La Cour de cassation a donné une définition précise de la faute grave ; celle-ci est caractérisée par la réunion de trois éléments :
- la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié personnellement (arrêt du 23 février 2005) ;
- le ou les faits incriminés doivent constituer une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise. Ainsi la faute grave ne peut être retenue pour des faits étrangers à la relation de travail (arrêt du 25 avril 1990) ;
- « la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (arrêt du 27 septembre 2007).
► Aucune autre condition n’est nécessaire et particulièrement pas l’intention de nuire de la part du salarié (arrêt du 7 mai 1986) ni la preuve d’un préjudice particulier pour l’employeur (arrêt du 8 novembre 1990).
Le troisième élément signalé ci-dessus est essentiel. Il faut, en effet, que la poursuite de la relation contractuelle pendant les quelques semaines de préavis soit rendue impossible par les faits incriminés (et non pas seulement plus difficile), pour que la faute grave puisse être retenue. La mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
La Cour de cassation a maintes fois rappelé ce principe (notamment arrêt du 16 juin 1998 ; arrêt du 6 octobre 2010 ; arrêt du 24 novembre 2010 ; arrêt du 17 novembre 2011 ; arrêt du 28 janvier 2014), et en dernier lieu dans un arrêt rendu le 27 mai dernier.
Dans l’affaire du 27 mai 2025, une salariée licenciée pour faute grave saisit la justice, estimant que la qualification de faute grave ne pouvait être retenue puisque l’employeur avait eu connaissance des griefs formés à son encontre à l’occasion d’un contrôle effectué le 11 octobre 2019 et qu’il n’avait engagé la procédure de licenciement que le 21 novembre 2019, soit près d’un mois et demi plus tard, sans que cela ne soit justifié par des investigations complémentaires.
Elle est déboutée par la cour d’appel, qui considère que les griefs de l’employeur étaient établis, le fait de s’affranchir des règles internes de fixation et de contrôle du temps de travail en profitant d’une délégation donnée pendant l’absence d’une autre salariée étant constitutif d’une faute grave.
La salariée se pourvoit en cassation, estimant que les juges du fond avaient retenu la qualification de faute grave sans vérifier si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint.
Elle est entendue par la chambre sociale, qui rappelle en premier lieu la position défendue par celle-ci selon laquelle « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ». Or, la cour d’appel n’avait pas recherché, comme elle y avait été invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint après la constatation par l’employeur des faits imputés à la salariée. L’arrêt est cassé et l’affaire sera rejugée devant une autre cour.
En effet, c’est aux juges du fond qu’il appartient de se pencher sur la « réactivité » de l’employeur dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave, sachant que la notion de délai restreint dépend beaucoup des circonstances de fait. La Cour de cassation se charge, elle, de vérifier que les juges du fond ont bien contrôlé cet élément avant de caractériser la faute grave. Ces mêmes juges doivent pour cela également apprécier si les circonstances nécessitaient des vérifications ou enquêtes pour l’appréciation du degré de gravité de la faute commise.
A titre d’exemples, il a déjà été jugé que la faute grave ne peut être prononcée :
- si l’employeur a accepté que le contrat de travail se poursuive pendant la durée du préavis, même sous un contrôle particulièrement strict (arrêt du 12 juillet 2005) ;
- s’il reconnaît expressément au salarié son droit à préavis, même s’il a été dispensé de l’exécuter (arrêt du 21 novembre 2000 ; arrêt du 23 novembre 2010) ;
- ou encore si le salarié, licencié pour faute grave par lettre du 22 décembre, a poursuivi son travail dans l’entreprise jusqu’au 31 décembre (arrêt du 9 octobre 2024).
De même lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable deux mois moins un jour après la connaissance des faits fautifs (arrêt du 22 janvier 2020), plus de trois semaines après la connaissance des faits (arrêt du 23 octobre 2012), ou plus de cinq semaines après celle-ci (arrêt du 6 octobre 2010).
En revanche, un délai de huit jours entre la commission des faits et la convocation à l’entretien préalable ne peut priver l’employeur du droit d’invoquer la faute grave (arrêt du 8 octobre 1992). L’employeur a également agi dans un délai restreint dès lors que le fait reproché au salarié s’était produit le 17 septembre et que l’employeur avait introduit la procédure de licenciement le 8 octobre (soit dans un délai de 21 jours) (arrêt du 4 mai 2017).
► L’engagement « tardif » de la procédure peut être validé par les juges lorsqu’il est établi qu’un délai a été nécessaire après révélation de la faute commise par le salarié notamment pour s’assurer de l’existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité (arrêt du 12 octobre 1983 ; arrêt du 10 mars 1993).

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