Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur est tenu d’ouvrir des négociations au moins une fois tous les quatre ans, sur les thèmes suivants (article L.2242-1 du code du travail) :
- la rémunération (notamment les salaires effectifs), le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, (c’est-à-dire les dispositifs de participation, d’intéressement et d’épargne salariale mais aussi les plans d’épargne retraite d’entreprise) ;
- l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération) et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).
► L’existence d’une section syndicale se manifeste par la désignation d’un ou plusieurs délégués syndicaux si l’effectif de l’entreprise atteint au moins 50 salariés. Si l’effectif est inférieur, cette existence se manifeste lorsqu’un membre du CSE est désigné comme délégué syndical.
Les entreprises ou groupes d’au moins 300 salariés (ou entreprises communautaires comportant un comité d’entreprise européen d’au moins 300 salariés et une entreprise d’au moins 150 salariés en France) doivent également ouvrir des négociations au moins tous les quatre ans sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) (article L.2242-2 du code du travail).
L’article L.2242-2 précité ne subordonne pas expressément l’obligation de négocier sur la GEPP à l’existence de syndicats représentatifs dans l’entreprise, comme le fait l’article L.2242-1. Cette condition s’applique-t-elle aussi à ce thème ?
Dans un arrêt du 19 janvier 2022 qui portait sur la négociation obligatoire relative à la GEPP, la Cour de cassation affirme, sur le fondement des articles L.2242-1 et L.2242-2 précités et dans des termes généraux, que « l’obligation de négociation est subordonnée à l’existence dans l’entreprise d’une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives » dans l’entreprise. L’arrêt d’appel est cassé et l’affaire renvoyée devant une autre cour d’appel. Mais l’affaire lui revient. L’occasion, pour elle, de réitérer sa position en précisant, cette fois-ci, que la condition s’applique bien à la négociation relative à la GEPP.
► A l’époque des faits, les négociations sur la GEPP (dénommée GPEC) devaient être ouvertes tous les trois ans.
Dans cette affaire, une société comptant environ 1 200 salariés au sein de 122 magasins est assignée en justice par un syndicat, le 27 novembre 2018. Celui-ci réclame, entre autres, que soit ordonné à la société d’ouvrir des négociations sur la GEPP (GEPC à l’époque des faits) sous astreinte et le paiement de dommages-intérêts pour entrave à la négociation.
En effet, aucune négociation relative à la GPEC n’avait été ouverte par l’employeur entre 2015 et 2019.
Le syndicat avait désigné le 26 juillet 2012 un délégué syndical mais uniquement pour un des sept établissements distincts que compte l’entreprise, en application du PAP.
Ce n’est qu’à la suite des élections d’octobre 2016 que le syndicat désigne, le 16 novembre 2016, deux délégués syndicaux au niveau de l’entreprise.
Il est débouté une première fois de ses demandes aux motifs que :
- la désignation des deux délégués syndicaux n’est intervenue que le 16 novembre 2016 (l’un d’entre eux s’est, en outre, vu retirer son mandat en 2017) ;
- en 2015 et 2016, aucune négociation annuelle obligatoire n’a pu être ouverte en raison de l’absence systématique du délégué syndical aux réunions ;
- le syndicat n’a évoqué cette négociation pour la première fois que le 31 octobre 2018 et ne l’a expressément sollicitée que le 18 juin 2019.
► Les juges rappellent également que la périodicité de cette négociation était triennale jusqu’au 20 décembre 2017 puis quadriennale ensuite.
La Cour de cassation casse l’arrêt (arrêt du 19 janvier 2022 précité). Le motif tenant à l’absence de demande de négociations est inopérant. De plus, il résultait des constatations des juges d’appel que le syndicat était représentatif au sein de l’entreprise depuis 2012 (le périmètre de désignation du délégué syndical désigné en 2012 n’avait visiblement pas été remis en cause par la société).
L’affaire est rejugée en appel pour le même résultat mais cette fois-ci, les juges d’appel relèvent bien la désignation du délégué syndical en 2012 ne portait que sur un des sept établissements de l’entreprise et qu’aucun délégué syndical n’avait été désigné au niveau de l’entreprise jusqu’au 16 novembre 2016. Ils en concluent que le délai de la négociation d’un accord sur la GEPP n’était pas acquis au moment de la saisine du tribunal par le syndicat le 27 novembre 2018.
A bon droit, selon la Cour de cassation.
Dans l’arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation, cette fois-ci, ne fonde sa décision que sur l’article L 2242-2 du code du travail et précise bien que « l’obligation de négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels est subordonnée à l’existence d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de l’entreprise ».
Ce faisant, dès lors que l’entreprise dispose d’un syndicat représentatif et de délégués syndicaux, l’employeur doit ouvrir des négociations au moins une fois tous les quatre ans (tous les trois ans à l’époque des faits de l’espèce), sous peine d’une condamnation au versement de dommages et intérêts pour entrave à la négociation.
Peu importe à cet égard l’absence systématique du délégué syndical aux réunions ou la sollicitation tardive du syndicat.
En revanche, cette obligation ne s’impose à l’employeur qu’à partir du moment où la représentativité du syndicat est reconnue. S’agissant des négociations obligatoires, elle s’impose donc dès lors qu’un délégué syndical est désigné au niveau de négociation requis (à savoir ici, l’entreprise).
► Pour rappel, la représentativité d’un syndicat ne peut être contestée de façon générale. Elle ne peut l’être que par rapport à l’exercice d’une prérogative précise (arrêt du 7 décembre 1995 ; arrêt du 24 janvier 2018). La contestation de la représentativité surgit en général à l’occasion de la désignation d’un délégué syndical qui entraîne la mise en œuvre de l’obligation de négocier.
Commentaires récents