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SOCIAL
Suicide au travail : le ministère du travail appelle à la prévention des risques psychosociaux
La réalité du suicide au travail a été récemment médiatisée avec la vague de suicides à France Télécom entre 2006 et 2011 ayant conduit à la condamnation des dirigeants de cette entreprise pour harcèlement moral institutionnel ou systémique.
Dans sa décision du 21 janvier 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation définit le harcèlement moral institutionnel comme « des agissements visant à arrêter et mettre en oeuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés afin de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés et d’altérer leur santé physique ou mentale, ou de compromettre leur avenir professionnel ».
Etaient en cause les deux grands plans de restructurations lancés par France Télécom – les programmes « NEXT » et « ACT » – visant au départ de 22 000 salariés sur un effectif de 120 000 dans l’entreprise sur trois ans par une méthode de déflation sociale.
Dans une fiche publiée le 9 septembre dernier, le ministère du travail érige la prévention du suicide au travail, c’est-à-dire en lien avec le travail ou survenant sur le lieu et temps du travail, en objectif prioritaire des pouvoirs publics mais aussi des employeurs et des instances représentatives du personnel.
Cette fiche alerte les employeurs sur l’importance d’une prévention des risques psychosociaux dans l’entreprise, ceux-ci pouvant engendrer stress et souffrance au travail et provoquer le passage à l’acte d’un travailleur. Elle rappelle également les conditions de prise en charge du suicide comme accident de travail ainsi que la possible condamnation de l’employeur pour faute inexcusable en cas de manquement à son obligation de sécurité. Des recommandations sont également délivrées pour les employeurs confrontés à la survenance d’un suicide d’un membre de la collectivité de travail.
Le ministère du travail rappelle l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur en vertu de l’article L.4121-1 du code du travail. Celui-ci doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en mettant en oeuvre des actions de prévention des risques professionnels, en informant et formant les travailleurs et en adaptant l’organisation du travail en fonction des risques identifiés.
L’administration appelle à une évaluation rigoureuse des risques psychosociaux
L’obligation de sécurité impose à l’employeur d’évaluer les éventuels facteurs de risques psychosociaux dans l’entreprise. Celui-ci doit transcrire et mettre à jour les résultats de cette évaluation dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Le ministère du travail insiste sur l’importance de cette évaluation qui « constitue un moyen essentiel pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs, grâce à un diagnostic systématique et exhaustif des risques ».
► Cette formulation doit inciter l’employeur à une évaluation rigoureuse des risques psychosociaux, l’administration étant ainsi appelée à être exigeante dans son évaluation des mesures déployées par l’employeur.
Les risques psychosociaux peuvent être regroupés en six grandes familles :
- exigence du travail : surcharge ou sous-charge, pression temporelle, objectifs flous ou inatteignables ;
- exigence émotionnelle : relation à la clientèle, gestion des émotions, exposition à la souffrance ;
- manque d’autonomie : absence de marge de manœuvre, contrôle excessif ;
- rapports sociaux dégradés : conflits, isolement, absence de soutien hiérarchique ou collègue ;
- conflits de valeurs : sentiment d’incohérence entre le travail demandé et ses valeurs professionnelles ;
- insécurité socio-économique : crainte de la perte d’emploi, manque de reconnaissance.
Citant le rapport de juin 2020 de l’Observatoire national du suicide, le ministère du travail souligne le lien entre l’organisation du travail et les pratiques managériales et la souffrance au travail susceptible de conduire à un passage à l’acte.
Selon le Baromètre santé 2017 de Santé publique France, les pensées suicidaires liées à l’activité professionnelle sont associées aux menaces verbales, aux humiliations et aux intimidations au travail, à la peur de perdre son emploi ainsi qu’au fait d’avoir connu récemment une période de chômage de plus de 6 mois.
Plusieurs leviers de prévention doivent être activés
Le ministère du travail insiste sur la nécessité de développer une approche à la fois collective et individuelle de la prévention du suicide au travail en raison de sa dimension plurifactorielle.
Les leviers collectifs reposent sur la prévention primaire des causes organisationnelles (charge de travail, horaires, autonomie, reconnaissance), le développement du dialogue social et l’implication des représentants du personnel, la formation de l’encadrement à la détection des signaux faibles (changement de comportement, isolement, fatigue inhabituelle, irratibilité…) ainsi que sur l’adaptation des méthodes de management pour réduire les sources de stress.
Les leviers individuels consistent dans la mise à disposition de soutien psychologique aux salariés en difficulté (ligne d’écoute, cellule de crise, accompagnement individuel), un accès facilité à la médecine du travail et aux services de santé au travail ainsi que l’incitation à la parole des salariés.
Ces mesures doivent être intégrées à la politique globale de l’entreprise en matière de santé et de sécurité au travail et faire l’objet d’une planification, d’une évaluation et de réajustements.
La fiche du ministère du travail signale l’existence d’une formation au secourisme en santé mentale ouverte à tous et délivrée par l’association PSSM-France, détentrice de la licence du programme Mental Health First Aid.
Le suicide survenu au temps et au lieu de travail ou en lien avec celui-ci
La fiche du ministère du travail commence sur un rappel de la qualification possible du suicide ou de la tentative de suicide du salarié en accident du travail. Si ceux-ci surviennent au temps et au lieu de travail, ils sont présumés constituer des accidents de travail que l’employeur doit déclarer comme tel auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Celle-ci les reconnaîtra comme accident du travail sauf si l’employeur démontre que la cause est totalement étrangère au travail.
► Ainsi, le suicide d’un salarié survenu au temps et au lieu de travail a été reconnu comme accident du travail malgré le départ récent de sa fille pour poursuivre ses études, ses difficultés financières l’ayant conduit à solliciter un prêt auprès de son employeur et le fait que celui-ci s’était déclaré satisfait de leur collaboration. Ces faits n’ont pas permis, en l’absence d’explication laissée par la victime à son geste, de considérer que son décès était totalement étranger à son travail (arrêt du 7-avril 2011).
La CPAM peut également reconnaître un suicide ou une tentative de suicide comme un accident de travail même s’ils sont survenus hors du temps et du lieu de travail dès lors qu’ils sont liés au travail.
► Par exemple, la Cour de cassation a considéré que la tentative de suicide survenue au domicile du salarié, tandis que ce dernier se trouvait en arrêt maladie en raison d’un syndrome anxio-dépressif lié à la dégradation continue de ses conditions de travail, constitue un accident de travail (arrêt du 22 février 2007).
Indépendamment des poursuites pénales, la victime dans le cas d’une tentative de suicide ou ses ayants droit familiaux peuvent solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, devant le pôle social du tribunal judiciaire, en prouvant que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître le danger auquel était exposé le travailleur et n’a pas pris toutes les mesures pour l’éviter.
