ACTUALITÉ
SOCIAL

Contrôle Urssaf : la charte du cotisant est actualisée
Un arrêté du 30 janvier 2024, publié au Journal officiel du 6 février 2024, actualise la charte du cotisant contrôlé. Cette charte s’applique rétroactivement au 1er janvier 2024 et remplace la charte applicable depuis 2022.
► Le préambule de la charte rappelle l’objet de cette charte : elle informe l’employeur contrôlé par un agent de l’Urssaf sur ses droits et obligations lors du contrôle. Elle présente, de façon synthétique, les modalités de déroulement d’un contrôle ainsi que les droits et les garanties dont il bénéficie tout au long de cette procédure. Ce document est opposable aux organismes de recouvrement effectuant le contrôle. L’avis de contrôle doit préciser l’existence de cette charte et l’adresse électronique où ce document est consultable et téléchargeable et indiquer qu’il est adressé au cotisant sur sa demande (article R.243-59, I du code de la sécurité sociale ; charte, page 7)
La charte intègre les modifications apportées par le décret du 12 avril 2023 en précisant plusieurs points :
- le début effectif du contrôle : c’est la date de première visite de l’agent si le contrôle est sur place ou la date de début des opérations de vérifications si le contrôle est sur pièces (page 8 de la charte) ;
- les modalités des investigations de l’agent de contrôle sur support dématérialisé (obligation d’information de l’agent de l’utilisation de son matériel informatique professionnel ; refus possible du cotisant dans les 15 jours). La clause sur ce sujet prévu dans la charte de 2022 avait été annulée par le Conseil d’Etat dans une décision du 17 février 2023 car contraire à l’article R.243-59-1 (page 11 de la charte) ;
- le point de départ du délai de six ans pour apprécier l’absence de mise en conformité : c’est la date de la mise en demeure ou la date de réception de la lettre d’observation (page 19 de la charte) ;
- les modalités d’utilisation des informations et documents obtenus dans le cadre d’un contrôle au niveau du groupe (précisions dans la lettre d’observations sur la nature et le contenu des documents ; possibilité pour le cotisant de demander la communication d’une copie des éléments utilisés) (page 18 de la charte) ;
- l’absence de majorations de retard complémentaires en cas d’envoi tardif de la mise en demeure pour la période comprise entre la date de la fin de la période contradictoire et celle de l’envoi de la mise en demeure si cet envoi est réalisé plus de deux mois après la fin de la période contradictoire (page 20 de la charte).
La charte de 2024 ajoute des précisions pratiques sur la procédure de contrôle, telles que :
- l’avis de contrôle doit mentionner une liste de documents et d’informations nécessaires aux opérations de contrôle avec la précision que d’autres documents pourront être demandés durant le contrôle (page 7 de la charte) ;
- l’importance de la mention, dans la lettre d’observations, de la liste des documents consultés pour pouvoir attester lors d’un contrôle ultérieur qu’un point a été vérifié par le passé ainsi que la possibilité de demander à l’agent de contrôle d’amender la liste des documents consultés (page 18 de la charte) ;
- la faculté pour le cotisant contrôlé de désigner, en amont, ou dès le démarrage du contrôle, des interlocuteurs (salariés, personnes mandatées) en capacité de transmettre les données utiles (page 8 de la charte) ;
- un entretien de fin de contrôle par téléphone doit être proposée par l’agent de contrôle avant l’envoi de la lettre d’observation lorsque des observations sont envisagées afin qu’il présente le résultat de ses analyses et les suites éventuelles.
La charte de 2024 prend également acte de la pérennisation de l’expérimentation portant sur la limitation à trois mois de la durée du contrôle (sur place ou sur pièces) dans les entreprises de moins de 20 salariés (règle pérennisée depuis le 1er janvier 2023).
La charte de 2024 supprime la clause portant sur l’expérimentation qui limitait la durée globale des contrôles de l’administration dans les entreprises de moins de 250 salariés de deux régions. L’expérience a pris fin le 1er décembre 2022. Elle supprime également les précisions sur les mesures liées au Covid qui sont devenues obsolètes.


Au tour du non-respect du repos journalier conventionnel d’ouvrir droit, à lui seul, à réparation
Après avoir décidé le 26 janvier 2022 que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail [hebdomadaire] ouvre droit à la réparation », le 11 mai 2023 que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail quotidienne ouvre droit à la réparation et le 27 septembre 2023 que « le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit ouvre, à lui seul, droit à la réparation », la Cour de cassation décide – sans trop de surprise – dans la droite lignée des décisions précitées dans un arrêt publié du 7 février 2024, que « le seul constat que le salarié n’a pas bénéficié du repos journalier conventionnel ouvre droit à réparation »
► Rappelons qu’en principe tout manquement de l’employeur doit causer un préjudice au salarié pour que des dommages-intérêts soient octroyés (arrêt du 13 avril 2016).
