 2026 a été réintroduit. La commission n’a pas non plus repris la sous-indexation des pensions au titre des années 2027 à 2030.
Difficile donc à ce jour d’entrevoir un succès de la commission mixte paritaire (CMP) tant la suspension de la réforme des retraites et la taxe exceptionnelle sur les complémentaires santé constituent deux lignes rouges pour les sénateurs…

Décalage de la réforme des retraites : « Une période d’instabilité s’installe »
L’Assemblée nationale a adopté, le 12 novembre, l’amendement du gouvernement décalant la réforme des retraites. En quoi cette suspension est-elle problématique ?
Vincent Lebailly : Rien n’est encore joué car le texte doit encore être examiné au Sénat à partir du 19 novembre, mais cette disposition suscite déjà de vives inquiétudes. Derrière le terme « suspension » se cache en réalité une période d’instabilité profonde. Tous les dispositifs de fin de carrière – cessations anticipées, temps partiels seniors, retraites progressives – avaient été calibrés sur les règles de la réforme Borne de 2023. Leur gel contraint aujourd’hui les directions des ressources humaines à recalculer, renégocier et réexpliquer, parfois dans l’urgence.
Cette mesure génère également de l’incertitude pour les salariés qui ne savent plus à quelle date ils pourront partir à la retraite et n’auront pas le temps d’anticiper cette transition. Cela se traduit par un réel inconfort.
Quels sont les impacts concrets pour les entreprises ?

Manon Carlési : Cette suspension peut créer un effet d’aubaine pour certains salariés nés entre 1962 et 1968, qui pourront partir à la retraite un ou deux trimestres avant l’âge légal prévu par la réforme Borne. Selon l’amendement gouvernemental, la première génération à atteindre l’âge légal de départ à 64 ans serait celle née en 1969.
Mais parallèlement, cette suspension signifie pour ces salariés la réduction de la durée d’application de dispositifs négociés et donc une baisse de revenus plus précoce que prévu. Outre la perte de salaire, ils perdent aussi leurs avantages sociaux : aides du comité social et économique, de la mutuelle et leur épargne salariale. Prenons l’exemple d’une personne en retraite progressive qui travaille à 80 % du temps de travail : elle perçoit 90 % de son salaire. A la retraite, le taux de remplacement est bien plus faible : un cadre touche entre 70 % et 75 % de sa rémunération antérieure nette, un non-cadre entre 80 % et 83 %.
Les entreprises doivent-elles renégocier leurs accords seniors ?

Manon Carlési : Une renégociation est prématurée tant que le projet de loi n’est pas définitivement adopté. Mais les entreprises doivent avoir conscience des impacts potentiels. Beaucoup avaient heureusement intégré des clauses de révision dans leurs accords pour anticiper un changement législatif. Soit il est clairement indiqué que les salariés pourront partir plus tôt en fonction de leur nouvelle date de départ à la retraite, soit une nouvelle négociation avec les syndicats est prévue. Ces derniers sont d’ailleurs partants pour rediscuter, même si nous manquons encore de recul sur la mise en œuvre concrète.
Plusieurs options s’offrent aux DRH : revoir les dispositifs ou les maintenir au-delà de la date de taux plein. Mais tout dépendra des budgets disponibles. Une entreprise peut aussi décider que cette suspension lui permet de réaliser des économies, les départs intervenant plus tôt.
Quelles sont les autres conséquences pour les employeurs ?
Manon Carlési : Ils devront recruter plus tôt pour remplacer les départs. Ils disposent toutefois d’un certain répit : la réforme ne sera applicable qu’à partir de septembre 2026. Cela leur laisse 10 mois pour anticiper les départs. C’est une bouffée d’oxygène et une bonne nouvelle dans l’instabilité actuelle.
Et pour les femmes, quelles sont les conséquences ?

Manon Carlési : Outre le calcul sur les 23 ou 24 meilleures années en fonction du nombre d’enfants, au lieu des 25 meilleures années, une autre disposition est passée davantage inaperçue : le texte prévoit que deux trimestres de majoration de durée d’assurance, sur les huit habituellement accordés au titre de la maternité, seront pris en compte pour le calcul des carrières longues. C’est une vraie avancée. Cette mesure, inscrite à l’article 45 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, permettra à beaucoup plus de mères de basculer dans le dispositif des carrières longues.