Cette reconnaissance permet à la victime ou à ses ayants droits d’obtenir une majoration de leur rente et une indemnisation complémentaire de divers préjudices subis (préjudices esthétique et d’agrément, préjudice lié aux souffrances subies, perte ou diminution des chances de promotion professionnelles).
► Le suicide du salarié a pu ainsi être jugé comme dû à la faute inexcusable de l’employeur dès lors que celui-ci n’avait pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux difficultés rencontrées par le salarié pour assurer ses fonctions : absence de réelle formation, décision tardive d’une nouvelle affectation, défaut de contrôle des horaires de travail et du respect du droit au repos quotidien (arrêt du 19 septembre 2013 ; voir aussi récemment, à propos d’un suicide lié à la politique managériale de l’employeur, arrêt du 25 septembre 2025).
En revanche n’a pas été considéré comme dû à la faute inexcusable de l’employeur :
- le suicide du salarié en l’absence de tout signe d’alerte sur une dégradation de ses conditions de travail ou une souffrance au travail, la réalité d’une surcharge de travail n’étant pas démontrée et les auditions menées par les représentants du personnel ne mettant en évidence aucun problème managérial (arrêt du 18 juin 2015) ;
- la tentative de suicide du salarié suite à un entretien avec le directeur des ressources humaines et le directeur technique de la société aux fins de lui remettre une convocation à un entretien préalable de licenciement sans qu’il soit démontré que l’employeur ait eu un comportement humiliant, violent ou vexatoire à l’égard du salarié lors de ces entretiens et que la réaction de l’intéressé, qui ne présentait pas d’antécédents personnel ou familial, n’était pas prévisible du seul fait qu’il s’était montré bouleversé à l’issue de cet entretien (arrêt du 31 mai 2012).
En cas d’événement suicidaire survenu au travail, l’employeur doit intervenir immédiatement pour protéger les salariés et respecter ses obligations légales.
Les mesures d’urgence auprès de la famille et de l’administration
En cas de suicide ou tentative de suicide d’un travailleur, l’employeur doit immédiatement prévenir les secours et sécuriser les lieux. Il doit également informer la famille et proposer un accompagnement psychologique. Le service de prévention et de santé au travail doit être alerté.
S’agissant de ses obligations administratives, l’employeur doit :
- déclarer comme accident de travail dans les 48 heures à la CPAM le suicide ou la tentative de suicide si ceux-ci ont lieu sur le temps et le lieu de travail ;
- en cas de décès, informer immédiatement et au plus tard dans les 12 heures l’inspection du travail ;
- conserver toutes les pièces utiles à l’enquête de la CPAM.
L’accompagnement des salariés
Le ministère du travail souligne que le suicide d’un travailleur, même sans lien avec le travail, constitue un événement très déstabilisant, avec un risque pour la santé mentale des collègues, en particulier s’ils étaient proches de la victime ou s’ils en ont vu le corps.
Le deuil après suicide représente en lui-même un facteur majeur de passage à l’acte suicidaire. Il existe en effet un danger important de « contagion suicidaire » en cas de tentative ou de suicide au sein d’une équipe même si ceux-ci sont sans lien avec le travail. Le ministère du travail renvoie à la fiche consacrée à la contagion suicidaire sur le site du ministère de la santé.
L’employeur doit en premier lieu soustraire la scène du suicide ou de la tentative de suicide de la vue des travailleurs afin d’éviter tout traumatisme. Il doit également mettre en place un accompagnement psychologique via des cellules d’écoute ou l’intervention d’experts en concertation avec la médecine du travail, notamment pour les collègues directs de la victime ou les témoins de l’événement.
Ces mesures peuvent être inscrites dans un plan de « postvention » élaboré dans le cadre du plan d’action du DUERP, en amont de la survenue d’un suicide ou, plus généralement, d’un accident du travail grave ou mortel.
Ces mesures doivent être suivies d’une réévaluation des risques psychosociaux dans l’entreprise pour prévenir de nouveaux passages à l’acte.
Les enquêtes pouvant être diligentées
La fiche du ministère du travail énumère les différentes enquêtes susceptibles d’être diligentées dans un contexte de passage à l’acte (suicide ou tentative de suicide), indépendamment des démarches de l’employeur et du CSE :
- l’enquête pénale qui a « pour objet de clarifier les faits et le contexte de l’événement, en vue de statuer sur le caractère suicidaire du décès (par opposition à l’homicide), afin de permettre au procureur de la République d’apprécier l’opportunité d’engager des poursuites pénales » ;
- celle de l’inspection du travail visant à recueillir des éléments, des témoignages, et à constater d’éventuelles infractions de l’employeur au code du travail et donnant lieu, le cas échéant, à une transmission au procureur de la République ;
- celle réalisée par la CPAM afin de déterminer le caractère professionnel du suicide ou de la tentative de suicide pour sa reconnaissance éventuelle en tant qu’accident de travail ;
- celle effectuée par la Carsat, par la Cramif en Ile-de-France ou la CGSS dans les départements d’outre-mer pour rechercher les facteurs de risques relevant du travail, pour inviter l’employeur « à prendre toutes mesures justifiées de prévention » (article L.422-4 du code de la sécurité sociale).

Titres-restaurant et télétravail : la Cour de cassation tranche en faveur des salariés
Jusqu’à présent, les juges étaient divisés. Par exemple, le tribunal judiciaire de Paris dans un jugement du 30 mars 2021 a décidé que les salariés en télétravail devaient bénéficier des titres-restaurant pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier.
A l’inverse, pour le tribunal judiciaire de Nanterre, à défaut d’un surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, les télétravailleurs ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des salariés sur site sans restaurant d’entreprise et n’ont pas droit, comme ces derniers, à des titres-restaurant. Cet arrêt de la Cour de cassation (en pièce jointe) met fin aux divergences et unifie la jurisprudence en la matière.
La Cour de cassation rejoint les positions du ministère du Travail dans ses questions-réponses selon lesquelles « Les télétravailleurs bénéficient de droits et avantages identiques à ceux de leurs collègues exécutant leur travail dans les locaux de l’entreprise (article L1222-9 du code du travail). Ils peuvent donc obtenir des titres-restaurant, comme le rappelle la Commission nationale des titres-restaurant qui fixe les conditions d’attribution des chèques repas ».
C’est également ce que préconise le site de l’Urssaf : » Vos salariés télétravailleurs peuvent bénéficier des titres-restaurant. Les conditions de travail du télétravailleur doivent être identiques à celles des salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise. Un salarié en télétravail qui réalise une journée avec une pause méridienne réservée à la prise d’un repas a droit à l’attribution d’un titre-restaurant ».
