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Pour comprendre la négociation en cours sur le bonus-malus, il faut distinguer deux niveaux de lecture. En apparence, une négociation très technique pour modifier à la marge le dispositif du bonus-malus. En creux, se profile une autre négociation pour remettre totalement à plat le dispositif de lutte contre le recours abusif aux contrats courts et supprimer le mécanisme actuel. La négociation qui se déroule actuellement présente, en somme, peu d’enjeux. Il s’agit pour le groupe paritaire technique, mis en place dans la foulée des engagements pris dans le cadre de la convention de 2024, de colmater les brèches jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention d’assurance chômage et, pour le patronat, d’éviter qu’un nouveau secteur ne soit soumis au bonus-malus.  

 

Rappel du fonctionnement du bonus-malus

Le bonus-malus institué en 2019 vise à limiter le recours excessif aux contrats courts en incitant les entreprises à proposer des embauches en CDI. Il s’applique aux entreprises de 11 salariés et plus, relevant des secteurs d’activité dont le taux de séparation moyen est supérieur à 150 % (ils sont actuellement au nombre de sept).

Le bonus-malus consiste à moduler le taux de contribution patronale d’assurance chômage qui est actuellement de 4,05 % (4 % au 1er mai 2025), à la hausse (malus 5,05 %, 5,00 % à compter du 1er mai) ou à la baisse (bonus 3 %, 2,95 % au 1er mai), en fonction du taux de séparation. Ce taux de séparation correspond au nombre de fins de contrat de travail ou de mission d’intérim rapporté à l’effectif de l’entreprise.

Le montant du bonus ou du malus est ensuite calculé en fonction de la comparaison entre le taux de séparation de l’entreprise et le taux de séparation médian de l’ensemble des entreprises du même secteur d’activité :

  • si le taux de séparation de l’entreprise est inférieur au taux de séparation médian de son secteur, l’entreprise sera en bonus ;
  • si le taux de séparation de l’entreprise est supérieur au taux de séparation médian de son secteur, l’entreprise sera en malus ;
  • si le taux de séparation de l’entreprise est égal au taux de séparation médian de son secteur, l’entreprise appliquera le taux de contribution de référence (4,05 %, 4 % au 1er mai).

 

Tensions autour de nouvelles fins de contrat qui seraient exclues du dispositif

Cette séance courte, d’une heure et demie, aura quand même permis aux organisations syndicales de se positionner sur le projet de texte transmis par la partie patronale (*). 

Mis à part l’article 1 du projet d’accord qui ouvre la perspective d’une nouvelle négociation sur la limitation des contrats courts, les autres dispositions suscitent peu d’enthousiasme, voire de l’agacement. Pour Michel Beaugas, chef de file pour Force ouvrière, le texte « ne prend pas en compte les revendications des organisations syndicales » et met en garde le patronat : « à la séance prochaine, il va falloir que le patronat avance s’il veut des signatures ». 

Les syndicats se montrent notamment très critiques sur les exclusions de rupture de contrat voulues par le patronat. Le projet de texte prévoit en effet d’exclure du bonus-malus les fins de CDD et de CTT de remplacement, les contrats saisonniers, les licenciements pour inaptitude professionnelle et les licenciements pour faute lourde.

Pour Force ouvrière, « exclure l’inaptitude c’est inacceptable ; la rupture conventionnelle ça l’est tout autant parce que pour signer une rupture conventionnelle, il faut être deux, donc l’employeur est acteur de la rupture ». Michel Beaugas concède en revanche que l’exclusion des saisonniers est plutôt « du donnant-donnant (…) due au fait qu’on a obtenu dans la convention d’assurance chômage que les saisonniers ouvrent des droits au bout de cinq mois au lieu de six ».

Pour Denis Gravouil de la CGT, il existe également « un gros noeud sur les contrats de remplacement et les licenciements pour inaptitude non professionnelle car il y a une sous-déclaration ». 

La seule évolution de paramètre qui apparaît comme « une ouverture du patronat » pour Olivier Guirvach de la CFDT, est la prise en compte des fins de contrat d’une durée inférieure à trois mois, contre un mois actuellement.

Le patronat défend pourtant sa stratégie. « Notre position est guidée par la cohérence : pas de [prise en compte] des ruptures lorsque l’employeur n’en est pas à l’initiative », justifie Eric Chevée de la CPME. Pour Hubert Mongon du Medef, la proposition lui « semble équilibrée car elle permet de se focaliser sur le coeur du sujet, les contrats de moins de trois mois et corrige quelques aberrations du système actuel ». Il défend notamment les exclusions de fin de contrat demandées. « En quoi les CDD et les CTT de remplacement doivent être pris en compte ? ». Il reconnaît toutefois que « la rupture conventionnelle est un sujet ». Quant aux licenciements pour faute lourde, « pourquoi l’employeur devrait-il être sanctionné et doublement pénalisé ? ».