Justement, l’amendement modifie le dispositif des carrières longues. Quels sont les changements ?
Manon Carlési : En l’état, le texte manque cruellement de précisions. Nous ne savons pas exactement quelles générations seront éligibles à cette nouvelle mesure. Il faudra attendre car les décrets d’application font défaut. Les personnes nées en 1965 gagneraient un trimestre supplémentaire, mais nous ne parvenons pas à déterminer s’il s’agit d’un gain par rapport aux carrières classiques – qui bénéficient déjà d’un trimestre – ou si c’est la même durée d’assurance. Les carrières longues conserveront-elles des durées d’assurance différentes des carrières classiques ? Nous n’avons pas de vision claire pour l’instant.
Vous évoquez la nécessité d’introduire une dose de capitalisation dans le système des retraites. Pourquoi ?

Vincent Lebailly : Cette réforme ne va pas forcément améliorer le budget des retraites – on parle de cinq à six milliards d’euros supplémentaires si l’on inclut les carrières longues. C’est pourquoi il nous semble nécessaire d’introduire une dose de capitalisation via l’épargne retraite d’entreprise. Nous conseillons à nos clients d’entreprendre potentiellement une telle démarche au cours des prochaines négociations annuelles obligatoires.
Les avantages sont évidents : un plan d’épargne retraite obligatoire est exonéré de charges patronales, le forfait social est à 16 %, et pour le salarié déductibles de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas négligeable. Dans ces négociations, on peut combiner hausse de salaire et petite brique de capitalisation.
Nous constatons que le taux d’équipement des PME est de 10 à 12 %, contre 40 % pour les entreprises de taille intermédiaire. Nous accompagnons de plus en plus de PME, pas forcément avec des taux très élevés. La retraite devient un enjeu important pour les entreprises de moins de 250 salariés. On commence souvent par les cadres, mais de plus en plus, on couvre l’ensemble des salariés avec des cotisations différenciées. C’est un véritable levier d’attractivité pour les PME, à l’image des entreprises de la tech américaine. La loi Pacte a permis de booster ces dispositifs.

L’action en nullité d’une transaction se prescrit par cinq ans
Les actions relatives à la rupture ou à l’exécution du contrat de travail ne sont plus soumises à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil. D’abord toutes les deux soumises à une prescription de deux ans depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi, la prescription des actions relatives à la rupture du contrat de travail a ensuite été réduite à 12 mois par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (article L.1471-1 du code du travail).
La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (article 2044 du code civil). Une transaction peut notamment mettre fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail. La prescription des actions en nullité d’une telle transaction est-elle régie par le droit commun ou par les dispositions spéciales du code du travail ? Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 octobre 2025 nous éclaire.
► Antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L.1471-1 du code du travail, la chambre sociale jugeait que la nullité d’une transaction conclue avant la notification du licenciement est une nullité relative, l’action en nullité se prescrivant par cinq ans (arrêt du 14 janvier 2003 ; arrêt du 6 avril 2004).
Une salariée a conclu le 29 mai 2015 une transaction avec son employeur aux termes de laquelle elle se déclarait « parfaitement remplie de tous ses droits actuels ou futurs, indemnité quelconque comme conséquence de l’exécution de son contrat de travail à ce jour, tout compte pouvant exister entre les parties à ce titre étant considéré comme définitivement et irrévocablement apuré entre les parties au moment du paiement ». En contrepartie, son employeur lui a versé une certaine somme réparant son préjudice professionnel, psychologique et moral se rapportant notamment aux conditions de travail et d’exécution de son contrat de travail.
Le 8 juin 2018, la salariée a ensuite saisi la juridiction prud’homale pour demander l’annulation de la transaction et le versement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail.
La cour d’appel déclare irrecevable la demande de la salariée en nullité de la transaction. Pour elle, la demande est prescrite, car l’action en nullité de la transaction, qui a pour objet l’exécution du contrat de travail, est soumise au délai de prescription de deux ans prévu par les dispositions spéciales de l’article L.1471-1, al. 1 du code du travail et écarte ainsi l’application des dispositions de droit commun de l’article 2224 du code civil fixant un délai de prescription de cinq ans.