En l’espèce, un salarié demandait réparation suite au non-respect de son temps de repos entre deux périodes de travail. En effet, un accord de 1993 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, attaché à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité de 1985 qui lui était applicable, prévoyait que ce temps de repos ne pouvait être inférieur à 12h, temps dont n’avait pas toujours bénéficié le salarié selon lui. Il se prévalait donc d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et du fait que « le non-respect par l’employeur des temps de repos entre deux périodes de travail, qui contrevient à cette obligation de sécurité, génère nécessairement un préjudice ».
La cour d’appel avait débouté le salarié justement au motif qu’il ne justifiait d’aucun préjudice spécifique. Mais en statuant ainsi, la Cour de cassation estime qu’elle viole l’article L.4121-1 du code du travail, fondement de l’obligation de santé-sécurité de l’employeur. Comme dans les arrêts précédents relatifs au dépassement des durées de travail, elle s’appuie sur le fait que l’accord de 1993 et le code du travail « participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ».
► Sans doute parce que le temps de repos quotidien était fixé par accord collectif, la chambre sociale se fonde pour la première fois directement sur l’article L.4121-1 du code du travail et non sur les dispositions légales propres au repos. Preuve est ici faite, s’il le fallait, que c’est bien la santé-sécurité qui est au cœur du raisonnement de la Cour.
Un point est particulièrement intéressant dans cet arrêt : le repos quotidien conventionnel applicable, de minimum 12h, était supérieur à celui prévu par le code du travail, à savoir minimum 11h (article L.3131-1 du code du travail). C’est précisément pour cette raison que, dans son avis, l’avocat général appelait au rejet du moyen du salarié.
Pour lui, il est « douteux » que ce temps de repos supérieur aux minimums légaux puisse être en soi considéré comme relevant de l’obligation de sécurité de l’employeur. De plus, le non-respect de la durée conventionnelle n’impliquait pas la violation automatique du temps de repos quotidien légal. « Il appartenait par conséquent au salarié, qui ne se prévalait d’aucune violation des périodes minimales de repos protégées par la loi interne ou le droit européen, de justifier pour être indemnisé d’un préjudice spécifique ».
A contrario, il semblerait qu’il soit favorable à la reconnaissance d’un préjudice nécessaire concernant le non-respect du repos quotidien d’origine légale : « la reconnaissance d’un préjudice nécessaire apparaît dans l’ensemble acquise en cas de non-respect des durées maximales hebdomadaire et quotidienne de travail. […] Cette approche stricte paraît devoir englober les durées internes à ces maximums légaux, telles que les temps de pause et le temps de repos journalier, lesquelles sont tout aussi nécessaires à préserver la santé et la sécurité du salarié ».
Une extension d’autant plus probable que, le 14 décembre 2022, la chambre sociale a déjà cassé un arrêt d’appel qui, pour débouter un salarié en mi-temps thérapeutique de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultant notamment du non-respect du repos journalier et hebdomadaire, avait retenu que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice à ce titre.


Harcèlement moral : la preuve déloyale peut-elle être admise ?
Depuis un revirement de jurisprudence opéré le 22 décembre 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation admet que, dans un procès civil, la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats (cassation n° 20-20.648). Face à une telle preuve illicite ou déloyale, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si elle porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Appliquée en décembre 2023 dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, cette jurisprudence est déclinée, dans l’arrêt du 17 janvier 2024 (cassation n° 22-17.474), dans le cadre d’un contentieux relatif à l’existence d’un harcèlement moral.
Dans cette affaire, un salarié, s’estimant victime d’un tel harcèlement et ayant formulé une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, avait produit l’enregistrement clandestin des membres du CHSCT (instance représentative du personnel remplacée, depuis, par le comité social et économique) pour justifier l’existence d’un harcèlement moral à son encontre. La cour d’appel avait jugé l’enregistrement irrecevable.
La chambre sociale de la Cour de cassation lui donne raison. Si elle reprend l’attendu de principe de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023, elle l’applique pour écarter l’enregistrement en cause. Mettant en œuvre la méthode de mise en balance, la chambre sociale a en effet estimé que, en l’espèce, la production de cet enregistrement n’était pas indispensable au soutien de la demande du salarié. Selon elle, les autres éléments de preuve qu’il avait produits permettaient déjà de laisser supposer l’existence du harcèlement moral.
