ACTUALITÉ
SOCIAL

Le salarié à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise doit être payé
Dès qu’il a connaissance de la date de la fin de son arrêt de travail, l’employeur d’un salarié qui a été absent pour maladie professionnelle, ou au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ou 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel doit saisir le médecin du travail pour qu’il lui fasse passer un examen médical de reprise. Cet examen doit avoir lieu au plus tard dans les huit jours suivant la reprise du travail (articles L 4624-2-3 et R 4624-31 du code du travail). Pour la Cour de cassation, tant que cette visite n’a pas eu lieu, le contrat de travail du salarié reste suspendu (arrêt du 12 novembre 1997 ; arrêt du 6 avril 1999 ; arrêt du 28 novembre 2006).
Toutefois, le salarié qui ne reprend pas le travail à l’issue de son arrêt de travail pour maladie a droit au paiement de son salaire s’il se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise dont il a en vain sollicité l’organisation (arrêt du 23 septembre 2014). C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 2024.
► On rappellera que, à l’inverse, la Cour de cassation juge que l’employeur n’est pas tenu de rémunérer le salarié qui, à l’issue de son arrêt de travail, ne manifeste ni l’intention de reprendre le travail ni la volonté de passer une visite médicale de reprise (arrêt du 16 septembre 2015 ; arrêt du 7 octobre 2015 ; arrêt du 19 décembre 2018).
En l’espèce, un salarié est déclaré inapte à l’issue de sa visite médicale de reprise passée deux mois après la fin de son arrêt de travail. Il saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et notamment le paiement d’un rappel de salaire pour la période allant de la date à laquelle il aurait dû reprendre le travail jusqu’à sa visite médicale de reprise, arguant qu’il s’était tenu à la disposition de son employeur durant cette période pour passer cette visite.
La cour d’appel rejette sa demande, retenant qu’il avait décidé de ne pas se présenter à son travail, faute de visite médicale de reprise. Le salarié se pourvoit en cassation, faisant valoir que les juges du fond ne pouvaient pas rendre une telle décision sans rechercher s’il s’était tenu à la disposition de son employeur pour passer la visite de reprise dont il avait vainement sollicité l’organisation avant d’entreprendre lui-même les démarches pour qu’elle puisse finalement avoir lieu.
Retenant l’argumentation du salarié, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel. Pour elle, le salarié qui, à l’issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale a droit au paiement de sa rémunération. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande en rappel de salaire de l’intéressé sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, s’il ne s’était pas tenu à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale. Si tel avait été le cas, il avait droit au versement d’un rappel de salaire.
Cette solution a, selon nous, pour objet d’éviter qu’un employeur adopte une attitude attentiste à l’issue de l’arrêt de travail de son salarié en ne saisissant pas rapidement le médecin de travail pour qu’il lui fasse passer une visite médicale de reprise, alors même que celui-ci ne peut plus percevoir d’indemnités journalières de la sécurité sociale, ni, en principe, de salaire en l’absence de prestation de travail. Ainsi, lorsque l’arrêt de travail du salarié prend fin, l’employeur a tout intérêt à organiser la visite de reprise dans les huit jours, sans attendre que l’intéressé réintègre effectivement son poste.


Rémunération variable : attention à la fixation tardive des objectifs
Les objectifs d’un salarié, conditionnant la partie variable de sa rémunération, peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (Cassation n° 99-41.838 ; Cassation n° 08-44.977). Les objectifs ainsi fixés doivent être réalistes et réalisables (Cassation n° 01-44.192 ; Cassation n° 06-46.208) et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cassation n° 08-44.977), sauf si des circonstances particulières rendent impossible leur fixation à cette date, ce que le juge doit contrôler (Cassation n° 16-20.426). L’arrêt du 31 janvier 2024 (pourvoi n° 22-22.709) constitue une nouvelle illustration de ces principes.