Elle en déduit que la salariée a disposé d’un délai de deux ans pour agir en nullité de la transaction à compter du 29 mai 2015, date de conclusion de la transaction ayant pour objet de régler un différend portant sur l’exécution du contrat de travail. Ce délai a expiré le 29 mai 2017. La salariée ayant saisi le conseil de prud’hommes le 8 juin 2018, sa demande en nullité de la transaction se trouve prescrite.
La chambre sociale de la Cour de cassation casse la décision des juges du fond, en affirmant qu’il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L.1471-1, al. 1 du code du travail que l’action aux fins de nullité d’une transaction ayant mis fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil.
► En l’espèce, la demande de nullité portait sur une transaction ayant été conclue en cours d’exécution du contrat de travail. La Cour de cassation a souhaité donner une portée plus générale à sa décision en précisant que la prescription d’une telle action en nullité s’applique que la transaction mette fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail.
La chambre sociale prend également le soin de qualifier l’objet de la transaction ; elle énonce que son objet est de mettre fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, alors que la cour d’appel avait considéré que la transaction avait pour objet l’exécution du contrat de travail.
La Cour de cassation s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la prescription applicable en cas de demande de qualification d’un contrat, qui est également de cinq ans (arrêts du 11 mai 2022 n° 20-14.421 et 20-18.084 ; arrêt du 15 janvier 2025), en s’appuyant notamment sur l’objet de la demande du salarié pour déterminer la prescription applicable (« La prescription en droit du travail » : Recueil des études de la Cour de cassation 2023, p. 102).
En l’espèce, la salariée demandait aussi le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail. Toutefois, ces demandes sont à distinguer, car c’est seulement si la demande en nullité de la transaction est accueillie par les juges que les autres peuvent être examinées.
► A notre avis : s’il est fait droit à la demande en nullité de la transaction, les autres demandes portant sur l’exécution du contrat de travail devraient être soumises, à notre sens, aux délais de prescription prévus par le code du travail. L’opportunité d’engager une action en nullité d’une transaction plus de deux ou trois ans après sa conclusion devrait être appréciée notamment en fonction de ces considérations, en particulier si certaines demandes sont d’ores et déjà prescrites. Tel n’est pas le cas de la demande relative au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, qui relève de la prescription quinquennale de droit commun (arrêt du 4 septembre 2024).

Le PLFSS pour 2026 transmis au Sénat avec les amendements adoptés par les députés
Les députés n’ont pas pu achever l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 en raison des délais constitutionnels à tenir. En effet, l’Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans un délai de 20 jours après le dépôt du projet de loi de loi, soit au plus tard le 12 novembre 2025 à minuit cette année. Le gouvernement a annoncé saisir le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié par les amendements votés par l’Assemblée nationale. Les sénateurs débuteront l’examen du texte en séance publique à compter du mercredi 19 novembre.
► A noter : les articles 31 à 41 ainsi que l’article 43 n’ont pas pu être examinés.
Nous récapitulons les mesures sociales qui figurent dans le texte qui sera transmis au Sénat : celles adoptées telles quelles, celles qui ont fait l’objet d’amendements et celles qui n’ont pas pu être examinées.
Les députés ont introduit un nouvel article 5 quater qui assortit l’absence d’un accord ou d’un plan d’action pour l’emploi des seniors dans les entreprises de 300 salariés et plus d’un malus dont le montant sera déterminé par décret « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en faveur de l’emploi des seniors ainsi que des motifs de sa défaillance, sur la base de critères clairs ».
Les députés ont supprimé l’article 6 qui visait à geler le barème de la CSG sur certains revenus de remplacement (pensions de retraite, pensions d’invalidité, allocations d’assurance chômage).
L’article 7 qui instaurait une nouvelle contribution exceptionnelle de 2,25 % sur les complémentaires santé en 2026 afin de compenser le décalage de la réforme des retraites a été supprimé.
Les députés ont supprimé la partie de l’article 8 qui visait à créer un forfait social de 8 % sur les compléments de salaire versés par l’employeur ou le CSE (activités sociales et culturelles, chèques-vacances, titres-restaurant…). En revanche a été maintenue la hausse de 30 à 40% du forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.
