Lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, les juges du fond doivent accorder au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par le barème de l’article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. Les planchers et plafonds de ce barème, qui s’imposent au juge (Cassation n°s 21-15.247 et 21-14.490 ; Cassation n° 21-21.011), sont exprimés en mois de salaire brut (Cassation n° 20-18.782) et varient en fonction du montant du salaire mensuel de l’intéressé et de son ancienneté, exprimée en années complètes.
En l’espèce, une salariée, après avoir conclu un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), avait contesté la rupture de son contrat de travail pour motif économique en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation préalable de reclassement. Les juges ayant conclu à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’intéressée pouvait prétendre à une indemnité minimale de 3 mois et maximale de 20 mois de salaire brut compte tenu de son ancienneté de plus de 30 ans.
Depuis la loi 2018-217 du 29 mars 2018, l’article L 1235-3 précité prévoit que, pour déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité légale de licenciement.
L’employeur, invoquant ce dernier texte, soutenait, à l’appui de son pourvoi, que, si une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était due à la salariée, la cour d’appel, qui a alloué à celle-ci près de 20 mois de salaire, aurait dû tenir compte de la somme déjà perçue par elle en application de l’article L 1233-67 du Code du travail au titre du CSP, représentant déjà près de 10 mois de salaire.
Selon ce dernier article, la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au CSP, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l’indemnité légale de licenciement et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis, ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur à France Travail représentatif de cette indemnité.
La chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n° 23-19.629) en déduit logiquement ici que la somme versée au salarié en application de l’article L 1233-67 du Code du travail au titre de l’indemnité légale de licenciement n’a pas à être prise en compte pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et rejette l’argument de l’employeur.
A noter : En tout état de cause, la prise en compte des indemnités de rupture dans la détermination de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est qu’une faculté pour le juge, et non une obligation. Les indemnités visées sont sans doute les indemnités contractuelles de licenciement, le cas échéant négociées au moment de la conclusion du contrat de travail, ou les indemnités conventionnelles.
L’employeur reprochait, par ailleurs, à la cour d’appel d’avoir, pour calculer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, retenu un salaire de référence de 2 005 € par mois, correspondant au montant du salaire brut de septembre 2019, alors que la moyenne des salaires sur un an, de septembre 2018 à septembre 2019, était de 1 893,97 €. Mais, là encore, il n’obtient pas gain de cause.
En effet, si avant l’ordonnance précitée de 2017, le Code du travail ordonnait de prendre la moyenne des 6 derniers mois de salaire avant la rupture du contrat de travail, l’article L 1235-3 est, depuis, muet sur ce point et n’exclut donc pas que le juge puisse prendre comme salaire de référence le salaire brut mensuel du dernier mois précédant le licenciement.
Pour la Cour de cassation, il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement l’étendue du préjudice subi dès lors que l’indemnité allouée au salarié abusivement licencié est comprise entre les montants minimaux et maximaux fixés par le barème (Cassation n° 22-12.462). La Haute Cour ajoute qu’il n’a pas, notamment, à s’expliquer sur le choix des critères d’évaluation qu’il a retenus.
A noter : Comme indiqué par l’avocat général, dans son avis diffusé sur le site de la Cour de cassation, celle-ci exerce en la matière un contrôle de légalité en vérifiant que les juges du fond se sont conformés au barème d’indemnités de l’article L 1235-3 du Code du travail. Il leur appartient seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux qui y sont prévus (Cassation n°s 21-14.490 et 21-15.247 ; Cassation n° 21-24.857).
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