En l’espèce, un salarié, soutenant qu’aucun objectif ne lui avait été fixé à son arrivée dans l’entreprise, réclamait le paiement de l’intégralité de sa part variable. Pour le débouter de sa demande, la cour d’appel avait retenu qu’il avait été informé des objectifs à atteindre en cours d’exercice. Pour un exercice d’octobre N à septembre N + 1, l’employeur avait seulement prévenu le salarié en novembre que ses objectifs seraient revus en janvier.
À tort pour la chambre sociale de la Cour de cassation qui rappelle que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. À défaut, le montant maximum prévu pour la part variable doit être payé intégralement au salarié comme s’il les avait réalisés.
La cour d’appel ne pouvait donc pas débouter le salarié de sa demande en paiement de la part variable de sa rémunération au titre des années 2015 et 2016 sans constater que les objectifs avaient été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. L’affaire est donc renvoyée à la cour d’appel de Paris pour être rejugée.


Modulation du redressement Urssaf et protection sociale complémentaire : pour en bénéficier, il faut établir de façon probante les sommes faisant défaut
Si certaines garanties de prévoyance et de retraite supplémentaire (PSC) mises en place dans l’entreprise ne remplissent pas les conditions d’exonération, l’Urssaf réintègre dans l’assiette des cotisations l’ensemble des contributions patronales assurant le financement de ces garanties.
Cette réintégration totale étant extrêmement pénalisante pour l’entreprise, l’Urssaf peut, à titre dérogatoire et sous conditions, moduler son redressement selon la gravité de l’erreur commise par l’entreprise.
Dans un arrêt du 1er février 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation revient sur les conditions nécessaires au bénéfice de ce redressement réduit en précisant que l’employeur doit reconstituer le différentiel de cotisations dues de façon probante.
Pour les contrôles engagés à compter du 1er janvier 2016, les inspecteurs de l’Urssaf peuvent opérer le redressement de cotisations sur les contributions concernant les seuls salariés dont la couverture ne respecte pas les critères relatifs au caractère collectif et obligatoire des régimes de protection sociale complémentaire et proportionner ce redressement en fonction de la gravité du manquement de l’employeur (article L.133-4-8, II du code de la sécurité sociale ; Boss-PSC-650 et s.).
► Attention ! Cette modulation n’est pas de droit ; le bénéfice de cette dérogation est subordonné à un accord entre l’entreprise et le contrôleur Urssaf. En outre, toutes les erreurs ne donnent pas droit à l’application de cette modulation. Certains manquements en sont expressément exclus. Il s’agit de manquements au caractère collectif et obligatoire d’une particulière gravité (ex. : couverture offerte exclusivement aux dirigeants ou aux seuls salariés dont les rémunérations sont supérieures à 8 PASS), de manquements conduisant à octroyer un avantage personnel ou volontairement discriminatoire, de situations de travail dissimulé, d’obstacle à contrôle ou d’abus de droit, d’irrégularités relevées lors d’un précédent contrôle dans la limite de 5 années civiles précédant l’année où est initié le contrôle.
Si le manquement constaté est éligible à la modulation et que le contrôleur Urssaf n’y est, a priori, pas opposé, l’employeur doit reconstituer les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture revête un caractère obligatoire et collectif. Il faut que cette reconstitution soit probante, comme le rappelle l’arrêt du 1er février 2024 précité.
Si la reconstitution de l’employeur est probante, le contrôleur Urssaf réduit le montant du redressement de droit commun. Le nouveau redressement est alors calculé sur la base des sommes reconstituées (appelées base de redressement).
Son montant varie selon la nature de l’erreur commise. Il s’élève à :
- 1,5 fois la base de redressement en cas d’erreur formelle (ex. : anomalie de production de justificatifs de dispense d’affiliation) ;
- 3 fois dans les autres cas (sauf erreur d’une particulière gravité, auquel cas le redressement sera calculé selon le droit commun).