Les députés ont ajouté un article 8 ter concernant les « management packages ». « Créé par la loi de finances pour 2025, le régime social applicable aux gains réalisés par les salariés ou dirigeants sur les instruments d’intéressement dont ils bénéficient dans le cadre de « management packages » a été instauré pour une durée de trois ans, en raison des dispositions organiques relatives au domaine exclusif des lois de financement de la sécurité sociale », explique l’exposé des motifs de l’amendement.
L’amendement adopté vise a pérenniser ce régime social.
Les députés ont introduit un article 8 sexies qui entend calculer les allègements généraux de cotisations sociales pour leur part employeur accordés au bénéfice des entreprises relevant d’une branche dont les salaires minima sont inférieurs au Smic sur ces salaires minima et non plus sur le Smic.
Un article 8 septies étend à l’ensemble des entreprises le bénéfice de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires dont bénéficient les entreprises de moins de 250 salariés (0,50 euros par heure rémunérée).
Les députés ont supprimé les dispositions de l’article 9 relatives au régime des exonérations de cotisations sociales patronales spécifique dit « Lodeom » estimant qu’elles étaient « guidées par la seule logique du rabot budgétaire ». Il était prévu que les entreprises soumises au barème de compétitivité bénéficieraient désormais d’une exonération totale jusqu’à 1,2 Smic (contre 1,3 Smic aujourd’hui), puis dégressive jusqu’à 1,6 Smic (contre 2,2 smic actuellement). S’agissant des entreprises éligibles au barème de compétitivité renforcée, elles bénéficieraient d’une exonération désormais totale jusqu’à 1,5 Smic (contre 2 Smic aujourd’hui), puis dégressive jusqu’à 1,9 Smic (contre 2,7 Smic actuellement). Il était par ailleurs prévu de supprimer le barème innovation et croissance et les régimes spécifiques de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Un amendement à l’article 9 adopté supprime la fin de l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les apprentis. « La LFSS pour 2025 a déjà abaissé le plafond d’exonération de cotisations sociales salariales des apprentis à 50 % du Smic contre 79 % du Smic jusqu’alors. Le PLFSS pour 2026 propose de supprimer entièrement cet avantage pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2026 », expliquent les auteurs de l’amendement.
Un nouvel article 9 bis instaure une prise en charge facultative par l’employeur des intérêts d’emprunt immobilier contractés par un salarié primo-accédant pour sa résidence principale. Sont envisagés une exonération de cotisations sociales sur ces sommes, hors CSG, CRDS et un forfait social de 20 %, dans la limite annuelle de 8 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
Un amendement à l’article 28 du PLFSS vise à fixer à un mois minimum (contre 15 jours dans le projet de loi initial) puis par tranche de deux mois minimum la durée maximale d’indemnisation des arrêts de travail.
Par ailleurs, les députés se sont opposés à la suppression de la visite obligatoire au retour de congé maternité.
Les députés ont également procédé à une modification sémantique. S’alignant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, les députés estiment que le médecin devra analyser si l’assuré est en mesure de reprendre une « activité salariée ou non salariée quelconque » et non plus si l’assuré est en capacité de reprendre son travail (ce qui ne le prive pas si nécessaire de la possibilité d’autoriser l’assuré à exercer des activités d’ordre non professionnel telles que la pratique d’une activité sportive ou bénévole, si cela est utile à sa rémission).
L’article 28 comprend également des dispositions non modifiées notamment celles visant à limiter dans le temps le versement d’IJSS en cas d’incapacité temporaire de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (AT/MP). Les IJSS seraient payées soit jusqu’à la fin de cette durée maximale, soit jusqu’à la guérison, la consolidation ou le décès.
L’article 29 du projet de loi entendait supprimer les règles dérogatoires en matière d’indemnités journalières pour les affections de longue durée (ALD) dites « non exonérantes » comme la dépression légère et les troubles musculosquelettiques (TMS). Un amendement est revenu sur cette modification.
Les députés n’ont pas pu examiner l’article 39 qui vise à modifier en profondeur la reconnaissance des maladies professionnelles. Constatant que les tableaux réglementaires actuels « intègrent des exigences tenant aux conditions de diagnostic qui posent des difficultés », le texte renvoie à un décret en conseil d’Etat la détermination des modalités d’établissement du diagnostic. Le système complémentaire, quant à lui, sera recentré sur les dossiers les plus complexes traités par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Les députés ont adopté l’article 42 qui créé un congé supplémentaire de naissance. Ils y ont apporté des modifications en séance publique. D’une part, ils proposent que le congé puisse être fractionné en deux parties et qu’au moins un mois de ce congé supplémentaire ne puisse être pris de manière simultanée. D’autre part, ils avancent son entrée en vigueur au 1er janvier 2026 et non plus au 1er juillet 2027.
