Acquisition de droit à congés payés pendant un arrêt maladie, suppression de la limite d’un an pour acquérir des droits à congés en cas d’accident du travail, fixation d’une période de report pour les congés non pris du fait d’un arrêt de travail, obligation d’information de l’employeur en cas de report : telles sont les nouvelles règles sur les congés payés fixées par l’article 37 de la loi du 22 avril 2024 (dite loi DDADUE 2).
Elles entrent en vigueur le 24 avril, au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, intervenue hier. Pour les arrêts de travail antérieurs au 24 avril 2024, la loi fixe un délai de forclusion.
Ce texte, qui prévoit que les salariés en arrêt de travail continuent d’acquérir des congés payés, quelle que soit l’origine de la maladie ou de l’accident, fait suite aux arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 procédant à une application directe du droit européen et écartant les dispositions du code du travail. Le législateur a pris en compte l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 11 mars 2024. L’intervention du législateur était nécessaire pour assurer la conformité du droit national au droit européen en matière de congés payés.
► La loi n’a pas fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel. Mais la question de la conformité à la Constitution se posait pour certains juristes du fait que le salarié en arrêt de travail acquiert moins de congés lorsque l’origine de la maladie ou l’accident est non professionnelle. Le Conseil constitutionnel, lors d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), ne s’était prononcé que sur la différence de situation entre le salarié dont la maladie est d’origine non professionnelle avec celle du salarié dont la maladie est d’origine professionnelle. Il a estimé que la différence de situation justifiait la différence de traitement. Le Conseil d’Etat, dans un avis du 11 mars 2024, avait déduit de cette décision que la différence de traitement entre salarié en arrêt maladie et les autres salariés, ne méconnaissait pas le principe constitutionnel d’égalité, ni à l’égard des salariés en activité professionnelle, ni à l’égard des salariés absents en raison d’un accident ou d’une maladie d’origine professionnelle. Les nouvelles dispositions pourront, quoi qu’il en soit, faire l’objet de QPC.
Nous vous présentons ci-dessous les nouvelles règles envisagées par l’article 37 de la loi du 22 avril 2024.
Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat est suspendue pour maladie ou accident d’origine non professionnelle sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé. Cette absence complète la liste des périodes considérées comme du temps de travail effectif fixée par l’article L. 3141-5 du code du travail (article L. 3141-5 du code du travail, modifié).
► Même si les arrêts de travail pour maladie sont assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congé, il sera nécessaire de faire un décompte séparé des congés acquis au titre de cette suspension du contrat car le nombre de congés acquis pendant cette période est différent de celui acquis pendant les périodes de travail effectif ou les autres périodes assimilées à du travail effectif prévues à l’article L. 3141-5 : deux jours ouvrables par mois au lieu de 2,5 jours (voir ci-après).
La limite d’une durée ininterrompue d’un an de l’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle au-delà de laquelle l’absence n’ouvre plus droit à congé est supprimée (article L. 3141-5, modifié du code du travail).
Ainsi, sont désormais considérées comme période de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés, les périodes de suspension pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle, quelle que soit leur durée, y compris celles qui excédent un an.
► Toutefois, la suppression de la limite d’un an ne veut pas dire qu’il y a cumul des congés payés lorsque l’arrêt de travail est prolongé sur plusieurs années. En effet, les règles de report limitent ce cumul.
♦ Le salarié en arrêt de travail suite à une maladie ou un accident d’origine non professionnelle acquiert, à compter du 24 avril 2024, deux jours ouvrables de congé par mois d’absence, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence d’acquisition (article L. 3141-5-1 du code du travail, créé), soit quatre semaines de congés payés par an. Cela correspond au congé garanti par le droit européen.
Selon une interprétation littérale de l’article L. 3141-7 du code du travail, qui est resté inchangé, la règle de l’arrondi au nombre supérieur ne s’appliquerait pas car ne vise pas l’article L. 3141-5-1. Faut-il appliquer la règle de l’arrondi au nombre entier le plus proche ?