Dans cette affaire, une société avait mis en place un régime de protection sociale complémentaire couvrant une partie seulement de ses salariés : sur 80 employés, 76 étaient couverts par ce régime, les 4 salariés restants bénéficiaient de garanties supplémentaires. Ce régime ne pouvant pas être considéré comme étant collectif et obligatoire, l’Urssaf, à la suite d’un contrôle, redresse l’entreprise sur la totalité des contributions versées au régime.
La société conteste ce redressement en justice, en vain. Les juges d’appel ne font pas droit à ses demandes. Elle se pourvoit alors en cassation, arguant notamment que :
- c’est uniquement lorsque le manquement à l’origine du redressement révèle une méconnaissance d’une particulière gravité des règles liées au caractère collectif et obligatoire des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire, que le redressement doit porter sur le montant global des cotisations dues sur les contributions patronales versées pour le financement du régime ;
- l’Urssaf ne justifie pas, selon elle, du caractère particulièrement grave de l’atteinte qu’elle a portée au caractère obligatoire et collectif du régime.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Sans répondre à l’argumentation avancée par la société, la deuxième chambre civile insiste sur la nécessité pour le cotisant souhaitant bénéficier de la modulation du redressement Urssaf, de reconstituer de façon probante les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif.
En l’espèce, la société se bornait à produire un tableau mentionnant l’identité des salariés, le financement patronal « garantie frais de santé » et la régularisation base 100 plafonnée, à l’exclusion de tout autre renseignement et notamment des sommes faisant défaut. En outre, ni les conditions de la rédaction de ce document, ni l’identité de son auteur n’étaient précisées et aucun justificatif n’était produit pour étayer les éléments que le document contenait.
► La cour ne répond pas directement à l’argumentation avancée par la société. Mais c’est à l’entreprise de demander le bénéfice d’un redressement réduit. A l’appui de cette demande, elle doit chiffrer le redressement de façon probante : à défaut, le contrôleur ne fera pas droit à sa demande.

Lutte contre le travail illégal : une instruction publiée sur les mesures de la loi Immigration
Une instruction du 5 février 2024 relative à la lutte contre les filières d’exploitation des étrangers en situation irrégulière revient sur les modifications apportées par la loi Immigration du 26 janvier 2024 en matière de travail illégal :
- la contribution spéciale, mise à la charge de l’employeur ayant employé un étranger sans autorisation de travail et la contribution forfaitaire sont remplacées par une amende administrative unique prononcée par le ministre chargé de l’immigration, dont le montant reste fixé à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti et jusqu’à 15 000 fois le même taux en cas de réitération ;
- les sanctions pénales sont renforcées en portant le montant de l’amende pénale encourue de 15 000 à 30 000 euros par salarié pour l’employeur personne physique et, en application de l’article 131-38 du code pénal, à 150 000 euros par salarié pour l’employeur personne morale. Lorsque cette infraction est commise en bande organisée, la peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement, I’amende étant portée de 100 000 à 200 000 euros, conformément à l’article L. 8256- 2 du code du travail ;
- des échanges d’informations sont organisés entre les corps de contrôle et les plateformes de main d’œuvre étrangère (PFMOE).

L’impact du télétravail diffère selon le sexe et la situation familiale
Dans une note publiée mardi 27 février 3034, le Centre d’études de l’emploi et du travail (Cnam-CEET) se penche sur l’impact du télétravail sur la conciliation vie privée/vie professionnelle.
Si le télétravail constitue bien « un vecteur d’amélioration de l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle », l’étude note des différences selon le sexe et la situation familiale. Ainsi, les femmes déclarent plus fréquemment une amélioration de l’articulation chez les « anciens » télétravailleurs (qui travaillent déjà selon cette modalité avant la crise sanitaire) et les « nouveaux » télétravailleurs.
Les travailleurs qui ont des enfants déclarent plus souvent une amélioration chez les « anciens » télétravailleurs, et encore davantage chez les « nouveaux ».