L’article 43, qui n’a pu être examiné, reprend les propositions du rapport de la Cour des comptes de mai 2025 sur le cumul emploi-retraite afin de rationaliser le dispositif :
- avant 64 ans, un écrêtement de la pension de retraite à hauteur de 100 % des revenus en cas de reprise d’activité et ce dès le premier euro ;
- entre 64 et 67 ans, un écrêtement de la pension à hauteur de 50 % des revenus d’activité supérieurs à un seuil qui pourrait être fixé par décret à 7 000 euros de revenus d’activité par an ;
- après 67 ans, un cumul intégral libre permettant la création de droit à une seconde pension
L’article 45 bis visant à décaler la réforme des retraites a été adopté. A également été adopté l’article 45 qui améliore le calcul de la retraite des femmes en retenant les 23 ou 24 meilleures années en fonction du nombre d’enfants au lieu des 25 meilleures années et en tenant compte des trimestres de majoration de la durée d’assurance dans les carrières longues
Les députés ont en revanche supprimé l’article 44 qui envisageait de geler les prestations sociales en 2026.

PLFSS pour 2026 : l’Assemblée nationale adopte le décalage de la réforme des retraites
Il aura fallu une lettre rectificative et un amendement déposé le matin même en catastrophe par le gouvernement pour que le décalage de la réforme des retraites de 2023 soit voté à l’Assemblée nationale. Rappelons qu’à l’époque de la réforme, la Première ministre Elisabeth Borne l’avait fait passer en utilisant la procédure de l’article 49.3 de la Constitution, sans que les députés ne puissent s’exprimer. Il s’agit donc du premier vote sur le sujet, en dehors des résolutions d’abrogation adoptées en niches parlementaires.
Une fois que les groupes politiques se sont exprimés, le ministre du travail, Jean-Pierre Farandou, a relevé l’importance du débat sur les retraites avant d’ajouter que « la suspension n’est ni l’abrogation ni le déploiement initial de la réforme car elle suspend tous les paramètres jusqu’au 1er janvier 2028 ». Il a également fait un appel du pied aux partenaires sociaux qui « nous ont montré la voie dans le cadre de la conférence sur le travail et les retraites à travailler ces sujets, en commençant par le travail, le grand oublié des réformes précédentes. (…) Il faut donner leur chance aux partenaires sociaux, j’ai confiance dans leur capacité à converger ».
Le ministre a aussi indiqué que l’amendement du gouvernement inclut dans la suspension les catégories actives et super-actives de fonctionnaires (pompiers, policiers, égoutiers, infirmières, surveillants pénitentiaires par exemple). Plusieurs intervenants ont justifié leur refus de voter l’article en insistant sur la qualification de « décalage » et non de « suspension » comme Stéphane Peu (groupe Communiste) et Nicolas Sansu (gauche démocrate et Républicaine).
Le député socialiste Jérôme Guedj a invité l’hémicycle à reconnaître que des « millions de concitoyens » allaient bénéficier du vote de la suspension, avant d’ajouter : « Quand j’entends certains syndicats réformistes comme la CFDT nous indiquer que ce vote exprime l’attention portée au monde du travail, nous devrions l’avoir chevillée au corps ».
Après le rejet des amendements de suppression de l’article 45 bis, déposé par des députés Horizons, Les Républicains et le député Ensemble Karl Olive, l’amendement n° 2686 du gouvernement a été adopté par 250 voix pour, 108 voix contre. L’article 45 bis comprenant l’ensemble de la suspension de la réforme Borne a ensuite été adopté avec 255 voix pour, 146 voix contre.
Par ailleurs, plusieurs amendements adoptés suppriment l’article 44, à savoir le gel des pensions de retraite et des prestations sociales pour 2026.
