Alors que la semaine « de quatre jours » ou « en quatre jours » agite les débats politiques et le monde de l’entreprise, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) a mené une enquête pour la Fondation The Adecco Group sur le sujet. Pour ce faire, une enquête statistique a été menée auprès de la population active et une enquête qualitative auprès de DRH et dirigeants d’entreprise expérimentant des changements de rythme.
Premier constat du Crédoc : « si la semaine en quatre jours occupe une place importante dans le débat public actuel, le dispositif est encore marginal ». Environ 10 000 salariés l’expérimentaient début 2023, selon les chiffres du ministère du travail.
Deuxième constat : si la formule est séduisante sur le papier, elle est susceptible de se heurter à de nombreux inconvénients pour les salariés.
Sans conteste, l’évolution vers de nouveaux rythmes de travail est perçue « comme une opportunité de mieux articuler les temps de vie, en particulier pour disposer de plus de temps personnel ou familial (51 %) et aller vers un meilleur équilibre de vie (43 %) ». Parmi les populations qui y sont particulièrement sensibles : les familles monoparentales (65 %), les femmes (54 %), les personnes entre 25 et 39 ans (55 %) et les habitants des grandes agglomérations (55 %). C’est aussi le cas de certaines catégories professionnelles : professions intermédiaires (58%) et employés (56 %).
(Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, octobre 2023 Champ : ensemble des actifs).
Toutefois, il convient de distinguer la mise en place au sein de l’entreprise de la semaine de quatre jours (avec réduction du temps de travail et – potentiellement – une baisse de rémunération) ou de la semaine en quatre jours (sans réduction du temps de travail). « La formule consistant à réduire le nombre de jours travaillés à quatre jours par semaine sans réduire le temps de travail séduit un actif sur deux », note le Crédoc.
Ainsi, les foyers monoparentaux intéressés par des rythmes de travail plus souples, ne voient pas forcément d’un bon oeil la semaine en quatre jours. « L’allongement des journées de travail n’est pas toujours compatible avec la garde d’enfants, et cet écueil est plus souvent cité par les familles monoparentales (29 % d’entre elles, contre 22 % des couples avec enfants). Conséquence probable, les personnes élevant seules des enfants sont a priori un peu moins séduites par la semaine en quatre jours : 46 % seraient plus satisfaites (contre 49 % en moyenne) et 7 % estiment qu’elles devraient renoncer à leur emploi (4 % en moyenne) », indique le Crédoc.
Une même appréhension est ressentie par les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladie chronique, redoutant notamment les effets sur la santé de l’intensification des journées de travail : « 24 % anticipent que cela aurait pour inconvénient de dégrader leur santé physique et mentale, contre 14 % en moyenne et 36 % redoutent des journées trop fatigantes (33 % en moyenne) », souligne l’enquête.
De manière générale, un tiers des actifs redoutent la fatigue liée à l’allongement des journées de travail.
(Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, octobre 2023. Champ : ensemble des actifs occupés ou en recherche d’emploi).
Les DRH ont bien conscience des risques liés à la santé au travail qui « peut être à l’origine d’une diminution de l’adhésion des salariés à la démarche, voire d’une demande de retour à la semaine de cinq jours ».
Il n’en reste pas moins que les entreprises trouvent un certain nombre d’avantages à mettre en place la semaine en quatre jours. Elles y voient « un levier d’attractivité, permettant de capter des candidatures et de fidéliser les salariés en poste », mais également « un outil au service d’une plus grande égalité permettant aux femmes à temps partiel de (re)trouver une rémunération à la hauteur d’un temps plein tout en continuant à bénéficier d’une journée libérée ».
Par ailleurs, s’il est encore trop tôt pour tirer des leçons d’un tel changement de rythme de travail, une des entreprises interrogées, qui dispose d’un peu plus de recul, estime que « le passage à la semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail (de 35h à 32h) est à l’origine de la baisse du turn-over au sein des équipes (actuellement de 4 %, quand les entreprises concurrentes se situent autour de 15 %), mais aussi de la baisse de l’absentéisme et des accidents du travail dans l’entreprise .
La semaine en quatre jours peut également présenter des avantages pécuniaires non négligeables pour les salariés. « Pour les parents d’enfants en âge scolaire ou préscolaire, les conséquences sont diverses selon les situations. Selon les dirigeants ou DRH interrogés, les salariés ayant des enfants non scolarisés peuvent faire part d’économies parfois possibles d’un jour de garde hebdomadaire ». Sans compter les économies de carburant pour les salariés motorisés.
Toutefois, le risque financier existe aussi. « Les salariés ayant des enfants scolarisés peuvent au contraire regretter des frais supplémentaires de garde, en lien avec l’extension journalière des heures de travail ». Par ailleurs, certains DRH ou dirigeants interrogés évoquent également « la surprise des salariés qui découvrent que la semaine en quatre jours implique qu’ils bénéficient de moins de tickets restaurant ».
Le risque pour les managers est la complexification de leurs tâches, notamment la gestion des plannings de salariés au contact d’usagers, d’administrés ou de la clientèle. « Les jours libérés s’ajoutent au télétravail lorsqu’il est maintenu, aux congés et aux autres absences. Une organisation plus stricte des journées de travail peut aussi être demandée aux salariés passant à la semaine en quatre jours. Ainsi, selon l’activité et l’organisation du travail, la compression de la semaine génère donc une plus grande charge mentale et plus de stress pour les managers. Pour les assister, certaines organisations ont mis en place des outils visant à faciliter la gestion des plannings », indique le Crédoc.
Des questions d’équité entre salariés se posent également « entre les salariés d’une même entreprise qui « peuvent tenter l’aventure » et ceux que l’entreprise écarte du dispositif ».
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