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« Stimuler l’imagination et promouvoir un avenir désirable et vivable », notamment dans la sphère professionnelle, telle est l’ambition de l’initiative Positive Future portée par l’Institut d’études avancées de Paris et la Fondation 2100. Dans ce cadre s’est tenu la semaine dernière un webinaire sur les modes de management alternatifs. Comment organiser, piloter, contrôler, gérer les ressources en entreprises tout en se détachant des modèles hiérarchiques traditionnels ? Ces nouvelles méthodes de direction modifieront-elles le monde du travail et plus largement, quels en sont les apports et limites ? Thomas Coutrot, statisticien, économiste et chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) a livré son analyse. Et pour lui, l’avenir du management n’est pour l’heure « pas très enthousiasmant ».

Travail mort contre travail vivant, un conflit perpétuellement à l’œuvre

En introduction le président de la Fondation 2100, Jean-Eric Aubert, le rappelle : face au taylorisme qui s’est perpétué, le management alternatif offre « la possibilité de sortir de l’encastrement des hommes dans le travail ». Un encastrement qui mène à une perte de sens et a en partie motivé la vague de départs volontaires sans précédent constatée en 2022, insiste Thomas Coutrot.

Oui mais qu’est-ce que le management alternatif justement ? Un « management humaniste », ou comment laisser plus de place au travail vivant qu’au travail mort selon ses mots. Pour lui, c’est dans la tension entre ces deux visions que réside toute la question de l’organisation du travail. D’un côté le management standard et dominant reste inspiré du taylorisme avec une division stricte entre conception et réalisation des taches. Il « entérine la domination du travail mort, les normes, les règles, les procédures fixées à l’avance » auxquelles le salarié ne fait que s’adapter. De l’autre, et parce que les salariés ne veulent souvent pas être les simples rouages d’une mécanique anonyme, se sont développés des modes de management alternatifs avec pour point commun de mobiliser l’intelligence et la créativité des salariés au lieu de présupposer qu’elles sont l’apanage des concepteurs/managers. Autrement dit mettre le travail vivant au centre, partir du postulat que l’humain, à toute échelle de la hiérarchie, est irremplaçable et qu’il peut sans cesse s’adapter et innover en se fondant sur l’expérience, l’intelligence, la sensibilité.

Malgré ses qualités, le management alternatif ne tend pas à s’imposer …

Le management traditionnel pose des difficultés récurrentes : problèmes de santé dus à la répétition des tâches, du point de vue économique il limite la réactivité et l’innovation, les solutions dégagées par les dirigeants ne sont parfois pas optimales sur le terrain, etc. A contrario, Thomas Coutrot évoque des success stories dans des entreprises ayant adopté un management alternatif. C’est le cas chez Favi, une usine automobile dans le Nord de la France qui s’est organisée en équipes autonomes gérant toute la chaine, des investissements en machines jusqu’aux relations clients, à la commercialisation, aux embauches et licenciements, etc. Dans un tel fonctionnement, chaque équipe constitue un sous-cercle de l’entreprise et tout est fait pour lui laisser un maximum d’autonomie. L’entreprise désigne elle le chef de chaque niveau inférieur, mais le contrôle est réciproque : les sous-cercles élisent un représentant qui fait partie du conseil d’administration et a un droit de veto.

Si tout cela est très séduisant sur le papier et a donné lieu à des réussites économiques assez notables, « cette organisation nouvelle est très marginale et représente environ 200 ou 300 entreprises depuis une vingtaine d’années ». Et souvent, ce sont des petites ou moyennes structures. En bref, ce management alternatif reste une exception, « sans dynamique de diffusion très importante ».

… du fait d’une « incapacité très profonde des dirigeants à concevoir autrement le travail »

Alors pourquoi le management alternatif ne s’est-il pas imposé comme l’organisation dominante ? Certaines fragilités persistent : une incertitude sur le champ des décisions des équipes, un risque d’intensification du travail, etc. Mais selon Thomas Coutrot, c’est avant tout les managers qui posent problème puisqu’ils deviennent dans ce cas des coachs au service des équipes. Or, telle n’est pas leur conception de leur rôle. « Ce qui freine cette organisation, c’est la peur des dirigeants de lâcher prise, de perdre du pouvoir ». « Il y a une incapacité très profonde à concevoir autrement le travail pour les dirigeants, avec la peur que si on relâche les process, on ne contrôle plus les équipes » ; « ils ont plus pour objectif le contrôle que l’efficacité ».

Effectivement, plus d’autonomie et de responsabilité pour les salariés sont sources d’incertitude pour les managers car cela peut se faire en parallèle voire en contradiction avec les objectifs de l’entreprise. Il n’en reste pas loin que pour le spécialiste, « les tendances actuelles ne sont pas très épanouissantes », « il va bien falloir qu’à un moment donné on bascule vers autre chose, et on aura des exemples d’entreprises pionnières qui ont bien marché avec un autre mode de management ». Non on ne peut pas écarter la possibilité d’une prise de conscience collective, oui il y a un vrai rôle des salariés et des organisations syndicales dans le basculement, mais un changement salvateur « dépend beaucoup des managers et renvoie à leurs présupposés humains », conclut Jean-Eric Aubert.

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Elise Drutinus
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A l’heure où l’organisation traditionnelle et très hiérarchisée du travail est souvent contestée, pourquoi le management alternatif n’occupe-t-il toujours qu’une place marginale dans les entreprises ? Pour le chercheur Thomas Coutrot, le principal frein réside dans l’incapacité des managers eux-mêmes à lâcher prise et à renoncer à une partie de leur pouvoir.
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