Selon l’article L 1235-3-1 du Code du travail, créé par la loi «Travail» du 8 août 2016, lorsque le licenciement est nul, le juge octroie au salarié qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Le Code du travail ne définit pas précisément les salaires pris en compte pour le calcul de cette indemnité. C’est donc à la jurisprudence qu’il incombe de préciser cette notion. C’est ce que vient de faire la Cour de cassation (pourvoi n° 23-20.987), dans un arrêt publié au bulletin de ses chambres civiles.
A noter : Dans cette affaire, le juge se prononce en application de l’article L 1235-3-1 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi « Travail ». Le texte ne visait alors que les licenciements nuls en cas de discrimination (C. trav. art. L 1132-1), de harcèlement sexuel (C. trav. art. L 1153-2) ou de violation de la protection liée à la maternité (C. trav. art. L 1224-5 et L 1225-5). L’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 a étendu le champ d’application de ce texte à tous les cas de nullité de licenciement. En tout état de cause, avant l’entrée en vigueur de la loi « Travail », la jurisprudence reconnaissait déjà au salarié dont le licenciement était annulé et qui n’était pas réintégré le droit à une indemnité au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du Code du travail alors en vigueur, c’est-à-dire à 6 mois de salaire (notamment Cass. soc. n° 10-15.222). La décision du 2 avril 2025 est donc transposable pour l’application de l’article L 1235-3-1 dans sa rédaction actuellement en vigueur. D’ailleurs, en l’espèce, la nullité du licenciement était motivée par le harcèlement moral subi par le salarié, cas non visé par l’article L 1235-3-1 dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits.
Premier point sur lequel se prononce la Cour de cassation : la définition des « 6 derniers mois » pris en compte pour calculer l’indemnité due au salarié. Il s’agit, sans surprise, des 6 mois précédant la rupture du contrat de travail. Pour évaluer l’indemnité due au salarié, le juge doit donc retenir le total des salaires perçus au cours des 6 mois antérieurs à la rupture.
A noter : L’indemnité de 6 mois de salaire est une indemnité plancher : le juge, qui apprécie souverainement le préjudice subi par le salarié, est libre de lui accorder une indemnité d’un montant supérieur (par exemple, Cass. soc. n° 01-43.717). Par ailleurs, une question a pu se poser, à propos des salariés dont l’ancienneté est inférieure à 6 mois. Ils ont droit à l’indemnité pour licenciement nul, qui est due quelles que soient leur ancienneté et la taille de l’entreprise (Cass. soc. n° 09-66.210). Mais dans la mesure où l’article L 1235-3-1 du Code du travail vise, non pas une indemnité minimale de 6 mois, mais une indemnité « qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois », que doit faire le juge ? La Cour de cassation a répondu : ces salariés ont droit, en tout état de cause, à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire (Cass. soc. n° 02-41.045 ; Cass. soc. n° 04-40.266). Le juge doit donc extrapoler à partir des éléments de salaire dont il dispose pour calculer l’indemnité du salarié.
C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation affirme cette règle aussi fermement à propos du licenciement nul, mais celle-ci ne surprend pas. En effet, ce principe a déjà été retenu à plusieurs reprises à propos de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’époque où elle était prévue par l’ancien article L 1235-3 du Code du travail, qui était rédigé dans les mêmes termes que l’actuel article L 1235-3-1 (voir par exemple Cass. soc. n° 03-43.780 ; également Cass. soc. n° 08-42.767, qui avait précisé que le juge devait prendre en compte la rémunération des 6 derniers mois, et non un salaire mensuel moyen).
A noter : La Cour de cassation a jugé récemment que lorsque le salarié est en temps partiel thérapeutique au moment où il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui perçu avant ce temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé (Cass. soc. n° 23-13.975). Selon nous, la même règle doit être appliquée pour le calcul de l’indemnité pour licenciement nul.
La Cour de cassation apporte également une précision inédite sur l’assiette de calcul de l’indemnité pour licenciement nul. Celle-ci doit en effet tenir compte des primes perçues par le salarié, le cas échéant proratisées, et des heures supplémentaires accomplies au cours de la période de 6 mois.
A noter : Là encore, la décision ne surprend pas : la Cour de cassation transpose sa jurisprudence classique rendue à propos de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l’ancien article L 1235-3 du Code du travail (voir, à propos des primes, Cass. soc. n° 91-45.617, Cass. soc. n° 12-27.928 ; à propos des heures supplémentaires, Cass. soc. n° 03-43.585). Jurisprudence qui, selon nous, s’applique pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse versée en application du barème d’indemnités prévu par l’actuel article L 1235-3. Ainsi, la Cour de cassation s’appuie sur les mêmes principes pour fixer les règles de calcul de ces différentes indemnités.
S’agissant des heures supplémentaires, le principe posé par la Cour de cassation est clair : il faut intégrer dans l’assiette de calcul la rémunération des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des 6 mois précédant la rupture du contrat de travail. La rémunération d’heures supplémentaires effectuées hors de cette période, mais versée au salarié au cours des 6 mois précédant la rupture est exclue.
Ainsi, en cas de condamnation de l’employeur à verser au salarié un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires correspondant à la période de référence sur laquelle est calculée cette indemnité, celles-ci doivent être prises en compte. En l’espèce, la cour d’appel avait accordé au salarié un rappel de plus de 92 000 € au titre d’heures supplémentaires non payées, mais avait refusé de les réintégrer dans la base de calcul de l’indemnité pour licenciement nul. Sa décision est censurée pour violation de la loi.
A noter : Le même principe s’applique, par exemple, pour le calcul de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 6 mois de salaire (Cass. soc. n° 01-40.779 ; Cass. soc. n° 05-40.464).
S’agissant des primes perçues par le salarié, la rédaction de la décision de la Cour de cassation peut donner lieu à des interprétations divergentes. Faut-il tenir compte uniquement des primes perçues par le salarié au cours de la période de 6 mois précédant la rupture, le cas échéant proratisées ? Si cette interprétation était retenue, les primes versées hors de cette période de 6 mois ne seraient pas retenues, quelle que soit leur périodicité. Ou bien faut-il retenir les primes annuelles perçues hors de cette période, mais qui y ont afférentes, en les proratisant ? Par exemple, si un salarié est licencié en novembre, et ne perçoit pas la prime de 13e mois, faut-il ajouter 1/12e du montant de cette prime à chacun des 6 derniers mois de salaire ? Une précision de la Cour de cassation sur ce point serait la bienvenue.

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