Ainsi donc, si l’assemblée plénière de la Cour de cassation a ouvert la voie à l’admissibilité des preuves obtenues de manière déloyale, comme c’était le cas en l’occurrence, elle a encadré cette admissibilité par des conditions strictes laissées à l’appréciation du juge tenant au caractère indispensable et proportionné au but poursuivi de ces preuves. Sur le premier aspect, la preuve est indispensable si les autres éléments éventuellement apportés au débat ne sont pas suffisants pour établir la réalité des faits. Toutefois, dans le cadre du harcèlement moral, le salarié ne doit pas apporter la preuve du harcèlement, mais établir des faits laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement. L’employeur doit ensuite prouver que ces faits sont étrangers au harcèlement.
Cet encadrement – applicable également dans le cadre de la discrimination – pourrait inciter le juge à se montrer particulièrement strict s’agissant de l’admission d’un moyen de preuve déloyal.

DSN sur les heures supplémentaires ou complémentaires exonérées
« A compter de la version de norme P24V01, les montants versés au titre des heures supplémentaires exonérées n’intègrent plus la rémunération nette fiscale renseignée en rubrique « Rémunération nette fiscale – S21.G00.50.002 » contrairement aux modalités déclaratives en vigueur en version de norme P23V01, prévient Net-entreprises. En conséquence, les HSE [heures supplémentaires exonérées] ne sont plus intégrées au Montant Net Versé (MNV) à partir de cette version de norme. En effet, le MNV doit être calculé par les déclarants à partir de la RNF [rémunération nette fiscale] telle qu’elle est déclarée, c’est-à-dire conformément à sa définition fiscale, sans intégration des HSE. Cette non-intégration des HSE dans la RNF concerne aussi bien les heures constatées et payées à partir du 1er janvier 2024 que les corrections réalisées en version de norme P24V01 sur des HSE versées en 2023″, est-il détaillé.

Vidéosurveillance et recevabilité d’une preuve illicite : nouvelle illustration jurisprudentielle
Dès lors qu’un système de vidéosurveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l’entreprise permet aussi de contrôler et de surveiller l’activité des salariés et peut être potentiellement utilisé par l’employeur pour recueillir et exploiter des informations concernant personnellement un salarié aux fins de le licencier, l’employeur doit informer les salariés et consulter les représentants du personnel sur la mise en place et l’utilisation de ce dispositif à cette fin. A défaut, le moyen de preuve tiré des enregistrements du salarié est illicite (arrêt du 10 novembre 2021).
Mais l’illicéité d’une preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats (arrêt du 8 mars 2023 ; arrêt du 4 octobre 2023).
En présence d’une preuve illicite, le juge doit :
- d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier qu’il existait des raisons concrètes justifiant le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci ;
- puis rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens de preuve plus respectueux de la vie personnelle du salarié ;
- et enfin apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.
Pour que le juge procède à ces vérifications, encore faut-il que l’employeur invoque son droit à la preuve. A défaut, le juge écartera la preuve jugée illicite sans examiner ce droit.
Dans cette affaire, une pharmacie avait mis en place un système de vidéosurveillance destinée à la protection des personnes et des biens dans les locaux de l’entreprise. Trois caméras surveillaient, au rez-de-chaussée, l’espace bébé, l’espace parapharmacie et l’espace ordonnances ; deux caméras, situées à l’étage, surveillaient le bureau et la réserve. Ce dispositif de vidéosurveillance n’avait pas fait l’objet d’une information individuelle préalable des salariés ni d’une consultation des institutions représentatives du personnel, de sorte que les enregistrements issus de ce dispositif constituaient des moyens de preuve illicites s’ils servaient à justifier le licenciement d’un salarié.
Constatant des anomalies dans ses stocks, le pharmacien avait envisagé l’hypothèse de vols par des clients. Il avait donc visionné les enregistrements issus de son système de vidéosurveillance. Ce visionnage avait permis d’écarter cette piste. Les inventaires confirmant des écarts injustifiés, il avait alors décidé de suivre les produits lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente. Ce contrôle, réalisé sur deux semaines, avait permis de révéler 19 anomalies graves sur la caisse d’une salariée.
Sur la base de ces éléments de preuve, la salariée avait été licenciée pour faute grave, licenciement contesté en justice. La salariée arguait de l’illicéité de la preuve, de l’existence de moyens de preuve plus respectueux de sa vie personnelle et du caractère disproportionné de l’atteinte portée à sa vie personnelle au regard du but poursuivi.
Les juges du fond rejettent ses demandes et déclarent recevables les enregistrements litigieux. Ils retiennent que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition des stocks, après des premières recherches infructueuses et avait été réalisé par le seul dirigeant de l’entreprise.
La salariée se pourvoit en cassation.
Mais pour la Cour de cassation, les juges du fond avaient mis en balance de manière circonstanciée le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime qui était poursuivi par l’entreprise, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens. Ils avaient, à bon droit, pu en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi. Les pièces litigieuses étaient donc recevables.


