L’employeur peut-il contester, dans le cadre d’une instance en reconnaissance de sa faute inexcusable, le taux prévisible fixé par le médecin-conseil aux fins de saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) dans le cadre de la reconnaissance d’une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles ?
Telle est question dont la Cour de cassation a été saisie par un pourvoi dirigé contre un arrêt qui a décidé que le taux prévisible fixé par le médecin-conseil ne pouvait pas être remis en cause par l’employeur.
Le caractère professionnel d’une maladie non prévue par un tableau de maladie professionnelle peut être reconnu, après avis d’un CRRMP, sous réserve que cette pathologie ait été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle ait entraîné le décès de celle-ci ou une incapacité permanente égale à un taux au moins égal à 25 %, conformément aux articles L.461-1 et R.461-8 du code de la sécurité sociale.
Afin de ne pas retarder l’instruction du dossier au jour de la consolidation, date à laquelle le taux d’incapacité permanente est en principe fixé, les services du contrôle médical des caisses primaires se réfèrent à un taux d’incapacité permanente prévisible, dont la jurisprudence a reconnu l’existence et l’utilité. En effet, ce taux provisoire, dont la seule finalité est de déterminer si un CRRMP peut être saisi dans le cadre d’une instruction hors tableau, ne fait pas l’objet d’une décision notifiée aux parties et la Cour de cassation a jugé que, dans le cadre du contentieux de l’opposabilité de la décision de prise en charge à l’employeur, il n’était pas susceptible de recours (arrêt du 19 janvier 2017). Seule la décision de prise en charge notifiée aux parties après avis du CRRMP peut être contestée. Ce taux prévisible est donc différent du taux d’incapacité permanente définitif, tant dans sa temporalité que dans sa finalité, ce dernier permettant le calcul de la réparation allouée à la victime et ayant une incidence financière au regard du coût moyen.
Dans l’arrêt du 10 avril 2025, la Cour de cassation décide que, en raison de son caractère provisoire, le taux prévisible n’est pas notifié aux parties et qu’il ne peut pas, dès lors, être contesté par l’employeur pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable. Il s’ensuit que, si l’indépendance entre la procédure de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles et la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable permet à l’employeur de contester le caractère professionnel du sinistre en dépit du caractère définitif de la décision de prise en charge, elle n’autorise pas, en revanche, ce dernier à contester, en défense à une action en reconnaissance de sa faute inexcusable, ce taux prévisible d’incapacité.

Commentaires récents