Oui. Sous réserve de se conformer aux formalités requises, l’employeur peut choisir de fermer l’entreprise entre Noël et le jour de l’An et ainsi imposer à ses salariés de prendre des congés payés sur cette période. Cette décision peut être prise de manière unilatérale ou en application d’un accord collectif.
Un choix encadré
L’employeur doit ainsi :
- vérifier les accords collectifs applicables à l’entreprise : ces dispositions conventionnelles peuvent déjà avoir fixé des modalités spécifiques en matière de fermeture d’entreprise (la période de prise des congés, les délais à respecter…) (article L.3141-15 du code du travail) ;
► La fermeture de l’entreprise doit se faire dans le respect de l’accord collectif applicable. Si celui-ci ne l’autorise que du 1er mai au 31 octobre, l’employeur ne peut pas décider de fermer du 24 au 31 décembre (arrêt du 13 mars 2024).
- déterminer le nombre de jours de fermeture de l’entreprise : cette durée ne doit cependant pas dépasser 24 jours ouvrables consécutifs (quatre semaines) (article L.3141-17 du code du travail). Il est donc tout à fait possible pour un employeur d’imposer quatre semaines de fermeture en août et une semaine en décembre ;
► Si l’entreprise ferme plus de 30 jours par an, c’est-à-dire au-delà de la durée légale de congé, l’employeur doit verser à son personnel une indemnité pour chacun des jours excédant la durée légale de congé. Cette indemnité ne peut pas être inférieure à l’indemnité journalière de congés payés (article L.3141-31 du code du travail).
- consulter le CSE : l’employeur doit recueillir son avis sur la période choisie et sur la durée de la fermeture. Toutefois même en présence d’un avis négatif, l’employeur peut fermer l’entreprise durant la période choisie (article L.2312-8 du code du travail) ;
- informer les salariés de la fermeture de l’entreprise : la période de prise de congés payés doit être portée à la connaissance des salariés au moins deux mois avant l’ouverture de cette période. La date de fermeture doit être communiquée au moins un mois avant la fermeture de l’entreprise (articles D.3141-5 et D.3141-6 du code du travail).
Lorsque la décision de fermeture a été prise en respectant les conditions légales ou conventionnelles, le salarié doit se plier aux dates de fermeture et ne peut pas prendre ses congés à une autre date. Si le salarié ne respecte pas les dates de congés qui lui ont été imposées, il s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller, selon les circonstances, de l’avertissement au licenciement pour faute grave (arrêt du 19 janvier 2005).
Cette année, Noël et le jour de l’An tombent un mercredi qui est un jour ouvrable. Ces deux journées sont des jours fériés légaux ordinaires (C. trav., art. L.3133-1), c’est-à-dire que l’obligation de repos ne s’impose légalement que pour les jeunes de moins de 18 ans (article L.3164-6 du code du travail), étant précisé qu’il peut être dérogé à cette interdiction de travail des jeunes les jours fériés dans certains secteurs listés par décret (articles L.3164-8 et R.3164-2 du code du travail) et dans les usines à feu continu (article L.3164-7 du code du travail).
► Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le droit local prévoit non seulement que ces jours sont chômés mais il prévoit deux jours fériés supplémentaires dont le 26 décembre (article L.3134-13 du code du travail).
En pratique, ces deux jours fériés sont généralement chômés, en application d’usages professionnels ou de conventions collectives. Il convient de distinguer les situations suivantes pour mesurer leur incidence sur les congés payés :
- lorsque les congés sont décomptés en jours ouvrables, il sera décompté un jour de congé en moins (arrêt du 27 octobre 2004 et arrêt du 24 septembre 2024) ;
- lorsque les congés sont décomptés en jours ouvrés et que ce décompte n’est qu’une simple transposition du décompte en jours ouvrables (30 jours ouvrables = 25 jours ouvrés), un jour de congé en moins doit être décompté, même si le jour férié tombe un jour ouvrable non travaillé dans l’entreprise (le calcul ne doit pas être moins favorable qu’en jours ouvrables). En revanche, si le décompte en jours ouvrés permet aux salariés de bénéficier d’un nombre total de jours de congé supérieur à ce que prévoit la loi, le jour férié qui coïncide avec un jour ouvrable non travaillé n’a aucune incidence (ce sera le cas si un accord prévoit un nombre de jours de congé supérieur aux congés légaux).
