« Le télétravail améliore-t-il les conditions de travail et de vie des salariés » ? C’est à cette grande question qu’a tenté de répondre la direction des statistiques et de la recherche du ministère du travail, la Dares, à travers une deuxième étude publiée mardi 5 novembre (voir la première étude). Alors que le télétravail s’est installé dans la vie d’un nombre conséquent de salariés, la question des conditions de travail est cruciale. Dans cette analyse, la Dares s’est intéressée au vécu des salariés.
Les télétravailleurs expriment de meilleures conditions de travail à distance que sur site. C’est le cas pour tous les aspects, aussi bien les facteurs de risques psychosociaux (exigences émotionnelles, intensité du travail, manque de reconnaissance ou d’autonomie, etc.) que pour les contraintes physiques ou horaires.
Note de lecture : lorsqu’il est à 10, le score de conditions de travail correspond à une exposition ou un risque maximal (à 0, il n’y a pas d’exposition ou un risque minimal).
Certaines difficultés sont moindres en télétravail :
- moins d’interruption des tâches ;
- une plus grande facilité d’organiser son travail soi-même ;
- moins de travail sous pression.
A l’inverse, d’autres difficultés augmentent en télétravail :
- absence de discussion avec le collectif ;
- manque de moyens adoptés ;
- manque de soutien des collègues (+ 11 points en télétravail) ;
- manque de soutien du supérieur (+ 9 points).
Malgré ces risques, les télétravailleurs expriment une meilleure articulation vie professionnelle-vie personnelle.
Ainsi, le nombre de plaintes exprimées par les proches aux télétravailleurs (concernant les horaires) est plus faible pour les télétravailleurs, comparativement aux non-télétravailleurs. Pour les auteurs de l’étude, cela pourrait s’expliquer par la réduction des trajets entre le domicile et le lieu de travail. « En moyenne, les trajets domicile-travail supérieurs à trente minutes sont presque deux fois plus fréquents chez les télétravailleurs que chez les non-télétravailleurs », relèvent-ils. Ainsi, le télétravail permet de gagner du temps et de réduire la fatigue.
On peut aussi noter que la manière de réallouer ce temps dépend du genre. « Les hommes le consacrent davantage aux loisirs ou aux soins des enfants, tandis que les femmes le réservent plutôt au travail domestiques » (voir encadré), observent les auteurs.
Au-delà de cette meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la Dares a aussi analysé la santé globale des télétravailleurs. Comme l’indique le graphique ci-dessous, les indicateurs sont tous légèrement meilleurs pour les télétravailleurs.
Globalement, le télétravail est largement souhaité, que ce soit par ceux qui télétravaillent déjà ou non, sachant que 39 % des salariés déclarent occuper un poste télétravaillable. Cette possibilité est une réalité effective pour 61 % d’entre eux. Parmi ces télétravailleurs effectifs, 45 % souhaiteraient télétravailler davantage. À l’inverse, 36 % des salariés sur des postes télétravaillables officient exclusivement sur site et, sans surprise, 69 % d’entre déclarent vouloir télétravailler.
Fait notable, tous ces salariés qui souhaitent augmenter leur fréquence de télétravail ou commencer à télétravailler présentent des conditions de travail moins bonnes que ceux qui ne souhaitent pas en faire ou en faire moins. Le télétravail serait-il souhaité pour « fuir » des conditions de travail globales peu satisfaisantes ? Cela rejoint en tout cas l’analyse faite récemment par une chercheuse au sujet de la semaine de quatre jours.
Télétravail, genre et charge mentale
|
---|
Les auteurs constatent qu’en présence d’enfant en bas âge, le télétravail semble permettre une réduction des écarts de temps de travail domestique entre femmes et hommes. Mais ce n’est pas le cas de façon générale. En 2023, les femmes en couple sont 60 % à réaliser plus de sept heures hebdomadaires de travail domestique quand les hommes ne sont que 47 % pour les télétravailleurs et 44 % pour les autres. « Le télétravail pourrait favoriser une réduction passagère des inégalités dans la répartition des tâches domestiques entre femmes et hommes après la naissance d’un enfant », supputent les auteurs. Au niveau de la charge mentale en lien avec le travail domestique, les écarts entre hommes et femmes sont encore plus importants en cas de télétravail. Pour atteindre un rééquilibrage des tâches grâce au temps gagné par le télétravail, il faudrait selon les auteurs « un effort de coordination et de maîtrise des différentes temporalités, rôle traditionnellement dévolu aux femmes, ce qui semble persister, voir s’accentuer avec le télétravail ». |
Commentaires récents