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« Vous êtes nulle ma pauvre fille, des secrétaires comme vous à l’ANPE, j’en trouve à la pelle ». « Vous êtes incompétente, vous ne savez pas travailler »… Les personnalités toxiques ne sont pas absentes du monde du travail. Des ateliers aux open-spaces en passant par les bureaux d’études, des comportements repréhensibles existent, qu’ils s’agissent de brimades, d’insultes, d’intimidations, d’humiliations ou de propos à connotation sexuelle ou sexiste.

Les fauteurs de trouble, difficiles parfois à identifier, peuvent revêtir différents profils : dirigeant d’entreprise, supérieur hiérarchique, collègue de la victime, voire subordonnée. Or, les entreprises sont à la peine sur ce sujet : « Beaucoup sont dans le déni. Elles évitent le sujet avant d’y être confrontées car elles n’ont pas forcément les repères pour répondre aux questions soulevées par ces situations », rappelle Emilie Meridjen, associée en droit du travail chez Sekri Valentin Zerrouk, le 18 janvier dernier, lors d’une conférence de presse.

S’il est difficile de quantifier le phénomène, ces méfaits ne sont pas en repli, selon l’avocate. « Depuis l’instauration du barème Macron, les tribunaux sont de plus en plus saisis par les salariés pour les cas de harcèlement et/ou discrimination ; seuls motifs de licenciement abusif qui permettent, s’ils sont reconnus, de le contourner ». Il y a certes « une opportunité pour le salarié d’améliorer ses dommages et intérêts ». Mais, selon l’avocate, « 10 % des cas seraient de vrais dossiers de harcèlement, condamnables par la justice ».

D’autant que le télétravail a, en outre, exacerbé ce type de situations car il aggrave « les situations d’isolement et de maltraitance qui passent inaperçues puisqu’elles ne se déroulent plus dans l’entreprise ».

Des préjudices juridiques, organisationnels et réputationnels

Avec, à la clef, de nombreux préjudices pour l’employeur, le plus souvent, « sous-évalués ». Les conséquences peuvent, tout d’abord, être juridiques avec des sanctions civiles voire même pénales : l’employeur a, en effet, une obligation de prévention et de sécurité, c’est-à-dire qu’il doit prendre toutes les mesures pour éviter qu’un collaborateur se retrouve en situation de souffrance au travail. Elles peuvent également affecter l’organisation du travail. « Un salarié mal traité est un collaborateur qui risque d’être absent, d’être moins performant ou de quitter l’entreprise. Entraînant une perte de savoir-faire », prévient Emilie Meridjen.

« Il faut que les employeurs prennent conscience qu’une personnalité toxique créé beaucoup de souffrance autour d’elle. Ces situations sont tellement douloureuses qu’elles entraînent un grand turn-over ».

De plus, les comportements toxiques peuvent influencer la réputation d’une entreprise. « Le harcèlement ne se réduit pas aux prud’hommes. L’attitude d’une seule personne suffit à nuire à l’ensemble du collectif », met en garde l’avocate.

L’entreprise dispose pourtant de nombreux leviers pour éviter de tels scénarios.

Soigner la prévention

Sur le plan préventif tout d’abord. Emilie Meridjen recommande de mettre en place une politique de formation sur les comportements abusifs, toxiques et harcelants en direction des managers. Trop souvent des « techniciens performants » mais peu préparés à encadrer une équipe. Et de les accompagner dans leur prise de poste.

La formation doit aussi s’élargir aux RH, aux collaborateurs. Et être complétée par des ateliers de sensibilisation, une communication régulière et une chartre éthique afin d’ »adopter les bonnes règles de conduite ».

La prévention passe aussi par un cadre d’alerte. L’objectif ? Evaluer les facteurs de risques (manque d’effectif, forte pression, réorganisation des équipes…) et mettre sur pied des indicateurs, comme le taux d’absentéisme, des lignes d’écoute, par exemple. S’y ajoute l’identification des canaux de remontée d’information pour pointer les dysfonctionnements : services RH, management, médecine du travail et référent harcèlement désormais obligatoire dans les CSE.

Double peine

Si un signalement a lieu, la réactivité doit être immédiate. Idéalement, dès les premières apparitions de ce comportement. L’employeur a, en en effet, une double responsabilité : outre l’obligation de prévention, il doit faire cesser les agissements délictueux. A défaut, il s’expose à une double sanction. C’est ce que rappelle l’arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2019 qui précise que dans ce type de cas, le salarié peut prétendre une double indemnisation, en raison des deux préjudices subis, l’un portant sur les agissements de harcèlement, l’autre sur l’inaction de l’employeur qui avait permis à cette situation de prospérer. Sauf à « justifier avoir mis en place un plan de prévention et toutes les mesures pour faire cesser ces agissements. Et ce, dès qu’il a eu connaissance de faits susceptibles de caractériser un comportement toxique », assure Emilie Meridjen. En réalité, toutefois, « l’employeur est quasiment toujours reconnu coupable de harcèlement ».

A l’issue de l’enquête interne…

La première chose à faire est donc de mener une enquête poussée et recueillir de nombreux témoignages, des traces écrites.

A l’issue de l’enquête, l’employeur rend une conclusion objective synthétisant les auditions et prend éventuellement des sanctions. Même si « ces personnalités toxiques peuvent, par ailleurs, s’avérer très performantes, d’un point de vue professionnel ». Le licenciement peut être envisagé mais il n’est pas systématique. Les solutions peuvent aussi être RH quand il s’agit d’un comportement défaillant.

« Lorsque l’on ne parle pas de situation catastrophique ou de profil intrinsèquement toxique, il est possible de proposer un coaching, une formation ». Voire de décharger la personne incriminée, de lui retirer les responsabilités qui la stressent ou encore de l’éloigner du collaborateur harcelé…

Mais quelle que soit l’option retenue, des solutions existent pour ne plus fermer les yeux et adopter les bons réflexes.

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Anne Bariet
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Le monde du travail n’est pas épargné par les personnalités toxiques. Or, avec ce type de comportement, le mal-être peut s’installer au point de rendre l’ambiance pesante et insupportable. Pour sortir de ce cercle vicieux, Emilie Meridjen, associée en droit du travail chez Sekri Valentin Zerrouk, propose plusieurs pistes. Sans fermer les yeux.
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