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Le 10 septembre dernier, les membres du Conseil constitutionnel ont entendu les parties aux trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives au droit pour le salarié de se taire lors de l’entretien préalable de licenciement personnel ou d’un entretien disciplinaire, dont ils ont été saisis en juin dernier par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Rappelons que les deux questions posées au Conseil constitutionnel étaient les suivantes : 

  • « Les dispositions de l’article L.1332-2 du code du travail, en ce qu’elles ne prévoient pas la notification aux salariés faisant l’objet d’une sanction disciplinaire, de leur droit de se taire durant leur entretien, portent-elles atteinte aux droits garantis par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ? » ; 

► L’article 9 de la DDHC de 1789 indique que : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Dans une décision QPC du 8 décembre 2023, les Sages ont décidé qu’il « en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition ». 

  • Les dispositions combinées des articles L.1232-3 et L.1332-2 du code du travail, en ce qu’elles ne prévoient pas la notification aux salariés faisant l’objet d’une procédure de licenciement disciplinaire, de leur droit de se taire durant leur entretien préalable, portent-elles atteinte aux droits garantis par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ? ».

► L’article 1232-3 du code du travail indique : « Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ». L’article L.1332-2 du code du travail prévoit : « Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé »

Le licenciement personnel et la sanction disciplinaire constituent-ils une punition ?

L’audience a permis d’éclairer les enjeux juridiques soulevés par ces trois QPC. 

L’une des questions était de savoir si les sanctions disciplinaires constituent des punitions au sens de l’article 9 de la DDHC de 1789 tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel.

Pour Delphine Drezet, avocate au barreau du Havre, représentant une association employeur, « le pouvoir disciplinaire de l’employeur découle de son pouvoir de direction lié au contrat de travail. Il garantit la bonne exécution du contrat de travail et n’a pas de finalité répressive ». « Il ne s’agit pas de punir le salarié mais de tirer les conséquences d’un manquement fautif du salarié à ses obligations contractuelles sur le contrat de travail. Il s’agit de l’exercice d’un droit de résiliation unilatérale dont dispose l’employeur et le salarié [prise d’acte en cas de manquements de l’employeur] », renchérit François Pinet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. 

Pour eux, il convient donc de bien distinguer la sanction prononcée dans le cadre d’un contrat de celle prononcée dans le cadre d’une procédure disciplinaire par une autorité investie d’un pouvoir de l’Etat, comme c’était le cas dans la décision du 8 décembre 2023 qui concernait un notaire.

Les garanties dont bénéficie le salarié sont-elles suffisantes ?

Laëtitia Cadel, avocate au barreau de Paris, représentant un employeur à l’instance, a souligné l’impossibilité pour le salarié de « s’auto-incriminer » en raison de « l’immunité de parole du salarié pendant l’entretien préalable et la possibilité d’y être assisté ». L’entretien préalable est « une phase de conciliation et non une enquête contre le salarié. « Reconnaître au salarié le droit de se taire reviendrait à vider de son sens l’immunité de parole dont bénéficie déjà le salarié et pourrait même être contre-productif en instaurant un climat de défiance pendant l’entretien préalable et dissuader le salarié de s’expliquer là où le droit actuel permet un dialogue sécurisé et sans risque pour le salarié ».

Tel n’est pas le point de vue d’Anaëlle Languil, représentant l’une des salariées. « Lors de l’entretien préalable, le salarié est dans une situation de fragilité ; il pourrait reconnaître des faits dont l’employeur n’a pas connaissance et ainsi s’auto-inscriminer ». David Van der Vlist, avocat au barreau de Paris, redoute quant à lui que « les déclarations du salarié puissent être utilisées contre lui dans le cadre d’une procédure pénale ».

Le représentant du Premier ministre, Thibault Cayssials, a demandé au cours de l’audience aux juges constitutionnels de déclarer conformes les articles du code du travail incriminés. « La sanction de l’employeur n’est pas une punition. Le pouvoir de l’employeur résulte uniquement de son pouvoir de direction », a-t-il confirmé.

L’employeur n’a pas à informer le salarié de son droit au silence au cours de l’entretien préalable

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision vendredi 19 septembre 2025. 

Dans un premier temps, il précise que la QPC porte très précisément sur les mots « et recueille les explications du salarié » figurant à l’article L.1232-3 du code du travail et à l’avant-dernier alinéa de l’article L.1332-2 du code du travail. 

Il rappelle aussi, s’agissant de l’article 9 de la DDHC de 1789 et de sa conséquence qui est le droit de se taire, que ce sont « [des] exigences [qui] ne s’appliquent qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition. Elles ne s’appliquent pas aux mesures qui, prises dans le cadre d’une relation de droit privé, ne traduisent pas l’exercice de prérogatives de puissance publique ».

Or, soulignent les juges de la rue Montpensier, « le licenciement et les sanctions décidés par un employeur à l’égard d’un salarié ou d’une personne employée dans les conditions de droit privé ne relèvent pas de l’exercice par une autorité de prérogatives de puissance publique ». Par ailleurs, « de telles mesures sont prises dans le cadre d’une relation régie par le droit du travail et ont pour seul objet de tirer certaines conséquences, sur le contrat de travail, des conditions de son exécution par les parties ».

Dès lors, « ni le licenciement pour motif personnel d’un salarié ni la sanction prise par un employeur dans le cadre d’un contrat de travail ne constituent une sanction ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles précitées ». 

Le Conseil constitutionnel estime ainsi les deux dispositions du code du travail sont conformes à la Constitution et ne contreviennent pas à l’article 9 de la DDHC faute de prévoir que le salarié doit être informé de son droit de se taire lors de l’entretien préalable à un licenciement personnel ou à une sanction, comme le soutenaient les parties requérantes.

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Signature: 
Florence Mehrez
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Dans une décision publiée vendredi 19 septembre 2025, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du code du travail relatives à l’entretien préalable à un licenciement personnel ou à une sanction disciplinaire ne violent pas l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles ne prévoient pas l’obligation pour l’employeur de notifier au salarié le droit de se taire au cours des échanges.
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