Pour distinguer le cadre dirigeant d’un cadre non dirigeant, il y a lieu de se référer à la définition de l’article L. 3111-2 du code du travail : sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant « les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».
► Cette distinction entre cadre dirigeant et non dirigeant est importante dans la mesure où cela a un impact sur l’application des règles en matière de durée du travail. Les cadres dirigeants ne sont soumis ni aux dispositions relatives à la durée du travail (hors les durées maximales de travail et les temps de repos minima), ni à celles relatives aux jours fériés notamment. Ainsi, ils ne peuvent prétendre au paiement d’heures supplémentaires puisqu’ils ne sont pas soumis à la durée légale du travail. La requalification en cadre non dirigeant permet de réclamer le paiement d’heures supplémentaires.
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie « les cadres participant à la direction de l’entreprise » (arrêt du 22 juin 2016).
C ‘est aux juges du fond de vérifier et de caractériser, en cas de contestation d’un salarié sur sa qualité de cadre dirigeant, si ce salarié participe ou non à la direction de l’entreprise. Ainsi ne suffit pas à être considéré comme un cadre dirigeant :
- le « responsable central qualité des chaînes d’assemblage » bénéficiant d’une liberté d’organiser son emploi du temps, d’une autonomie de décision, d’un niveau de rémunération parmi les plus élevés et classé en position IIIBX indice 210 de la convention collective nationale de la métallurgie, laquelle est définie comme suit : « Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en œuvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation ou conduisant à une haute spécialisation. Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente et contrôle les activités, ou bien comporte, dans les domaines scientifique, technique, commercial, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d’initiative » (voir arrêt du 14 novembre 2024, n°34.16-188, en pièce jointe).
- le directeur d’établissement, embauché avec le statut de cadre dirigeant bénéficiant de la rémunération la plus élevée de l’établissement, d’une totale autonomie dans l’organisation de son emploi du temps, d’une grande liberté dans la direction et la gestion de cet établissement qui constituait une entité économique autonome. Ce directeur était chargé du pilotage de son magasin dans les secteurs du management, du commerce et de la gestion ; il n’avait pour seul objectif que la réalisation du résultat opérationnel défini dans le budget prévisionnel ; il bénéficiait à ce titre d’une délégation du directeur régional lui attribuant les pouvoirs nécessaires pour organiser la mise en place de la politique économique, publicitaire et informative du magasin ; il avait une autonomie de gestion du personnel lui conférant le droit d’embaucher et de débaucher le personnel (arrêt du 14 novembre 2024, n°23-20.793).
- le directeur financier d’une entité de 13 personnes d’une société, bénéficiant d’une large autonomie, un niveau de responsabilité important, un des salaires les plus élevés, recruté pour redresser la comptabilité et mettre en place de nouvelles procédures visant à suivre au plus près l’évolution des prix, les performances commerciales et le niveau des charges. A noter que la présence d’une convention de forfait ne permet pas d’en déduire la qualité de cadre dirigeant (arrêt du 20 novembre 2024).
Dans un arrêt du 4 décembre 2024, la Cour de cassation précise les règles de prescription applicables à la contestation du statut de cadre dirigeant et aux demandes afférentes en matière de rappel de salaires.
Dans cette affaire, un salarié engagé en tant que directeur de site puis cadre dirigeant a contesté ce statut devant le conseil de prud’hommes après son licenciement pour obtenir la requalification de son statut en cadre non dirigeant. Il prétendait que ses fonctions ne répondaient pas aux critères du cadre dirigeant définis par l’article L. 3111-2 du Code du travail. En conséquence, il réclamait le paiement d’heures supplémentaires sur les trois dernières années de son contrat.
La Cour d’appel l’a débouté au motif que sa demande était prescrite en appliquant le délai de prescription applicable aux actions en exécution du contrat de travail qui est de deux ans à compter du jour de la connaissance des faits, en vertu de l’article L. 1471-1du code du travail.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis.
Elle rappelle au préalable que la détermination du délai de prescription applicable dépend de la nature de la créance invoquée. Ainsi, c’est la prescription triennale applicable aux litiges portant sur des réclamations de salaire, conformément à l’article L. 3245-1 du code du travail, qui s’applique aux actions de requalification du statut de cadre dirigeant qui ont pour objet une demande de rappels de salaires au titre d’heures supplémentaires.
A noter que le point de départ de ce délai est fixé à la date de connaissance des faits par le salarié. Les créances salariales exigibles peuvent porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant le jour de l’action en justice ou, le cas échéant, le jour de la rupture du contrat. En l’espèce, l’action du salarié, en date du 28 juin 2019, en paiement des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires portant sur les années 2016,2017,2018 n’est donc pas prescrite.
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