► Exemple : le salarié en arrêt maladie du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 (application de la période de référence légale d’acquisition des congés : 1er juin N-1/31 mai N) , acquiert 24 jours ouvrables de congés payés. Le salarié ne bénéficie pas de la 5eme semaine de congés payés ou des congés conventionnels, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
♦ Le salarié absent pour maladie ou accident d’origine professionnelle continue d’acquérir des congés payés à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours ouvrables par période de référence d’acquisition.
Ces règles vont complexifier pour les entreprises la gestion des congés payés lorsque l’année de référence d’acquisition des congés comportera pour partie des périodes de travail effectif ou assimilée (hors arrêt maladie) et pour partie des périodes d’arrêt maladie.
Un double décompte sera nécessaire pour vérifier lequel est le plus favorable. En effet, le salarié ayant droit à 2,5 jours de congé par mois de travail effectif ou par période de quatre semaines ou par période de 24 jours ouvrables de travail effectif, il faudra comparer si ce décompte n’est pas plus favorable pour le salarié que celui du droit à deux jours de congé par mois d’absence pour maladie.
Si le salarié est, par exemple, absent un mois, la règle du décompte en fonction du temps de travail effectif, du fait de la règle d’équivalence précitée, sera plus avantageuse et devra être privilégiée car elle ne fait pas perdre de droits à congés pour le salarié qui aura donc droit à 30 jours ouvrables de congé.
A l’issue d’une période d’arrêt de travail du salarié pour cause de maladie ou d’accident d’origine professionnelle ou non, l’employeur doit, à compter du 24 avril 2024, porter à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes (article L. 3141-19-3 du code du travail, créé) :
- le nombre de jours de congé dont il dispose ;
- la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Cette information s’effectue par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment par le biais du bulletin de salaire (article L. 3141-19-3 du code du travail, créé).
Sauf exceptions, c’est à compter de cette information que commencera le délai de report pour le salarié qui n’aurait pas pu prendre tous ses congés avant la fin de la période légale ou conventionnelle de prise des congés du fait de son absence pour maladie ou accident d’origine professionnelle ou non.
Le texte ne prévoit pas de durée d’absence minimale déclenchant l’obligation pour l’employeur de délivrer cette information. L’employeur est tenu d’informer le salarié à l’issue de tout arrêt de travail, quelle que soit sa durée, y compris, semble-t-il, si cette absence n’a pas d’impact sur les droits à congés, du fait de la règle d’équivalence prévue à l’article L.3141-4.
1) Une période de report de 15 mois
Le salarié qui est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident d’origine professionnelle ou non, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser (article L. 3141-19-1 du code du travail, créé).
A défaut de précision, il semblerait que les congés acquis pouvant être reportés sont non seulement les congés acquis pendant la suspension du contrat de travail, mais aussi les jours de congés payés acquis à un autre titre (liés au temps de travail effectif ou temps assimilés) mais qui n’ont pu être pris en raison de l’absence du salarié pour maladie ou accident.
► Les modalités de ce report font l’objet de trois articles du code du travail dans la sous-section 2 « Règles de fractionnement et de report » du code du travail. Ces règles sont qualifiées de règles d’ordre public avec un cas de dérogation.
Au-delà de cette période, les congés seront perdus si le salarié ne les prend pas alors que l’employeur l’a informé et lui a demandé de les prendre.
Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche pourrait fixer une durée de report supérieure.
Ce report, a contrario, ne vise pas le cas où l’arrêt de travail du salarié prend fin avant l’expiration de la période de prise des congés. Dans ce cas, le salarié doit être informé de ses droits à congés et doit les prendre avant la fin de la période de référence de prise des congés.
► Exemple : si la période de référence de prise des congés est la période légale (1er mai N/30 avril N+1) et que le salarié est en arrêt de travail du 1er janvier au 1er avril de l’année N+1, il devra prendre ses congés avant le 30 avril.
