Depuis quelques années, la jurisprudence tend à relativiser la notion de préjudice causé au salarié du fait du manquement de l’employeur à certaines obligations. Là où ce préjudice était auparavant « automatiquement » établi du seul fait du manquement, la situation est aujourd’hui plus nuancée, la jurisprudence exigeant dans certains que le salarié démontre ce préjudice pour prétendre à réparation.
Elle en a déjà donné une illustration dans un autre arrêt du 4 septembre dernier, s’agissant d’une salariée reprochant à son employeur de lui avoir demandé d’accomplir une tâche professionnelle au cours de son congé maternité, et de ne pas lui avoir fait bénéficier d’une visite médicale à la suite de ce congé.
Dans l’affaire commentée ici, une salariée demandait la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour divers motifs.
Elle sollicitait notamment une indemnisation pour manquement à la réglementation sur la durée du travail, l’employeur n’ayant pas respecté la règle des 20 minutes de pause obligatoire dès que le temps de travail quotidien atteint six heures.
► Ce principe est par ailleurs clairement énoncé par l’article 4 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003.
Elle avait en effet l’habitude d’accomplir 10h30 de travail en continu tous les lundis, ces heures étant enregistrées et compensées (paiement d’heures supplémentaires et/ou repos compensateurs), ce dont elle ne s’était, selon l’employeur, jamais plainte. Les juges du fond rejettent la demande de la salariée, du fait qu’elle ne démontrait pas en avoir subi un quelconque préjudice.
Mais les juges de cassation ne sont pas de cet avis : le seul constat du non-respect des règles relatives aux temps de pause ouvre droit à réparation, sans que la salariée ait à établir la réalité de son préjudice.
Une décision somme toute logique compte-tenu des décisions déjà rendues – dans le même sens – en matière de repos hebdomadaire ou de dépassement des durées maximales de travail (arrêt du 7 février 2024).
La salariée reprochait également à son employeur de l’avoir fait travailler alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie, la faisant venir à trois reprises sur son lieu de travail pour y accomplir, ponctuellement et sur une durée limitée, une tâche professionnelle. Là encore, il arguait du fait que la salariée ne s’en était pas plainte et là encore, la cour d’appel avait rejeté sa demande du fait de l’absence de préjudice démontré.
Et là encore, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : l’employeur faisant travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie commet un manquement ouvrant automatiquement droit à réparation. Une décision logique et conforme à la position prise ce même 4 septembre dans l’affaire du congé maternité.
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