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Dans son nouveau rapport rendu public le 4 décembre 2025 portant sur l’année 2024 (1), le Défenseur des droits, l’autorité administrative indépendante chargée en France de lutter contre les discriminations, constate une nouvelle augmentation des discriminations fondées sur un motif religieux, et une multiplication inquiétante des discours de haine en lien avec la religion.

En témoigne le pic, observé durant l’été 2024, des appels au 3928 (le numéro dédié à la lutte contre les discriminations) pour dénoncer des propos et comportements racistes, antisémites et anti-musulmans. Ces faits touchent l’école, l’accès au logement, la vie associative et sportive mais aussi le travail.

Ce phénomène pourrait paraître paradoxal dans un pays où la proportion de personnes se disant croyantes est parmi les plus faibles au monde, 51 % des Français se déclarant sans religion (29 % de la population française se déclare catholique, et l’islam est devenue la deuxième religion avec 10 %). 

La Défenseure des droits, Claire Hédon, l’explique de cette façon : « Ce double mouvement – diversification du paysage religieux et désaffiliation religieuse – contribue à transformer les rapports sociaux et influence les perceptions collectives. Certaines expressions religieuses – qu’il s’agisse de pratiques ou de signes visibles – peuvent alors se trouver surexposées et susciter l’incompréhension, voire l’intolérance, potentiellement vectrices de discriminations ».

Intervient aussi dans ce phénomène une mauvaise conception, très répandue, de la laïcité (2), souvent perçue comme une interdiction des signes religieux dans l’espace public. A cet égard, l’institution rappelle les grandes lignes de cette notion (lire notre encadré). 

La discrimination lors de la recherche d’un emploi 

Dans le chapitre consacré à l’emploi et au travail, le Défenseur des droits constate le maintien d’un taux de chômage plus important pour les personnes de confession musulmane (17 % contre 6 % pour les personnes se disant chrétiennes et 10 % pour les personnes sans religion).

A la difficulté d’insertion, due notamment à une sortie précoce du système scolaire et à leurs origines sociales modestes, s’ajoute le constat, pour les personnes de confession musulmane, d’emplois moins qualifiés, souvent précaires (27 % contre 13 % des personnes de confession chrétienne et 16 % des personnes sans religion). 

Lors de la recherche d’un emploi, 32 % des personnes de confession musulmane déclarent avoir été discriminées, soit trois fois plus que les autres. Rappelons que cette discrimination est bien sûr illégale, nul ne pouvant être lésé, « dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » (alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946).

C’est par exemple le recruteur d’un employeur, un fait rapporté par une agence de Pôle Emploi [devenu France Travail] , refusant d’embaucher « afin d’éviter des tensions » des personnes d’origine maghrébine dans sa société qu’il présentait comme de « confession juive affichée ». 

C’est, autres exemples, ces questions posées sur les pratiques religieuses des candidats par l’employeur lors d’entretiens d’embauche. Cette pratique illégale (les questions doivent être nécessairement en lien étroit avec l’emploi, (article L.1221-6 du code du travail) reste pourtant pratiquée à l’égard de 10 % des personnes se disant de confession musulmane, contre 2 % pour les personnes se déclarant chrétienne.

Inversement, un candidat ne peut, rappelons-le, se prévaloir d’une conviction religieuse pour refuser de se soumettre à une mise en situation ou pour répondre à une question professionnelle. 

La discrimination persiste pourtant, bien que de façon un peu moins marquée, dans le déroulement des carrières. « Les personnes de confession musulmane sont toutefois 28 % à déclarer avoir été discriminées à cette occasion au cours des cinq dernières années contre 15 % des personnes de confession chrétienne ou 20 % de celles sans religion », écrit le Défenseure des droits. En outre, « le fait d’être une femme augmente par ailleurs plus fortement le risque d’avoir été discriminé : les femmes musulmanes (34 %) déclarent ainsi plus souvent que les hommes musulmans (24 %) avoir été discriminées dans le déroulement de la carrière ».

Propos et comportements stigmatisants

Sur leur lieu de travail, 7 % des enquêtés disent avoir fait l’objet de propos ou comportements stigmatisants au cours des cinq dernières années, soit 3 points de plus qu’en 2016. Ces faits sont déclarés par 32 % de personnes de confession musulmane. 

Le Défenseure cite plusieurs cas de discrimination avérés : 

  • la salariée d’une entreprise de transport accusée de prosélytisme et subissant des propos dégradants sur les femmes voilées, « constitutifs d’un harcèlement moral discriminatoire » ;
  • un journaliste licencié pour avoir saisi le Défenseur pour injures et moqueries sur sa religion de la part de collègues et supérieurs ;
  • un salarié handicapé victimes de propos antisémites et liés à son handicap, son supérieur dessinant des croix gammées sur des documents de travail ;
  • un salarié dont les collègues ont fait brûler dans son casier des extraits du coran, cet acte unique caractérisant un harcèlement (3) ;
  • un intérimaire qui entend des collègues chantonner « Douce France » à son arrivée et proférer à son égard des propos racistes, etc.

D’autres cas concernent la formation professionnelle, alors qu’aucun fondement légal « ne justifie une obligation de neutralité pour les adultes suivant une formation professionnelle dans une structure privée », explique le rapport. « Seul un comportement concret, de nature à troubler le déroulement de la formation ou à perturber le fonctionnement de l’établissement, pourrait justifier une restriction », soutient le Défenseur.

