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Le salarié déclaré apte à reprendre son poste de travail par le médecin du travail à l’issue d’un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (article L 1226-8 du Code du travail). Cette obligation de réintégration s’impose à l’employeur comme au salarié, qui doivent tenir compte des réserves ou recommandations éventuelles du médecin du travail (Cassation 28-1-2010 n° 08-42.616), formulées lors de la dernière visite en date (Cassation 9-7-2014 n° 13-18.696 ; Cassation 13-4-2016 n° 15-10.400). La situation peut toutefois s’avérer compliquée lorsque, suivant les préconisations du médecin du travail, l’employeur est amené à faire une proposition de poste au salarié induisant une modification de son contrat de travail, comme en témoigne un arrêt du 19 juin 2024 (Cassation n° 22-23.143).

A noter : On rappellera, en effet, que l’article L 4624-6 du Code du travail impose à l’employeur de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail. S’il ne le fait pas, il manque à son obligation de sécurité et peut être condamné à verser des dommages-intérêts au salarié (Cassation 27-9-2017 n° 15-28.605).

Si l’employeur lui propose de passer à temps partiel conformément à l’avis du médecin du travail…

En l’espèce, à l’issue de ses arrêts de travail pour accident du travail, une vendeuse est déclarée apte à temps partiel et port de charges limité par le médecin du travail. Tenant compte de ces préconisations, son employeur lui propose le 16 janvier 2020 un poste à temps partiel qu’elle refuse. Elle ne reprend pas son poste de travail et signe avec lui une convention de rupture qui prend effet en juillet 2020. Quelques mois plus tard, elle saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter, notamment, un rappel de salaire pour la période allant de janvier à juillet 2020, durant laquelle elle n’a pas été rémunérée.

La cour d’appel fait partiellement droit à sa demande en lui accordant un rappel de salaire pour la seule période allant du 9 au 16 janvier 2020. Elle retient que, s’il n’est pas contesté que la salariée n’a pas travaillé sur la période dont elle réclame rémunération, à partir du moment où l’employeur lui a proposé le 16 janvier 2020 un avenant au contrat de travail conforme aux préconisations médicales, et tenant compte de ses observations sur la rémunération, son refus n’apparaît plus justifié. Pour les juges du fond, sa liberté de ne pas contracter ne peut pas lui ouvrir droit au paiement du salaire à compter du 16 janvier, dès lors qu’elle n’a pas fourni de travail effectif et ne s’est pas tenue à la disposition de l’employeur qui proposait un aménagement conforme aux préconisations médicales.

La salariée se pourvoit en cassation, faisant valoir que le passage à temps partiel constitue une modification du contrat de travail qui ne pouvait pas lui être imposée. Dès lors, confronté à son refus, l’employeur, qui ne souhaitait pas engager la procédure de licenciement, aurait dû poursuivre l’exécution du contrat aux mêmes conditions qu’auparavant, en maintenant sa rémunération.

Les questions posées à la Cour de cassation étaient donc celles de savoir si la salariée était en droit de refuser une proposition de poste induisant une modification de son contrat de travail mais conforme aux préconisations du médecin du travail et si, en cas de refus d’une telle proposition, elle avait droit au maintien de sa rémunération.

… le salarié peut refuser cette modification de son contrat et solliciter le maintien de son salaire

La Cour de cassation répond positivement à ces deux questions et censure la décision des juges du fond. Elle pose comme principe que, lorsqu’un salarié refuse la modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail, il peut prétendre au maintien de son salaire jusqu’à la rupture du contrat.

En effet, l’employeur ne peut pas unilatéralement imposer au salarié une durée de travail à temps partiel et procéder en conséquence à la diminution de sa rémunération sans son accord.

Dès lors, la salariée pouvait en l’espèce refuser la proposition de passage à temps partiel de son employeur, même si elle était conforme aux préconisations du médecin du travail, puisqu’elle constituait une modification de son contrat de travail, et prétendre au maintien de son salaire jusqu’à la rupture de son contrat de travail, y compris pour la période postérieure à cette proposition.

A notre avis : La Cour de cassation confirme ici, dans un arrêt publié au bulletin de ses chambres civiles, qu’en aucun cas l’employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail – en l’espèce, un passage à temps partiel induisant une baisse de sa rémunération – même si l’objectif est de se conformer aux préconisations du médecin du travail (Cassation 29-5-2013 n° 12-14.754 ; Cassation 24-5-2023 n° 21-23.941).
En revanche, c’est la première fois, à notre connaissance, qu’elle affirme l’obligation pour lui de maintenir la rémunération d’un salarié qui a refusé une modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail jusqu’à la rupture de son contrat de travail. Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation applicable en matière de modification du contrat de travail selon laquelle, lorsqu’un salarié refuse une telle modification, l’employeur doit soit le rétablir dans son emploi, soit tirer les conséquences du refus en engageant la procédure de licenciement. Il en résulte que, jusqu’au licenciement, le salarié a droit au maintien de son salaire (Cassation 26-11-2002 n° 00-44.517 ; Cassation 24-3-2010 n° 08-43.174).
Cette solution, qui peut sembler sévère pour l’employeur, a le mérite d’éviter une attitude attentiste de sa part, alors que le salarié ne peut plus percevoir d’indemnités journalières de la sécurité sociale ni, en principe, de salaire en l’absence de prestation de travail.
En cas de refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail, il reste à l’employeur la possibilité de se rapprocher du médecin du travail en vue d’aboutir à une solution permettant le maintien du salarié dans l’emploi. Si, malgré toutes ses démarches et sa bonne foi, aucune solution ne peut être trouvée, il est dans son intérêt que le contrat de travail soit rompu au plus vite en signant, le cas échéant, comme en l’espèce, une rupture conventionnelle avec le salarié, pour arrêter le paiement des salaires. Un licenciement peut aussi être envisagé en dernier recours mais cette voie peut s’avérer périlleuse en cas de litige.

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La rédaction sociale
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L’employeur est tenu de réintégrer un salarié déclaré apte en tenant compte des préconisations du médecin du travail. Si celles-ci ont pour conséquence une modification de son contrat de travail, le salarié peut refuser et a droit au maintien de son salaire jusqu’à la rupture du contrat.
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