Dans cette affaire, un salarié avait été mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire (ETT) suivant 25 contrats de mission conclus entre le 22 mars 2016 et le 15 septembre 2017 en qualité de soudeur puis de grenailleur. Il avait saisi la juridiction prud’homale les 30 octobre et 19 décembre 2017, à l’encontre respectivement de l’ETT et de l’entreprise utilisatrice aux fins de voir requalifier les contrats de missions successifs en un contrat à durée indéterminée (CDI) et au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat.
Le conseil de prud’hommes avait requalifié la relation de travail en CDI tant auprès de l’entreprise utilisatrice que de l’ETT, dit que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement nul, fait droit à la demande de réintégration du salarié auprès de l’entreprise utilisatrice et débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul. Jugement confirmé par la cour d’appel d’Aix en Provence, les deux procédures ayant été jointes. Le salarié s’est alors pourvu en cassation (pourvoi n° 22-21.818) pour contester le rejet de sa demande de dommages-intérêts.
De jurisprudence constante, la chambre sociale de la Cour de cassation considère qu’en cas de nullité du licenciement, le salarié ne peut pas à la fois prétendre à sa réintégration et à l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement nul (cassation 12-11- 1997 n° 94 43.341), ni au paiement d’indemnités de rupture (cassation 28-4-2006 n° 03 45.912 ; cassation 11-7-2012 n° 10 15.905 ; cassation 26-3-2013 n° 11 27.964).
Dans la présente affaire, la particularité tenait à la relation triangulaire liée au travail temporaire dans laquelle le salarié est mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une ETT au moyen de contrats de mission.
À l’appui de son pourvoi le salarié faisait valoir qu’un salarié temporaire est fondé à faire valoir ses droits afférents à un CDI tant à l’égard de l’entreprise utilisatrice qu’à l’égard de l’entreprise de travail temporaire lorsque celles-ci ne respectent pas les obligations légales qui leur sont propres. En effet, les deux actions en requalification exercées, l’une contre l’ETT sur le fondement des articles L 1251-5, L 1251-6, L 1251-16 et L 1251-17 du Code de travail, l’autre contre l’entreprise utilisatrice sur le fondement de l’article L 1251-40 du même Code, ayant des fondements différents, elles peuvent être exercées concurremment (cassation 20-5-2009 n° 07-44.755). Le salarié en déduisait que le travailleur temporaire dont le licenciement a été jugé nul est fondé à opter à la fois pour la réintégration à l’égard de l’entreprise utilisatrice et pour l’indemnisation de la nullité du licenciement à l’égard de l’ETT.
Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation a déjà jugé que cette situation ne permet pas de cumuler les indemnités de rupture puisque dans le cas d’actions concurrentes en requalification exercées contre l’ETT et l’entreprise utilisatrice, celles-ci sont tenues in solidum par l’effet de la requalification au versement d’indemnités de rupture, sans que le salarié ne puisse demander le paiement d’indemnités à chacune d’elle (cassation 20-12-2017 n° 15 29.519).
En cohérence avec sa jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme donc la décision des juges du fond. Elle rappelle tout d’abord que le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle peut, soit se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail et solliciter sa réintégration, soit demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. La Haute Juridiction considère ensuite que si les contrats de mission ont été requalifiés en CDI à temps plein tant envers l’entreprise utilisatrice qu’envers l’ETT, le salarié ne pouvait pas exercer son droit d’option de manière concurrente. Concrètement, dès lors qu’il avait sollicité sa réintégration, il ne pouvait pas parallèlement demander une indemnisation pour la nullité de la rupture à l’encontre du second employeur délaissé, ces 2 options étant considérées comme 2 modes de réparation du même préjudice, né de la rupture illicite du contrat de travail.
Dès lors, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande du salarié tendant à la condamnation de l’ETT au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et autres demandes subséquentes devait être rejetée, dans la mesure où il avait sollicité et obtenu sa réintégration au sein de l’entreprise utilisatrice.
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