2) Un point de départ du report différent selon la situation
Le point de départ de la période de report de 15 mois varie selon la situation :
- le point de départ est la date à laquelle le salarié reçoit, postérieurement à sa reprise du travail, les informations de son employeur sur les congés dont il dispose pour les congés payés qui n’ont pas pu être pris au cours de la période de prise des congés, en raison d’un arrêt de travail (article L. 3141-19-1 du code du travail, créé) ;
- le point de départ est la date de la fin de la période d’acquisition des congés payés pour les salariés en arrêt maladie depuis plus d’un an et dont le contrat continue d’être suspendu. Plus précisément, c’est la date de fin de la période d’acquisition au titre de laquelle les congés ont été acquis si, à cette date, le salarié est toujours en arrêt de travail. Ce serait donc le 1er jour de la période de référence suivante, soit le 1er juin de l’année N+1 dans les entreprises qui appliquent la période légale d’acquisition 1er juin-31 mai de l’année N. Si lors de la reprise du travail, la période de report n’a pas expiré, cette période est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations de l’employeur (article L.3141-19-2 du code du travail, créé).
► Cette règle sur le point de départ dérogatoire du report évite le cumul des congés payés lorsque l’arrêt de travail excède un an. En effet, les droits à congés payés expirent au terme du délai de report de 15 mois même si le salarié continue d’être en arrêt de travail.
3) Une période de report pouvant être augmentée par accord
Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche pourrait fixer une durée de report supérieure à 15 mois. Un accord collectif ne pourrait en revanche ni réduire la durée de la période de report en deçà de 15 mois, ni prévoir un point de départ de la période de report différent de celui fixé par le code du travail (article L. 3141-20 du code du travail nouveau et article L. 3141-21-1 créé).
Pour le calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle « du dixième », le salaire fictif des absences pour accident ou maladie non professionnels, selon l’horaire de travail de l’établissement, est pris en compte dans la limite de 80 % (article L. 3141-4 du code du travail,modifié).
L’indemnité de congés payés ne pouvant pas être inférieure au salaire que l’intéressé aurait perçu s’il avait travaillé, la règle du maintien de salaire pourrait donc s’avérer plus favorable que la règle du dixième.
Concernant l’indemnité compensatrice de congés payés des salariés temporaires, sont assimilées à un temps de mission pour l’appréciation du droit à cette indemnité, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue en raison d’un arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle ou non (article L 1251-19 du code du travail).
► Cet ajout correspond aux nouvelles règles d’acquisition des congés payés en cas de maladie et corrige un oubli concernant le congé de paternité qui était déjà assimilé à du temps de travail effectif à l’article L. 3121-24 (indemnité de congés payés pour les salariés de l’entreprise).
Ces nouvelles règles s’appliquent rétroactivement pour la période courant entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024 (lendemain de la publication de la loi), sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés.
► A noter cependant que n’est pas visée l’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt de travail pour accident du travail excédant la durée d’un an.
Toutefois, cette rétroactivité ne pourrait conduire à ce que le salarié bénéficie de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d’acquisition des droits à congés, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette période.
► Le 1er décembre 2009 correspond à la d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a rendu d’application directe les règles posées par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont celle selon laquelle tout travailleur doit bénéficier d’au moins 4 semaines de repos. Depuis cette date, tout salarié peut invoquer ce droit à l’égard de son employeur.
Le délai dont disposera le salarié pour faire valoir en justice ses droits dépendra de sa présence ou non dans l’entreprise au 24 avril 2024 :
- si le salarié est présent dans l’entreprise au 24 avril 2024 : toute action ayant pour objet l’octroi de jours de congé au titre des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009 doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de deux ans à compter du 24 avril 2024, soit jusqu’au 24 avril 2026 minuit;
- si le salarié a quitté l’entreprise avant le 24 avril 2024, la prescription triennale de l’article L 3245-1 du Code du travail applicable aux créances salariales s’applique. Les salariés auraient 3 ans pour agir à compter de la rupture de leur contrat de travail.
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