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Depuis un revirement de jurisprudence opéré le 22 décembre 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation admet que, dans un procès civil, la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats (cassation n° 20-20.648). Face à une telle preuve illicite ou déloyale, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si elle porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Appliquée en décembre 2023 dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, cette jurisprudence est déclinée, dans l’arrêt du 17 janvier 2024 (cassation n° 22-17.474), dans le cadre d’un contentieux relatif à l’existence d’un harcèlement moral.

Dans cette affaire, un salarié, s’estimant victime d’un tel harcèlement et ayant formulé une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, avait produit l’enregistrement clandestin des membres du CHSCT (instance représentative du personnel remplacée, depuis, par le comité social et économique) pour justifier l’existence d’un harcèlement moral à son encontre. La cour d’appel avait jugé l’enregistrement irrecevable.

Enregistrement irrecevable

La chambre sociale de la Cour de cassation lui donne raison. Si elle reprend l’attendu de principe de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023, elle l’applique pour écarter l’enregistrement en cause. Mettant en œuvre la méthode de mise en balance, la chambre sociale a en effet estimé que, en l’espèce, la production de cet enregistrement n’était pas indispensable au soutien de la demande du salarié. Selon elle, les autres éléments de preuve qu’il avait produits permettaient déjà de laisser supposer l’existence du harcèlement moral.
Ainsi donc, si l’assemblée plénière de la Cour de cassation a ouvert la voie à l’admissibilité des preuves obtenues de manière déloyale, comme c’était le cas en l’occurrence, elle a encadré cette admissibilité par des conditions strictes laissées à l’appréciation du juge tenant au caractère indispensable et proportionné au but poursuivi de ces preuves. Sur le premier aspect, la preuve est indispensable si les autres éléments éventuellement apportés au débat ne sont pas suffisants pour établir la réalité des faits. Toutefois, dans le cadre du harcèlement moral, le salarié ne doit pas apporter la preuve du harcèlement, mais établir des faits laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement. L’employeur doit ensuite prouver que ces faits sont étrangers au harcèlement.
Cet encadrement – applicable également dans le cadre de la discrimination – pourrait inciter le juge à se montrer particulièrement strict s’agissant de l’admission d’un moyen de preuve déloyal.

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Confirmant le revirement de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 en matière d’admission de la preuve déloyale, la chambre sociale de la Cour de cassation l’applique dans le cadre d’un contentieux relatif à des faits de harcèlement moral pour, en l’occurrence, rejeter la production d’un enregistrement clandestin.
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