Quelle portée pour le droit de reprendre son contrat de travail à l’issue d’un mandat social ?
Le contrat de travail d’un salarié désigné mandataire social et qui cesse d’être placé dans un état de subordination à l’égard de la société, pour l’exécution de fonctions techniques distinctes du mandat social, est seulement suspendu pendant la durée de ce mandat (cassation n° 05-44.300 ; cassation n° 07-44.636). Cette suspension suppose que le contrat de travail soit effectif au jour de la nomination comme mandataire et qu’il ne soit pas exposé à une cause de nullité (cassation n° 05-45.416). Elle est écartée en cas de novation du contrat de travail ou de convention des parties prévoyant son absorption par le mandat social ou sa rupture (cassation n° 08-42.544 ; cassation n° 11-23.299).
Le contrat de travail suspendu pendant le mandat social reprend effet de plein droit à l’expiration de celui-ci. Il s’ensuit que l’intéressé doit retrouver ses fonctions salariées dans la société ou, à défaut, bénéficier des dispositions prévues par le Code du travail en cas de licenciement (cassation n° 07-40.082). La chambre sociale de la Cour de cassation avait subordonné, dans un arrêt ancien et resté isolé, la reprise des fonctions salariées à une demande de réintégration du dirigeant. Elle avait approuvé une cour d’appel d’avoir jugé que l’intéressé avait renoncé à son contrat de travail dans la mesure où il ne s’était pas tenu à la disposition de son employeur au jour où son mandat social avait pris fin et n’avait demandé à reprendre ses fonctions salariales que 2 ans plus tard (cassation n° 96-45.807).
Cette rigueur n’est plus de mise dans son arrêt du 13 décembre 2023 (cassation n° 22-10.126). En l’espèce, un salarié avait été embauché par une société en qualité de directeur commercial par contrat de travail en date du 7 février 2010. Son contrat de travail avait ensuite été suspendu en raison de sa nomination comme président de la société en février 2011. Son mandat social avait pris fin en juin 2015 en raison de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la société ayant abouti en juin 2015 à sa liquidation judiciaire. Il avait alors saisi le conseil de prud’hommes afin de voir reconnaître sa qualité de salarié et la condamnation du mandataire liquidateur à procéder à son licenciement.
La cour d’appel l’avait débouté de ses demandes au motif que son contrat de travail n’avait pas repris effet après l’ouverture de la procédure collective. Elle avait notamment relevé que l’intéressé avait créé une autre société en novembre 2013 où il était supposé travailler régulièrement et qu’il ne se tenait plus dans les faits à la disposition de la première société. Ces arguments sont écartés par la Cour de cassation qui donne ainsi une portée accrue au droit du salarié à reprendre ses fonctions salariées à l’issue de la période de suspension du contrat de travail en raison de son mandat social.


L’abondement à un plan d’épargne salariale ne doit pas croître selon le salaire
Une entreprise qui a mis en place un plan d’épargne d’entreprise (PEE), un plan d’épargne retraite collectif (Perco) ou encore un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (PEREC) ou adhéré à un plan d’épargne interentreprises (PEI) peut compléter les versements des salariés par un abondement dont les règles d’attribution doivent être fixées par le règlement du plan. L’abondement ne doit pas excéder le triple de la contribution du bénéficiaire ni dépasser par année civile un plafond réglementaire fixé à 8 % du PASS pour les PEE et 16 % pour les Perco et les PEREC (articles L.3332-11, R.3332-8 et R.3334-2 du code du travail ; article D.224-10 du code monétaire et financier).
L’abondement est exclu de l’assiette des cotisations sociales à condition que le règlement du plan soit déposé auprès de l’administration (article L.3332-27 du code du travail). L’administration a précisé que, pour bénéficier du régime social et fiscal spécifique au PEE, les plans d’épargne doivent être constitués en respectant l’ensemble des dispositions du code du travail les concernant (Guide de l’épargne salariale, juillet 2014, PEE, fiche n° 6).
► La contribution du salarié pouvant faire l’objet d’un abondement peut être constituée, selon les règles fixées par le règlement, des versements volontaires du salarié, de ses primes d’intéressement et de participation et, depuis la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023, de la PPV selon des modalités qui doivent encore être définies par décret.
Dans le respect de ces règles de plafonnement, le règlement du plan peut définir librement les modalités d’attribution de l’abondement. Mais l’article L.3332-12 du code du travail (applicable aux PEE mais aussi, par renvoi, aux PEI, Perco et PEREC) dispose qu’une modulation éventuelle du versement de l’employeur ne peut résulter que de règles à caractère général qui ne peuvent en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l’entreprise et celui du salarié croissant avec la rémunération de ce dernier.