Les entreprises doivent anticiper les contraintes liées aux Jeux olympiques et paralympiques
L’ANDRH et le cabinet Sia Partners ont organisé le 27 février un webinaire à destination des DRH afin que ces derniers préparent au mieux et au plus vite les réorganisations de travail nécessaires en vue de l’imminence des Jeux olympiques et paralympiques.
A chaque entreprises ses contraintes
Intervenante au webinaire, Caroline André-Hesse, avocate associée au sein du cabinet Ayache, recommande aux entreprises de commencer par réaliser un audit, gage « d’un dialogue social efficace ». C’est à partir de cet audit que les entreprises pourront alors identifier les solutions idoines. Plusieurs situations-types peuvent ainsi être isolées, détaille l’avocate.
1) « Les entreprises dont l’activité va être bloquée. Elles peuvent décider de fermer leur entreprise pendant la périodes des Jeux olympiques ou de recourir à l’activité partielle en cas de défaut d’approvisionnement (1).
2) Les entreprises qui vont être directement impliquées : dans les secteurs du nettoyage, du tourisme, de la restauration collective. Ces dernières seront en flux tendu de main d’oeuvre, auront un besoin de réactivité absolu et un cahier des charges très restrictif avec la nécessité de faire appliquer la réglementation du travail.
3) Les entreprises qui ne sont pas nécessairement impactées par les Jeux olympiques, sauf en ce qui concerne les conditions de travail et de vie de leurs salariés ».
Chaque entreprise doit faire ce travail. « Si les entreprises de service peuvent placer tous leurs salariés en télétravail ; elles n’ont pas les mêmes contraintes qu’une entreprise industrielle qui doit livrer notamment dans des zones grises et rouges » (2).
Ce premier travail d’audit permettra ensuite de se doter d’une boite à outils à partir des dispositifs existants.
En effet, si rien de spécifique n’est prévu pour les Jeux olympiques, Caroline André-Hesse rappelle qu’en matière de congés payés, « la réglementation est protectrice de l’employeur et lui permet de fixer les congés payés en fonction des contraintes de son activité ». Le salarié doit par ailleurs obtenir l’accord de son employeur pour déterminer ses dates de congés. L’employeur peut décider de fermer l’entreprise tant qu’il respecte les règles de consultation du CSE et l’information individuelle des salariés, au plus tard deux mois avant la date imposée pour les congés payés.
L’entreprise peut-elle décider de ne fermer qu’une partie de ses services ? Oui, répond l’avocate, notamment si elle rencontre des difficultés d’approvisionnement. Elle peut alors recourir à l’activité partielle. « Indépendamment de toute difficulté d’approvisionnement, l’entreprise peut imposer des congés payés à certains services. Il est alors important de définir de manière objective les services concernés pour un traitement équitable des salariés placés dans une même situation ».
En matière de télétravail, rappelons que l’employeur peut l’imposer en cas de circonstances exceptionnelles (3). « Pour l’heure, le législateur n’a rien imposé pour les Jeux olympiques et paralympiques. Le télétravail reste donc volontaire, même s’il existe peu de chances que les salariés le refusent en cette période ».
Une fois la boite à outils élaborée, l’entreprise peut passer à la phase de négociation. « Il faut le faire très vite, met en garde Caroline André-Hesse, afin d’avoir le temps de la négociation et le temps de la mise en oeuvre effective une fois la négociation terminée : gestion des plannings, demandes d’activité partielle, information individuelle des salariés ». L’employeur doit préparer un projet d’accord et ne pas arriver les mains vides devant les syndicats, recommande l’avocate. Quitte à ajouter des mesures additionnelles et pertinentes qui émergeront lors de la négociation.
En matière de télétravail par exemple, « lorsqu’il existe des organisations syndicales représentatives avec qui négocier, l’entreprise peut déterminer les catégories de salariés dont les fonctions peuvent s’exercer en télétravail. Lorsqu’il n’existe pas d’organisation syndicale dans l’entreprise, cela pose plus de difficultés car en l’absence de recommandations de l’inspection du travail l’entreprise n’est pas sûre que cela entre bien dans la définition des circonstances exceptionnelles ».
