L’emploi des seniors est un enjeu majeur pour le marché du travail et le système de protection sociale français. Augmenter le taux d’emploi des seniors doit contribuer à l’équilibre des systèmes de retraite en réduisant le nombre de bénéficiaires et en augmentant les cotisations. Cet objectif doit aussi permettre une réduction du taux de chômage. En outre, les seniors actifs ont généralement un revenu disponible plus élevé, propre à stimuler la consommation et, par conséquent, la croissance économique.
Pour atteindre cet objectif, la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025, publiée au Journal officiel du 25 octobre 2025, mise sur une mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés pour modifier les comportements à l’égard de l’emploi des seniors, à commencer par les branches et les entreprises.
L’allongement de la durée d’activité nécessite, en effet, la mise en oeuvre de mesures d’accompagnement quant aux conditions de travail de ces salariés, le manque d’adaptation des conditions de travail au vieillissement des salariés pouvant conduire à une sortie plus précoce de l’emploi. La négociation collective apparaît alors comme un levier majeur pour favoriser le maintien et le retour à l’emploi des seniors par l’élaboration de dispositifs au plus près du terrain, adaptés aux besoins de chaque secteur professionnel et chaque entreprise.
C’est dans cet esprit que la loi du 24 octobre 2025 instaure de nouvelles négociations périodiques obligatoires. L’une est imposée aux branches, l’autre aux entreprises.
Pour rappel, aux termes de l’article L.2241-1 et suivants du code du travail, les branches peuvent définir, par un accord collectif d’une durée maximale de cinq ans, le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités des négociations obligatoires (champ de la négociation collective). Tous les thèmes des négociations obligatoires doivent toutefois faire l’objet d’une négociation au minimum tous les quatre ou cinq ans, selon le thème (dispositions d’ordre public). Ce n’est qu’à défaut d’accord que les dispositions légales relatives aux thèmes de négociation et à leur périodicité s’appliquent (dispositions supplétives).
La nouvelle obligation de négociation instaurée par la loi n° 2025-989 ne déroge pas à ces principes.
Une négociation au moins quadriennale sur l’emploi des seniors (ordre public)
L’article 1er de la loi vient ajouter un neuvième thème de négociation obligatoire de branche, aux thèmes de négociation prévus par l’article L.2241-1 du code du travail.
Désormais, les branches doivent également négocier, au moins une fois tous les quatre ans, sur « l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge » (autrement dit, sur l’emploi et le travail des seniors).
► Auparavant, les branches pouvaient déjà traiter ce sujet, de manière indirecte, dans d’autres accords. Par exemple, il existe une mesure, parmi les dispositions supplétives, relatives à la formation professionnelle, visant le tutorat exercé par les salariés de plus de 55 ans (article L.2241-14 du code du travail). Les négociations sur la GPEC permettent aussi de prendre en compte une gestion anticipée des compétences, et notamment leur transmission générationnelle, ainsi qu’une adaptation des parcours professionnels. Celles sur la prévoyance permettent de tenir compte des profils « santé » particuliers de cette population active. Les branches ont également été encouragées à négocier sur la prévention de l’usure professionnelle ; ces négociations concourent à prévenir la désinsertion professionnelle, dont l’enjeu grandit avec l’allongement des carrières. Mais force est de constater que les branches ne se sont pas saisies de ces moyens d’action. A ce jour, seules deux branches professionnelles ont conclu des accords spécifiques sur l’emploi des seniors : la branche des sociétés d’assistance et celle des casinos.
Adapter le contenu et la périodicité de cette négociation obligatoire demeure possible
Les branches peuvent toutefois aménager les négociations obligatoires par accord collectif (dit accord d’adaptation ou encore accord de méthode) (article L.2241-4 du code du travail). La conclusion d’un tel accord permet notamment aux branches d’adapter non seulement la périodicité de chaque thème de négociation obligatoire, dans le respect des périodicités minimales d’ordre public, mais aussi d’adapter leur contenu.
Le thème de l’emploi et du travail des seniors se conforme à cette règle : les branches peuvent retenir une périodicité différente pour la négociation relative à l’emploi et le travail des seniors, dans la limite de quatre ans, en concluant un accord d’adaptation sur ce point. Elles peuvent même circonscrire son contenu (article L.2241-5 modifié et L.2241-6 modifié du code du travail).
► Exemple : si les partenaires sociaux souhaitent faire porter la négociation relative à l’emploi et le travail des seniors sur la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, il peuvent, en revanche, ne pas aborder leur recrutement.
Une négociation au moins triennale à défaut d’accord d’adaptation (supplétif)
A défaut d’accord d’adaptation (ou en cas de non-respect de cet accord), la négociation obligatoire de branche relative à l’emploi et le travail des seniors doit s’engager sur les sous-thèmes et selon la périodicité prévus par le code du travail.
La périodicité supplétive fixée pour ce thème de négociation par le code du travail est triennale et nécessite l’établissement d’un diagnostic préalable.
Cette négociation triennale doit porter nécessairement sur (article L.2241-14-1 nouveau du code du travail) :
- le recrutement des salariés expérimentés, en considération de leur âge ;
- leur maintien dans l’emploi ;
- l’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
- la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.