De même, la rubrique du Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS), en son numéro 170 indique : « Les salariés en situation de télétravail doivent bénéficier de titres-restaurant si leurs conditions de travail sont équivalentes à celles des autres salariés de leur entreprise travaillant sur site et ne disposant pas d’un restaurant d’entreprise. Ainsi, si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite ».
Dans cette affaire, un directeur commercial réclame au conseil de prud’hommes de Meaux une somme correspondant à la contribution patronale sur les titres-restaurant pour la période du 16 mars 2020 au 30 mars 2022 durant laquelle il a exercé son activité en télétravail. En effet, le titre-restaurant est financé par une contribution patronale de 50 % à 60 % de la valeur des titres, le reste demeurant à charge du salarié, soit entre 40 et 50 %.
Les prud’hommes lui ont donné raison et ont condamné l’employeur, la société Yamaha Music. Ce dernier a formé un pourvoi contre ce jugement, arguant que les juges de première instance auraient dû caractériser l’existence d’un motif prohibé à l’origine de la différence de traitement entre salariés sur site et télétravailleurs. Il ajoute que les juges auraient dû vérifier si les salariés en télétravail étaient placés dans une situation identique aux salariés sur site.
La Cour de cassation se fonde tout d’abord sur l’article L. 1222-9 du code du travail : « Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ». Elle ajoute que selon les dispositions de l’article L. 3262-1 du même code, le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3262-3 (les restaurateur, hôteliers restaurateurs ou activité assimilée, détaillants en fruits et légumes).
Enfin, troisième point d’appui, elle rappelle qu’au titre de l’article R. 3262-7, « un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier. Il en résulte que la seule condition à l’obtention du titre-restaurant est que le repas du salarié soit compris dans son horaire journalier ».
Cette combinaison de textes aboutit à une solution sans ambiguïté pour la Cour : « L’employeur ne peut refuser l’octroi de cet avantage à des salariés au seul motif qu’ils exercent leur activité en télétravail ». Par suite, le conseil des prud’hommes a exactement énoncé que le télétravail ne justifiait pas de supprimer le droit des télétravailleurs aux titres-restaurant.
La clarification apportée ici par la Cour est bienvenue car elle a décidé dans deux arrêts du 4 juin 2025 que ni le CSE ni le syndicat ne pouvait agir pour réclamer à l’employeur l’octroi de titres-restaurant pour les salariés. Le syndicat peut agir en cas d’atteinte à l’intérêt collectif et pour faire cesser une irrégularité et obtenir des dommages-intérêts, mais pas pour rétablir chaque salarié dans ses droits. Quant au CSE, il ne peut agir en justice au nom des salariés qu’en cas d’atteinte à ses propres intérêts. A défaut, il est recevable à demander une indemnisation, mais pas à réclamer qu’il soit interdit à l’employeur de supprimer les titres-restaurant. Le CSE ne peut pas non plus agir pour réclamer l’exécution ou la révision d’un accord collectif fixant la subvention aux activités sociales et culturelles en vue de son augmentation pour compenser la perte des titres : cette action revient aux seuls syndicats qui ont négocié et conclu l’accord.

Un rapport préconise de rendre incontournable la consultation du CSE sur un projet IA
Un rapport, parlementaire se penche sur l’intelligence artificielle au travail. Ses auteurs, les députés Emmanuelle Hoffin (Ensemble pour la République) et Antoine Golliot (Rassemblement national), qui appartiennent à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, abordent de nombreux aspects parmi lesquels le dialogue social autour de ces nouvelles technologies (pour ses aspects formation, lire cette brève du 3 octobre 2025).
Le droit outille, en théorie, les représentants du personnel pour s’emparer du sujet de l’introduction dans une entreprise d’outils d’intelligence artificielle, dont les effets sur les risques professionnels doivent être inclus dans le document unique d’évaluation des risques professionnels, le Duerp, explique le rapport.
Le rapport cite ces points précis :
- le CSE doit être informé et consulté sur l’introduction de nouvelles technologies (article L.2312-8 du code du travail), l’instance pouvant recourir à un expert habilité (article L.2315-94). ;
- le CSE doit être informé préalablement à la mise en place de moyens de contrôle de l’activité des salariés, de méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi (article L.2312-37 et L.2312-38) ;
- la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) peut aborder les changements induits par les usages de l’IA (article L.2242-20). Cette négociation peut aborder la question des emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques (article L.2242-2).
A ces dispositions s’ajoutent des modes de consultation propres à certaines entreprises comme des « groupes de travail IA », « comité IA » ou autre « commission mixte de gouvernance du numérique ».
Malgré ces éléments de droit prévus par le code du travail, dans les faits, « rien n’assure (..) que le fonctionnement des entreprises garantisse l’exercice, par les salariés, d’un droit collectif à l’information et à la consultation sur les modalités et les effets d’un développement des usages de la technologie ».
Cette incertitude, poursuit le rapport, pose avant tout le problème « du caractère opérant des procédures de saisine des instances représentatives du personnel et du champ de la négociation collective ». C’est d’ailleurs bien la raison des contentieux qui se développent, certains CSE, comme celui de France Télévisions, obtenant la condamnation de leur employeur pour absence de consultation de l’instance.
Les parlementaires déplorent dans la foulée « l’absence de dynamique dans le champ des négociations collectives », l’absence d’un véritable dialogue social portant sur l’impact de l’IA sur l’activité de production. « Il n’existe aucun accord de branche quant à l’usage de l’IA et le nombre d’accords d’entreprise demeure insignifiant », peut-on lire dans le rapport.
Le développement des technologies IA « ne figure parmi les thèmes abordés par les partenaires sociaux que de manière sectorielle et extrêmement marginale », constatent les auteurs.
Les rapporteurs se prononcent pour la conclusion d’un accord national interprofessionnel (ANI) et d’accords de branche « susceptibles de donner un cadre au développement de l’intelligence artificielle ». Les députés imaginent « un instrument de droit souple » qui permettrait « de créer des instruments d’évaluation de l’impact de la technologie sur chaque métier et à mettre en place les formations adéquates ».
Une méthodologie déjà suggérée par l’accord cadre européen du 22 juin 2020 sur la transformation numérique des entreprises : « Ce texte fournit une méthodologie pour appréhender les transformations de l’entreprise et du travail qui pourrait servir de fondement à un volet du dialogue social spécialement consacré aux usages de l’intelligence artificielle ».
L’autre recommandation des députés a directement trait à la consultation du CSE et aux contentieux que son absence génère.
