Si à l’issue du délai d’un mois suivant la constatation de l’inaptitude, le salarié n’est ni reclassé ni licencié, l’employeur est tenu de lui verser, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (articles L.1226-4 et L.1226-11 du code du travail).
Il s’agit d’une règle d’ordre public (arrêt du 19 octobre 2016 ; arrêt du 10 février 1998) qui s’impose à l’employeur quelle que soit la situation dès l’expiration du délai d’un mois à compter du constat d’inaptitude.
Aucun événement ne dispense l’employeur de verser le salaire ou ne permet de reporter le point de départ du versement de salaire selon une jurisprudence constante. La Cour de cassation vient d’illustrer cette règle dans deux cas de figure.
► La Cour de cassation a exclu toute dispense de l’employeur de son obligation de reprendre le paiement de salaire à l’expiration du délai d’un mois en cas d’arrêt de travail du salarié après la visite de reprise (arrêt du 17 novembre 2021) ou qui a retrouvé un emploi à plein temps quelques jours après sa déclaration d’inaptitude (arrêt du 4 mars 2020) ; ou qui ne se tient pas à la disposition de l’employeur après la proposition de reclassement (arrêt du 30 avril 2014) ou qui ne répond pas aux propositions de reclassement (arrêt du 29 septembre 2004).
En cas de contestation de l’avis d'(in)aptitude par le salarié ou l’employeur, il n’est pas prévu, par les textes, que la procédure d’inaptitude soit suspendue. Ce qui n’est pas sans poser des difficultés pour gérer le dossier d’inaptitude du salarié, comme le montre un arrêt de la Cour de cassation en date du 10 janvier.
En l’espèce, un salarié a été déclaré inapte avec dispense de reclassement le 2 juillet 2020. A la suite de la contestation de l’avis d’inaptitude par l’employeur dans les 15 jours, l’employeur n’avait ni reclassé ni licencié le salarié dans l’attente de la décision du conseil de prud’hommes. L’ordonnance a été rendue le 22 septembre 2020 pour demander une expertise. La décision de l’expertise a été donnée le 25 mars 2021, soit plus de huit mois après le constat d’inaptitude.
Le salarié a demandé le paiement de salaire à compter du 2 août 2020, date correspondant à la date d’expiration du délai d’un mois après le constat d’inaptitude du 2 juillet 2020. L’employeur conteste et considère que le délai de reprise du salaire ne peut courir qu’à compter de la décision définitive relative à la constatation de l’inaptitude (soit le 25 mars 2021) et non à compter du constat d’inaptitude initial (soit le 2 juillet 2020).
La Cour de cassation rejette l’argumentation de l’employeur en affirmant que « l’exercice du recours prévu à l’article L.4624-7 du code du travail ne suspend pas le délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le versement du salarié tel que prévu à l’article L.1226-4 du code du travail ».
La contestation de l’avis d’inaptitude par l’employeur ne le libérant pas de son obligation de reprendre le salaire à l’expiration du délai d’un mois du constat d’inaptitude, il est tenu de reprendre le versement du salaire, en l’espèce, à compter du 2 août 2020, date d’expiration du délai d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude initial.
Le point de départ de la reprise des salaires reste donc la date du constat d’inaptitude rendu initialement par le médecin du travail et non la date de la confirmation de l’inaptitude décidée par les juges.
► Que ce serait il passé si les juges avaient conclu à l’aptitude du salarié ? Selon une jurisprudence rendue sous l’empire des textes antérieurs à la réforme, la substitution de la décision du conseil de prud’hommes à l’avis d’inaptitude ne fait pas disparaître rétroactivement l’obligation pour l’employeur de reprendre le paiement des salaires à l’issue du délai d’un mois (arrêt du 28 avril 2011).
A noter que, de manière générale, la contestation de l’avis d’inaptitude ne dispense l’employeur d’aucune de ses obligations liées à la procédure d’inaptitude. Il n’est pas dispensé de l’obligation de rechercher un poste de reclassement (arrêt du 8 septembre 2021).
La circonstance que l’employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n’a pas été reclassé dans l’entreprise, à l’issue du délai d’un mois à compter du constat d’inaptitude ou qui n’a pas été licencié, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du son contrat de travail. C ‘est ce que vient d’illustrer un arrêt du 10 janvier de la Cour de cassation.
En l’espèce, le salarié (agent de sécurité travaillant de nuit sur le site de la cour d’appel de Rennes) est déclaré inapte le 5 février 2020 avec possibilité d’occuper un poste similaire mais sur un autre site, sans travail de nuit. Le 10 février, l’employeur lui propose un reclassement dans un emploi d’agent de sécurité à la CPAM en journée pour le 17 février. Le salarié refuse le 12 février. Convoqué à un entretien préalable pour un licenciement le 12 mars 2020, cet entretien est reporté au 9 juin 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Le 11 mai 2020, le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour réclamer le paiement de ses salaires à compter du 5 mars 2020, un mois après le constat d’inaptitude. Il est licencié le 16 juin 2020.
La cour d’appel déboute le salarié au motif que l’employeur avait respecté son obligation de reclassement.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. L’employeur n’est pas dispensé de son obligation de reprendre le salaire lorsque le salarié a refusé un poste de reclassement, même si la proposition de ce poste est conforme. Cette solution était déjà admise par la Cour de cassation sous l’empire des textes antérieurs à la réforme (arrêt du 18 avril 2020). L’existence d’une présomption d’avoir respecté l’obligation de reclassement en proposant au salarié un poste de reclassement conforme ne modifie pas la position de la Cour de cassation.
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