Dès lors que les règles relatives à la fixation des congés payés ont été respectées, l’employeur peut imposer la fermeture de l’entreprise pour congés payés à tous ses salariés même à ceux qui n’ont pas suffisamment de jours pour couvrir toute la période de fermeture soit parce qu’ils sont arrivés récemment dans l’entreprise, soit parce qu’ils ont déjà pris tous leurs jours de congé. Ils ne reçoivent ni rémunération ni indemnité d’activité partielle. Il existe toutefois des solutions pour que ces derniers soient indemnisés pendant cette période.
Proposer des congés payés anticipés ou des RTT
L’employeur peut ainsi leur proposer de prendre des RTT (s’ils y ont droit) ou des jours de congés payés par anticipation. Si le salarié est d’accord, l’employeur devra recueillir son consentement écrit. Si un salarié ne souhaite pas prendre des congés par anticipation, il sera obligé de prendre un congé sans solde non rémunéré.
Informer les nouveaux embauchés de la possibilité d’obtenir une aide pour congés non payés versée par France Travail
Si le salarié a été récemment embauché et que l’entreprise ferme, sans qu’il ait pu acquérir suffisamment de droit à congés payés, l’employeur doit l’informer qu’il peut prétendre à l’aide pour congés non payés auprès de France Travail (Règlement d’assurance chômage annexé au décret n° 2019-797, du 26 juillet 2019, article 37). C’est au salarié de réaliser les démarches pour obtenir cette aide et non à l’employeur.
Pour bénéficier de cette aide, le salarié doit :
- avoir été indemnisé par France Travail et ne pas avoir épuisé ses droits au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de l’allocation de sécurisation professionnelle (ASP) ;
- avoir repris une activité salariée dans une entreprise qui ferme pour congés, sans avoir eu le temps d’acquérir assez de droits à congés payés pour être rémunéré durant la fermeture ;
- ne plus être inscrit comme demandeur d’emploi.
Le montant de l’aide est déterminé en tenant compte du nombre de jours de fermeture de l’entreprise et des droits à congés payés éventuellement acquis au titre de l’emploi en cours.
Si l’entreprise ferme pendant la durée des congés et que le salarié recruté sur contrat à durée déterminée n’a pas droit à un congé correspondant à la durée de la fermeture de l’entreprise, il peut prétendre à l’aide ci-dessus si les conditions sont remplies. Par ailleurs, la fermeture de l’entreprise pour congés payés ne retarde pas le terme du CDD (arrêt du 25 février 2004). Une clause prévoyant que le CDD sera suspendu pendant la période de fermeture de l’entreprise pour congés payés peut d’ailleurs être insérée dans le contrat.
Si un salarié est en période d’essai au moment de la fermeture de l’entreprise, cette période sera prorogée d’une période équivalente à celle de la fermeture (arrêt du 16 mars 2005 et arrêt du 31 janvier 2018).
Enfin, si le salarié tombe malade pendant la période de fermeture, il ne pourra pas voir ses congés payés reportés. Ni le code du travail ni la jurisprudence ne prévoient le report des congés dans une telle hypothèse. En revanche, si le salarié est en arrêt pour maladie ou accident (d’origine professionnelle ou non) avant la période de fermeture de l’entreprise, l’employeur doit reporter les congés posés pour cette période. En effet depuis le 24 avril 2024, lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser (article L.3149-19-1 du code du travail).
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