Un décret (à paraître) déterminera les informations nécessaires à cette négociation.
► Selon les informations transmises par la DGT aux rapporteurs du projet de loi, le décret définirait principalement les conditions d’établissement du diagnostic préalable et, le cas échéant, son articulation avec le calendrier de la négociation.
Des sous-thèmes facultatifs peuvent également être abordés lors de cette négociation, à savoir (article L.2241-14-2 nouveau du code du travail) :
- le développement des compétences et l’accès à l’information ;
- les effets des transformations technologiques et environnementales sur leurs métiers ;
- les modalités de management du personnel ;
- les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;
- la santé au travail et la prévention des risques professionnels ;
- l’organisation du travail et les conditions de travail.
Un plan d’action type de branche proposé aux entreprises de moins de 300 salariés
Une disposition d’ordre public est instaurée en faveur des entreprises de moins de 300 salariés.
Concrètement, l’accord de branche relatif à l’emploi et le travail des seniors peut comporter un plan d’action type en leur faveur. En cas d’échec des négociations dans l’entreprise, les employeurs de moins de 300 salariés peuvent appliquer ce plan (s’en pouvoir s’en écarter) (article L.2241-2-1 nouveau du code du travail).
L’application de ce plan type suppose toutefois le respect de deux conditions cumulatives :
- l’employeur doit adhérer au plan au moyen d’un document unilatéral ;
- il doit consulter et informer préalablement le CSE (s’il en existe un) et les salariés de cette application : il peut le faire par tous moyens.
En parallèle des branches, la loi du 24 octobre 2025 impose également une obligation de négocier sur l’emploi et le travail des salariés seniors, aux entreprises de 300 salariés et plus.
Jusqu’à présent, ces entreprises n’étaient pas tenues de négocier sur les conditions de travail de leurs salariés seniors. C’était seulement à titre supplétif, à défaut d’un accord d’adaptation, que la loi leur permettait d’aborder ce sujet dans le cadre des négociations relatives à la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et à la mixité des métiers. Elles pouvaient alors (mais ce n’était pas imposé) négocier sur l’emploi des salariés âgés et la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences ainsi que sur l’amélioration de leurs conditions de travail (article L.2242-21 du code du travail dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 24 octobre 2025).
Ce thème ne fait désormais plus partie des thèmes facultatifs supplétifs de la négociation sur la GEPP (article L.2242-21 modifié du code du travail). Il s’agit d’un thème à part entière de la négociation obligatoire, distinct de la GEPP.
En effet, dans les entreprises d’au moins 300 salariés où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur doit engager au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge (article L.2242-2-1 nouveau du code du travail). Cette négociation est également imposée aux groupes d’entreprises de même taille, au sens retenu pour la mise en place du comité de groupe (article L.2331-1 du code du travail), mais pas aux groupes d’entreprises de dimension communautaire (comme c’est le cas pour la GEPP).
► Pour rappel, un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L.233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce. Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d’un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique (article L.2331-1 du code du travail).
Tant qu’une négociation obligatoire est en cours, il est formellement interdit à l’employeur de prendre des décisions unilatérales sur les thèmes négociés, sauf si l’urgence le justifie. La négociation relative à l’emploi et aux conditions de travail des seniors ne déroge pas sur ce point ; l’employeur doit respecter cette interdiction (article L.2242-4 modifié du code du travail).
Comme pour les autres thèmes de négociation obligatoire, à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, une négociation peut être engagée afin d’aménager les modalités de la négociation obligatoire relative à l’emploi et les conditions de travail des salariés seniors (article L.2242-12 du code du travail). Ainsi, sous réserve du respect des règles d’ordre public (négociation au moins une fois tous les quatre ans), les partenaires sociaux peuvent déterminer librement la périodicité qui leur convient pour ce thème. Ils peuvent aussi adapter son contenu et s’affranchir du contenu imposé de manière supplétive par le code du travail (article L.2242-11 modifié du code du travail).
A défaut d’accord d’adaptation, l’employeur doit engager tous les trois ans une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés seniors (article L.2242-13, 4° modifié du code du travail). Cette négociation doit, tout comme la négociation de branche, être précédé d’un diagnostic et porte sur les mêmes sous-thèmes obligatoires et facultatifs que ceux prévus pour la négociation de branche (article L.2242-22 nouveau du code du travail).
Si les partenaires sociaux négocient sur les sous-thèmes facultatifs visés au nouvel article L.2242-14-2 du code du travail, l’employeur doit examiner les possibilités de mobilisation du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu).
► Créé dans le cadre de la réforme des retraites de 2023, ce fonds permet notamment, pour les entreprises, le financement d’actions de sensibilisation et de prévention des facteurs de risques ergonomiques, à l’origine de troubles musculo-squelettiques (TMS) et des actions de prévention de la désinsertion professionnelle.
Comme pour la négociation de branche, un décret (à paraître) précisera les informations nécessaires à la négociation.
► Ce décret devrait porter sur les conditions d’établissement du diagnostic préalable.

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