Il s’agit « d’expliciter dans la loi l’obligation d’engager des procédures d’information et, le cas échéant, de consultation des instances représentatives du personnel dès l’engagement des projets reposant sur l’introduction de procédés technologiques appuyés sur l’IA, y compris au stade expérimental ».
Cette recommandation découle du constat largement établi par les syndicats et les élus : la saisie des IRP est très inégale selon les employeurs, certains estimant que la mise en place d’une IA dans l’organisation ne relève que de leurs prérogatives sans avoir à en rendre compte. « De surcroît, ajoutent les députés, la mise en oeuvre des procédures de consultation n’offre pas la faculté de mener une revue au long cours du développement des usage de l’IA : le rythme de déploiement effectif des outils conduirait à ce que l’avis rendu par les instances ne porte que sur les principes et objectifs, sans garantie d’un réexamen de ses effets pratiques dans les réunions ultérieures ».
Il serait donc utile, estiment les députés, de s’assurer que les IRP sont saisies « dès l’engagement d’un projet d’IA ». Comment ? En s’inspirant des décisions judicaires récentes selon lesquelles un projet d’introduction de l’IA justifie à lui seul la consultation du CSE et le recours à un expert, sans qu’il ne soit plus besoin de démontrer des répercussions sur les conditions de travail. En l’état actuel des textes, ces décisions de première instance peuvent en effet être confirmées ou infirmées par la Cour de cassation, surtout si l’employeur argue qu’il s’agit d’une expérimentation.
Par ailleurs, le rapport plaide pour l’inscription de l’introduction de nouvelles technologies dans la liste des thèmes relevant des négociations devant être engagées chaque année (salaires, temps de travail, partage de la valeur, égalité professionnelle, qualité de vie au travail, etc.).
Les députés souhaiteraient donc voir complété l’article L.2242-13 du code du travail, mais ils envisagent aussi l’utilité de mentionner explicitement l’introduction des nouvelles technologie dans le champ de la consultation du CSE sur les orientations stratégiques (article L.2312-14).

Les cadres français veulent prendre part aux mutations du travail
Les cadres français ne sont pas réfractaires aux grandes mutations du travail. Bien au contraire, ils veulent y prendre toute leur part. C’est l’un des principaux enseignements d’une vaste étude prospective menée par l’Apec sur « les futurs du travail » à l’horizon 2030, dont les résultats ont été dévoilés, avant-hier, lors d’un colloque réunissant partenaires sociaux et experts.
Basée sur une enquête auprès de 2 000 cadres et de 1 000 entreprises, complétée par des entretiens en région, cette réflexion identifie cinq « chocs majeurs » qui structureront le monde du travail dans les années à venir : la transformation du rapport au travail, les révolutions technologiques, la transition écologique, le vieillissement de la population active et l’évolution des postures face à la diversité et l’inclusion.
Quelque 85 % des cadres considèrent que le monde du travail a connu des transformations importantes ces dix dernières années, et 77 % anticipent qu’il en sera de même dans la décennie à venir. Une perspective partagée par 55 % des entreprises.
La transformation numérique arrive en tête des facteurs de changement (90 %), suivie par l’évolution du rapport au travail (83 %) et le vieillissement de la population (81 %). La transition écologique, bien que jugée importante, arrive en dernière position (72 %).
« Les cadres ont une conscience aiguë des transformations, explique Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’Apec. Mais ces perceptions ne sont pas homogènes. La transformation numérique est considérée comme le facteur majeur, déjà très avancée, qui s’est imposée sans projet collectif. Les cadres disent : « on se débrouille, on fait avec » ».
Le changement du rapport au travail constitue une mutation profonde. La généralisation du télétravail y a largement contribué : cette pratique, largement répandue depuis la crise sanitaire, concerne désormais deux cadres sur trois de manière régulière. Elle est devenue une dimension centrale des conditions de travail et de l’attractivité des postes.
Ces nouvelles conditions ont entraîné des transformations managériales notables : 80 % des cadres estiment que les pratiques managériales ont évolué ces dernières années, et 57 % pensent que le management va encore connaître des changements importants. Pour autant, le travail reste une dimension particulièrement importante : plus de la moitié jugent qu’il occupe une place très importante dans leur vie.
L’IA s’impose progressivement dans le quotidien professionnel : 35 % des cadres l’utilisent sur une base hebdomadaire, et 75 % estiment que ce sera une compétence importante pour exercer leur métier à l’avenir. Surtout, ils sont de plus en plus nombreux à juger que le développement de l’IA aura un impact sur leur métier (48 %, +18 points en deux ans).
L’appréhension cède progressivement la place à l’opportunité : 37 % considèrent l’IA comme une chance (+15 points en deux ans), même si 42 % restent nuancés, y voyant à la fois une opportunité et une menace. Résultat : en juin 2025, 79 % déclarent vouloir se former à l’IA, soit 19 points de plus qu’en janvier 2024, un souhait qui concerne toutes les catégories, juniors comme seniors.
Malgré un « backlash » récent, une majorité de cadres estiment toujours que la transition écologique aura un impact important sur leur métier (55 %, -9 points en deux ans). À titre individuel, 64 % aimeraient être formés sur le sujet, un souhait particulièrement marqué chez les moins de 35 ans (76 %).
Laetitia Niaudeau note une « dissonance entre leurs convictions personnelles et leur entreprise ». Certains cadres ont fait part de leur inquiétude face à des normes « mal adaptées à la réalité des métiers ».
Le vieillissement de la population active reste un défi majeur. Actuellement, 37 % des cadres seniors se sont déjà sentis pénalisés dans leur évolution professionnelle du fait de leur âge, et la mobilité professionnelle constitue toujours un risque à leurs yeux.
Les visions divergent selon la taille des entreprises : 76 % des grandes structures considèrent que l’évolution démographique sera structurante, contre seulement 54 % des PME et 55 % des TPE.
Alors que les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion sont remises en cause outre-Atlantique, 79 % des cadres français les considèrent légitimes. Surtout, 90 % souhaitent que ces politiques soient maintenues ou renforcées, notamment autour de l’égalité femmes-hommes.
Les entreprises françaises comptent très majoritairement maintenir leurs politiques en la matière, voire les développer (47 % pour les ETI et grandes entreprises, 29 % des PME et 19 % des TPE).
Malgré ces bouleversements, 65 % des cadres se déclarent sereins face aux changements à venir. Cette sérénité s’explique en partie par leur expérience : 63 % jugent que leur métier a changé ces dernières années et 61 % anticipent d’autres changements.