Quoi qu’il en soit le temps presse ! Les entreprises doivent s’y mettre dès le mois de mars, ont insisté les intervenants au webinaire.
A vos marques, prêts, partez !
Les trois directions dans lesquelles les entreprises doivent travailler |
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En dehors des outils purement juridiques, Cyril Cuenot, associé Sia Partners, identifie trois pistes de travail. 1) La gestion du personnel :
2) Les trajets de déplacement :
3) Les risques psychosociaux et le stress liés à :
Il est donc nécessaire d’informer et de sensibiliser les salariés et de mettre en place un dispositif d’écoute et de prise en charge spécifique avec un accompagnement managérial pendant toute cette période. |
(1) Parmi les motifs d’activation de l’activité partielle par l’employeur, on retrouve effectivement « les difficultés d’approvisionnement en matière première ou en énergie » (article R.5122-1 du code du travail).
(2) La préfecture de Paris a identifié trois périmètres : les périmètres gris qui ont pour objectif d’assurer la sécurité sur les sites olympiques et paralympiques ; les périmètres rouges dans lesquels la circulation sera limitée afin de réduire le risque terroriste et de garantir la sécurité des flux du public accédant à ou quittant un site et des riverains ; les périmètres bleus au sein desquels seront réduits les flux aux abords des périmètres rouges, en déviant en amont la circulation de transit, de passage, de traversée, tout en préservant l’intégralité des flux de résidents ou liés aux activités économiques, sociales, culturelles.
(3) L’article L.1222-11 du code du travail indique ainsi qu' »en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».


Personnalités toxiques : des situations le plus souvent « sous-évaluées par les entreprises »
« Vous êtes nulle ma pauvre fille, des secrétaires comme vous à l’ANPE, j’en trouve à la pelle ». « Vous êtes incompétente, vous ne savez pas travailler »… Les personnalités toxiques ne sont pas absentes du monde du travail. Des ateliers aux open-spaces en passant par les bureaux d’études, des comportements repréhensibles existent, qu’ils s’agissent de brimades, d’insultes, d’intimidations, d’humiliations ou de propos à connotation sexuelle ou sexiste.
Les fauteurs de trouble, difficiles parfois à identifier, peuvent revêtir différents profils : dirigeant d’entreprise, supérieur hiérarchique, collègue de la victime, voire subordonnée. Or, les entreprises sont à la peine sur ce sujet : « Beaucoup sont dans le déni. Elles évitent le sujet avant d’y être confrontées car elles n’ont pas forcément les repères pour répondre aux questions soulevées par ces situations », rappelle Emilie Meridjen, associée en droit du travail chez Sekri Valentin Zerrouk, le 18 janvier dernier, lors d’une conférence de presse.
S’il est difficile de quantifier le phénomène, ces méfaits ne sont pas en repli, selon l’avocate. « Depuis l’instauration du barème Macron, les tribunaux sont de plus en plus saisis par les salariés pour les cas de harcèlement et/ou discrimination ; seuls motifs de licenciement abusif qui permettent, s’ils sont reconnus, de le contourner ». Il y a certes « une opportunité pour le salarié d’améliorer ses dommages et intérêts ». Mais, selon l’avocate, « 10 % des cas seraient de vrais dossiers de harcèlement, condamnables par la justice ».
D’autant que le télétravail a, en outre, exacerbé ce type de situations car il aggrave « les situations d’isolement et de maltraitance qui passent inaperçues puisqu’elles ne se déroulent plus dans l’entreprise ».
