Dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 12 juin 2024, un salarié est mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. La mise à pied est levée 25 jours plus tard dans la perspective d’une convocation devant le conseil de discipline conventionnel auquel l’employeur – le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – soumet une proposition de mise à pied d’une durée d’un mois.
Le salarié est finalement licencié pour faute simple, pour avoir tenu, de manière réitérée, des propos injurieux, dégradants et humiliants à connotation sexuelle à l’encontre de plusieurs collègues féminines.
La cour d’appel relève que le salarié avait bien tenu, auprès de certains collègues de travail, des propos à connotation sexuelle, insultants, humiliants et dégradants à l’encontre de collègues de sexe féminin et qu’il avait déjà tenu par le passé des propos similaires, connus de sa hiérarchie mais non sanctionnés à l’époque. Elle estime que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif que la sanction était disproportionnée, l’employeur n’ayant pas sanctionné plus tôt un comportement dont il avait connaissance et ayant envisagé initialement une mise à pied disciplinaire avant de saisir le conseil de discipline conventionnel.
L’employeur se pourvoit en cassation. Il considère pour sa part :
- qu’il était de son devoir de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements dégradants à connotation sexuelle et attentatoires à la dignité, au besoin en procédant au licenciement du salarié auteur de tels agissements ;
- que constitue une faute justifiant le licenciement tout comportement d’un salarié de nature insultante, humiliante, dégradante, sexiste ou de nature sexuelle à l’égard d’autres salariés, nonobstant le fait que ce comportement réitéré n’ait pas immédiatement été sanctionné ou qu’il ait pu être toléré dans un premier temps par ses supérieurs, ce fait ne conférant pas au salarié une immunité pour l’avenir contre toute mesure de licenciement et ne privait pas l’employeur de la faculté de le licencier par la suite en raison de la réitération de ces manquements ;
- qu’il avait la faculté de faire évoluer sa position pendant la procédure disciplinaire et avant le prononcé de la sanction définitive et qu’il ne pouvait lui être fait grief d’avoir tenu compte de l’avis de l’organe disciplinaire paritaire précisément consulté pour avis.
La Cour de cassation approuve l’argumentation de l’employeur et censure, ce faisant, celle de la cour d’appel.
Elle rappelle en premier lieu qu’en vertu de l’article L.1142-2-1 du code du travail, nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Elle rappelle également que, selon les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et faire cesser notamment les agissements sexistes.
Elle en déduit que le comportement du salarié était de nature à caractériser, quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, un comportement fautif constitutif d’une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement décidé par l’employeur.
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.
Commentaires récents