► L’administration indique que la modulation peut, par exemple, être liée à l’origine des sommes ou à leur affectation afin d’orienter l’épargne. Selon elle, une modulation selon les catégories socioprofessionnelles ou encore l’ancienneté ne semble pas proscrite mais la différenciation ne peut avoir pour effet en pratique de rendre le taux d’abondement croissant avec la rémunération (Guide de l’épargne salariale, PEE, fiche n° 3, II).
C’est par application de cet interdit que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 1er février 2024, confirme le redressement notifié à une entreprise, les sommes versées au titre de l’abondement étant réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales.
Dans cette affaire, le règlement de Perco de l’entreprise prévoyait le versement par l’employeur d’un abondement à hauteur de 100 % de la contribution du salarié, sans différenciation. En revanche, la contribution du salarié était plafonnée selon le niveau de rémunération. Le plafond était fixé à 0,5 % du salaire mensuel pour la fraction de salaire jusqu’à 4 000 euros brut, puis à 2,5 % du salaire mensuel pour la fraction compris entre 4 000 et 18 535 euros. Si le rapport entre la contribution du salarié et celle de l’employeur (1 pour 1) était le même pour tous les bénéficiaires du plan, la règle de plafonnement de la contribution du salarié pouvait conduire en pratique à des montants d’abondements très différenciés et croissant avec la rémunération.
► Selon nos calculs, un salarié percevant 2 000 euros bruts mensuels avait droit à un abondement maximal de 10 euros, contre 20 euros pour un collègue percevant 4 000 euros bruts, 70 euros pour un salarié percevant 6 000 euros bruts et 383 euros pour un salarié rémunéré 18 535 euros par mois.
A la suite d’un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l’Urssaf avait notifié à l’entreprise un redressement, qui avait été annulé par la cour d’appel. Les juges du fond avaient en effet considéré que les montants des contributions des salariés étaient prédéfinis en fonction du niveau de rémunération selon deux tranches de revenus, mais que dans tous les cas, l’abondement patronal s’élevait à 100 % de la contribution, de sorte que le rapport entre la contribution et l’abondement était le même dans chaque situation et que la règle posée à l’article L.3332-12 du code du travail était respectée.
L’Urssaf s’était pourvue en cassation, faisant valoir que l’abondement patronal ne peut bénéficier des exonérations de cotisations sociales que s’il respecte le caractère collectif du dispositif d’épargne salariale, ce qui n’est pas le cas lorsque l’abondement dépend de la rémunération du salarié et s’avère plus important pour les salariés ayant la rémunération la plus élevée, en violation de l’article L.3332-12 du code du travail.
La réponse de la Cour de cassation conforte la position de l’Urssaf.
Au visa de l’article L.3332-12 du code du travail, la Haute juridiction pose pour principe que l’abondement au Perco ne bénéficie de l’exclusion de l’assiette des cotisations sociales qu’à condition de respecter un caractère collectif. Elle estime que la cour d’appel ne pouvait pas annuler le redressement, dès lors que la mise en place d’un taux unique d’abondement en fonction de la contribution du salarié, cette dernière étant plafonnée à une somme déterminée en pourcentage de la rémunération, avait pour effet d’augmenter la part des versements complémentaires de l’employeur avec la rémunération du salarié. La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel et, statuant au fond, déboute la société de sa demande d’annulation du redressement de l’Urssaf.
Prises à la lettre, en effet, les dispositions de l’article L.3332-12 du code du travail permettaient de valider, comme l’avaient fait les juges du fond, la modulation de l’abondement prévue par ce règlement, car le rapport entre le versement patronal et la contribution du salarié était identique quel que soit le niveau de rémunération. Mais le plafonnement de la contribution du salarié permettait de manière détournée, de faire croître le montant de l’abondement avec la rémunération. Faisant primer l’esprit du texte, la deuxième chambre civile censure ce type de modulation.
► Outre l’article L.3332-12 du code du travail, l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile vise également l’article R.242-1-4 du code de la sécurité sociale comme fondement du caractère collectif de l’abondement au Perco. Cet article dispose que pour bénéficier de l’exclusion d’assiette sociale, les contributions patronales mentionnées au 4° du II de l’article L.242-1 du code précité doivent être fixées à un taux ou à un montant uniforme pour l’ensemble des salariés ou pour tous ceux d’une même catégorie au sens de l’article R. 242-1-1, sauf dans certains cas listés. Or, le 4° du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale concerne les contributions des employeurs destinées au financement de la protection sociale complémentaire. L’article R.242-1-4 du code de la sécurité sociale ne concerne donc pas, selon nous, l’abondement au Perco, dont l’exonération de cotisations sociales est prévue au 3° du II de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale.