Mais cette confiance s’accompagne d’une demande forte : 92 % estiment qu’il est capital que toutes les parties prenantes s’engagent. « Ce besoin de collectif est ressorti de manière très forte pour éviter les effets pervers de ces transformations », souligne Laetitia Niaudeau. Les deux tiers des cadres considèrent notamment que les syndicats ont un rôle à jouer.
Le degré de préparation des entreprises reste toutefois inégal : 44 % des TPE et 46 % des PME ont déjà engagé des réflexions sur la transformation numérique, contre 60 % pour les grandes entreprises. Un décalage qui appelle, selon l’Apec, une mobilisation de l’ensemble des acteurs – entreprises, syndicats et pouvoirs publics.
| « Il n’y a pas d’épidémie de la flegme en France » |
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Lors du colloque organisé par l’Apec, Dominique Méda, sociologue, et Antoine Foucher, président du cabinet Quintet et ancien directeur de cabinet au ministère du travail, ont livré leur analyse face aux défis à relever. Pour Antoine Foucher, la génération actuelle fait face à trois bouleversements majeurs : écologique, démographique et numérique ». Le choc démographique, avec une baisse continue de la population active (1,27 actif pour un retraité), redistribue les cartes du rapport de force sur le marché du travail. Le numérique, notamment l’intelligence artificielle, marque la première révolution industrielle qui touche les cols blancs. Et l’écologie impose une redéfinition des priorités économiques. S’agissant du nouveau rapport au travail, cet expert balaie les clichés sur une prétendue démobilisation des actifs : « il n’y a pas d’épidémie de la flegme en France ». « Le taux d’emploi atteint 69 %, un record depuis 50 ans, notamment grâce à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail ». Pourtant, derrière cette vitalité apparente, se cache un profond malaise. Dominique Méda souligne l’ampleur du fossé entre les attentes des jeunes et la réalité du marché du travail. « Plus d’un tiers des jeunes souhaitent se reconvertir », alerte-t-elle, citant les enquêtes européennes et les données de la Dares qui indiquent que 37 % des actifs ne se sentent pas capables d’aller jusqu’à la retraite. Les conditions de travail, le manque de reconnaissance, et une perte de sens alimentent cette désillusion. La sociologue liste trois scénarios pour inverser la tendance : le démantèlement du droit du travail, la révolution technologique et une reconversion écologique. Elle rejette le premier, jugé inefficace pour créer des emplois ou améliorer les conditions de travail. Quant à la technologie, elle appelle à la prudence : « 34 % des emplois pourraient disparaître, notamment ceux des femmes et des employés de bureau », prévient-elle, dénonçant une absence de débat démocratique sur ces transformations. Vers un avenir « désirable » ?
Face à ces défis, les deux experts convergent sur la nécessité d’un projet collectif. Dominique Méda plaide pour une reconversion écologique du travail, qui redonne la parole aux salariés et favorise la codétermination. « Il faut démocratiser les environnements de travail », insiste-t-elle, pour sortir du sentiment de mépris et de perte de sens.
Antoine Foucher, lui, esquisse les contours d’un idéal du travail au XXIe siècle : un travail qui épanouit, améliore la vie, et dont on peut être fier. Il propose une GPEC nationale pour former 300 000 personnes par an à des métiers d’intérêt général, financée par un abondement du compte personnel de formation et une désindexation partielle des retraites. Une mesure concrète sur laquelle les partenaires sociaux ont commencé à plancher avec l’accord national interprofessionnel sur les reconversions professionnelles du 25 juin dernier, figurant dans le projet de loi seniors toujours en cours d’examen.
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L’Urssaf apporte des précisions sur le déploiement de la DSN de substitution
Lors de sa conférence de presse de rentrée, le 30 septembre 2025, l’Urssaf est revenue sur les nouveautés applicables à la déclaration sociale nominative (DSN) en 2026.
Dès juin 2026, la DSN de substitution permettra de rectifier des données restées en anomalies après plusieurs relances auprès des entreprises. « Pour sa première année d’application, cette déclaration rectifiée portera sur les données ayant un impact sur le calcul des droits à retraite des salariés. L’Urssaf sera aussi amenée à rectifier l’assiette plafonnée soumise à cotisation vieillesse d’un salarié afin de garantir l’exactitude du montant de sa future retraite », indique l’Urssaf.
Elle a également précisé les étapes préalables à la substitution :
- en mars 2026, les déclarants recevront un CRM de rappel annuel regroupant toutes les anomalies en attente de correction ;
- de mars 2026 jusqu’à l’échéance déclarative de mai 2026, les déclarants auront la possibilité de régulariser les anomalies notifiées. Ils pourront également demander des explications ou s’opposer de manière motivée aux propositions de correction sur les anomalies substituables via le service Suivi DSN ;
- entre mars et juin 2026, l’Urssaf informera les déclarants de l’acceptation ou du rejet de leur demande sur la messagerie de leur espace en ligne.
La mention sur le bulletin de paie des jours de RTT pris n’a qu’une valeur informative
Se fondant sur les règles de preuve de droit commun figurant à l’article 1353 du Code civil, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle régulièrement en matière de paiement du salaire le principe selon lequel la charge de la preuve incombe à l’employeur. Celui-ci doit pouvoir prouver, notamment par la production de pièces comptables, que le salaire a été payé (Cass. soc. 2-2-1999 n° 96-44.798 P : RJS 3/99 n° 370 ; Cass. soc. 6-11-2019 n° 18-17.928 F-D : RJS 1/20 n° 21 ; Cass. soc. 5-1-2022 n° 20-20.596 F-D). A cet égard, la délivrance d’un bulletin de paie ne suffit pas (Cass. soc. 16-6-2021 n° 19-25.344 F-D : RJS 11/21 n° 607 ; Cass. soc. 21-4-2022 n° 20-22.826 F-D : RJS 7/22 n° 375).
A la suite de la rupture de son contrat de travail, un salarié saisit la juridiction prud’homale, notamment en vue d’obtenir un rappel de salaires au titre d’un reliquat de 9 jours de réduction du temps de travail (RTT). La cour d’appel le déboute de sa demande. Elle invoque deux arguments :
– d’une part, au vu des bulletins de paie, l’intéressé justifiait d’un droit à RTT acquis de 42,85 jours, 40 jours ayant été pris ;
– d’autre part, l’employeur démontrait avoir réglé 2,85 jours de RTT dus, au vu du bulletin de paie d’août 2020.
Dès lors, pour les juges, il n’était pas justifié d’un solde de RTT restant dû par l’employeur.
La chambre sociale de la Cour de cassation ne suit pas le raisonnement des juges du fond (cassation n° 23-18.275). Pour casser l’arrêt d’appel, elle s’appuie sur l’article 1353 du Code civil aux termes duquel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Elle rappelle également que l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat, cette acceptation ne pouvant valoir non plus compte arrêté et réglé (C. trav. art. L 3243-3).
