Le contrat de travail à temps partiel doit être conclu par écrit et indiquer, notamment, la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié (article L. 3123-6 du code du travail).
Lorsque l’une de ces mentions ne figure pas dans le contrat de travail, il est de jurisprudence constante que le contrat de travail est présumé conclu à temps complet et que pour renverser cette présomption, l’employeur doit rapporter la preuve:
- de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue avec le salarié ;
- que le salarié n’a pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler ;
- et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
► Parmi la jurisprudence sur ce point, on citera : concernant le fait que lorsque l’une de ces mentions ne figure pas dans le contrat de travail, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet : arrêt du 21 mars 2012 ; arrêt du 27 septembre 2017 ; arrêt du 20 décembre 2017. Concernant la preuve à apporter de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue : arrêt du 25 janvier 2017. Concernant la preuve à apporter que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas dans l’obligation de se tenir à la disposition de son employeur : arrêt du 30 juin 2010 (n° 09-40.041); arrêt du 30 juin 2010 (n° 08-45.400) ; arrêt du 13 avril 2016.
La Cour de cassation apprécie strictement cette triple exigence de preuve à rapporter. C’est ce qu’illustre un nouvel arrêt en date du 28 février 2024.
Dans cette affaire, une salariée avait conclu un contrat de travail à temps partiel qui ne mentionnait pas la répartition des horaires de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée étaient communiqués par écrit à la salariée.
Après avoir conclu une rupture conventionnelle, la salariée a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution dudit contrat.
La cour d’appel, après avoir reconnu le bénéfice pour la salariée d’une présomption de temps complet, a toutefois considéré que l’employeur avait renversé cette présomption et a débouté la salariée de sa demande en requalification de son contrat en contrat à temps plein en retenant que :
- les plannings versés par l’employeur, bien que ne pouvant être ceux qui ont été remis à la salariée préalablement aux heures de travail effectuées puisqu’y étaient mentionnés des événements postérieurs aux heures de travail effectuées, tendaient « à démontrer que la salariée ne travaillait pas à temps plein pour la société » ;
- la salariée ne pouvait pas soutenir que son volume horaire variait sans cesse du fait que les bulletins de paie montraient une variation seulement ponctuelle du volume des heures de travail (7,50 heures complémentaires en janvier 2017 et 13,50 heures complémentaires par mois en février et mars, puis volume horaire inchangé ensuite, conforme au contrat) ;
- et enfin que la salariée n’était pas à la disposition permanente de l’employeur du fait que des attestations et la multiplicité des employeurs établissant que la salariée, qui connaissait ses horaires de travail dans chaque société, était en mesure de travailler dans d’autres sociétés.
La salariée s’est alors pourvue en cassation.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui a déduit des éléments de preuve rapportés par l’employeur que ce dernier avait renversé la présomption de temps complet.
Au visa de l’article L. 3123-6 du code du travail, la Cour de cassation reproche en effet à la cour d’appel de ne pas avoir constaté que l’employeur démontrait la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue.
► La solution n’est pas nouvelle et il existe un important contentieux sur l’appréciation de la preuve de la durée exacte de travail convenue. Ainsi, la Cour de cassation a considéré par exemple que ne suffisait pas à établir la durée exacte du travail convenue, le fait que la salariée, chargée d’enseignements, ait mentionné dans un courriel le nombre d’heures de cours à sa charge par semaine (arrêt du 14 sept. 2022), le fait que la « durée moyenne » du travail effectuée par le salarié soit relevé (arrêt du 16 juin 2011 ; arrêt du 9 janvier 2013 (n° 11-11.808); arrêt du 9 janvier 2013 (11-16.433)); le fait que les plages de travail soient réservées au salarié sur la plate-forme utilisée pour de multiples cours de gymnastique et que d’autres salariés utilisaient également cette plateforme, ce qui empêchait le salarié d’occuper un temps plein (arrêt du 12 février 2015) ; le fait que le salarié dispose d’une totale autonomie dans l’organisation de son temps de travail et fixe des réunions et la gestion des gestions en fonction de ses disponibilités (arrêt du 14 décembre 2016).
La cour d’appel de renvoi devra déterminer s’il y a bien lieu à requalification du contrat en contrat à temps plein, ainsi que, le cas échéant, les conséquences d’une telle requalification.
► Rappelons sur ce point que la requalification entraîne la condamnation de l’employeur à un rappel de salaire à temps complet qui peut aller jusqu’à trois ans, les créances salariales se prescrivant par trois ans selon l’article L. 3245-1 du code du travail (arrêt du 16 juin 2011; arrêt du 31 janvier 2012 ; arrêt du 21 mars 2012). En l’espèce, la requalification et le rappel de salaire pourraient porter sur une période de huit mois : entre le 22 décembre 2016 (date de conclusion du contrat) et le 16 aout 2017 (date de fin du contrat).
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