Prise à propos d’un Perco, cette décision a vocation à s’appliquer à l’ensemble des plans d’épargne salariale.


Quelles modalités pour les CDD Tremplin et les EATT désormais pérennisés ?
Issus de la loi du 18 décembre 2023, dite loi Plein emploi, les articles L.5213-13-2 et L.5213-13-3 du code du travail ont rendu pérennes deux dispositifs créés par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 et qui n’étaient jusqu’alors que des expérimentations. Les CDD Tremplin tout d’abord, c’est-à-dire des contrats à durée déterminée conclus entre une entreprise adaptée (EA) et une personne en situation de handicap et qui offrent à cette dernière un accompagnement individualisé, une expérience professionnelle et le bénéfice d’une formation. Les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) ensuite, qui mettent à disposition à titre onéreux des travailleurs handicapés dans le cadre de contrats de travail temporaire (contrat de mission ou CDI intérimaire). Tirant les conséquences de ces pérennisations, deux décrets du 10 février 2024 en intègrent les mesures d’application dans la partie réglementaire du code du travail.
« Pour tenir compte des actions d’accompagnement et de formation professionnelle mises en œuvre ainsi que de la situation du salarié au regard de son projet professionnel », les CDD Tremplin peuvent déroger aux dispositions du code du travail relatives à la durée des CDD, mais selon des modalités qui devaient être données par décret (article L.5213-13-2 du code du travail).
Le décret n° 2024-99 indique que la durée des CDD Tremplin ne peut être inférieure à quatre mois, renouvelables dans la limite d’une durée totale de 24 mois. A titre dérogatoire toutefois, ils peuvent être renouvelés au-delà de cette limite pour permettre au salarié d’achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l’échéance du contrat, sans que ce renouvellement ne puisse excéder le terme de l’action concernée. Et à titre exceptionnel, « lorsque des difficultés particulières dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à l’insertion durable dans l’emploi pour des salariés âgés de 50 ans et plus », le CDD Tremplin peut être prolongé par décisions successives d’un an au plus, dans la limite d’une durée totale de 60 mois. Mais dans ce dernier cas, la prolongation ne se fait qu’après avis des organismes en charge du suivi du travailleur handicapé (article R.5213-79 nouveau du code du travail).
Un nouvel article R.5213-79-1 énonce de son côté que la durée hebdomadaire de travail en CDD Tremplin ne peut en principe être inférieure à 20h (24 en droit commun), mais elle peut encore être réduite si cela est nécessaire à la réalisation du projet d’accès à l’emploi ou de réinsertion professionnelle du salarié. Elle peut varier lors de la période couverte par le contrat, sans dépasser 35h.
Enfin, contrairement au droit commun, le CDD Tremplin peut être suspendu à la demande du salarié, afin de lui permettre, en accord avec son employeur, d’effectuer une période de mise en situation en milieu professionnel ou une action concourant à son insertion professionnelle. Cette suspension est aussi possible pour accomplir une période d’essai dans le cadre d’une offre d’emploi en CDI ou en CDD d’au moins six mois (article R.5213-79-2 nouveau du code du travail).
Pour être agréée entreprise adaptée, la structure candidate doit signer avec l’Etat un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Le décret n° 2024-99 ajoute à cela le fait que, lorsque l’EA recourt aux CDD Tremplin, les engagements et moyens associés à la mise en œuvre de ces contrats sont prévus par le CPOM et doivent notamment garantir que le projet porté par la structure répond aux besoins des travailleurs en situation de handicap et que celle-ci dispose du personnel et des compétences suffisants (article R.5213-62-1 nouveau du code du travail).
Le CPOM doit aussi contenir des informations spécifiques et additionnelles lorsque l’EA met en œuvre des CDD Tremplin :
- le nombre maximal de postes pouvant être pourvus par le recours à ces contrats ;
- les modalités de l’accompagnement renforcé des travailleurs handicapés, notamment en termes d’encadrement, de formation professionnelle et d’accompagnement de leur mobilité vers d’autres employeurs ;
- la présentation des moyens mobilisés pour mettre en œuvre cet accompagnement renforcé ;
- les engagements en termes d’accès et de retour à l’emploi pris par l’entreprise et les indicateurs destinés à rendre compte des actions menées et des résultats obtenus (article R.5213-64 modifié du code du travail).
En plus de détailler en quoi consiste l’accompagnement spécifique dont bénéficie l’ensemble des travailleurs handicapés employés dans les EA, le décret indique également que l’accompagnement renforcé, plus intensif, des salariés en CDD Tremplin passe notamment par un recours accru à des mises en situation de travail auprès d’employeurs et à des actions de formation dédiées à la réalisation du projet professionnel (article R.5213-66 modifié du code du travail).