Avec, à la clef, de nombreux préjudices pour l’employeur, le plus souvent, « sous-évalués ». Les conséquences peuvent, tout d’abord, être juridiques avec des sanctions civiles voire même pénales : l’employeur a, en effet, une obligation de prévention et de sécurité, c’est-à-dire qu’il doit prendre toutes les mesures pour éviter qu’un collaborateur se retrouve en situation de souffrance au travail. Elles peuvent également affecter l’organisation du travail. « Un salarié mal traité est un collaborateur qui risque d’être absent, d’être moins performant ou de quitter l’entreprise. Entraînant une perte de savoir-faire », prévient Emilie Meridjen.
« Il faut que les employeurs prennent conscience qu’une personnalité toxique créé beaucoup de souffrance autour d’elle. Ces situations sont tellement douloureuses qu’elles entraînent un grand turn-over ».
De plus, les comportements toxiques peuvent influencer la réputation d’une entreprise. « Le harcèlement ne se réduit pas aux prud’hommes. L’attitude d’une seule personne suffit à nuire à l’ensemble du collectif », met en garde l’avocate.
L’entreprise dispose pourtant de nombreux leviers pour éviter de tels scénarios.
Sur le plan préventif tout d’abord. Emilie Meridjen recommande de mettre en place une politique de formation sur les comportements abusifs, toxiques et harcelants en direction des managers. Trop souvent des « techniciens performants » mais peu préparés à encadrer une équipe. Et de les accompagner dans leur prise de poste.
La formation doit aussi s’élargir aux RH, aux collaborateurs. Et être complétée par des ateliers de sensibilisation, une communication régulière et une chartre éthique afin d’ »adopter les bonnes règles de conduite ».
La prévention passe aussi par un cadre d’alerte. L’objectif ? Evaluer les facteurs de risques (manque d’effectif, forte pression, réorganisation des équipes…) et mettre sur pied des indicateurs, comme le taux d’absentéisme, des lignes d’écoute, par exemple. S’y ajoute l’identification des canaux de remontée d’information pour pointer les dysfonctionnements : services RH, management, médecine du travail et référent harcèlement désormais obligatoire dans les CSE.
Si un signalement a lieu, la réactivité doit être immédiate. Idéalement, dès les premières apparitions de ce comportement. L’employeur a, en en effet, une double responsabilité : outre l’obligation de prévention, il doit faire cesser les agissements délictueux. A défaut, il s’expose à une double sanction. C’est ce que rappelle l’arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2019 qui précise que dans ce type de cas, le salarié peut prétendre une double indemnisation, en raison des deux préjudices subis, l’un portant sur les agissements de harcèlement, l’autre sur l’inaction de l’employeur qui avait permis à cette situation de prospérer. Sauf à « justifier avoir mis en place un plan de prévention et toutes les mesures pour faire cesser ces agissements. Et ce, dès qu’il a eu connaissance de faits susceptibles de caractériser un comportement toxique », assure Emilie Meridjen. En réalité, toutefois, « l’employeur est quasiment toujours reconnu coupable de harcèlement ».
La première chose à faire est donc de mener une enquête poussée et recueillir de nombreux témoignages, des traces écrites.
A l’issue de l’enquête, l’employeur rend une conclusion objective synthétisant les auditions et prend éventuellement des sanctions. Même si « ces personnalités toxiques peuvent, par ailleurs, s’avérer très performantes, d’un point de vue professionnel ». Le licenciement peut être envisagé mais il n’est pas systématique. Les solutions peuvent aussi être RH quand il s’agit d’un comportement défaillant.
« Lorsque l’on ne parle pas de situation catastrophique ou de profil intrinsèquement toxique, il est possible de proposer un coaching, une formation ». Voire de décharger la personne incriminée, de lui retirer les responsabilités qui la stressent ou encore de l’éloigner du collaborateur harcelé…
Mais quelle que soit l’option retenue, des solutions existent pour ne plus fermer les yeux et adopter les bons réflexes.


