Les primes peuvent être prévues par une convention ou un accord collectif de branche ou d’entreprise, le contrat de travail, un usage ou un engagement unilatéral (primes dites obligatoires). Certaines primes n’ont aucune source juridique ; elles dépendent du « bon vouloir » de l’employeur (primes dites bénévoles).
Si l’employeur peut décider librement de supprimer une prime bénévole ou d’en modifier les conditions d’attribution, il ne peut pas supprimer unilatéralement une prime obligatoire.
Mais l’employeur peut-il supprimer une prime conventionnelle versée par erreur ?
Si en principe, l’erreur n’est pas créatrice de droit, parfois, la source du paiement d’une prime peut provenir d’une erreur de l’employeur, répétée pendant plusieurs années.
Dans un arrêt du 13 décembre 2023, la Cour de cassation a jugé que la contractualisation d’une prime peut résulter d’une erreur de l’employeur. En l’espèce, suite à un défaut de paramétrage de son logiciel de paie, l’employeur avait versé par erreur, pendant sept ans, des primes à un salarié.
Cette décision peut paraître étonnante dans la mesure où il est de jurisprudence constante que l’erreur, même répétée, n’est pas créatrice de droit (arrêt du 10 mai 1979) et que la correction d’une erreur n’est pas considérée comme constitutive d’une modification de la rémunération du salarié nécessitant son accord exprès (arrêt du 19 juin 2019).
Dans un arrêt du 4 décembre 2024, la Cour confirme la position prise en 2023.
Dans cette affaire, une salariée avait perçu une prime d’ancienneté conventionnelle pendant plusieurs années (de 1994 à 2014). Mais son niveau de rémunération ne lui permettait pas de revendiquer le versement de cette allocation d’ancienneté. Il s’agissait donc d’une erreur de l’employeur qu’il finit par rectifier en 2015. La salariée saisit alors la justice pour obtenir le rétablissement de la prime et un rappel de paiement de cette prime à compter de 2015. Les juges du fond ne font pas droit à ses demandes.
Ils sont censurés par la Cour de cassation.
Pour cette dernière, l’allocation supplémentaire pour ancienneté était devenue, en raison de son paiement systématique par l’employeur pendant 20 ans, indépendamment de toute condition conventionnelle d’attribution, un élément de rémunération de la salariée.
Sur la base des décisions de 2023 et 2024, les juges peuvent donc conclure qu’une erreur devient un élément contractuel sur lequel l’employeur ne peut plus revenir, en tout cas lorsqu’il s’agit d’une erreur répétée durant plusieurs années.
La longévité de l’erreur semble, en effet, être une condition déterminante dans la position de la Cour de cassation. Ainsi, l’ancienneté de l’erreur pourrait dorénavant aboutir à la contractualisation de l’avantage indu.
En attendant une position de principe de la Cour de cassation, ces arrêts doivent inviter l’employeur à faire preuve d’une grande vigilance et à éviter, autant que faire ce peut, de commettre des erreurs sur la rémunération du salarié.
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