Offrir un panorama des dispositions qui permettent de recourir à un départ anticipé à la retraite ou à une cessation d’activité avant l’âge d’ouverture des droits », tel est l’objectif de la dernière réunion du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui s’est tenue le 14 mars. Si les départs anticipés pour raison de santé n’y ont pas été abordés, le Conseil s’est penché sur les préretraites, aujourd’hui « davantage financées par les entreprises que par les pouvoirs publics », le surplus de chômage avant le départ à la retraite, « toutefois limité en ampleur », et la retraite anticipée pour carrière longue qui, parmi les dispositifs de départ anticipé, « est quantitativement la plus importante ». Qui sont les bénéficiaires de ces mesures, dans quelle mesure y recourent-ils, ont-elles vocation à se développer, le bilan est parfois bien loin des idées reçues.
Alors que le gouvernement envisage de réduire à nouveau la durée d’indemnisation chômage et qu’en novembre dernier, Bruno Le Maire déclarait sur Franceinfo que l’indemnisation plus longue des seniors était « une façon de [les] mettre à la retraite de manière anticipée », le COR se montre bien plus prudent. Certes, « plusieurs éléments montrent l’existence d’une anticipation de l’employeur et/ou du salarié afin d’être couverts par un droit au chômage jusqu’à l’âge légal de départ ». On constate ainsi un léger rebond des ruptures conventionnelles et des entrées au chômage trois ans avant, ce qui correspondait jusqu’en 2022 à la durée maximale des droits des 55 ans ou plus. « L’ampleur de ce rebond et son caractère opportuniste sont toutefois à nuancer », il est « à la fois marginal en volume et limité en termes de dépenses ». En effet, il ne concerne que 6 000 à 10 000 personnes entre 58 et 60 ans, c’est-à-dire moins de 1 % des salariés de cette tranche d’âge, et 1 % de l’ensemble des dépenses d’assurance chômage. Par ailleurs, le dispositif du maintien, qui permet sous certaines conditions de prolonger les droits jusqu’à l’atteinte de la retraite à taux plein, ne touche lui qu’environ 4 % des seniors.
Enfin, le Conseil rappelle les « réelles difficultés de retour à l’emploi » des seniors : état de santé qui se dégrade, discriminations à l’embauche, faible accès à la formation, le fait de rester au chômage ou d’y entrer semble loin d’être majoritairement un choix.
Globalement, les préretraites publiques ont largement diminué, et ce dans l’objectif de prolonger la durée d’activité des seniors notamment (0,1 % des 55-64 ans en 2022 contre 5 % au début des années 1980). Face à ce phénomène, quid des dispositifs de départ anticipé subventionnés par les entreprises ? D’après les chiffres fournis par la Dares, en 2022 seulement 0,7 % des 55-64 ans déclaraient percevoir une préretraite (moins de 60 000 personnes). Les hommes sont plus souvent en préretraite que les femmes (0,8 % contre 0,6 %), ces accords d’entreprise concernent avant tout des grands groupes, les ouvriers et professions intermédiaires sont surreprésentés parmi les préretraités, et 38 % restent en emploi malgré la préretraite.
Des dispositifs marginaux donc, mais surtout protéiformes. « Selon les cas, les entreprises combinent des dispositifs publics (retraite anticipée, retraite progressive), qu’ils complètent en les finançant eux-mêmes (temps partiel senior), ou recourent enfin à des financements mixtes (mécénat de compétence, compte épargne-temps). Cela met en évidence la difficulté d’en dégager la finalité économique d’ensemble ».
Les retraites anticipées pour carrière longue (RACL) ne représentaient pas moins de 2,4 % de la population des 55-64 ans en 2022 (environ 200 000 nouvelles entrées par an). Pour la génération née en 1953, c’est près d’un quart des départs à la retraite, 35 % parmi les hommes, soit quasiment autant que les départs au taux plein au titre de la durée. Mais le principal point soulevé par le COR est qu’il ne faut pas « se méprendre sur le profil des personnes recourant au dispositif ». La RACL est souvent vue comme associée à des personnes peu qualifiées, ayant exercé des métiers manuels et pénibles. Elle aurait donc un effet redistributif, compenserait la pénibilité, et elle pourrait se justifier par une durée de vie moins importante des concernés. « Toutefois, en pratique, le lien entre l’éligibilité au dispositif et la pénibilité vécue en cours de carrière n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît », les bénéficiaires ne sont plus forcément peu diplômés ou avec un métier manuel, leur pension est plus élevée que la moyenne, et ils ont des niveaux de mortalité proches des bénéficiaires d’une pension classique.
Le Conseil souligne également que 30 % des assurés du régime général pouvant prétendre à une RACL ne le font pas, soit environ 75 000 à 80 000 assurés supplémentaires potentiels chaque année. « Cela semble lié à une méconnaissance du dispositif, car la plupart liquide à l’âge légal de droit commun et ne retirent pas de gain significatif de pension du recul de leur départ ».
Pourquoi la retraite progressive ne décolle-t-elle pas ? |
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Rappelons-le, la réforme des retraites visait notamment à généraliser le recours à la retraite progressive, qui n’a été mobilisée que par 31 200 personnes en 2020. Comment expliquer ce nombre si faible ? Parce que « les assurés semblent [l’]utiliser comme un départ anticipé partiel plus que comme un dispositif de prolongation d’activité ». Ainsi le non-recours vient du fait que ceux qui souhaitaient prolonger leur activité l’ont fait à travers d’autres modalités, notamment le cumul emploi-retraite, et à l’inverse, ceux qui désiraient partir le plus tôt possible ont pu recourir à un départ anticipé pour carrière longue par exemple, qui leur permet de liquider totalement leur retraite plutôt que d’entrer en retraite progressive. Mais le COR estime tout de même que le non-recours se justifie avant tout par une méconnaissance du dispositif, la retraite progressive restant avantageuse dans bien des cas. |
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