L’accès au monde du travail demeure un terrain miné pour de nombreux Français. Selon la 18e édition du baromètre des discriminations dans l’emploi, publiée, le 10 décembre 2025, par la Défenseure des droits en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT), les avancées restent timides, voire inexistantes. Plus de neuf actifs sur dix estiment que les discriminations existent « parfois » ou « souvent » dans le monde professionnel.
Fondée sur les données collectées entre 2016 et 2024 dans le cadre de l’enquête « Accès aux droits », cette étude dresse un constat alarmant : 35 % des personnes interrogées déclarent avoir subi un traitement défavorable ou discriminatoire au cours des cinq dernières années. Les motifs les plus fréquemment évoqués sont le sexe, l’âge, la grossesse ou le congé parental, l’origine ou la couleur de peau, la religion, ainsi que l’état de santé ou le handicap.
Les jeunes actifs apparaissent comme les premières victimes de ces discriminations. Les 18-24 ans présentent un risque deux fois supérieur de rapporter une expérience discriminatoire par rapport aux 45-54 ans, que ce soit lors de la recherche d’emploi ou au cours de leur parcours professionnel. Cette surexposition des jeunes générations marque une aggravation préoccupante par rapport à 2016.
La recherche d’emploi et le déroulement de carrière constituent les deux principaux terrains où ces discriminations s’exercent. Parmi les actifs ayant déclaré avoir été victimes de discrimination, 21 % situent cette expérience dans le déroulement de leur carrière, tandis que 14 % l’ont vécue lors de leur recherche d’emploi.
L’origine ethnique supposée demeure le principal facteur d’exposition aux discriminations lors de la recherche d’emploi. Les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines ont un risque 2,8 fois plus élevé de déclarer avoir été discriminées que celles perçues comme blanches. Ce chiffre marque une détérioration notable par rapport à 2016, où ce risque était de 2,2.
D’autres catégories de population se révèlent également particulièrement vulnérables. Les personnes non hétérosexuelles ont 1,9 fois plus de risque de rapporter une discrimination lors de la recherche d’emploi, et 1,6 fois plus dans le déroulement de carrière, alors qu’aucune différence significative n’était observée en 2016. Les personnes en situation de handicap voient leur risque multiplié par 1,7, tant dans la recherche d’emploi que dans l’évolution professionnelle.
Enfin, près d’un chômeur sur deux et plus d’un employé ou ouvrier sur trois déclarent avoir été discriminés au cours d’une recherche d’emploi.
Si l’âge et l’origine constituent les premiers motifs de discrimination à l’embauche, les femmes restent particulièrement exposées aux inégalités tout au long de leur parcours professionnel. Elles présentent un risque deux fois supérieur aux hommes de subir une discrimination dans le déroulement de leur carrière, contre 1,6 fois en 2016.
Les stéréotypes liés à la maternité pèsent lourdement sur les trajectoires professionnelles féminines. Les discriminations liées à la situation familiale sont citées cinq fois plus fréquemment par les femmes que par les hommes lors de la recherche d’emploi, malgré les politiques publiques d’égalité professionnelle déployées ces dernières années.
Face à ces discriminations, les victimes demeurent largement silencieuses. Près d’un tiers d’entre elles n’ont entrepris aucune démarche. Lorsqu’elles décident d’agir, elles se tournent principalement vers la médecine du travail, les représentants du personnel ou les services de ressources humaines. Seulement 12 % des personnes discriminées dans le déroulement de carrière et 4 % de celles discriminées lors de la recherche d’emploi déclarent avoir contacté une association, le Défenseur des droits ou un avocat, déposé plainte ou saisi la justice.
Ce non-recours s’explique par plusieurs facteurs : la crainte que la démarche soit inutile ou infructueuse, l’absence de preuves tangibles, la peur de représailles, ou encore la méconnaissance des voies de recours. Une victime sur cinq ne réalise même pas qu’elle a subi une discrimination, et 43 % ignorent vers qui se tourner.
« Le nombre de recours demeure faible, souvent par crainte des représailles, de renoncement ou par méconnaissance des voies de recours », déplore Claire Hédon, la Défenseure des droits.
Pour enrayer cette progression des discriminations, la Défenseure des droits formule plusieurs recommandations. Elle préconise notamment la « mise en place d’une véritable politique de lutte contre les discriminations dans chaque organisation », inscrite dans la durée, avec des plans d’action transversaux et pluriannuels évalués périodiquement.
L’institution appelle également à « renforcer les politiques d’égalité professionnelle entre femmes et hommes au sein des entreprises et administrations, notamment en respectant l’obligation légale de mise en place de plans d’action et en améliorant l’Index égalité ». Elle recommande enfin de « développer des politiques publiques visant à mieux mesurer les discriminations », notamment par des campagnes de testing, et d' »intensifier le soutien public aux politiques de diversité des entreprises ».

Commentaires récents