Comme pour les autres emplois qu’elles offrent aux travailleurs handicapés, les EA se voient attribuer une aide financière au titre des CDD Tremplin, aide qui contribue à compenser les conséquences du handicap et l’accompagnement renforcé des travailleurs concernés. En application du décret n° 2024-99, celle-ci comprend, comme c’était le cas lors de l’expérimentation, un montant socle et un montant modulé. La valeur maximale du montant socle est fixée dans l’avenant annuel au CPOM et est calculée en multipliant le nombre d’heures de travail prévisionnelles des travailleurs handicapés signataires du CDD par un montant d’aide fixé par arrêté et revalorisé en fonction du Smic. Le montant modulé varie lui de 0 % à 10 % du montant socle. Il est déterminé chaque année par le préfet de région, en tenant compte des caractéristiques des salariés ayant signé le CDD, des réalisations en matière d’accompagnement renforcé et des résultats constatés à la sortie de l’entreprise adaptée. Là où le montant socle est versé mensuellement, le montant modulé l’est en une fois, après réception du bilan annuel d’activité de l’entreprise (article R.5213-76 modifié du code du travail).
Avec le décret n° 2024-99, une nouvelle sous-section « Entreprises adaptées de travail temporaire » est ajoutée au code du travail. C’est le préfet de région, « en tenant compte des besoins économiques et sociaux et de l’offre existante sur son territoire », qui peut conclure avec une structure présentant un projet économique et social viable en faveur de l’emploi de travailleurs handicapés un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens valant agrément en qualité d’EATT (article R.5213-86-1 nouveau du code du travail). Sont listées les informations et documents contenus dans ledit CPOM (article R.5213-86-2 nouveau du code du travail) : autorisation de l’autorité administrative et attestation de garantie financière, projet économique et social de la structure, engagements en termes d’accès et de retour à l’emploi durable, etc.
L’EATT doit mettre en œuvre pour les travailleurs handicapés qu’elle emploie un accompagnement, qui concerne également les périodes qui s’étendent entre ses contrats de mission, accompagnement qui consiste en « un parcours individualisé qui tient compte des besoins et capacités de chaque travailleur handicapé, en lui permettant de développer, en vue de son insertion, ses capacités à agir par lui-même dans son environnement professionnel » (article R.5213-86-3 nouveau du code du travail).
Quant à l’aide financière attribuée aux EATT, elle est également composée d’un montant socle et d’un montant modulé, fixés selon les mêmes modalités que dans le cadre du CDD Tremplin (article R.5213-86-5 nouveau du code du travail).


Prise effective des RTT : la charge de la preuve pèse sur l’employeur
Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation apporte une nouvelle illustration du principe selon lequel c’est toujours à l’employeur d’apporter la preuve de la prise effective par le salarié de ses jours de RTT et écarte le bulletin de paie comme moyen de preuve.
► A titre de rappel, les jours de repos concernés par le litige, appelés « jours de réduction du temps de travail » (jours de RTT ou JRTT) sont instaurés par un dispositif d’aménagement du temps de travail prévu par l’article L.3121-44 du code du travail. L’attribution de jours ou de demi-journées de repos sur l’année vise à compenser les heures travaillées au-delà de la durée hebdomadaire légale ou conventionnelle (si celle-ci est inférieure).
En l’espèce, un salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander un rappel de salaire lié à 76,89 jours de réduction du temps de travail (RTT) qu’il prétendait lui être dus mais qui n’auraient été ni pris, ni indemnisés.
Il a été débouté par la cour d’appel qui a relevé les éléments suivants : le bulletin de paye de juillet 2016 mentionnait un nombre de RTT de 76,89 jours, ce solde a été ramené à zéro sur le bulletin de paye d’août 2016 et la mention « pris » apparaissait sur le bulletin de paye de juillet 2017.
La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement des juges du fond en posant le principe que « la mention sur les bulletins de paye des jours RTT n’a qu’une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l’employeur ».
Elle écarte la valeur probante du bulletin de paye sur la prise effective des jours RTT en s’appuyant sur les règles de preuve issues du code civil et du code du travail :
- celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation (article 1353 du code civil).
Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation applique cette règle à la contestation sur la prise des jours RTT pour en déduire que c’est à l’employeur d’apporter la preuve que le salarié en a bien bénéficié (arrêt du 27 octobre 2009 ; arrêt du 9 juin 2010).
- l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye par le salarié ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat (article L.3243-3 du code du travail).