Le salarié peut demander une provision en référé pour des congés payés non pris pendant son arrêt maladie
La cour d’appel de Bordeaux, dans deux arrêts rendus ce mois-ci (en pièces jointes), met en application la solution dégagée par la Cour de cassation, le 13 septembre dernier, relativement aux congés payés en cas de maladie du salarié.
Le premier arrêt, du 7 février, présente un intérêt notable en ce que le salarié a pu obtenir une somme provisionnelle en référé au titre des congés payés non pris pendant une période de maladie.
Dans cette affaire, la salariée faisait valoir, à la suite de son licenciement, que son employeur avait cessé de comptabiliser les congés payés dûs au bout de neuf mois d’arrêt de travail. Elle revendiquait à ce titre un solde de 67 jours, soit la somme de 10 003,77 euros.
La salariée avait saisi les juges en référé afin d’obtenir une provision des sommes demandées. En effet, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
La cour d’appel confirme la décision du conseil de prud’hommes, saisi en référé, qui a alloué à la salariée, une somme provisionnelle correspondant à 67 jours de congés payés, soit 10 003,71 euros, « la demande prévisionnelle n’étant pas sérieusement contestable ».
Sur le fond, la cour d’appel reprend la position de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. Elle indique « qu’il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique du droit au repos prévu par l’article 31§2 précité et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale. Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L.3141-5 du code du travail en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail ».
Dans la seconde affaire, une salariée réclamait, également à la suite de son licenciement, des indemnités au titre des congés payés non pris pendant ses périodes de maladie.
L’Institut qui l’employait avait appliqué les dispositions de la convention collective des centres de lutte contre le cancer qui prévoit la prise en compte des arrêts de travail dans la limite de quatre mois. Ce que la salariée conteste en se référant aux décisions rendues le 13 septembre 2023 par la Cour de cassation.
Les juges du fond donnent raison à la salariée et appliquent là encore la position de la Haute cour. « Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s’ensuit que, s’agissant de salariés en arrêt de travail pour maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat ».
Il en déduisent que « les dispositions de l’article L.3141-3, qui subordonnent le droit à congé payé à l’exécution d’un travail effectif, ne permettent donc pas une interprétation conforme au droit de l’Union européenne. Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale. Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L.3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail ».
La condamnation de l’entreprise est ainsi confirmée en appel. La salariée devait bien bénéficier de 50 jours de congés payés pour les années 2017 et 2018, avec une nuance toutefois, car un doute subsistait sur le nombre de jours de congés pris par la salariée. Les parties sont donc « invitées à établir le compte des sommes dues dès lors que l’examen des bulletins de paie et du courriel adressé le 11 octobre 2018 démontrent que certains jours de congés payés ont été pris par la salariée (4 en 2017 qui ne figurent cependant pas sur les bulletins de salaire et 16 mentionnés sur les bulletins de paie de 2018) ».

![[Infographie] Les nouvelles conséquences du refus d’un CDI au terme d’un CDD](https://artemis-paie.fr/wp-content/uploads/2024/02/refus-cdi-apres-cdd_pour_flash_v2_sa_002-750x675.jpg)
[Infographie] Les nouvelles conséquences du refus d’un CDI au terme d’un CDD

Même s’il n’est qu’occasionnel, le travail de nuit doit être justifié
Il est d’ordre public que le recours au travail de nuit est exceptionnel et qu’il ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable au fonctionnement de l’entreprise. Il doit ainsi être « justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale » (article L.3122-1 du code du travail). Et ce même lorsque ce travail de nuit n’est qu’occasionnel nous dit la Cour de cassation.
Elle juge en effet que le fait qu’une salariée ne rentre pas dans les critères pour avoir le statut de travailleuse de nuit, qu’elle ait perçu une contrepartie pour les quelques heures de travail accomplies la nuit, et qu’elle ait elle-même souhaité travailler en soirée ne suffit pas à écarter l’illégalité du recours par l’employeur au travail de nuit. Même dans un tel cas, les juges du fond doivent rechercher si ce recours était justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.