Le gouvernement a présenté le 14 octobre en conseil des ministres le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, un texte marqué par une volonté affichée de rationalisation des dépenses publiques. Du sort des apprentis à la durée des arrêts maladie, en passant par la reconnaissance des maladies professionnelles, plusieurs dispositifs font l’objet de réformes substantielles.
Première mesure emblématique : la suppression de l’exonération de cotisations sociales salariales pour les apprentis. Déjà affaibli par la loi de finances 2025, qui avait abaissé le seuil d’exonération de 79 % à 50 % du Smic, ce dispositif serait purement et simplement abrogé pour les nouveaux contrats conclus à partir du 1er janvier 2026. Les contrats en cours ne seraient toutefois pas remis en cause.
L’article 9 du projet de loi prévoit également une révision de l’aide à la création et à la reprise d’entreprise (Acre), qui serait « recentrée sur les publics les plus fragiles ». Les jeunes entreprises innovantes (JEI) verraient, elles aussi, leur exonération resserrée autour de celles qui investissent le plus en recherche et développement. Quant aux exonérations destinées au développement économique des outre-mer, instaurées en 2009, elles seraient simplifiées et concentrées sur les bas et moyens salaires.
Le texte opère un tournant dans la gestion des arrêts de travail. Estimant le « système actuel inadapté tant au regard de l’enjeu de maîtrise des dépenses que de suivi médical des assurés », l’exécutif propose de limiter la primo-prescription des arrêts à 15 jours en cabinet de ville et 30 jours à l’hôpital. Les motifs de l’arrêt devraient désormais figurer sur l’avis, permettant un contrôle accru de l’Assurance maladie.
Pour les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, la période d’indemnisation de l’incapacité temporaire serait plafonnée à quatre ans pour un même sinistre. Au-delà d’un délai fixé par décret, ces victimes « basculeront en incapacité permanente », précise l’exposé des motifs.
Autre disposition : la suppression de l’obligation de visite médicale de reprise après un congé maternité. L’objectif affiché est de « favoriser une reprise rapide du travail » et de réduire les indemnités journalières versées entre la fin du congé et l’obtention de la visite.
► Rappelons que depuis le 1er avril 2025, le plafond des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) est fixé à 1,4 Smic contre 1,8 auparavant.
L’article 29 supprime les règles dérogatoires en matière d’indemnités journalières pour les affections de longue durée (ALD) dites « non exonérantes ». Sont notamment visées la dépression légère et les troubles musculosquelettiques. Les assurés atteints d’une affection nécessitant un arrêt d’au moins six mois, sans reconnaissance en ALD exonérante, se verraient appliquer les règles de droit commun.
Le gouvernement justifie cette mesure par la volonté de « mieux maîtriser la durée des indemnités journalières » et de prévenir « la désinsertion professionnelle », tout en recentrant les arrêts longs sur « les situations aiguës ».
L’article 39 modifie en profondeur la reconnaissance des maladies professionnelles. Constatant que les tableaux réglementaires actuels « intègrent des exigences tenant aux conditions de diagnostic qui posent des difficultés », le texte renvoie à un décret en Conseil d’Etat la détermination des modalités d’établissement du diagnostic. Le système complémentaire, quant à lui, serait recentré sur les dossiers les plus complexes traités par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Mesure attendue depuis plusieurs années, la création d’un congé supplémentaire de naissance figure à l’article 42. Indemnisé par la sécurité sociale et ouvert aux deux parents, ce congé s’ajouterait aux dispositifs existants (maternité, paternité, adoption). D’une durée d’un ou deux mois au choix des parents, il pourrait être pris simultanément ou en alternance, permettant jusqu’à quatre mois de garde parentale supplémentaire.
Le coût de la mesure, variable selon les hypothèses, est estimé à 300 millions d’euros l’année de sa mise en œuvre et monterait progressivement en charge jusqu’à atteindre 600 millions d’euros en 2030. Ce congé de naissance serait effectif en 2027.
Ce dispositif apparaît comme la principale mesure sociale d’un texte largement dominé par les économies budgétaires, dans un contexte de déficit persistant des comptes de la sécurité sociale.
L’article L.137-15 du code de la sécurité sociale est réécrit et introduit une contribution de 8 % due par les employeurs, assise sur les revenus d’activité et attribués par les entreprises. Ces montants sont déjà soumis à la contribution sociale sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement mais exclus de l’assiette des cotisations sociales en vertu de l’article L.242-1 du même code.
La contribution viserait les titres-restaurants, les chèques-vacances, les chèques cadeaux ou autres avantages sociaux et culturels financés par les CSE (le PLFSS vise « le financement d’activités ou de services sociaux et culturels tels que définis à l’article L.2312-81 du code du travail »).
Le PLFSS pour 2026 entend rehausser de 10 points le taux de la contribution patronale spécifique qui s’applique aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite. Selon l’exposé des motifs, l’objectif est de mettre fin à des abus via des stratégies de contournement du régime social propre aux indemnités de licenciement ou de la démission de salariés.
Rationaliser le cumul emploi-retraite
Le PLFSS pour 2026 reprend les propositions du rapport de la Cour des comptes de mai 2025 sur le cumul emploi-retraite :
- avant 64 ans, un écrêtement de la pension de retraite à hauteur de 100 % des revenus en cas de reprise d’activité et ce dès le premier euro ;
- entre 64 et 67 ans, un écrêtement de la pension à hauteur de 50 % des revenus d’activité supérieurs à un seuil qui pourrait être fixé par décret à 7 000 euros de revenus d’activité par an ;
- après 67 ans, un cumul intégral libre permettant la création de droit à une seconde pension.
L’année blanche ou gel des pensions de retraite est mise en œuvre pour l’année 2026 sur les pensions de retraite et les prestations sociales (branches famille, vieillesse…).
De plus, le projet instaure une sous indexation des pensions de retraite de 2027 à 2030. Il s’abrite ici derrière « les formulations des partenaires sociaux » issues du conclave et aligne ainsi les pensions du régime de base sur les complémentaires qui ont également fait l’objet d’une sous-indexation de 0,4 point de 2024 à 2026.
Le gouvernement en attend 3,8 milliards d’euros d’économies en 2027, puis 4,9 en 2028 et 6,1 en 2029.
Le projet de loi reprend dans son article 45 le changement de calcul du salaire annuel moyen des femmes acté lors du « conclave ». Actuellement référencé sur les 25 meilleures années, ce salaire de référence serait calculé sur les 23 meilleures années pour les femmes ayant eu deux enfants ou plus, et les 24 meilleures années pour celles ayant eu un enfant.
Seraient également prise en compte comme des durées réputées cotisées les majorations (maternité, éducation, adoption et congé parental) de durée d’assurance pour l’ouverture de droits à la retraite anticipée pour carrière longue dans la limite de deux trimestres.
Un projet de loi dédié à la lutte contre la fraude fiscale et sociale a également été présenté le 14 octobre en Conseil des ministres. Le PLFSS contient toutefois également des mesures en ce sens. Il prévoit d’accorder « un caractère privilégié » (en référence aux créanciers privilégiés, c’est-à-dire dotés d’une sûreté leur permettant d’obtenir plus certainement un remboursement de la part du débiteur) aux créances sociales des organismes de recouvrement.
En cas de procédure collective, le délai permettant de convertir une déclaration provisionnelle en déclaration définitive pour les créances des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales serait allongé, alignant ainsi le régime des créances sociales sur les créances fiscales.
Enfin, les Urssaf pourraient mandater pendant trois ans les présidents de commission des chefs de service financiers pour les actes relatifs à la prise de garanties.

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