Ces rappels effectués, la Haute Juridiction juge que la mention sur les bulletins de paie des jours pris au titre de la réduction du temps de travail n’a qu’une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l’employeur. Les juges du fond ont donc inversé la charge de la preuve, et violé les articles précités. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel où elle sera rejugée sur cette question.
A noter : La chambre sociale de la Cour de cassation confirme ici sa position en la matière (Cass. soc. 9-6-2010 n° 09-40.544 F-D ; Cass. soc. 10-1-2024 n° 22-17.917 F-D).
Soulignons que dans cette même affaire, le salarié faisait grief à la cour d’appel d’avoir limité la somme due par l’employeur au titre des congés conventionnels d’ancienneté sollicité par le salarié au motif que le bulletin de paie établissait un solde d’un jour au titre de l’exercice en cours et que le salarié ne rapportait pas la preuve qu’un jour supplémentaire lui était dû. Là encore, la chambre sociale estime qu’il y a inversion de la charge de la preuve. Elle juge, toujours au visa de l’article 1353 du Code civil, qu’il appartient à l’employeur, débiteur de l’obligation du paiement de l’intégralité de l’indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d’établir qu’il a exécuté son obligation.

Le nouvel arrêt sur le sort des congés payés en cas de maladie n’entraînera pas « de situations antérieures lourdes à régler »
La commission des affaires sociales du Sénat a organisé, mercredi 1er octobre 2025, des auditions sur les deux nouveaux arrêts du 10 septembre 2025 relatifs à l’alignement de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la jurisprudence européenne en matière de congés payés. L’occasion pour la Cour de cassation de justifier les solutions retenues et, pour les représentants des entreprises, d’exprimer leurs inquiétudes et interrogations.
Jean-Guy Huglo, conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, s’est attelé à « défendre » les arrêts du 10 septembre 2025 face aux critiques qu’ils ont pu susciter. « Comme personne ne nous a posé la question jusqu’à présent, évidemment on n’avait pas eu l’occasion de se prononcer de nouveau sur la question [depuis l’arrêt de 1996]. Quand nous sommes saisis d’un pourvoi, nous n’avons pas le choix, nous sommes obligés de statuer », a rappelé le magistrat. Je suis parfois irrité lorsque je vois les commentaires des journalistes disant que la chambre sociale s’est emparée de tel sujet. On ne peut pas s’emparer d’un sujet puisqu’il faut attendre un pourvoi et un moyen du pourvoi qui nous pose la question et, une fois que la question nous est posée, il y a la prohibition du déni de justice qui est un crime (…) On ne peut pas refuser de statuer même si la question est un peu délicate ».
Une fois cette mise au point faite, le conseiller à la chambre sociale est entré dans le vif du sujet. « Comme il n’y a aucun texte sur le sujet dans le code du travail (…), nous n’avions pas écarté l’application d’un texte du code du travail (…) Notre solution des années 90 étant purement jurisprudentielle » (…) De plus, nous sommes tenus d’une interprétation conforme de notre droit français au regard de la directive de 2003 sur les congés payés. Il nous fallait évoluer sur notre jurisprudence ».
Il a également tenu à rappeler que « depuis un an, le site du ministère du travail recommande aux entreprises de ne plus faire application de la jurisprudence de la chambre sociale traditionnelle mais de faire application de la jurisprudence de la CJUE » et que, par ailleurs, « une procédure en manquement a commencé à être engagée par la Commission européenne le 18 juin dernier en adressant une mise en demeure au gouvernement français (…) Nous n’avions aucune marge de manoeuvre ».
Le Directeur général du travail, Pierre Ramain, a tenu à rappeler que si les arrêts du 10 septembre 2025 ont statué sur des faits antérieurs à la loi DDADUE du 22 avril 2024, cette loi apportait déjà des réponses au cas où le salarié tombe malade pendant ses congés payés, permettant à un salarié qui est dans l’impossibilité de prendre ses congés payés pour cause de maladie de bénéficier d’une période de report « sans distinction de date à laquelle l’arrêt intervient y compris pendant les congés payés ».
Après avoir rappelé l’obligation pour les juges français de se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne, Jean-Guy Huglo a détaillé les garde-fous qui ont été posés dans l’arrêt du 10 septembre 2025 :
- le salarié doit avoir notifié son arrêt maladie à son employeur durant ces congés payés (dans un délai de 48 heures en principe) ce qui permet à l’employeur de procéder, s’il le souhaite, à une contre-visite ;
- ces arrêts ont été publiés en septembre laissant ainsi aux entreprises le temps de s’accoutumer à la nouvelle règle ;
- le salarié devant produire un arrêt maladie, les contentieux rétroactifs seront « rarissimes », ce que confirme le Directeur général du travail : ces arrêts n’entraîneront pas « de situations antérieures lourdes à régler contrairement aux arrêts de 2023 ».
Revenant plus rapidement sur le 2e arrêt du 10 septembre 2025 sur les heures supplémentaires, Jean-Guy Huglo a rappelé que la CJUE a condamné dans un arrêt du 13 janvier 2022 le dispositif consistant à ne pas tenir compte des congés payés de la semaine pour décompter les heures supplémentaires, cela dissuadant le salarié de prendre ses congés payés. « Nous avions un article du code du travail qui est incompatible, partiellement en tous cas, avec la directive de 2003 tel qu’interprétée par la CJUE dans son arrêt du 13 janvier 2022 ».
« L’arrêt ne parle que du décompte hebdomadaire. Et, en pratique les heures supplémentaires dites structurelles, celles effectuées chaque semaine par un salarié car le régime horaire est de 38 heures, 39 heures, pas de 35 heures, ne sont pas concernées par cette jurisprudence », a expliqué Pierre Ramain. En pratique, les logiciels de paie sont déjà configurés pour que ces heures supplémentaires soient majorées. « Ce sont uniquement les heures supplémentaires ponctuelles, qui sont en régime de décompte hebdomadaire, sur lesquelles la jurisprudence aura un impact direct ».
Pour conclure sur ces deux arrêts, Jean-Guy Huglo a tenu à rassurer les entreprises : « ce sont les dernières incompatibilités du droit français avec le droit des congés payés de l’UE ».