L’amendement a modifié le projet d’article 45 bis de la lettre rectificative. Le gouvernement a étendu le bénéfice du décalage à la génération née le premier trimestre 1965. De sorte que la répartition de l’âge légal serait distribuée selon ce rythme (modifications en gras par rapport à la lettre rectificative).
| Génération | Age légal de départ | Nombre de trimestres |
| 1961 | 62 ans et 3 mois | 169 |
| 1962 | 62 ans et 6 mois | 169 |
| 1963 | 62 ans et 9 mois | 170 |
| 1964 | 62 ans et 9 mois | 170 |
| 31 mars 1965 | 62 ans et 9 mois | 170 |
| entre le 1er avril et le 31 décembre 1965 | 63 ans | 171 |
| 1966 | 63 ans et 3 mois | 172 |
| 1967 | 63 ans et 6 mois | 172 |
| 1968 | 63 ans et 9 mois | 172 |
La première génération à atteindre l’âge légal de départ serait donc celle née en 1969.
Le régime des carrières longues permet de moduler la durée de cotisation et l’âge légal de départ en fonction de l’âge auquel les assurés ont commencé à travailler : 16, 18, 20 et 21 ans. Par exemple, un assuré né en 1970 peut partir en retraite à 58 ans s’il a commencé à travailler à 16 ans, 60 ans s’il a commencé à 18 ans, 62 ans s’il a commencé à 20 ans et 63 ans s’il a commencé à 21 ans.
Selon l’exposé des motifs de l’amendement, ce dernier « permet également d’avancer l’entrée en vigueur de cette mesure aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026, de telle sorte que les assurés bénéficiant d’un départ anticipé, au titre du dispositif pour longues carrières, inaptitude et invalidité, puissent bénéficier de l’abaissement de la durée d’assurance requise prévue pour leur génération, à compter de cette date ». C’est donc par un jeu d’entrée en vigueur que le gouvernement inclut le régime des carrières longues dans le décalage de la réforme Borne, sans modification directe des articles L.355-1-1 et D.355-1-1 du code de la sécurité sociale.
D’après l’exécutif, le coût de l’ensemble de l’amendement serait de 400 millions d’euros en 2026 et 1,9 milliard d’euros en 2027, avec, a précisé le ministre Farandou, « 20 millions de bénéficiaires supplémentaires ».
A également été adopté à l’unanimité l’article 45 qui inscrit dans la loi le point d’accord issu du conclave sur les retraites. Il prend en compte des majorations de durée d’assurance pour enfant (maternité, éducation, adoption et congé parental) en tant que périodes réputées cotisées pour l’ouverture de droit à retraite anticipée pour carrière longue dans la limite de deux trimestres.
Il intègre également le nombre d’enfants des femmes dans le mode de calcul de leur salaire annuel moyen sur la base des 24 meilleures années de carrière pour les mères d’un enfant, et des 23 meilleures années de carrière pour les mères de deux enfants et plus au lieu des 25 meilleures années.
Ce vote a également été l’occasion pour les opposants au système par répartition de s’exprimer. Le secrétaire général de Renaissance et chef de file des députés Ensemble pour la République, Gabriel Attal, a annoncé sa volonté de déposer une proposition de loi instaurant un système universel de retraites.
L’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, qui portait également une réforme de l’assurance chômage finalement abandonnée [pour l’instant mais reprise dans une proposition de loi], avait précisé ses intentions dans un entretien au quotidien économique Les Echos en juin dernier. « Universel, avec un seul régime inspiré du système à points, en corrigeant ses écueils. Libre, car notre modèle social devient un carcan : il faut plus de liberté. Et donc, permettre à ceux qui voudront partir plus tôt avec une décote importante, ou à ceux qui voudraient partir plus tard mais avec un bonus, de le faire », y précisait-il. Ce système serait fondé uniquement sur la durée de cotisation, et donc n’inclurait pas d’âge légal de départ.
Il propose également l’ajout d’une « part de capitalisation qui finance l’innovation et notre économie sur le long terme ». Enfin, Gabriel Attal anticipe deux modalités d’adoption d’un tel système : « Soit on considère qu’il est urgent de la mettre en place, et alors, c’est par référendum. Soit cela sera tranché par le débat de la prochaine élection présidentielle ».
► Rappelons que la conférence « travail et retraites » lancée par Jean-Pierre Farandou pourrait aussi évoquer le sujet, comme l’a fait le « conclave » organisé par François Bayrou.
