L’arrêt de travail pour maladie ou accident, professionnel ou non, suspend le contrat de travail. En principe, l’inexécution de son travail par le salarié dispense l’employeur de son obligation de lui verser une rémunération (C. trav. art. L 1226-1), sauf dispositions légales ou conventionnelles prévoyant le maintien de salaire, comme en cas de maladie. Mais quelle est l’incidence de l’absence sur le versement d’une prime ? Le salarié peut-il en demander le paiement ?
Il convient en la matière de s’en remettre aux dispositions fixant les conditions d’attribution de la gratification (convention ou accord collectif de travail, contrat de travail, etc.) et, le cas échéant, aux usages en vigueur dans l’entreprise. Le versement d’une prime peut ainsi être subordonné à la présence ou à l’activité effective du salarié dans l’entreprise au cours de l’exercice. Dans ce cas, son absence peut entraîner une baisse du montant attribué (versement au prorata du temps de présence) voire une suppression de la prime pour la période de suspension du contrat de travail.
En l’espèce, une salariée a été victime d’un accident du travail le 13 septembre 2017. Placée en arrêt maladie en janvier 2018, puis déclarée inapte à son poste de travail le 16 décembre 2019, elle a été licenciée pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement le 13 février 2020. Elle a alors saisi la justice pour réclamer notamment un rappel de primes d’objectifs sur les années 2017 à 2020 pendant lesquelles elle était absente.
Les juges d’appel font droit à sa demande. Pour condamner l’employeur au paiement de la prime, ils retiennent que si celle-ci n’était pas prévue au contrat de travail, elle était versée semestriellement en fonction d’objectifs fixés par l’entreprise. Aussi, dès lors qu’il n’existait aucune indication quant à la suspension de la prime d’objectifs en cas d’absence, et que la salariée ne s’était pas vu fixer ses objectifs en début d’exercice, elle pouvait prétendre au montant maximal de la prime perçue précédemment. Les juges appliquent ici la règle d’octroi de la prime d’objectifs entière lorsque l’employeur n’a pas fixé ses objectifs au salarié alors qu’il le devait.
La société se pourvoit en cassation. Elle fait valoir que durant un arrêt maladie, le salarié peut uniquement percevoir les gratifications qui ne dépendent pas de sa prestation de travail. Par conséquent, l’employeur ne peut pas être condamné au paiement d’une rémunération variable dépendant de l’atteinte d’objectifs, pour n’avoir pas fixé ces objectifs au salarié, dès lors qu’en tout état de cause, cette rémunération variable n’était pas due.
La chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n° 23-19.352) retient les arguments de l’employeur et censure la décision de la cour d’appel au visa des articles L 1226-1 du Code du travail et 1103 du Code civil. Elle rappelle ainsi que la suspension du contrat de travail dispense l’employeur de son obligation de rémunération du salarié et que, sauf clause contractuelle ou conventionnelle contraire, un salarié ne peut prétendre recevoir une prime, lorsqu’elle a été instituée pour rémunérer une activité ou récompenser les services rendus, que dans la mesure du travail effectivement accompli (en ce sens : Cass. soc. 18-12-1984 n° 82-41.559). Les juges ne pouvaient donc pas condamner l’employeur à payer une somme à la salariée au titre de prime d’objectifs alors qu’ils avaient constaté qu’elle dépendait de la réalisation d’objectifs et que la salariée, dont le contrat de travail avait été suspendu pour maladie pendant plus de 3 ans, ne se prévalait d’aucune clause de maintien de salaire.
A noter : La position de la chambre sociale se justifie en l’espèce par l’absence d’obligation de maintien de salaire par l’employeur. En cas d’arrêt maladie pendant la période de référence de calcul d’une prime d’objectifs, le salarié ne peut prétendre à son paiement que s’il a droit au maintien de son salaire. La solution pourrait être différente si, par exemple, les absences pour maladie du salarié sont consécutives à un harcèlement moral de l’employeur. Dans une telle hypothèse, les juges considèrent que l’intégralité de la prime peut être accordée (Cass. soc. 23-9-2009 n° 08-44.061).
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