La parole a ensuite été donnée aux représentants des entreprises. « Nous ne contestons pas le raisonnement juridique qui a conduit à ces arrêts, admet France Henry-Labordère, directrice générale adjointe du Medef responsable du pôle social. En revanche (…) ces arrêts sont très mal perçus par les entreprises car ils s’inscrivent à la suite des arrêts du 13 septembre 2023 qui avaient donné lieu à la loi DDADUE de 2024 ». Loi « qui déjà avait envoyé un premier signal négatif aux chefs d’entreprise s’agissant de la valeur travail dans un environnement économique concurrentiel ». Par ailleurs, a souligné la représentante du Medef, ces arrêts s’inscrivent dans un contexte qu’on connait sur l’augmentation très importante de l’absentéisme constatée depuis la fin du Covid ».
A cela s’ajoute, « en France, une règlementation sur le temps de travail très exigeante – on a les 35 heures – mais au-delà des 35 heures, on a sur l’ensemble du champ du temps de travail toute une série de règles qui sont extrêmement contraignantes [temps partiel, travail dominical, travail de nuit] », énumère France Henry-Labordère. « Une législation proprement française et qui – bien évidemment – s’ajoute aux règles posées par l’UE et font que ça devient extrêmement compliqué pour les entreprises de rester compétitives ».
La représentante du Medef a ensuite détaillé les premières questions qui remontent de la part des entreprises :
- quel est le délai au sein duquel le salarié doit communiquer son arrêt de travail ? Est-ce bien 48 heures ? ;
- quid des salariés qui sont à l’étranger pendant leurs congés payés et qui tombent malades ? quid de la contre-visite dans ce cas ?
- qu’en est-il des congés de fractionnement ?
- la jurisprudence sur les heures supplémentaires s’applique-t-elle aussi à la 5e semaine de congés payés ? Aux heures complémentaires dans le cadre du temps partiel ? Qu’en est-il des autres dispositifs de décompte du temps de travail ?
Sur la question de la 5e semaine de congés payés, Jean-Guy Huglo a aussitôt répondu « qu’on ne peut pas réécrire le texte en faisant une distinction entre la 4e et la 5e semaine de congés payés comme on a voulu le faire dans le cadre de la loi de 2023. La jurisprudence a donc vocation à s’appliquer à la 5e semaine ».
Le vice-président de la CPME en charge des affaires sociales, Eric Chevé, souhaite qu’il soit impossible de demander un arrêt de travail en ligne « car pendant les congés ça va être facile ». Laurence Breton-Kueny, vice-présidente déléguée de l’ANDRH et DRH d’Afnor, a renchéri se disant « très sensible à la traçabilité et à la lutte renforcée contre les arrêts en ligne ». Elle rejoint également le Medef sur la possibilité de pratiquer des contrôles à l’étranger. « Si on ne peut pas avoir des contrôles que ce soit de la CPAM et encore moins de nous, il ne faut pas prendre en compte ces arrêts maladie ».
Au-delà de ces interrogations, les représentants des entreprises estiment que le système français ne peut pas rester en l’état. « Ces nouveaux arrêts imposent de réfléchir globalement à notre législation sur le temps de travail », a indiqué la représentante du Medef, rejointe en cela par le représentant de la CPME. « Le droit devient petit à petit incompréhensible pour le commun des mortels. On est face à une situation où le salarié moyen, le chef d’entreprise moyen ne comprennent plus rien. Nous allons faire des propositions pour simplifier le droit », évoquant même la négociation d’un accord national professionnel. Proposition saisie au vol par Pierre Ramain. « On est tout à fait preneurs des pistes de travail que les organisations professionnelles pourraient avoir pour essayer de limiter l’impact ou mieux accompagner la mise en oeuvre de ces évolutions. S’il y a des marges qui permettent de mieux encadrer l’application de ces principes dans le contexte de l’évolution des indemnités journalières et plus largement de l’absentéisme en entreprise, évidemment on est intéressés », indiquant que « le dialogue national interprofessionnel est très précieux » sur ces sujets.
La balle est donc désormais dans le camp des partenaires sociaux.
Médiation de la protection sociale des travailleurs indépendants : chiffres 2024
Le
rapport d’activité 2024 du CPSTI (conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants), publié le 3 octobre, fait état d’une légère hausse des saisines l’an passé (+ 9%) et d’une baisse de la recevabilité des demandes (43 % des demandes sont recevables, contre 48 % en 2023). Les demandes recevables en médiation concernent principalement l’affiliation, le calcul des cotisations et leur recouvrement.
Renouvellement de la période d’essai : à quelles conditions une signature seule complétée par d’autres éléments peut valoir accord ?
La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit (C. trav.art. L 1221-21) et si la lettre d’engagement ou le contrat de travail stipulent expressément cette possibilité (article L.1221-23 du code du travail). Si ces conditions cumulatives sont réunies et que l’employeur entend se prévaloir de cette faculté, il doit recueillir l’accord du salarié, qui doit être exprès, intervenir au cours de la période initiale (arrêt du 23 janvier 1997 ; arrêt du 12 juillet 2010) et être non équivoque (arrêt du 11 octobre 2010).
L’accord du salarié au renouvellement de la période d’essai est exprès dès lors que celui-ci a apposé sa signature précédée de la mention « Lu et approuvé » sur le courrier par lequel l’employeur lui notifiait le renouvellement de la période d’essai (arrêt du 23 septembre 2014 ; arrêt du 21 janvier 2015). En revanche, une manifestation de volonté claire et non équivoque ne peut pas être déduite de la seule apposition de la signature du salarié sur un document établi par l’employeur (arrêt du 25 novembre 2009 ; arrêt du 8 juillet 2015).
► Afin de ne prendre aucun risque, on conseillera à l’employeur de prévoir, dans la lettre de renouvellement de la période d’essai, que le salarié lui remette ou lui retourne un exemplaire complété par les mentions « Lu et approuvé » et « Bon pour accord de renouvellement », suivies de sa signature et de la date.
Toutefois, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a admis que la signature du salarié apposée sans autre mention sur la lettre de l’employeur lui proposant le renouvellement de sa période d’essai pouvait caractériser l’accord de celui-ci, dès lors qu’il ressortait de mails et d’une attestation que l’intéressé avait manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d’accepter le renouvellement de sa période d’essai (arrêt du 25 janvier 2023).
Dans l’affaire ici commentée, la cour d’appel s’était engouffrée dans cette brèche. Elle avait retenu que, si la signature du salarié sur la lettre de renouvellement de la période d’essai constituait seulement un accusé de réception, il importait de tenir compte, en outre, du contenu du mail auquel celle-ci était jointe en retour, et avait ajouté que les termes du salarié « voici la lettre de renouvellement signée ce jour », suivis de sa signature, devaient ici s’entendre comme la signature de sa part de ce renouvellement.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L.1221-21 et L.1221-23 du code du travail relatifs au renouvellement de la période d’essai et de l’article 7 de la convention collective étendue de la promotion immobilière, qui prévoyait un renouvellement de la période d’essai par accord écrit entre le salarié et l’employeur. Elle reproche à l’arrêt d’appel de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision par des éléments justifiant le caractère clair et non équivoque de l’accord du salarié.
