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Un salarié, engagé comme employé d’exploitation polyvalent dans un hôtel, avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, parmi lesquelles une demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires se rapportant à ses périodes d’astreinte.

Aux termes de l’article L.3121-9 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

Pour qu’il y ait astreinte, deux conditions doivent être réunies :

  • son lieu d’exécution (hors interventions) ne doit pas être le lieu de travail du salarié ;
  • les sujétions imposées au salarié ne doivent pas aboutir à le mettre à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, sans quoi la qualification de temps de travail effectif devrait être retenue.

En plus de ses 39 heures de travail hebdomadaires, le salarié effectuait, quatre nuits par semaine, des périodes d’astreinte de 23 heures à 6 heures (lundi et mardi matin) ou à 6h30 (samedi et dimanche matin) et demeurait, au cours de ces périodes, dans une chambre d’hôtel qui constituait son logement de fonction. Il soutenait que la totalité de ses périodes d’astreinte constituait du temps de travail effectif.

Une méthode de qualification des temps confirmée par la Cour de cassation …

La demande du salarié avait été en partie rejetée par la cour d’appel. Pour les juges du fond, l’existence d’une borne automatique permettant aux clients d’accéder librement à l’hôtel 24 heures sur 24, sans avoir besoin de s’adresser au salarié de permanence, limitait de facto les interventions du salarié durant la nuit, bien que le salarié soit appelé à intervenir régulièrement durant ses périodes d’astreinte compte tenu de la vétusté des lieux et du matériel de l’hôtel.

Le salarié s’était alors pourvu en cassation.

Au soutien de ses prétentions, et s’appuyant sur la méthode de qualification des temps élaborée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE 9 mars 2021 aff. 344/19, D. J. c/ Radiotelevizija Slovenija), il faisait valoir que les conditions d’exécution de ses périodes d’astreinte ne lui permettaient pas de gérer librement son temps et de vaquer à des occupations personnelles lorsque ses services professionnels n’étaient pas sollicités.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel pour défaut de base légale. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, les juges du fond ne pouvaient pas faire partiellement droit à la demande du salarié sans vérifier, s’il avait été soumis, au cours de ces périodes d’astreintes, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles.

Autrement dit, les juges du fond ne pouvaient pas valablement statuer sur l’affaire en se contentant d’affirmer que le nombre d’interventions du salarié se trouvait limité en raison de la présence de la borne automatique.

Par cette décision, la chambre sociale rappelle une nouvelle fois la méthode de qualification des temps élaborée par la Cour de Justice de l’Union européenne, invoquée par le salarié, et confirme, par la même occasion, sa volonté de reprendre et d’appliquer cette méthode (arrêt du 26 octobre 2022 ; arrêt du 21 juin 2023).

► A notre sens, la publication de cet arrêt ne s’explique pas par la nouveauté de la solution mais peut-être plus par la volonté de la Cour de cassation de rappeler aux juges du fond la méthode à suivre.

… nécessitant une appréciation concrète des conditions dans lesquelles l’astreinte se déroule

Une période donnée peut ainsi être qualifiée d’astreinte ou de temps de travail effectif selon l’intensité des sujétions auxquelles le salarié est soumis durant celle-ci.

S’agissant d’un litige relatif à une période d’astreinte, les juges du fond doivent procéder à une analyse concrète, et, à notre sens, approfondie, des conditions d’exécution de celle-ci afin de déterminer si ces conditions constituent ou non des contraintes d’une intensité telle qu’elle justifie que la totalité des périodes d’astreinte soit qualifiée de temps de travail effectif.

En l’espèce, la présence du numéro de téléphone du salarié sur la borne d’accès, la vétusté des lieux et du matériel de l’hôtel qui pouvaient, le cas échéant, amener les clients à contacter plus fréquemment le salarié, le fait que celui-ci était le seul salarié de permanence devant répondre à l’ensemble des urgences des clients et des exigences de sécurité ainsi que la fréquence de ses interventions constituaient des éléments de l’appréciation de l’intensité des contraintes auxquelles le salarié était soumis. On perçoit bien la difficulté du travail à laquelle les juges du fond peuvent être confrontés en fonction des éléments à leur disposition. Il semble notamment que la société n’ait pas mis en place un cahier d’interventions rempli par le salarié et contrôlée par elle, alors même que ce document était prévu par le contrat de travail. Un tel document aurait pu notamment permettre aux juges du fond d’évaluer la fréquence et la durée moyenne des interventions.

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Signature: 
Fabrice Labatut
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L’astreinte de nuit peut être en intégralité qualifiée de temps de travail effectif si le salarié, durant ces périodes, n’est pas en mesure de gérer librement son temps en raison de l’intensité des contraintes qui lui sont imposées. Les juges sont tenus d’apprécier ces contraintes in concreto.
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