Consensus pour ouvrir une nouvelle négociation…

Tous les espoirs convergent en réalité vers l’article 1 du projet d’accord patronal. Par cette disposition, les parties s’engagent à inscrire à l’agenda social autonome une négociation paritaire sur le recours aux contrats courts et à la sécurisation des parcours professionnels des salariés en contrats courts.

Des désaccords portent sur la rédaction même de l’article 1 mais qui pourraient trouver une résolution rapide. « Si le titre de l’article parle bien de « négociation », l’article évoque « des discussions afin d’identifier des leviers d’action permettant de mieux réguler, de manière équilibrée et adaptée aux réalités des secteurs, le recours aux contrats courts » « , constate Frédéric Belouze de la CFTC. Ce dernier souhaiterait une clarification dans les termes utilisés. Il devrait obtenir satisfaction. « Le Medef a dit que les discussions sont bien des négociations », se félicite-t-il. « Si on obtient ce qu’on veut avec un agenda clair, net et précis sur cet engagement de négociation, alors on ne veut pas s’écharper sur un sujet limité dans le cadre de ce groupe paritaire technique ».

En revanche, les organisations syndicales attendent du patronat qu’il se dévoile davantage sur les objectifs fixés à cette future négociation. « Nous allons insister sur le fait qu’on est intéressé mais que cela reste imprécis », indique Denis Gravouil.

… dont l’objet serait de remplacer le bonus-malus

Pourtant, s’il est bien un point de consensus c’est que cette future négociation pourrait permettre de se débarrasser du bonus-malus dont tous les partenaires sociaux fustigent la lourdeur, la complexité et l’inefficience. « Aujourd’hui, le bonus-malus ne change rien à la vie des gens confrontés à la précarité », résume ainsi Denis Gravouil. L’enjeu est donc de trouver un dispositif qui soit une réelle « incitation à limiter les contrats courts et proposer des emplois de meilleure qualité », estime Olivier Guirvach.

Pour Eric Chevée, chef de file pour la CPME, l’enjeu tourne autour « de la profondeur de champ de l’article 1 ». Il se dit prêt à ouvrir une négociation « seulement si on est bien d’accord pour que ce soit pour supprimer ou remplacer le bonus-malus, ne pas conserver cette usine à gaz que tout le monde dénonce ». Christophe Sans de l’U2P critique également un « dispositif inopérationnel et complexe qui ne répond pas à l’objectif premier qui est de restreindre les contrats courts. Le nouveau dispositif se substituera à ce système ».

Hubert Mongon confirme cette position. Il s’agit de « remplacer par un dispositif qui reste à créer, objet de la future négociation. Il faut lutter contre les comportements abusifs mais de façon simple ». Il se déclare dès lors « ouvert sur une négociation en 2026 en lien avec le fonctionnement général du marché du travail ».

Pour Force ouvrière, l’essentiel est que l’Etat ne reprenne pas la main alors que les partenaires sociaux l’ont reprise en 2024 sur l’assurance chômage. L’occasion pour Michel Beaugas de rappeler que FO « porte toujours un bonus-malus qui soit basé sur un système de taux pivot comme pour les accidents du travail ».

Fin du suspense le 27 mai : statu quo ou signature d’un avenant ?

La prochaine séance est prévue le 27 mai après-midi, le temps que la CFDT dispose d’un mandat pour conclure ces discussions. La prochaine séance « doit être impérativement conclusive », prévient Hubert Mongon. Il y a au moins six mois de travail pour les opérateurs pour que ce soit opérationnel en mars 2026″.

► C’est en effet le 1er mars 2026 que débute la cinquième modulation sur les nouveaux champs de secteurs définis à partir des données de séparation observées sur la période 2022-2024.

En l’absence d’accord, ce sera le statu quo jusqu’en 2027. Avec toutefois un détail qui a son importance pour le patronat et que souligne Hubert Mongon : « le système en place demeurerait avec un nouveau secteur qui pourrait rentrer » [le médico-social]. 

► Selon les évaluations de l’Unédic, si les règles actuelles perdurent, le secteur de l’action sociale entrerait dans le dispositif , soit au plus 14 800 entreprises supplémentaires pour 1 130 000 salariés. En revanche, si on comptabilise les contrats de moins de trois mois et non plus les contrats de moins d’un mois et si le taux de séparation moyen passe de 150 à 120 % comme le propose le projet d’accord, ce sont 6 800 entreprises de 11 salariés ou plus et 480 000 salariés qui seraient exclus du dispositif.

(*) A l’issue de cette séance de négociation, les représentants de la CFE-CGC ne se sont pas exprimés.

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Florence Mehrez
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Les partenaires sociaux, qui ont entamé une discussion technique sur le bonus-malus, sont entrés avant-hier matin dans le vif du sujet. Les organisations syndicales ont fait part de leurs réserves sur le projet d’accord que leur a présenté le patronat. Mais le véritable enjeu est à venir. Les partenaires sociaux veulent en effet supprimer le dispositif du bonus-malus dans le cadre d’une négociation qui pourrait s’ouvrir en 2026.
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