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Un salarié avait été engagé en qualité d’attaché technico-commercial sédentaire par une entreprise offrant des services d’aéraulique du bâtiment. Son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence d’une durée d’un an sur l’ensemble du territoire français. Après sa démission, son employeur a saisi la juridiction prud’homale afin de voir constater la violation de son obligation de non-concurrence et d’obtenir en conséquence le remboursement de la contrepartie financière versée.

Devant la Cour de cassation, l’employeur reprochait à la cour d’appel d’avoir annulé la clause de non-concurrence sans avoir apprécié concrètement la restriction à la liberté du travail apportée par la clause, de ne pas avoir préservé la clause en réduisant son champ d’application géographique au périmètre correspondant à l’intérêt légitime de l’entreprise et, enfin, de ne pas lui avoir accordé le remboursement de l’indemnité versée pour la période où le salarié n’a pas respecté l’obligation prévue par la clause annulée.

Une restriction de liberté excessive compte tenu des fonctions exercées

Constituant une entrave à la liberté de travailler du salarié, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, si elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière (Cassation 10-7-2002 n°s 00-45.135, n° 00-45.387 et n° 99-43.334).

Le seul champ d’application géographique de la clause ne rend pas en soi impossible l’exercice par le salarié d’une activité professionnelle (Cassation 20-1-1999 n° 96-45.669 ; Cassation 3-7-2019 n° 18-16.134 ; Cassation 15-12-2021 n° 20-18.144). Ainsi, la clause comportant une interdiction de concurrence sur l’ensemble du territoire français n’est pas nécessairement nulle (Cassation 18-2-1997 n° 94-44.202 ; Cassation 15-12-2009 n° 08-44.847). C’est seulement associé à d’autres éléments, en particulier la portée de la clause et la spécificité de l’activité exercée, que le champ d’application géographique peut constituer une entrave à la liberté de travail (Cassation 25-3-1998 n° 95-41.543 ; Cassation 23-10-2001 n° 99-44.219).

Pour prononcer la nullité de la clause, il appartient aux juges du fond, à partir des éléments versés aux débats, d’établir en quoi celle-ci empêche le salarié de trouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle (Cassation 18-12-1997 n° 95-43.409 ; Cassation 15-12-2021 n° 20-18.144).

En l’espèce, la Cour de cassation (pourvoi n° 22-17.036) approuve la cour d’appel d’avoir annulé la clause après avoir relevé que le caractère concurrentiel et mouvant de l’activité de l’entreprise ne justifiait pas la restriction à la liberté de travail du salarié prévue par la clause de non-concurrence, excessive au regard de sa qualification de technico-commercial, et fait ainsi ressortir que cette clause, compte tenu des fonctions effectivement exercées, n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

Pas de réduction du champ d’application de la clause sans demande du salarié

Le juge peut, lorsqu’une clause de non-concurrence ne permet pas au salarié d’exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l’application en limitant son effet dans le temps, dans l’espace ou ses autres modalités (Cassation 18-9-2002 n° 00-42.904).

Au sujet d’une clause de non-concurrence incompatible avec les stipulations de la convention collective applicable, la Cour de cassation a estimé que le juge ne pouvait réduire le champ d’application de la clause de non-concurrence dès lors que seule sa nullité était invoquée par le salarié (Cassation 12-10-2011 n° 09-43.155).

Cette exigence devait-elle s’appliquer au-delà du contexte d’une clause incompatible avec la convention collective ? L’arrêt du 22 mai 2024 répond à cette question par l’affirmative. La Cour de cassation confirme, en effet, cette solution : le juge ne peut réduire le champ d’application de la clause de non-concurrence dès lors que seule sa nullité est invoquée par le salarié.

Sort de l’indemnité de non-concurrence versée en application d’une clause nulle

En principe, un contrat nul ne peut produire aucun effet, ce qui implique que les parties soient remises dans l’état où elles se trouvaient auparavant. Mais cela n’est pas toujours possible lorsque le contrat a été exécuté, en particulier lorsqu’il s’agit d’une clause de non-concurrence prévoyant une entrave à la liberté de travailler en contrepartie du versement d’une indemnité. Et la situation se complique d’autant lorsque la clause annulée n’a pas été respectée.

Pour faire droit au pourvoi de l’employeur reprochant à la cour d’appel de ne pas lui avoir accordé le remboursement de l’indemnité pour la période où le salarié n’a pas respecté l’obligation de non-concurrence, la Cour de cassation articule sa jurisprudence organisant les restitutions résultant d’une clause de non-concurrence nulle avec celle sur les conséquences de la violation d’une clause de non-concurrence.

Le salarié conserve l’indemnité perçue…

Selon la Cour de cassation, si un contrat nul ne peut produire aucun effet, les parties, au cas où il a été exécuté, doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient auparavant, compte tenu des prestations de chacune d’elles et de l’avantage qu’elles en ont retiré. Il s’ensuit que, lorsqu’une clause de non-concurrence est annulée, le salarié qui a respecté une clause illicite peut prétendre au paiement d’une indemnité en réparation du fait que l’employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d’exercer une activité professionnelle (Cassation 17-11-2010 n° 09-42.389). Il en résulte que l’employeur n’est pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l’obligation qui a été respectée.

A noter : Pour attribuer au salarié une indemnité en réparation du préjudice subi, la Cour de cassation se fonde sur le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et sur l’article L 1121-1 du Code du travail, aux termes duquel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

… sauf si l’employeur prouve la violation de la clause

Pour rappel, en cas de violation de la clause de non-concurrence, le salarié conserve le droit au paiement de la contrepartie pécuniaire pour la période antérieure pendant laquelle il a respecté son obligation (Cassation 27-3-1996 n° 92-41.992 ; Cassation 18-2-2003 n° 01-40.194) ; la violation de la clause ne lui permet plus de prétendre au bénéfice de cette contrepartie même s’il respecte à nouveau son obligation de non-concurrence (Cassation 31-3-1993 n° 88-43.820 ; Cassation 5-5-2021 n° 20-10.092 ; Cassation 24-1-2024 n° 22-20.926).

Dans l’arrêt du 22 mai 2024, la Cour de cassation, qui applique sa jurisprudence au cas d’une clause nulle, estime que l’employeur qui prouve que le salarié a violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée est fondé à solliciter le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie.

Ainsi, la Haute Juridiction décide que, pour débouter l’employeur de ses demandes d’indemnisation pour violation de la clause de non-concurrence, la cour d’appel ne pouvait retenir que la clause de non-concurrence était nulle, sans rechercher si le salarié avait violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée.

A noter : Si le salarié ayant violé une clause de non-concurrence nulle ne peut prétendre à l’indemnisation du préjudice résultant de l’entrave à la liberté de travailler, il devrait néanmoins pouvoir être indemnisé du préjudice distinct résultant de la nullité de la clause comme cela a été jugé antérieurement (Cassation 27-9-2017 n° 16-12.852).

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La rédaction sociale
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En cas de nullité de la clause de non-concurrence, le salarié peut conserver la contrepartie financière, l’employeur pouvant toutefois en obtenir le remboursement s’il prouve que le salarié a violé la clause.
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