Appliquée à l’espèce, cette règle se traduit par le fait qu’en application de l’article L.3243-3 du code du travail, les jours de RTT, qui correspondent à une compensation d’heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail et qui sont ainsi assimilés à des salaires ou des accessoires de salaire, ne peuvent être considérés comme ayant fait l’objet d’une renonciation de la part du salarié du simple fait que celui-ci n’a pas protesté ou émis de réserve à la réception de ses bulletins de salaire.
► La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la valeur probante du bulletin de paie lorsqu’un salarié réclame le paiement de son salaire : l’employeur qui prétend avoir fait le nécessaire doit prouver qu’il a bien payé les sommes en cause, même s’il a délivré le bulletin de paye correspondant (arrêt du 27 novembre 2014 ; arrêt du 25 juin 2015 ; arrêt du 2 mars 2017 ; arrêt du 21 avril 2022 ; arrêt du 29 mars 2023 ; arrêt du 19 avril 2023). A défaut de preuve par l’employeur du paiement du salaire, les juges ne peuvent rejeter la demande du salarié en se fondant sur une prétendue présomption de paiement liée à l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye (arrêt du 2 février 1999 ; arrêt du 22 septembre 2010 ; arrêt du 10 avril 2013).
L’employeur devra ainsi se montrer particulièrement vigilant non seulement sur les moyens qu’il peut mettre en œuvre pour permettre au salarié de prendre ses jours de RTT de manière effective mais aussi sur les moyens de contrôle à mettre en place pour prouver la prise effective de ces jours de repos.
► Concrètement, cette preuve pourra être facilitée par le recours à un calendrier, intégré ou non dans un logiciel de gestion du temps de travail, dans lequel seront mentionnés les jours de RTT que le salarié souhaite prendre et qui lui ont été accordés et qu’il a pris.


Calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle : quand la convention collective se réfère au préavis
L’arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 2024, bien que circonscrit au champ d’application de l’avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres de la CCN des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, illustre les difficultés causées par l’introduction dans le droit du travail de la rupture conventionnelle comme mode de rupture autonome distinct du licenciement et de la démission dans l’interprétation de dispositions conventionnelles qui n’en prévoyaient pas l’existence.
Le litige portait sur le calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, dont le législateur a prévu, à l’article L 1237-13 du Code du travail, qu’elle ne peut pas être d’un montant inférieur à l’indemnité de licenciement, les partenaires sociaux ayant précisé, dans l’avenant du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, qu’elle ne peut pas être d’un montant inférieur à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale de licenciement, ce qu’a rappelé récemment la Cour de cassation (Cass. soc. 5-5-2021 n° 19-24.650).
Or, selon cette convention collective, qui était applicable aux rapports contractuels, la base de calcul de l’indemnité conventionnelle est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de «congédiement», et son montant ne peut pas être inférieur à la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le « congédiement ».
Mais le législateur n’a prévu aucun préavis dans le dispositif de la rupture conventionnelle. On sait en revanche que l’encadrement voulu par le législateur de cette modalité de rupture a conduit à imposer, d’une part, un droit de rétractation de 15 jours calendaires à compter de sa signature et, d’autre part, une homologation par l’autorité administrative, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande.
Dès lors, quel salaire de référence choisir comme étant équivalent à celui précédant le préavis dans le cas d’un licenciement ? Soit, en pratique, celui précédant la date du licenciement proprement dit.
La cour d’appel avait retenu le salaire du mois précédant la date de signature de la convention de rupture, ce qui était contesté par l’employeur, qui soutenait que le salaire à prendre en considération était celui précédant la date de la rupture fixée par la convention de rupture.
D’autres dates auraient au demeurant pu être envisagées : l’expiration du délai de rétractation précité, qui traduit le caractère définitif de la volonté de rompre le contrat pour les deux parties, ou la date d’homologation (ou d’expiration du délai d’homologation valant homologation tacite), avant laquelle la rupture ne peut intervenir de façon effective.
A noter : La créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention (Cass. soc. 11-5-2022 n° 20-21.103). Mais la détermination du salaire de référence est une question distincte tant de la naissance que de l’exigibilité de l’indemnité conventionnelle.
La Cour de cassation rejette le pourvoi (n° 22-19.165) de l’employeur et retient le salaire précédant la date de signature de la convention de rupture, en l’absence de licenciement et de signature de préavis. C’est en effet à cette date que se situe la manifestation de la volonté de rompre le contrat de travail. Cette solution présente en outre un intérêt pratique dès lors qu’elle permet aux parties, lors de la signature de la convention de rupture, de connaître l’étendue de leurs droits, et ainsi de négocier le montant de l’indemnité conventionnelle en connaissance de cause.
A notre avis : En décidant de la publication de cet arrêt assortie d’un sommaire portant sur cette question, la Cour de cassation semble suggérer que la solution peut être étendue à d’autres conventions collectives retenant un salaire de référence préalable au préavis.
