Dans cette affaire, dans le cadre d’une réorganisation liée à un projet d’externalisation de certaines activités impliquant la suppression du poste du salarié concerné, engagé en qualité d’ingénieur support technique, ce dernier a été licencié après avoir refusé une proposition de poste d’ingénieur avant-vente, s’analysant en une proposition de modification de son contrat de travail, l’employeur soutenant avoir activement recherché son reclassement.
La cour d’appel de Versailles ayant débouté le salarié de ses demandes tendant à voir juger notamment ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (CA Versailles 29-9-2009 n° 20/00656), ce dernier a formé un pourvoi (n° 22-23.468) contre cette décision devant la Cour de cassation, laquelle censure l’arrêt des juges du fond dans un arrêt du 22 janvier 2025 destiné à une large publication.
La chambre sociale rappelle, d’une part, que le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (jurisprudence constante, notamment Cass. soc. 7-7-1998 n° 96-40.256) et, d’autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.
Elle poursuit en indiquant qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur d’externaliser ses activités commerciales dont l’intéressé avait la charge. L’employeur se bornait à soutenir que le refus des postes qui avaient été proposés caractérisait « une situation intolérable et inacceptable ».
L’employeur n’ayant allégué, ni dans la lettre de licenciement, ni dans ses conclusions, que cette réorganisation, à l’origine de la proposition de modification de contrat, résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise (conformément à l’article L 1233-3 du Code du travail), il en résulte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Cette solution va dans le sens de solutions précédentes rendues à propos du licenciement de salariés ayant refusé une modification de contrat de travail, quand la proposition de modification ne repose pas sur un motif personnel sans pour autant que l’employeur justifie d’un motif économique valable. Il en est ainsi lorsque la modification est motivée par la volonté de l’employeur de réorganiser un service de l’entreprise (Cass. soc. 11-7-2018 n° 17-12.747), de modifier le taux de rémunération variable de certains salariés pour garantir une égalité de rémunération avec d’autres salariés (Cass. soc. 28-5-2019 n° 17-17.929) ou de modifier l’organisation du travail après un contrôle de l’inspection du travail (Cass. soc. 19-6-2019 n° 18-11.824).
A noter : Bien que rendue dans le cadre juridique antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016, cette décision nous paraît transposable au cadre juridique actuel. En effet, la loi Travail a simplement complété la liste des causes possibles de licenciement économique figurant à l’article L 1233-3 du Code du travail, en ajoutant aux difficultés économiques et aux mutations technologiques deux autres causes consacrées par la jurisprudence, à savoir la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité.
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