La Cour de cassation poursuit la construction du droit des congés payés et précise le sort des congés reportés lorsque le salarié est de nouveau en arrêt maladie pendant la période de report : les congés payés acquis pendant une période de maladie et reportés pendant 15 mois, que le salarié n’a pas pu prendre entre sa reprise du travail et le terme de la période de report en raison d’un nouvel arrêt de travail sont-ils perdus ou doivent-ils être de nouveau reportés ?
Le salarié qui n’a pas pu, en raison d’un arrêt de travail, prendre ses congés acquis, au cours de la période de prise des congés, bénéficie d’une période de report de 15 mois (sauf durée plus longue fixée par accord d’entreprise ou, à défaut, de branche) à l’issue de laquelle les congés non pris sont perdus (C. trav. art. L 3141-19-1, al. 1 et L 3141-21-1 ; Cass. soc. 10-9-2025 n° 23-22.732 FP-BR : cette actualité du 11-9-2025). Cette période débute à la date de réception des informations dues dans le mois de la reprise du travail sur le nombre de jours de congé et la date ultime de prise de ceux-ci (C. trav. art. L 3141-19-1, al. 2) ou, en cas d’absence pour cause de maladie ou d’accident, professionnels ou non pendant toute la période de référence, à la fin de cette période (C. trav. art. L 3141-19-2).
Par un arrêt (n° 24-14.084) du 13 novembre 2025 publié au Bulletin des chambres civiles, la Haute Juridiction juge que l’employeur ne peut invoquer la perte des congés reportés que s’il justifie avoir mis, en temps utile, le salarié en mesure de prendre ces congés pendant la période de reprise du travail coïncidant avec la période de report.
Le salarié tombe malade à la fin de la période de report
En l’espèce, un salarié de la SNCF est en arrêt de travail pour maladie du 3 mai 2017 au 3 mars 2019. Il reprend le travail du 4 mars 2019 au 4 mars 2020 puis est de nouveau placé en arrêt de travail le 5 mars 2020, alors qu’il devait prendre, du 13 au 31 mars 2020, un reliquat de 13 jours de congés payés acquis pendant l’année 2018 (la période de référence pour l’acquisition des congés étant l’année civile). Ces congés ont été reportés, en application du statut collectif, pour être pris sur une période de 15 mois débutant à la fin de la période de référence, du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020.
A notre avis : Bien que l’affaire soumise à la Cour de cassation concerne le statut des agents de la SNCF, la décision est transposable aux salariés de droit privé.
L’employeur supprime le reliquat de jours reportés
À l’expiration du délai de 15 mois, la SNCF supprime les 13 jours non exercés. Le salarié saisit le conseil de prud’hommes estimant avoir subi la perte injustifiée de ces congés. La cour d’appel fait droit à sa demande en retenant que la perte des droits à congé est possible à la fin d’une période de référence ou d’une période de report à condition que le salarié dont les droits sont ainsi perdus ait eu la possibilité effective de les exercer. La SNCF est condamnée à restituer au salarié 13 jours de congé payé et forme un pourvoi.
A noter : La question n’est pas tranchée par la loi du 22 avril 2024. L’administration a précisé que la jurisprudence européenne excluait la perte de tout ou partie du droit à congés payés acquis, à l’issue de la période de référence ou de la période de report, si à cette date le salarié est dans l’impossibilité d’utiliser ses droits du fait d’une maladie (CJUE 10-2-2009 aff. 50/06 et 520/06 ; CJUE 29-11-2017 aff. 214/16 ; CJUE 6-11-2018 aff. 619/16) et que l’employeur devrait adapter la situation au cas par cas et laisser une durée suffisante au salarié.
La chambre sociale confirme la décision des juges du fond. Son raisonnement s’appuie sur la jurisprudence européenne :
– la perte automatique du droit au congé payé annuel est subordonnée à la vérification préalable que le salarié a été mis effectivement en mesure d’exercer ce droit (CJUE 22-9-2022 aff. 518/20 et 727/20, point 39) ;
– le salarié en incapacité de travail de longue durée peut perdre les congés cumulés pendant plusieurs périodes de référence au terme d’une période de report de 15 mois (CJUE 29-11-2017 aff. 214/16 point 55) ;
– mais lorsque le report concerne une année au cours de laquelle le salarié a d’abord travaillé avant d’être en incapacité de travail, le droit au congé annuel payé n’est pas perdu au terme de la période de report ou bien ultérieurement, alors que l’employeur n’a pas, en temps utile, mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit (CJUE 22-9-2022 aff. 518/20 et 727/20 précité).
Il en résulte que lorsque le délai de report des congés payés coïncide avec une période de reprise du travail, l’employeur ne peut invoquer l’extinction des droits à congé payé au terme de la période de report que s’il justifie avoir accompli, en temps utile, les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.
La Haute Juridiction relève que l’employeur ne soutenait pas avoir, en temps utile, mis le salarié en mesure de prendre ses congés avant le terme du délai de report. Elle approuve la cour d’appel d’avoir considéré que les 13 jours de congés reportés ne pouvaient pas être perdus.

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