► Si la signature du salarié sur la lettre de renouvellement était complétée par un mail aux termes duquel le salarié reconnaissait avoir signé cette lettre, aucun des éléments relevés dans l’arrêt d’appel ne permettaient de saisir une quelconque forme d’accord du salarié au renouvellement. On retiendra de cet arrêt que, si la brèche récemment apparue demeure ouverte, la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’accord clair et non équivoque du salarié au renouvellement de la période d’essai reste solidement ancrée sur ses fondations.

Les modalités de la subvention prévention des risques ergonomiques au titre de 2025
Pour protéger la santé des salariés, l’Assurance maladie – Risques professionnels propose la subvention prévention des risques ergonomiques qui a pour objectif de réduire l’exposition aux risques liés à des contraintes physiques marquées dans le cadre d’une démarche de renforcement de la prévention des risques professionnels et de la préservation de la santé des salariés.
La subvention prévention des risques ergonomiques concerne :
– les manutentions manuelles de charges, c’est-à-dire toute opération de transport ou de soutien d’une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement, qui exige l’effort physique d’un ou de plusieurs travailleurs ;
– les postures pénibles définies comme positions forcées ;
– les vibrations mécaniques transmises aux mains et aux bras et celles transmises à l’ensemble du corps.
La subvention prévention des risques ergonomiques s’adresse :
– à toutes les entreprises et les associations, quels que soient leur secteur d’activité et leur taille ;
– aux travailleurs indépendants ayant souscrit une assurance volontaire individuelle contre les accidents du travail, de trajet et les maladies professionnelles.
Pour bénéficier de cette subvention, les entreprises doivent respecter les conditions suivantes :
– relever du régime général de la sécurité sociale ;
– être à jour des cotisations et contributions sociales auprès de l’Urssaf ;
– avoir réalisé et mis à jour leur document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) depuis moins d’1 an ;
– ne pas bénéficier d’un contrat de prévention en cours, ni en avoir bénéficié aux cours des 2 années précédant la demande de subvention ;
– ne pas faire l’objet, pour l’un de ses établissements, d’une injonction ou cotisation supplémentaire ;
– adhérer à (ou disposer d’un) un service de santé au travail (SST) ;
– avoir informé les instances représentatives du personnel des mesures envisagées.
Des conditions spécifiques sont appliquées aux travailleurs indépendants : être à jour de leurs cotisations et contributions sociales, adhérer à l’assurance volontaire individuelle accident du travail-maladie professionnelle (AT-MP) et justifier que l’entreprise n’emploie pas de salariés à la date de la demande.
L’entreprise qui souhaite s’engager dans une démarche de prévention des troubles musculosquelettiques peut savoir si elle est éligible à la subvention Prévention des risques ergonomiques à l’aide du simulateur accessible sur le site ameli.fr.
La subvention prévention des risques ergonomiques permet de financer :
– des actions de prévention, à savoir des diagnostics ergonomiques, des formations déployées par les organismes de formation habilités par le réseau Assurance maladie – Risques Professionnels et son institut de recherche, l’INRS, et des équipements répondant au cahier des charges défini dans les conditions d’attribution.
– des actions de sensibilisation aux facteurs de risques ergonomiques ;
– des aménagements de postes de travail dans le cadre d’une démarche de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) ;
– la prise en charge des frais de personnel de prévention dédiés à la mise en œuvre d’actions financées par le fonds.
L’entreprise pourra bénéficier d’une subvention à hauteur de 70 % des investissements réalisés dans la limite d’un plafond fixé par type d’investissement pour la période 2024-2027 et d’un plafond maximal par entreprise pour la période 2024-2027, défini selon la taille de l’entreprise (voir le tableau ci-dessous).
| Types d’investissement | Plafond par type d’investissement | Plafond entreprise de moins de 200 salariés | Plafond entreprises de plus de 200 salariés |
| Actions de prévention (diagnostics, formations, équipements) | 25 000 € | 75 000 € | 25 000 € |
| Actions de sensibilisation | 25 000 € | ||
| Aménagements de postes | 25 000 € | ||
| Salaires de préventeurs | forfait de 8 235 € |
Le montant minimum de subvention est de 1 000 €. Les investissements ne peuvent pas être subventionnés si la demande ne respecte pas ce plancher. L’entreprise peut faire plusieurs demandes de prise en charge pour atteindre ce plafond.
À noter. Si l’entreprise est dotée d’un accord de branche étendu portant sur la prévention des facteurs de risques ergonomiques, les conditions de financement sont plus favorables.
Les demandes de subvention doivent être réalisées en ligne via le compte entreprise sur net-entreprises.fr. Pour obtenir le versement de la subvention, l’entreprise doit transmettre les factures acquittées des investissements réalisés sur l’année en cours, ainsi que les documents justifiant du respect des conditions d’obtention.
Le budget de la subvention prévention des risques ergonomiques étant limité, une règle privilégiant les demandes selon l’ordre chronologique d’arrivée est appliquée. Il est donc conseillé de transmettre la demande rapidement après avoir réalisé l’investissement.
À noter. Pour les travailleurs indépendants, les demandes doivent être réalisées par mail à leur caisse régionale de rattachement. Le versement de la subvention est réalisé après vérification des pièces justificatives demandées.
Les entreprises qui ont financé des prestations et/ou des équipements de prévention des risques ergonomiques dont la livraison est intervenue entre le 1-1-2025 et le 31-12-2025 et qui souhaitent bénéficier de la subvention prévention des risques ergonomiques de l’Assurance Maladie – Risques professionnels doivent déposer leur demande de subvention avant le 31 décembre 2025 (toutefois, le site Net-entreprises cite tantôt jusqu’au 31 décembre 2025 tantôt avant le 31 décembre). Cette démarche s’effectue à partir du compte entreprise, sur net-entreprises.fr (voir les actualités de Net-entreprises et d’Ameli).
Que faire en cas de facture encore non reçue ? Si la prestation ou l’achat d’équipement a bien été réalisé en 2025 mais que l’entreprise n’a pas encore reçu la facture, elle peut quand même faire sa demande de subvention, en transmettant une « attestation de service fait » en attendant de recevoir la facture qu’elle transmettra dans un second temps.
À partir du 1-1-2026, les demandes de subvention devront obligatoirement être accompagnées de factures datées en 2026. En 2026, une entreprise ne pourra pas faire une demande de subvention pour un investissement ayant été réalisé en 2025.