Un rappel du Défenseur des droits

Toutes ces situations incitent le Défenseur des droits à rappeler des principes et règles essentiels : « Tout employeur est tenu de prendre des mesures appropriés et efficaces pour éviter que s’installe un climat propice à la survenance de faits discriminatoires et, s’ils surviennent, d’u mettre un terme. Tout employeur a obligation de garantir la santé et la sécurité physique de ses salariés. S’il décide de diligenter une enquête interne permettant de sanctionner les faits reprochés, l’employeur doit veiller à respecter des principes de confidentialité, d’impartialité, d’objectivité et de rigueur ». 

Dans sa conclusion, l’institution appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures ambitieuses pour lutter contre ces discriminations et ces situations d’exclusion et garantir « la cohésion sociale ». Le Défenseur des droits recommande notamment l’extension aux salariés du secteur privé, à commencer par les contractuels auxquels les administrations recourent, des formations à la laïcité, celles-ci devant faire l’objet d’un enseignement « dès le plus jeune âge ».

 

(1) Réalisée après une enquête conduite auprès d’un échantillon de plus de 5 000 personnes représentatif de la population française, avec l’appui de l’institut de sondage Ipsos.

(2) La laïcité, dont il n’existe pas une définition univoque rappelle le rapport, cumule trois éléments indissociables : « la liberté religieuse (qui comprend la liberté de conscience et celle de pratiquer ou non une religion), la séparation des Eglises et de l’Etat, et la prohibition des discriminations entre les usagers des services publics en raison de leurs convictions religieuses (ou leur absence de convictions) ». Les entreprises et associations sont des personnes privées qui, à ce titre, ne sont en principe pas soumises au principe de neutralité.

(3) Des propos discriminatoires, même non répétés, peuvent constituer des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. La Cour de cassation a ainsi jugé que  les propos à caractère raciste tenus à l’égard d’une salariée par sa supérieure hiérarchique au cours d’un repas de Noël organisé par le comité d’entreprise « relevaient de la vie professionnelle de la salariée et que cette dernière présentait des éléments laissant supposer une discrimination en raison de ses origines » (arrêt du 15 mai 2024, n° 22-16-287 ; Défenseur des droits, décembre n° 2022-228, 2 janvier 2023).

 

L’obligation de neutralité doit être justifiée par un besoin véritable pour être imposée aux salariés d’une entreprise privée

Dans le secteur public, une stricte obligation de neutralité pèse sur les agents, ceux-ci ne pouvant arborer de signes religieux.

Dans le secteur privé, à la différence du public, aucune obligation de neutralité n’existe, le principe de liberté religieuse prévalant. Cela signifie qu’un salarié peut manifester ses convictions religieuses par le port de signes.

Ce principe général souffre toutefois d’exceptions : le principe de neutralité des agents publics peut être étendu aux salariés privés dès lors que leur entreprise participent à l’exécution d’un service public d’intérêt général. C’est le cas, par exemple, d’une autoentrepreneuse s’étant vue confiée par une commune l’animation d’un atelier de découverte de la philosophie au sein d’une médiathèque : elle est tenue au devoir de neutralité. En revanche, le Défenseur des droits a jugé qu’un maire ne pouvait pas refuser à une femme portant le voile la tenue d’un chalet sur le marché de Noël de la commune, cette activité ne constituant pas une mission de service public. 

D’autre part, un employeur privé peut, dans son règlement intérieur, prévoir une politique de neutralité. Mais seulement s’il démontre un « besoin véritable », en prouvant que l’absence de cette politique aurait pour lui des conséquences défavorables. L’employeur doit montrer qu’il poursuit un objectif légitime et que les moyens de le réaliser sont appropriés et nécessaires.

Ce n’est par exemple pas le cas d’un cabinet évoquant simplement le souhait « d’un cadre de travail respectueux et harmonieux » et d’un environnement de travail « inclusif et équilibré pour tous les employés indépendamment de leurs croyances personnelles ». Il ne s’agit pas, tranche le Défenseur, d’une justification objective, l’employeur ne démontrant pas en quoi le port du voile par la salariée et la vue de ce voile par ses collègues « est de nature à porter atteinte à ce cadre de travail » respectueux et harmonieux. 

Ce peut être en revanche le cas d’une entreprise qui interdit le port de signe religieux aux salariés en contact avec la clientèle. « En cas de refus du salarié, l’employeur doit rechercher s’il lui est possible de proposer un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ses clients, plutôt que de procéder à son licenciement », précise le Défenseur. Ce dernier ajoute que la clause de neutralité, qui peut justifier un refus d’embauche, doit être clairement énoncée au candidat, « et le règlement intérieur doit lui être communiqué dès le premier entretien ». 

Le Défenseur appelle l’inspection du travail à jouer son rôle de contrôle des règlements intérieurs quant à ces clauses de neutralité : « L’inspection du travail peut en effet contrôler le règlement intérieur et exiger le retrait ou la modification des clauses qu’elle juge contraires aux dispositions du code du travail ».

 

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Signature: 
Bernard Domergue
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La Défenseure des droits, dans un rapport publié le 4 décembre 2025, relève l’augmentation des signalements de propos et comportements racistes, souvent liés à la religion des victimes. Un phénomène qui se traduit aussi par la discrimination à l’embauche et au travail, via un harcèlement moral « discriminatoire et d’ambiance ».
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